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Revue des Questions Scientifiques, 2013, 184 (3) : 351-372
Rubrique « Jeune docteur »
Gènes architectes et sexualité chez les plantes :
À la découverte des fleurs de tomate stamenless
Gwennaël BATAILLE
Doctorant au Earth and Life Institute (ELI)
Biodiversity, Université catholique de Louvain (UCL), Belgique
[email protected]
Cet article a pour but d’initier le lecteur à la génétique de la floraison, à
travers une étude menée chez un mutant de tomate (Solanum lycopersicum L.)
appelé stamenless. La génétique de la floraison est un domaine d’intérêt tant
fondamental qu’appliqué. D’une part, elle permet de mieux appréhender
l’évolution des plantes à fleurs. D’autre part, les processus de développement
des fleurs et fruits étant très liés sur le plan génétique, elle revêt également une
importance économique notable, de par l’omniprésence des graines et fruits
dans notre alimentation. Ce travail de recherche a été réalisé dans le cadre de
mon mémoire de fin d’études (Master en Biologie des Organismes et Écologie, UCL, Belgique)1 et supervisé par le docteur Muriel Quinet, au sein du
Groupe de Recherche en Physiologie Végétale (GRPV, ELI-A) de l’UCL.
L’article portera dans un premier temps sur une revue de la bibliographie
de la détermination génétique des organes floraux. Il abordera ensuite l’inté1.
Bataille G (2010) Contrôle de l’identité des organes floraux chez la tomate (Solanum
lycopersicum L.) : cas du mutant stamenless (sl). Mémoire de Master en Biologie des Organismes et Écologie, Université catholique de Louvain.
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revue des questions scientifiques
rêt du modèle d’étude employé. Seront finalement explicités plus en détails les
grands axes de ce travail de recherche, et les perspectives qu’il ouvre.
Contrôle génétique de l’architecture florale :
une histoire d’A-B-C…
Le monde végétal actuel est représenté par une écrasante majorité d’Angiospermes, ou plantes à fleurs. Le succès évolutif de ce groupe est lié à leur
sexualité. Leur reproduction dépend en effet du développement de structures
particulières, les fleurs et les fruits, à l’origine de nombreuses stratégies de reproduction et de dissémination extrêmement efficaces.
La reproduction sexuée des Angiospermes commence par la floraison et
s’achève -suite à une pollinisation efficace- par la production de fruits abritant
les graines qui donneront naissance à la génération suivante. De l’initiation de
la phase sexuée à la construction d’une fleur mature, la floraison comprend
une succession de plusieurs étapes, qui sont détaillées dans l’encart
numéro 1.
1. Les grandes étapes de la floraison
La floraison est le passage d’une plante angiosperme à un stade sexué.
Il s’agit d’un processus crucial, qui comporte plusieurs phases ordonnées
dans l’espace et le temps. Elle débute par la perception de facteurs environnementaux (tels que la photopériode et la température en région tempérée,
ou la disponibilité en eau dans les régions intertropicales) et de leurs interactions, pour permettre aux plantes de synchroniser leur floraison lorsque les
conditions sont favorables. Sont ensuite produits des signaux de floraison,
transportés dans la plante pour engager de manière irréversible le programme reproducteur de la plante (1). S’ensuivent enfin la production des
structures reproductrices (la morphogenèse florale), leur croissance et leur
différenciation (le développement floral ; 1).
L’un des processus-clé dans la production des structures reproductrices
est le contrôle de l’identité des pièces florales, sur lequel porte ce travail. Au
sein d’une fleur, on retrouve typiquement quatre types de pièces florales -ou
organes floraux-, classiquement regroupés en cycles (ou verticilles) au sein
de la fleur. De l’extérieur vers l’intérieur de la fleur, on retrouvera tout d’abord
les sépales (structures de type foliacé) et pétales (généralement plus grands
et colorés que les sépales), puis les pièces fertiles : étamines («organes mâles»,
portant le pollen) et carpelles («organes femelles», contenant les ovules).
gènes architectes et sexualité chez les plantes
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Figure 1- Le modèle ABC d’identité des organes floraux
L’expression de gènes de classe A seuls entraîne la formation de sépales. A et B
ensemble donnent des pétales. B et C, des étamines. La classe C seule, des
carpelles.
Des études réalisées chez deux plantes modèles (Arabidopsis thaliana (L.)
