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LES ANNEES DE CENDRE
CHRONIQUES DES TEMPS DE GUERRE
I. TABLEAU AUTOUR DE G
II. ENEAS, NEUF
III. ANDROMAQUE DE JEAN RACINE
IV. ASTYANAX VOIT ROUGE
Conception et mise en scène : Frédéric Constant
Frédéric Constant affinelec@wanadoo.fr 06 15 09 84 13
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ORIGINE
“Voici que recommence le grand ordre des siècles.”
Virgile. L’Énéide
Articulé autour de la métaphore d'un navire-monde courant à sa perte, Titanic City1, premier
spectacle des Affinités Electives, mettait en jeu les interrogations que le siècle finissant
soulevait.
Titanic City se situait à ce moment crucial avant “le grand plongeon”, à cet instant suspendu où
tous les événements du passé défilent devant les yeux. Pour cette nouvelle aventure, nous nous
placerons dans les temps troublés et incertains qui suivent les catastrophes : sur les ruines.
Par son souvenir, ses éclats et ses échos, la guerre lézarde la quiétude de notre présent. Elle
imprègne la vie des sociétés humaines et influe sur leur avenir.
Le sentiment de cette menace nous a conduit, dans un premier temps, à vouloir monter
l’Andromaque de Jean Racine, cette intrigue amoureuse dont l’inscription dans l’horizon
sanglant de la guerre lui donne sa dimension proprement tragique.
Mais, au cours du travail dramaturgique, s'est imposée à nous la nécessité d'approfondir à la
fois l'enjeu théâtral que représente aujourd'hui la mise en scène d'un texte classique et la
charge de sens sur lequel nous comptions mettre l'accent.
Nous avons cid’accompagner notre mise en scène de l’Andromaque de Jean Racine de
trois créations contemporaines qui puissent redonner de la réalité aux événements qui en
forment l'arrière-plan, et en développer les implications.
Ainsi est né le projet des Années de Cendre, chroniques des temps de guerre.
1. Créé en 1999 à la Maison de la culture de Bourges, et repris en tournée en 1999 et 2000 au Théâtre de
Lons-le-Saunier, à la Maison de la Culture d’Amiens, à la Scène nationale de Cteauroux, à La Halle aux Grains
Blois, et au Théâtre de la Cité internationale – Paris.
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LES ANNEES DE CENDRE
CHRONIQUES DES TEMPS DE GUERRE
“2 Août 1914. L'Allemagne a déclaré la guerre à la Russie.
– Après-midi, piscine.”
Franz KAFKA. Journal
Au commencement était la guerre.
Attachée à l'humanité, comme une mauvaise sœur, elle nous
accompagne, évoluant au gré des époques et du progrès
technologique. Elle peut être froide, éclair, coloniale, sainte,
économique, mondiale, juste, totale, propre, urbaine, nucléaire,
bactériologique
Elle peut durer six jours ou cent ans.
Elle change tout, et elle ne change rien.
Qui est-il, ce spectre qui nous hante depuis la nuit des temps ?
La nuit des tempsTroie, XIIIe siècle avant J.-C. Archétype de la guerre, premier nocide de
l'histoire à s'inscrire à jamais dans la mémoire occidentale. L'antique cité ravagée est devenue
légendairement la mère d'au moins trois nations, qui se sont approprié les “restesde cette cité
détruite pour nourrir le mythe de leur propre origine : Rome fondée par Enée2, survivant
troyen ; Londres fondée par le petit-fils d'Enée 3; et la généalogie des rois de France
commençant avec Astyanax4.
Les Années de cendre se proposent donc d’interroger la guerre sous la forme de quatre
Chroniques, celles d’un monde, le nôtre, qui, depuis son origine, ne serait qu’une guerre que
des instants de paix suspendent.
2. Virgile, dans L'Eneïde
3. Geoffrey of Monmouth, dans The History of the Kings of Britain
4. Ronsard, dans La Franciade
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TEMOIGNER
La guerre, cette violence physique réelle, même si les images de la télévision tendent à nous
faire croire le contraire, ne peut pas se montrer, et moins encore se représenter. Car, ce par
quoi la guerre est elle le danger, la mort partout présente, le deuil, la haine est une
perception totale qui ne tolère aucun semblant. De surcroît, le théâtre, qui passe pour être une
activité de représentation, rencontre toujours précisément sa limite la plus flagrante quand il
s’essaie à montrer la violence physique. Il y a de l’indécence à voir le corps des acteurs dont
chacun sait qu’ils se relèvent à la fin pour saluer – singer ce réel-là.
