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RAPPORT SUR L’EPREUVE ECRITE 2016 DE FRANCAIS DU CONCOURS DEUG
Deux cent cinquante-six étudiants ont composé et ont obtenu une moyenne globale de
08,203 — et ce, selon un écart-type de 03,215. Comme il ressemble à celui de l’année
précédente, nous ferons donc le même constat : le millésime 2016 n’est pas un mauvais cru.
Les résultats sont d’ailleurs beaucoup plus homogènes que pour les sessions antérieures.
Cela tient sans doute au thème du texte, plus familier aux étudiants que certains autres
sujets abordés auparavant, même s’il nous faut regretter les développements plus convenus
de la question 4, ce qui est peut-être le revers (l’autre revers !) de la daille de la réalité
familière qu’est l’apport « du numérique » dans nos vies…
RÉSUMÉ
Le texte, qui développait diverses considérations critiques et surtout employait un
vocabulaire spécifique (linguistique et technologique) étendu, était plutôt difficile à résumer.
Ce ne sont pas, de ce fait, les attendus méthodologiques qui ont posé le plus de
problèmes aux candidats. La méthodologie de l’exercice, en effet, s’avère globalement assez
bien maîtrisée.
L’énonciation a été bien respectée, à l’exception de rares copies qui proposaient une
version au futur du texte d’origine. Ce ne sont, également, que quelques résumés qui
réfèrent à « Alexandre Moatti » ou écrivent « d’après Alexandre Moatti », ou qui reprennent
les sous-titres proposés par le texte. Ajoutons, à ce propos, qu’il n’y a pas à rédiger de
phrase d’introduction à un résumé.
Peu d’erreurs ont été commises dans le compte des mots et il y a eu peu de pénalités de
dépassement. En revanche, trop de candidats oublient d’indiquer par des barres dans leur
texte quand ils arrivent à 50 et 100 mots. Faut-il rappeler à ce propos la nécessité de se
conformer aux consignes ?
Les faiblesses les plus patentes viennent, d’une part, des reformulations. La recherche
(toujours quelque peu abusive) de synonymes a mené à des erreurs : ainsi, « numérisation »
remplace de façon très impropre « numérique » ou « informatique ». L’on note beaucoup
trop d’emprunts au texte, notamment à des expressions spécifiques (comme « dinosaures »,
« dualité informatique-numérique », « numérique-épouvantail », ou même « l’usage fait
l’économie du substantif » !), ainsi qu’à des exemples (« téléphone portable », « CD »,
« DVD »). Si l’on pouvait, certes, tolérer la reprise de certains termes pour lesquels il ne
pouvait y avoir que de mauvais équivalents (nous indiquons en gras dans notre propre
résumé certains termes repris au texte), tout excès de reprises ou tout montage de citations
est à prohiber. Certaines citations ont d’ailleurs été déplacées par rapport à l’ordre originel
du texte, par exemple du milieu au début, ce qui contrevient à un autre principe intangible
du résumé, celui de respecter l’ordre des idées. Rappelons, également, qu’il est interdit
d’ajouter ses propres commentaires au propos de l’auteur, ou de broder à son sujet
(quelque pertinent que puisse être ce type d’ajout !) : « L’usage de plus en plus répandu du
substantif "numérique" pourrait figurer dans la novlangue de Big Brother tant il obscurcit le
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propos », écrit ainsi un candidat ; ou : « On différencie alors le format numérique du
numérique (et j’écris ce "du" avec dédain) symbolisant les peurs », s’autorise tel autre…
C’est, d’autre part et avant tout, le contenu du texte et sa portée critique qui ont posé le
plus de difficultés. Trop souvent, en effet, les résumés évoquent le numérique en général et
gomment la réflexion sur l’emploi du terme, ce qui était pourtant l’apport essentiel de la
réflexion d’Alexandre Moatti. Aussi le passage sur l’économie a-t-il été assez peu compris, au
point même que beaucoup l’ont occulté. Or, les trois premières questions avaient trait audit
passage, manière de guider le candidat et de le sensibiliser à cette dimension !
Bien des rédacteurs se sont perdus dans des détails. Plusieurs copies se sont focalisées
sur le Conseil national du numérique (« Le Conseil national du numérique qui s’occupe de
l’économie numérique a désigné celle-ci par le terme numérique dans un texte réglementaire,
retirant toute son importance à l’économie »), et une copie a repris la référence à Jean-Louis
Charbonnier (« Le numérique a l’avantage sur les TIC comme l’a remarqué Jean-Louis
Charbonnier »). En revanche, la conclusion du texte, importante, a souvent été omise.