Heynh. et Antirrhinum majus L.) ont montré que le développement des différents organes constituant la fleur (sépales, pétales, étamines ou carpelles) était
contrôlé par une série de gènes “architectes”, également appelés gènes homéotiques (pour quelques notions de base en génétique, voir l’encart numéro 2) :
leur mutation entraîne en effet la conversion, dite homéotique, d’un ou plusieurs types d’organes en d’autres. Ces “gènes architectes” ne sont pas le propre
du règne végétal. De manière similaire, on retrouve chez les animaux bilatériens (la grande majorité d’entre eux) une famille de gènes “Hox” (gènes à
“homeobox”), qui dirigent la morphologie du corps. La mutation d’un gène
homéotique pourra par exemple, chez la mouche drosophile (Drosophila melanogaster Meigen), transformer les antennes en pattes surnuméraires
Les gènes homéotiques intervenant dans la formation de la fleur se répartissent en trois grandes classes de gènes, qui sont la base du ‘modèle ABC’ de
détermination génétique des organes floraux (2 ; par la suite étendu et renommé modèle ABCDE). Chacune de ces classes de gènes exerce une fonction différente, mais agit de manière combinée avec les autres : la fonction A
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revue des questions scientifiques
seule spécifie la formation des sépales, la combinaison A/B contrôle l’identité
des pétales, la combinaison B/C contrôle l’identité des étamines, et la fonction
C seule spécifie la formation des carpelles (Figure 1). En outre, les gènes de
fonctions A et C ne peuvent être exprimés au sein d’un même cycle, car ils
possèdent une action antagoniste les uns envers les autres. La mutation d’un
gène d’identité des organes floraux entraîne une conversion homéotique, à savoir le développement d’un organe à une place normalement occupée par un
autre type d’organe. Par exemple, la mutation d’un gène de classe B entraîne
l’apparition de sépales au lieu de pétales et de carpelles en lieu et place des étamines. Selon l’équipe de Busi (3), ces gènes homéotiques pourraient également
intervenir lors du développement du fruit, qui fait suite à la floraison (le fruit
résulte de la croissance de l’ovaire après pollinisation). Les programmes développementaux des fruits et graines constitueraient en fait une continuité du
programme floral, dépendant d’une pollinisation et fertilisation efficaces.
2. Gène, mutant… Quelques notions de base en génétique
On peut définir un gène simplement de la manière suivante : «portion
d’ADN exerçant une fonction -au sein d’un organisme vivant-, généralement
par le biais d’une protéine». L’ADN est constitué d’une suite de petites sousunités appelées désoxyribonucléotides (ou plus simplement nucléotides), qui
peuvent être de 4 types, en fonction de leur base azotée, à savoir : adénine (A),
cytosine (C), thymine (T) ou guanine (G). Une suite de trois nucléotides est appelée codon, et c’est la succession de ces différents codons qui constitue la
base de l’information contenue dans un gène.
Lorsqu’un gène est exprimé (qu’il exerce sa fonction), sa séquence de nucléotides est d’abord transcrite en une molécule intermédiaire similaire (l’ARN),
et finalement traduite en une protéine. À chaque codon sera attribué un acide
aminé correspondant, dont la succession déterminera la protéine produite.
Cette protéine jouera ensuite son rôle au sein (ou à l’extérieur) des cellules ; il
peut s’agir d’un rôle structurel, ou la protéine peut également contrôler certaines étapes du métabolisme ou du développement.
Des mutations géniques sont des changements dans la séquence nucléotidique d’un gène, ce qui peut altérer ou même empêcher sa fonction. Il résulte de ces mutations que plusieurs variantes -ou allèles- peuvent exister
pour un même gène. Chaque organisme comprend classiquement deux copies (et donc, deux allèles) du même gène. S’il comprend deux versions identiques, l’individu sera dit homozygote ; s’il en comprend deux différentes (un
allèle «sauvage» et un autre «muté»), il sera dit hétérozygote. Le profil en allèles d’un organisme (pour un ou plusieurs gènes) forme ce que l’on appelle
son génotype. Celui-ci déterminera, en interaction avec l’environnement, son
phénotype, qui est l’ensemble de ses traits observables (couleur, forme, capacité à synthétiser ou non certains composés).
gènes architectes et sexualité chez les plantes
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L’évolution végétale au regard du modèle ABC
Bien que basé sur deux organismes modèles (Arabidopsis thaliana et Antirrhinum majus), les bases du modèle ABC restent globalement d’application
chez la majorité des Angiospermes, avec quelques nuances selon les groupes.
On retrouve ainsi des équivalents homologues des gènes d’identité des organes floraux d’Arabidopsis chez l’ensemble des groupes d’Angiospermes étudiés, mais il existe quelques différences dans leurs patterns d’expression pour
certaines fonctions, liées à une grande diversité de structure et d’organisation
florale (4).
On retrouve par exemple chez les Angiospermes les plus primitives une
disposition en spirale des pièces florales, associée à une transition graduelle
d’un type d’organe en un autre, tandis que la majorité des fleurs actuelles
montrent une organisation en cycles bien délimités, d’organes distincts. Ou
encore, de nombreuses Angiospermes (notamment le grand groupe des monocotylédones) présentent des sépales et pétales non-distincts (c’est-à-dire
qu’ils expriment le même programme développemental), et regroupés sous le
terme de tépales.