Nous courons donc le risque de nous empêtrer dans la position tragique qui consiste,
poursuivant la conciliation de l’inconciliable, à mentir, à faire semblant d’ignorer l’absence
fondamentale de ce que nous faisons semblant de représenter. Nous avons donc à trouver le
lieu d’un témoignage réel qui nous soit propre. Seul le témoignage permet en effet d’échapper
au paradoxe tragique, puisque le témoin, qui parle pour, ne parle jamais pour lui-me.
Pour qui parlons-nous ?
Il va de soi, dans la suite de ce qui précède, que nous ne pouvons parler pour les victimes de la
guerre, ni pour qui que ce soit à qui il ait édon d’éprouver la présence réelle de la guerre.
Nous parlons pour ceux qui, comme nous (le comme est essentiel), sont à distance de la
guerre, ceux qui sont physiquement épargnés par elle, sans pour autant se tenir quittes du fait
d’être physiquement indemnes.
À tout point de vue, le théâtre, qui est notre moyen d’expression, se vèle singulièrement
adéquat aux déterminations que nous venons d’exposer. Il est peut-être me le seul à
permettre le déploiement d’une parole qui soit à la hauteur du témoignage que nous voulons
porter. D’abord, parce qu’il se tient sans cesse sur un fil tendu au-dessus de l’abîme des
discours pleins et des certitudes de toute nature. Ensuite, parce que son mode de
fonctionnement est homogène à celui du mythe, et qu’il consiste essentiellement en une
représentation de ce mode de fonctionnementme.
Nous voulons moigner sur la guerre, de nous sommes. C’est-à-dire loin de la guerre. La
guerre de Troie nous servira, entre autres, à établir cette distance. À l’établir comme partie
constitutive de notre parole.
Xavier Maurel
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LES ANNEES DE CENDRE
CHRONIQUES EN QUATRE TEMPS ET UN INTERMEDE
La guerre est une expérience, et, pour nous qui ne l'avons pas vécue, une expérience
inaccessible, comme la mort.
Pour aborder théâtralement cette question, il nous a semblé cessaire d’établir une distance
entre la guerre et nous, et d’éviter ainsi la quotidienneté, le réalisme ou l’anecdotique. Nous
avons donc imaginé une forme de récit aux dimensions du sujet et construit notre fable à partir
d’un mythe fondateur : la guerre de Troie.
Nous avons donc imagiune somme de quatre piècestrois créations contemporaines et une
tragédie classique française – qui développent différentes thématiques à partir de destins liés
par une même expérience : La guerre de Troie et ses conséquences sur ceux qui lui ont
survécu.
I. TABLEAU AUTOUR DE G5 est une Iliade moderne qui ravive le souvenir de la guerre de
Troie et touche du doigt ce point les ferments premiers de l’humanité côtoient la
barbarie. Elle donne par cette évocation une impression de la guerre comme la peinture
le fait du monde. P. 6
II. ENEAS, NEUF6 s’intéresse à l’exode de ceux qui, jetés sur les routes par la violence du
monde, tentent de survivre. P. 8
III. ANDROMAQUE de Jean Racine nous fait entendre avec force une riode troublée
d’entre-deux-guerres chacun s'élance avec frénésie vers la réalisation à tout prix de
son désir. P. 11
IV. ASTYANAX VOIT ROUGE est une rêverie sur les mécanismes du pouvoir au travers de la
vie et les interrogations du fils d’Hector et d’Andromaque, devenu grand, écartelé entre le
poids de l'héritage et l'angoisse de l'avenir. p. 16
Ces quatre spectacles pourront être représentés en quatre soirées
distinctes ou en une seule journée. Cette intégrale sera
l’occasion d’agrémenter la représentation de cette tétralogie
d’un intermède musical, sous la forme d’un cabaret, durant
lequel les spectateurs pourront se restaurer. Sans dévoiler plus
avant la teneur de ce cabaret, nous avons demandé à plusieurs
compositeurs de mettre en musique des extraits du texte de
Racine. Ces chansons seront interprétées par les comédiens
accompagnés de musiciens.
5. Créé en janvier 2004 à L’Onde Vélizy-Villacoublay, et repris en tournée à la Sne nationale de Blois, au
Théâtre Paris Villette, au Théâtre de L’Union – CDN de Limoges, à la Scène régionale de Vendôme
6. Spectacle créé en janvier 2010 au CDN d’Orléans et repris en tournée au CDR de Tours, au Théâtre 95, à la
Scène nationale de Châteauroux, à la Scène conventione de Vendôme et au Théâtre Paris-Villette.
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