Enfin, l’organisation du texte a fréquemment été négligée : plus de la moitié des
résumés comportent quatre, cinq, voire jusqu’à sept paragraphes, ou bien proposent des
paragraphes juxtaposés sans lien logique ou comportant des liens peu cohérents qui ne
rendent pas la progression du texte. Rappelons la nécessité préalable d’établir un plan le
nombre de paragraphes étant en concordance avec le nombre de parties et de recourir à
des connecteurs, même lorsque l’auteur n’explicite pas les relations logiques entre les idées.
Un simple coup d’œil sur le texte aurait pu aider les préparationnaires du fait de la présence
des deux intertitres en italique… Disons, à ce propos, que l’on a admis la possibilité de trois
paragraphes : le constat de l’emploi généralisé du terme « numérique » des deux premiers
paragraphes donnant lieu à une première partie, avant que soient développées quelques
dissimulations, escamotages sémantiques concernant son usage (deuxième partie, jusqu’au
second intertitre), puis (ultime partie) sa réception plus spécifique dans le domaine de la
culture.
PROPOSITION de RÉSUMÉ
Consacré nom commun, l’adjectif « numérique » supplante bien des emplois lexicaux.
En englobant de multiples acceptions, il éclipse la dimension scientifique et technique dont
n’a cure l’utilisateur. Ensuite, ce néologisme semble aussi innovant que les technologies
auxquelles* il réfère. Cependant, ce terme générique permet l’escamotage de vocables
moins avouables, tel « économie », synonyme de bénéfices substantiels.
Le domaine culturel, lui, s’est emparé du mot, surtout depuis le recours généralisé à
Internet*. Les réticences suscitées ne concernent donc pas le vocabulaire, mais
d’éventuelles pratiques : livre digital, achats sur la toile, piratages… Ainsi « le numérique »,
mot plastique, résonne de connotations ambivalentes, lesquelles agrègent un certain
nombre de peurs*.
(110 mots)
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variantes :
*que les objets auxquels il réfère [pour éviter l’emploi de « technologies »]
*depuis le nombre croissant d’internautes [pour éviter l’emploi de « Internet »]
*générant parfois toutes sortes de peurs [pour éviter la répétition de « nombre » dans la variante précédente].
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QUESTIONS
QUESTION 1
Pour la première question portant généralement sur un mot, si l’on apprécie que soit
précisée la nature du mot (à condition de le dire très naturellement et d’emblée), il n’est pas
nécessaire pour autant d’en donner ni le genre, ni le nombre, ni la fonction, ni des mots de la
même famille, ni des antonymes : il ne s’agit pas d’une analyse grammaticale ni philologique,
si louable soit l’intention, mais d’une explicitation de sens. Si un recours à l’étymologie est
toujours bienvenu, encore faut-il que celle-ci ne soit pas erronée. Ainsi, même si « occulte »
n’est pas sans rapport avec la vue, le mot ne vient pas du latin oculus, ayant donné « œil »
en français : le doublement de la consonne ne s’expliquerait guère et il manque un T à
l’étymon (lequel provient de « oc/culTus », signifiant « caché, secret ») ! Naturellement, si la
signification donnée était exacte, on a tout de même accordé le point, en dépit de ce rapport
captieux d’un terme à un autre. On rappellera, à ce sujet, que l’on pouvait passer du sens
propre du mot (« phénomène par lequel un astre en dissimule un autre à la vue par
l’interposition d’un autre astre »), parfois connu, à un sens figu(qui était celui du texte) :
« action d’occulter quelque chose, de la rendre obscure à l’esprit ou à la conscience »
donné beaucoup plus rarement.
Beaucoup de réponses, cependant, « un euphémisme pour dire que c’est mal », « un
processus de mise en abyme », « une commission », « mise en valeur », « une examination
[sic] ou une étude », « le mot renvoie à un culte qui veut dire vénérer » allaient du faux
sens au contresens absolu, et ce, alors que le contexte permettait assez facilement de
comprendre la signification du mot.