Des duplications des gènes d’identité des organes floraux pourraient
avoir joué un rôle important dans l’origine des plantes à fleurs et leur diversification, par sous- ou néo-fonctionnalisation des gènes dupliqués, facilitant
ainsi la diversification et l’innovation des programmes de reproduction pour
permettre la formation de la fleur (revu dans 4). Pour de nombreux gènes
homéotiques chez les Gymnospermes (groupe antérieur aux plantes à fleurs,
et regroupant conifères et autres plantes à graines), on retrouve ainsi deux
équivalents chez les Angiospermes, et les données génomiques suggèrent
qu’un évènement de duplication totale du génome aurait précédé l’origine des
plantes à fleurs et serait ainsi à l’origine de la radiation évolutive du groupe.
D’autres évènements de duplication des gènes d’identité des organes floraux
se sont produits plus tard dans l’évolution des Angiospermes, par exemple à la
base du groupe très diversifié du « noyau des eudicotylées », peut-être encore
à partir d’une duplication complète du génome.
On le voit, pour comprendre la formation et l’évolution des fleurs – qui
se révèlent d’une importance déterminante pour appréhender le succès évolutif du groupe des Angiospermes – il s’avère déterminant de passer par les gènes
de développement impliqués (cette discipline est appelée evo-devo), et d’inves-
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revue des questions scientifiques
tiguer leurs fonctions. La tomate (Solanum lycopersicum L.) pourrait à ce sujet
constituer un meilleur modèle qu’Arabidopsis et Antirrhinum, qui ont toutes
deux perdu plusieurs représentants des gènes d’identité des organes floraux.
La tomate : un modèle intéressant à bien des niveaux
La tomate, Solanum lycopersicum L. (anciennement Lycopersicon esculentum Mill.), est une plante pérenne de la famille des Solanacées, tout comme
d’autres plantes cultivées (pomme de terre, poivron, tabac, pétunia, ……), originaire d’Amérique du Sud. De culture facile, elle possède un cycle de vie
relativement court (le premier fruit mûr étant obtenu environ quatre mois
après la germination), et supporte de nombreuses manipulations horticoles, ce
qui en fait un bon modèle de recherche.
Légume le plus consommé dans le monde après la pomme de terre (5),
elle revêt également une importance économique notable, de sorte que des
études fondamentales sur ce modèle peuvent potentiellement amener des découvertes utiles en amélioration végétale.
Enfin, son petit génome (séquencé et publié en mai 2012 ; 6), la disponibilité de nombreux mutants (7), et le développement de ressources génomiques (telles les cartes génomiques, ESTs et micro-arrays) en font un outil
particulièrement intéressant notamment pour l’étude de la floraison (Lozano
et al., 2009). De nombreux mutants affectant entre autres l’identité des organes floraux sont disponibles chez la tomate, mais le rôle des gènes affectés et
les relations entre ceux-ci restent encore mal connus.
C’est dans ce cadre qu’a été menée cette étude, se focalisant sur un mutant appelé stamenless.
gènes architectes et sexualité chez les plantes
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Figure 2 – Fleur de type sauvage (“wild-type”, à gauche) et fleur du mutant
stamenless (sl, à droite).
Présentation du modèle d’étude : le mutant stamenless
Parmi les mutations affectant l’identité des organes floraux chez la tomate, on retrouve stamenless2 (ou sl en abrégé). Les plantes mutantes sl sont
caractérisées par une transformation homéotique des organes des 2ème et 3ème
verticilles : pétales en sépales, et étamines en carpelles (stamenless signifiant
«sans étamines» ; voir Figure 2). Ce profil est caractéristique des mutants de
classe B de gènes homéotiques, la fonction B spécifiant la formation des pétales et étamines. Dépourvu d’étamines, stamenless présente donc une stérilité-mâle. Il montre également une certaine tendance à la parthénocarpie, le
développement de fruits en l’absence de pollinisation et fécondation. En
conséquence, les fruits résultants sont sans graines. De manière intéressante,
ceci est en accord avec l’hypothèse développée par l’équipe de Busi (3) concernant la réutilisation des gènes homéotiques pour le développement du fruit.
Stérilité mâle et parthénocarpie constituent deux caractéristiques du mutant présentant un intérêt. L’intérêt de la stérilité mâle en agriculture est lié à
l’utilisation de plants hybrides dans les cultures en champs, qui a été l’une des
plus importantes avancées en agriculture au cours des dernières années. Les
2.
Par convention, le nom d’un gène est écrit en majuscules et italique, tandis que celui
d’un mutant s’écrit en minuscules et italique. Le nom d’une protéine est écrit simplement en majuscules (mais pas en italique).
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revue des questions scientifiques
hybrides se montrent en général plus résistants aux insectes et maladies, et
possèdent une adaptabilité à l’environnement plus large, ainsi que des capacités de croissance supérieures, amenant au final à un meilleur rendement. La
stérilité mâle est particulièrement intéressante pour les croisements, car elle
empêche l’autopollinisation des plantes et ne fait pas appel à une émasculation manuelle des plants, pouvant s’avérer fastidieuse. Dans cette optique, la
stérilité mâle par conversion homéotique des étamines semble prometteuse,
car elle empêche toute production de pollen d’une part, et pourrait s’avérer
réversible via certains traitements (comme l’application de certaines hormones) d’autre part, permettant ainsi le maintien du gène dans un état homozygote (8).
La parthénocarpie – développement de fruits sans fécondation – permet
quant à elle de prévenir une perte de rendement lorsque les conditions sont
mauvaises. Chez la tomate, tout comme de nombreuses autres espèces, la formation du pollen et la pollinisation sont en effet extrêmement sensibles à des
fluctuations modérées de température et d’humidité (9). En outre, de nombreux fruits consommés actuellement sont parthénocarpiques. On peut penser notamment à la poire Conférence, à la banane Cavendish, à la clémentine,
aux raisins sans pépins, ou encore au concombre.…
Que se passe-t-il chez stamenless ?
Nous l’avons vu, les plants stamenless affichent des traits typiques d’une
mutation dans un gène homéotique de classe B. Néanmoins, on retrouve chez
la tomate quatre homologues de classe B, contre deux seulement chez Arabidopsis et Antirrhinum : Tomato APETALA3 (TAP3), Tomato MADS box gene
6 (TM6), Tomato PISTILLATA (TPI), et Solanum lycopersicum GLOBOSA
(SlGLO). De plus, ces gènes ne peuvent agir seuls ; d’autres acteurs sont également nécessaires. La mutation d’un gène en amont des gènes homéotiques
dans une voie de régulation peut par conséquent présenter le même type de
conversion… Aussi, un premier objectif de ce mémoire était donc l’identification du gène muté.
Grâce à la technique du séquençage, la mutation stamenless a pu être déterminée avec précision. Nous avons ainsi mis en évidence qu’elle était survenue dans le gène TAP3, et résultait d’un raccourcissement de la protéine
exprimée, qui ne pouvait dès lors plus exercer sa fonction.
gènes architectes et sexualité chez les plantes
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Ce qui suit est plus une discussion des données de la littérature en lien
avec nos résultats qu’une présentation des expériences réalisées. Beaucoup
d’hypothèses sont ici formulées, qu’il reste encore à vérifier. Au cours de ce
travail, le mutant a bien sûr été caractérisé. Nous avons cherché à mettre un
peu d’ordre parmi la diversité de mutations connues au phénotype similaire.
Une emphase particulière a été mise sur la part environnementale dans les
conversions homéotiques (et notamment leur réversibilité). En outre, nous
avons cherché à voir si la mutation pouvait avoir des effets plus étendus que ce
qui était habituellement décrit dans la littérature. Enfin, le développement de
fruits sans graines a également été abordé, au vu de l’intérêt qu’il présente en
agriculture.
Une protéine chez stamenless apparaît non-fonctionnelle
Un autre mutant stamenless a été décrit en détail par l’équipe de Gomez
(10). Bien que de même nom que le nôtre, nous avions néanmoins des raisons
de penser qu’il s’agit d’une autre mutation (celle-ci n’étant pas caractérisée au
niveau de la séquence, et présente dans un autre cultivar) et avons donc décidé
d’également caractériser notre mutant.
Au niveau des organes du deuxième cycle, nous avons toujours observé
une conversion totale des pétales en sépales chez nos mutants. L’observation
des fleurs sous binoculaire a révélé que les organes du troisième verticille -formant normalement des étamines- étaient parfaitement semblables à des carpelles, fusionnant aux carpelles «vrais» et formant comme eux des ovules.
Ceci résultait en un pistil (ensemble des carpelles fusionnés) plus large que la
normale. En outre, ces carpelles surnuméraires contribuaient à la formation
des fruits. Sur base de nos expériences, la conversion homéotique apparaissait
donc comme complète. Ceci est tout à fait en accord avec les prédictions
d’une protéine tronquée incapable d’exercer sa fonction.
Chez l’équipe de Gomez (10), la mutation stamenless n’est pas décrite
comme totale : les organes du 2ème verticille conservent l’apparence globale de
pétales, mais présentent quelques caractéristiques sépaloïdes ; les organes du
3ème verticille ne sont que presque totalement transformés en carpelles. Ce
phénotype intermédiaire fait davantage penser à ce qui se produirait si l’on
avait production d’une protéine fonctionnelle, mais en très faible quantité.
Ceci pourrait être dû à :
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revue des questions scientifiques
–la stabilité de la protéine (peu de protéines adoptent une bonne configuration tridimensionnelle pour exercer correctement leur fonction) ;
–la capacité de la protéine à exercer sa fonction (les protéines produites
se fixent moins bien à la région d’ADN qu’elles régulent, ou interagissent moins bien avec d’autres protéines) ;
–la quantité de protéine produite (insuffisante que pour exercer complètement sa fonction).