Pour la réponse aux questions de vocabulaire (mot ou expression veloppée), il
convient dans tous les cas de rédiger…
QUESTION 2
Les réponses, dans l’ensemble, ont été meilleures. On a généralement bien expliqué et
l’origine de l’expression (être l’objet d’une mauvaise opinion dans les journaux et, par
extension, dans l’opinion en général) et son sens en contexte (être mal accueilli, avoir
mauvaise réputation), qui excède (donc) les seuls journaux écrits ou les médias (parfois
diabolisés dans la foulée !). Cela n’a pas empêché d’autres erreurs, tel « avoir mauvaise
presse signifie avoir mauvais goût », les définitions en passant par « presse » se trompant
parfois sur le lien métonymique qui va de la machine-outil à son sultat, l’imprimé (ainsi de
cette définition : « la presse désigne l’ensemble de la papèterie liée aux journaux »).
Un candidat encouragé par le thème même du propos d’Alexandre Moatti ? s’est
senti autorisé à user de ce recours typographique des internautes le deux-points que suit
une parenthèse fermante [ :), figuré toutefois dans le bon sens, puisque tourné d’un quart
de tour à droite, ce qui a évité au lecteur un torticolis malencontreux !], devenu désormais
une de ces “émoticônes” [] dont usent et abusent les messages électroniques —, et ce,
après une glose sur l’adjectif de l’expression, dont, si on a pu s’amuser de ce clin d’œil au
correcteur [ ;) !], on a finalement pu se dire tout aussi bien qu’elle relevait d’une négligence,
sinon d’une licence assez malvenue : « “mauvaise” (qui veut dire ce qu’il veut dire ) ». L’art
de répondre aux questions n’est-il pas, précisément, l’art de l’explicitation ?
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QUESTION 3
Pour cette troisième question, la note maximale n'a été attribuée à aucune copie,
l’explication était une nouvelle fois, la remarque ayant été faite l’an dernier… d’une
brièveté trop grande par rapport au nombre de points du barème.
Les réponses sont souvent aussi incomplètes et gligent on est alors dans le faux
sens le lien avec la dimension de l’argent que l’on cherche à cacher. Quelques réponses
sont d’une grande confusion (« c’est un lien avec les pays en retard qui couplent économie et
numérique ») ou commentent l’énoncé (« le numérique quand ça marche »).
En tout état de cause, pour faire le plein des points, il fallait dire qu’il s’agissait d’une
image, partir de cette image et en expliciter précisément les tenants et aboutissants.
Ajoutons que le lien avec une autre image du paragraphe précédent (« s’abriter sous cette
ombrelle sémantique du numérique »), d’un sens similaire, n’a jamais été établi…
Rappelons d’ailleurs qu’on a toujours intérêt, particulièrement pour la troisième
question, à lire les énoncés à la lueur d’autres énoncés en contexte. Mais disons, à ce
propos, que ce dernier mot a deux sens : le « contexte » linguistique, appelé parfois
« cotexte » par les spécialistes et le « contexte » extralinguistique, cette fois, et lié, par
conséquent, à la situation de communication. Or, il nous paraît que certains se sont trompés
sur la signification de « dans un tel contexte » employé par Alexandre Moatti, qui réfère à ce
qui précède, et non pas à quelque contexte externe, interprété de façon récurrente comme
la crise de 2008.
Les candidats ont parfois omis, non seulement de parler d’image, mais aussi de parler
tout bonnement de « nez ». On notera, en revanche, une ponse pour le moins inattendue
selon laquelle le “faux nez est « un nez refait grâce à la chirurgie esthétique, pour faire
disparaître son “vrai nez” ; l’expression “ne veut pas, ou plus, dire son nom”, est très
violente » : elle vèle que « l’on n’ose plus dire qui on est. » Par conséquent, « être le faux
nez de » est une image qui « personnifie le numérique » « pour accentuer ce sentiment de
honte » d’être numérique.
On l’a dit, les trois questions étaient complémentaires et liées, afin que le candidat ait
conscience des enjeux des tours de passe-passe sémantiques (« escamotage » avons-nous
écrit dans le résumé) plus ou moins « avouables » et/ ou conscients auxquels se livrent,
semble-t-il, les acteurs ou promoteurs du “secteur numérique”. Il convenait, quoi qu’il en
soit, de ne pas anticiper sur l’une ou l’autre question qui suivait (ainsi de 2 à 3, ou même de
la première à la dernière), non plus que de se répéter inutilement d’une réponse à une
autre.