Si seule une faible quantité de protéines fonctionnelles est produite, les
effets de conversion phénotypique peuvent se révéler presque aussi sévères
qu’en absence totale de protéines capables d’exercer leur fonction. Néanmoins,
une quantité suffisante de protéines TAP3 normales est présente pour entraîner des effets visibles au niveau morphologique. C’est ce que l’on observe chez
les plants hétérozygotes de notre mutant sl, où certaines fleurs peuvent parfois
présenter un phénotype intermédiaire. Ceci démontre qu’un seul allèle sauvage de TAP3 peut être insuffisant pour un développement floral correct (effet
de codominance). La quantité de protéines TAP3 fonctionnelles apparaît primordiale.
Il semblerait a priori que deux mutations «stamenless» différentes (mais
probablement survenues dans le même gène) aient été décrites à l’origine séparément ou aient été regroupées sous la même appellation suite à des croisements et/ou comparaisons de phénotypes. Des études ultérieures sur la
séquence du mutant stamenless investigué par l’équipe de Gomez (10) devraient permettre d’éclaircir ce point.
Plusieurs mutations dans le même gène ont des effets d’amplitude
différente
Outre les deux mutants «stamenless» dont nous venons de parler, de nombreux autres mutants au phénotype similaire ont été décrits. Parmi eux, plusieurs font partie de la même «série allélique», c’est-à-dire qu’ils forment des
versions différentes du même gène (11). Bien que ces mutants présentent tous
une conversion des pétales et étamines en sépales et carpelles (respectivement), celle-ci se fait à des niveaux très variables entre mutants. Une fois encore, ce «gradient» de conversions peut s’expliquer par des allèles plus ou
moins «forts» du gène. Par exemple, la protéine est produite en quantité légèrement insuffisante, donnant des organes globalement bien formés, mais avec
quelques défauts. Tandis que chez un autre mutant, la protéine ne peut se
gènes architectes et sexualité chez les plantes
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replier correctement -à de rares exceptions près- menant à un phénotype
proche de celui de notre mutant.
Il serait utile de séquencer le gène TAP3 chez ces autres mutants afin de
décortiquer les effets de chaque mutation ; ceci donnerait certainement lieu à
des idées intéressantes d’expériences ultérieures.
Un déterminisme sexuel aussi influencé par l’environnement
Nous l’avons vu, des différences génétiques au niveau d’un même gène
peuvent mener à un véritable gradient de phénotypes. Il est cependant à noter
qu’un génotype ne détermine jamais l’apparence d’un individu à lui seul ;
chaque phénotype est le résultat de l’interaction entre génotype d’une part et
environnement d’autre part. Les mutants du gène TAP3 n’échappent pas à
cette règle. Ainsi, le mutant sl de l’équipe de Gomez (10) présente une certaine réversibilité de phénotype en culture à basses températures, ou suite à
l’application de gibbérelline, une famille d’hormones végétales. Chez sl-2, un
allèle plus «faible» du gène, des résultats similaires ont été obtenus (12). Une
culture sous haute température ou l’application d’auxine (un autre type de
phytohormone) permettent même l’effet inverse, avec accentuation des
conversions homéotiques. Dans nos conditions de culture, le mutant sl-2 présentait un développement d’étamines rudimentaires, très courtes. Ce phénotype n’a à notre connaissance pas été décrit pour ce mutant, montrant une fois
de plus combien l’environnement peut influencer le développement floral.
Cette influence des hormones végétales sur le sexe des structures florales
n’est pas un cas isolé. Par exemple, le concombre cultivé (Cucumis sativus L.)
présente des fleurs exclusivement femelles, augmentant ainsi les rendements
en fruits. Des pulvérisations de gibbérellines permettent le développement de
fleurs mâles, pour la production de graines (13).
L’effet des températures pourrait être lié directement aux taux d’hormones. On observe en effet plus de gibbérellines dans les bourgeons floraux
des plantes de tomates lorsqu’elles croissent en conditions de basses températures (10). En conditions de hautes températures, par contre, on n’observe une
augmentation des taux d’auxine que chez des plants mutants sl-2, pas chez le
type sauvage (14). Et même à température basse, on constate une plus grande
concentration d’auxine chez ce mutant, au niveau des étamines et des feuilles.
362
revue des questions scientifiques
Les phytohormones semblant impliquées dans le développement des organes floraux, il est intéressant de se demander quelle position elles occupent
dans la régulation des gènes agissant lors du développement de ces pièces
florales. Ces hormones végétales pourraient agir :
–en amont de gènes homéotiques tels TAP3, en contrôlant leur expression ; ceux-ci contrôlant à leur tour l’expression des gènes impliqués dans la formation des pièces florales
–comme intermédiaires entre gènes homéotiques et leurs cibles
–en permettant le recrutement d’autres gènes homéotiques (la réversibilité de phénotype chez sl ou sl-2 serait alors due à la surexpression
d’un autre gène homéotique de classe B)
Afin d’investiguer le lien entre les hormones végétales et le gène TAP3,
nous avons réalisé des traitements hormonaux sur les fleurs de sl en développement. Nous l’avons vu, la protéine TAP3 est de toute évidence non fonctionnelle. Pourtant, des réversions partielles de phénotype (formation
d’étamines) ont pu être observées suite à des traitements aux gibbérellines
(résultats non publiés). Ces résultats montrent donc que la réversion de phénotype n’implique pas (ou ne se limite pas à) une simple surexpression du
gène TAP3, puisque la protéine produite est non-fonctionnelle. Une explication simple serait que les phytohormones (et plus particulièrement, les gibbérellines) agissent en aval des gènes homéotiques (ici, TAP3), comme
intermédiaires avec leurs gènes-cibles. Mais les choses se doivent d’être plus
complexes…
Il est en effet intéressant de noter qu’un traitement aux gibbérellines chez
la tomate induit la surexpression de nombreux gènes homéotiques (un rôle en
amont, donc), dont un homologue de TAP3 : TM6 (10). L’équipe de de Martino (15) a par ailleurs observé qu’une surexpression du gène TM6 chez un
mutant tap3 permettait une récupération de phénotype (bien qu’incomplète).
Les différences de fonction de ces deux gènes seraient, selon eux, liées à leurs
zones d’expression différentes lors du développement des pétales et étamines,
ainsi qu’à des différences d’affinité de leurs protéines pour les mêmes protéines partenaires. Sur base de ces observations, nous pouvons donc formuler
l’hypothèse selon laquelle la protéine TM6 surexprimée serait capable de se
substituer à TAP3, dans des zones de la fleur qui lui sont normalement spécifiques, et de remplacer sa fonction.
gènes architectes et sexualité chez les plantes
363
Ce travail ouvre la porte à de nouveaux questionnements. Pour comprendre plus en détails les mécanismes moléculaires sous-jacents, le rôle et la
position de chaque acteur dans la détermination du type d’organes floraux
formés, il serait intéressant au cours des recherches futures d’étudier les hormones végétales (en particulier auxines et gibbérellines) :
–en amont des gènes homéotiques : en étudiant les niveaux d’expression
des gènes homéotiques -en particulier TAP3 et TM6- suite aux traitements hormonaux, mais également la localisation d’expression de ces
gènes, par des analyses d’expression in situ
–en aval : en comparant les niveaux relatifs d’hormones végétales chez sl
et le type sauvage, pour avoir une idée de l’influence des gènes homéotiques sur les phytohormones
Mais également de réaliser une étude comparative avec d’autres mutants,
en particulier sl-2.
Les recherches sur stamenless sont toujours en cours à l’heure actuelle.
Espérons qu’elles donnent des résultats probants.
Le gène TAP3 interviendrait-il aussi dans la formation d’autres
organes floraux ?
Le modèle ABC postule que chaque classe de gènes homéotiques présente une expression limitée à des verticilles floraux caractéristiques. Ainsi, les
gènes de classe B, comme TAP3, sont exprimés au niveau des 2ème et 3ème verticilles. Néanmoins, l’expression de ces gènes peut s’étendre dans d’autres
cycles de la fleur, par exemple au niveau des ovules (plus tard dans le développement floral), où ils pourraient exercer d’autres rôles, telle une répression du
développement du fruit.
Nous avons donc investigué plus en détails si TAP3 exerçait également
d’autres rôles dans la floraison. La mutation sl ne semble pas avoir d’effets
pléiotropiques (supplémentaires) sur le temps de floraison et la structure de
l’inflorescence. L’examen attentif de coupes histologiques à plusieurs stades de
développement de la fleur montre par ailleurs que les différences n’apparaissent pas avant la différenciation des organes floraux. Toujours dans le sens
d’une action limitée de TAP3, aucun effet significatif ne put être détectée sur
364
revue des questions scientifiques
les niveaux d’expression de six autres gènes homéotiques testés chez sl (fonction A (supposée) : TM4 ; B : TM6, TPI ; C : TAG1 ; E : TAGL2, TM5). Seule
une légère influence put être observée sur le gène MC (fonction A) ; ces résultats doivent encore être confirmés.
Cette influence possible de la mutation de TAP3 sur l’expression d’un
gène de classe A, MACROCALYX (MC) pourrait être à mettre en relation
avec des modifications observées au niveau des organes du 1er cycle floral :
chez nos mutants sl, les organes des 1er et 2ème verticilles floraux, qui devraient
tous deux former des sépales, présentent en effet des différences de taille importantes. Chez nos plants sl-2, à l’inverse, les sépales sont très effilés. Les
gènes de classe B dont TAP3 fait partie n’étant pas exprimés au niveau du 1er
verticille floral, il est surprenant de constater un tel effet phénotypique. Les
gènes de classe A dont fait partie MC contrôlent quant à eux l’identité des
organes en formation au niveau de ce 1er cycle ; il s’agit donc là d’une piste
intéressante à creuser.
Enfin, on observe chez sl une certaine tendance au développement de
petits organes carpelloïdes surnuméraires, jusque-là inexpliquée.