QUESTION 4
Contrairement à nos espérances, le traitement du sujet a donné lieu à beaucoup trop de
développements plats et convenus. Les copies n’excèdent généralement pas deux pages, en
outre. Toutefois, pour la majorité des copies, la méthode est globalement bien respectée. La
consigne qui suit le sujet a été lue et appliquée. En revanche, on peut regretter que la
plupart du temps l’on n’ait pas analysé ce dernier, qui amenait à une réflexion thématique
bien plus que dialectique. De ce fait, la bonne moitié des copies se résume à un plan
s’évertuant à montrer que le développement du numérique est négatif après avoir
démontré qu’il était positif… Beaucoup se contentent, également, d’une succession
d’exemples sans lien argumentatif, ni progression. Certaines copies, enfin, confondent
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abusivement « numérique » et progrès technique en général. Plus marginales sont les
interrogations sur l’existence même de changements liés au numérique, ce que le sujet
n’invitait pas à mettre en débat.
Des candidats ont décidé de renoncer ou n’ont pas eu assez de temps pour traiter
correctement cette question. La gestion du temps est à l’évidence à travailler afin de
remettre une copie convenablement rédigée et construite de bout en bout.
Quelques développements ont, en revanche, su dégager une réflexion autour de
l’apport “du” numérique (dans sa dimension sociale, économique, intellectuelle…), ce qui
n’empêchait d’ailleurs pas de poser l’idée que si certains changements étaient positifs,
d’autres l’étaient moins.
L’argumentation laisse parfois beaucoup à désirer, certains candidats oubliant qu’une
idée seule sans exemple n’a pas grande valeur et vice versa.
Nombre d’arguments s’avèrent schématiques ou oiseux, voire relèvent de la théorie du
complot (Internet, les médias, les réseaux sociaux sont ainsi stigmatisés comme
profondément dangereux). On peut tout de même s’étonner, voire s’inquiéter de ces
théories complotistes” : si nos vies ont perdu de leur caractère privé par les informations
que nous livrons en pâture, volontairement ou non, si une inquiétude légitime sur
l’utilisation que peuvent faire des Etats et des entreprises de ces informations peut être
exprimée, il convient de se garder d’y voir une ample manipulation orchestrée par on se
demande qui depuis des temps qu’on serait tout aussi en peine de situer précisément…
On rencontre aussi de lourdes erreurs touchant à l’histoire ou à l’économie (« le
numérique est apparu en même temps que la société de consommation ») ou des contresens
(« le numérique qui consiste à prendre des photos »). Outre la diabolisation récurrente du
numérique, on a trouvé de belles lapalissades : « il y a plusieurs sortes de changement, « le
changement est une modification » ou des phrases creuses (« le savoir c’est le pouvoir depuis
la nuit des temps »), ainsi que de faux exemples (« une étude montre que les gens
s’informent principalement par internet et la télévision et délaissent les journaux »).
Certaines questions maladroitement formulées portent comiquement en elles leur propre
réponse : « Qu’adviendrait-il de telles œuvres si elles venaient à disparaître ? », tandis que
certains candidats proposent de faux et mauvais élargissements (que l’on souhaiterait
parodiques !) sur de vertigineux progrès à venir : « Mais, dans un futur plus ou moins proche,
cette avancée nous fera-t-elle toujours continuer d’aller vers l’avant ? »
Il faut d’ailleurs éviter sur ce genre de sujet la tendance à céder à d’autres vertiges :
une tendance assez régulière à glisser dans la science-fiction en envisageant des
changements à venir, non encore avérés (ce qui n’était pas le sujet) : « prenons par exemple
les camions conduits par des ordinateurs qui fonctionnent et roulent en ce moment même sur
les routes » ; « par ego surdimensionné, certains ont voulu numériser leur être pour avoir un
égal, humanoïde ». Enfin, l’on a parfois lu des réflexions étranges : « la numérisation a
provoqué une augmentation du taux de criminalité dans le monde » ou maladroites : « ce
qui a pour conséquence de sauver des milliers et des milliers de feuilles de papier » à propos
de la lecture à l’écran.
Si le sujet pouvait poser des difficultés quant aux références culturelles, on peut relever
tout de même des mentions de Kant et son Sapere aude, des renvois à Sartre, à 1984 de
George Orwell, à Irving Penn (qui aurait eu recours au numérique, sans que soit précisé en
quoi) et à des films contemporains ou plus anciens (dont The Truman Show de Peter Weir,
cité plusieurs fois, tandis qu’on aurait aimé des références plus “classiques” tel 2001
Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick). Le recours à des mythes, comme celui de
Prométhée, était naturellement bienvenu, personne n’ayant cependant pensé à Faust...
Certaines mentions étaient parfois, néanmoins, aberrantes, ou, pour le moins, énigmatiques,
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