Le mutant stamenless tend à former des fruits sans graines
Une dernière caractéristique particulièrement intéressante du mutant stamenless est sa tendance naturelle à développer des fruits sans graines, un phénomène appelé parthénocarpie. Ce développement de fruits parthénocarpiques
est également mentionné par l’équipe de Gomez (10), et se retrouve aussi chez
les mutants des gènes TAP3 et TM6 en absence de pollinisation (15).
L’étude de la parthénocarpie mêle le fondamental à l’appliqué. Les plantes
parthénocarpiques constituent un outil permettant d’investiguer les mécanismes moléculaires impliqués dans le développement des fruits. Ces études
revêtent donc une importance notable pour l’amélioration végétale, afin
d’augmenter les rendements lorsque les conditions ne permettent pas une pollinisation efficace, ou encore de former des fruits sans graines, très appréciés
des consommateurs.
Les fruits sont des structures résultant de la croissance des ovaires de la
fleur, et qui protègent les graines tout en facilitant leur dispersion. De manière
gènes architectes et sexualité chez les plantes
365
globale, le développement d’un fruit doit donc faire suite à une pollinisation
efficace, qui mènera à la formation d’embryons contenus dans les graines.
Fructifier avant pollinisation constituerait une perte importante d’énergie
pour la plante, et il n’est donc pas étonnant que l’évolution ait mis au point
des mécanismes permettant de limiter le développement des fruits aux seules
fleurs fécondées.
On retrouve ainsi au sein des ovaires un complexe de répresseurs de la
mise à fruit (16 ; Figure 3). La fécondation d’un ovule est accompagnée de la
libération soudaine d’une grande quantité d’auxine en provenance du grain
de pollen, ce qui a pour effet de disloquer ce complexe répresseur, et permet
ainsi le développement du fruit. Il a également été proposé que les étamines
agissent comme régulateurs négatifs de la croissance des ovaires avant la pollinisation (17). Enfin, le développement normal du fruit est permis grâce aux
gibbérellines produites par les graines en développement (revu dans 18). Une
augmentation artificielle des niveaux de certaines hormones végétales, auxines ou gibbérellines, peut ainsi substituer une pollinisation et entraîner un
développement du fruit (19).
Par conséquent, la parthénocarpie chez sl pourrait s’expliquer de différentes façons :
–TAP3 pourrait faire partie du complexe répresseur présent au sein des
ovules (20). L’absence d’une protéine TAP3 fonctionnelle chez sl se traduirait ainsi par une absence de répression de la fructification
–le mutant sl ne présente pas d’étamines, qui ne peuvent donc pas réprimer la fructification
–des niveaux d’hormones anormaux (auxines ou gibbérellines, par
exemple) chez sl stimuleraient le développement du fruit
Enfin, certaines formes de parthénocarpies s’accompagnent de la formation de structures similaires à des graines mais ne résultant pas d’une
fécondation : les pseudo-embryons (voir par exemple : 21,22).
Dans l’espoir de mettre un peu d’ordre parmi ces informations, nous
avons à nouveau réalisé des traitements hormonaux sur nos plants, mais
cette fois sur les fleurs en anthèse (ouvertes), afin d’observer leurs effets sur
le développement des fruits. Nos résultats furent cependant peu concluants.
Bien qu’une augmentation des taux de fructification put être observée (sé-
366
revue des questions scientifiques
vère lors du traitement aux gibbérellines, légère dans le cas d’un traitement
aux auxines), aucune différence morphologique ne put être mise en relation à une hormone spécifique, que ce soit chez les plants mutants ou nonmutants.
gènes architectes et sexualité chez les plantes
Figure 3 – Schéma simplifié des principaux acteurs impliqués dans le
développement du fruit (inspiré de 22)
Avant pollinisation, un ensemble de protéines forme un complexe répresseur de gènes
impliqués dans la réponse aux auxines. TAP3 pourrait faire partie de ce complexe. Un
rôle répresseur des étamines sur le développement du fruit a également été proposé.
Après pollinisation, l’apport d’auxine en provenance du grain de pollen induit la
dégradation du complexe répresseur, ce qui permet aux gènes de réponse aux auxines
d’ être exprimés. Ceux-ci, tout comme les graines en formation, vont contribuer à la
synthèse de gibbérellines. L’action inhibitrice supposée des étamines n’est plus suffisante,
et l’action des gibbérellines mène au développement du fruit.
Les croix foncées indiquent les acteurs manquant chez sl, qui pourraient expliquer sa
tendance à la parthénocarpie.
367
368
revue des questions scientifiques
Ainsi, dans tous les cas, les fruits formés par les plants sl étaient très similaires entre eux : les deux cycles de carpelles contribuent au développement
des fruits, tandis que les deux cycles de sépales persistent (Figure 4) ; là encore, la conversion des organes floraux parait complète. Les fruits de tomate
présentent habituellement une gelée abondante, entourant les graines (ou à
défaut, les pseudo-embryons), mais nous n’avons jamais pu observer formation de gelée chez les fruits de mutants sl. Nous n’avons pas non plus pu observer la présence de ces fameux pseudo-embryons...
Chez une plante du genre Hieracium, la répression d’un gène de classe B
est corrélée à l’initiation du développement de graines en absence de fécondation (23). Chez pat-2, un mutant de tomate parthénocarpique présentant des
pseudo-embryons, on constate une diminution d’expression similaire d’un
gène de classe B (peut-être TAP3), lors de l’anthèse (lorsque la fleur s’ouvre ;
20). Mais si une répression de TAP3 permettait la formation de pseudo-embryons, pourquoi n’observe-t-on pas ces structures dans les fruits de sl ?
Figure 4- Fruit parthénocarpique développé par un mutant stamenless.
Enfin, chez sl-2, mutant allélique de sl, il est possible que le fait de n’avoir
jamais observé le développement d’un fruit parthénocarpique (20) soit dû à la
présence d’une quantité suffisante de protéine TAP3 fonctionnelle inhibitrice.
On le voit, de nombreuses énigmes persistent. Pour répondre à certaines
d’entre elles, il pourrait être intéressant d’investiguer quelques pistes au cours
de recherches futures :
– en étudiant la morphologie des fruits sl résultant d’une fécondation,
éventuellement après retrait des carpelles en surnombre (pour faciliter
gènes architectes et sexualité chez les plantes
369
les comparaisons), observe-t-on le développement de gelée autour des
graines, malgré l’absence de protéine TAP3 fonctionnelle, ou les fruits
sont-ils toujours entièrement charnus ?
–la surexpression de TAP3 dans les ovules d’une plante au fond génétique sl (sans étamines) permet-elle toujours la parthénocarpie ?
–l’enlèvement des étamines d’une plante sl-2 permet-il la parthénocarpie ?
–peut-on assister au développement de pseudo-embryons (voire de
graines) dans des plants transgéniques chez qui TAP3 est réprimé au
sein des ovules ?
Que nous apprend un mémoire de fin d’études sur la génétique
de la floraison ?
Ce mémoire de fin d’études a été pour moi très enrichissant. Grâce à
lui, j’ai pu m’exercer à une multitude de techniques importantes en biologie.
En développant mon sens de la réflexion, de la confrontation, et mon esprit
critique, ce projet a nourri en moi le goût de la recherche. Mais outre ses
qualités formatives, ce travail m’a également permis de m’initier au monde
fascinant de la génétique de la floraison.
La tomate (Solanum lycopersicum L.), en plus de son importance économique, constitue un outil de recherche intéressant en génétique, et notamment dans ce domaine. Il s’agissait donc d’un modèle de choix pour
cette étude. L’architecture d’une fleur est déterminée par la combinaison
d’expression de trois groupes de gènes d’identité des organes floraux : A, B, et
C. Ainsi, la mutation d’un gène homéotique de classe B entraîne la formation
de deux cycles de sépales et deux cycles de carpelles au lieu de l’habituelle
succession sépales-pétales-étamines-carpelles. C’est le cas du mutant de tomate stamenless, chez qui nous avons pu montrer que la mutation impliquait
le gène TAP3 (Tomato APETALA3) et consistait en la formation d’une protéine tronquée et non-fonctionnelle.
Mais de toute évidence, le rôle des gènes de classe B ne s’arrête pas à la
formation des pétales et étamines…… Ils interviendraient également d’une
manière ou d’une autre dans la répression du développement du fruit, voire
370
revue des questions scientifiques
même -chose tout aussi intéressante en agronomie- dans le développement de
graines (ou pseudo-embryons) en absence de pollinisation !
De nombreux points restent encore obscurs à ce jour concernant le fonctionnement de ces gènes architectes. De nombreuses mutations ont été décrites, avec des phénotypes semblables de conversion des organes floraux,
mais peu de choses sont connues sur l’origine des différences entre ces mutants. L’influence de l’environnement, notamment la température, est une
chose, mais des facteurs génétiques sont une autre pièce du puzzle qu’il nous
reste encore à découvrir et assembler. L’action de ces gènes homéotiques est de
toute évidence très liée aux hormones végétales, mais les interactions entre ces
acteurs semblent complexes. Pour les investiguer, la réversibilité de phénotype
tout comme le développement du fruit constituent des sujets des plus intéressants pour les recherches futures.
À côté du simple modèle ABC d’identité des organes floraux -dont les
bases semblent d’application pour toutes les plantes à fleurs- la nature reste
complexe. Mais une chose est sûre : les gènes homéotiques ont joué un rôle
crucial dans l’origine et la diversification des fleurs et des fruits, qui gouvernent la sexualité et l’évolution des plantes à fleurs.
La tomate a conservé au cours de l’évolution des représentants des différentes lignées de gènes homéotiques provenant d’anciens évènements de duplication, et constitue à ce titre un meilleur modèle d’étude qu’Arabidopsis et
Antirrhinum. Les recherches menées par le Dr. Quinet et l’équipe du Groupe
de Recherche en Physiologie Végétale de l’UCL continuent à ce jour et devraient permettre de répondre à nombre d’interrogations.
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