Un an après...
Cette seconde édition de la brochure du Réseau
Education sans frontières
Jeunes sans papiers scolarisés,
Régularisation : Mode d’emploi
est l’occasion d’un bilan
provisoire de l’action du réseau un an après sa création.
L’Appel à la régularisation des jeunes scolarisés sans
papiers
de juin 2004 et la constitution du RESF étaient
un pari sur le fait que le milieu scolaire n’assisterait pas
sans réaction à la véritable agression des consciences
que constitue la situation des jeunes sans papiers
scolarisés et de leurs parents, mais qu’au contraire, il
saurait se mobiliser.
Il s’agit, en effet, de garçons et de filles qui seraient
exactement comme les autres s’ils n’étaient secrètement
minés par la menace qui pourrit leur vie. «
Quand tu
n’as pas de papiers, tu n’as pas d’avenir, tu ne rêves
pas
» disait une lycéenne, le 16 avril, lors de la journée
de rencontres du RESF. Aussi, à chaque fois qu’un élève
révèle son drame, la stupeur et l’indignation sont
unanimes. Et heureusement, suivies le plus souvent de
la mobilisation générale : enseignants et personnels,
élèves, parents, militants syndicaux, associatifs et
politiques se dressent pour dire leur écœurement face à
des lois dont ils découvrent brutalement la signification
réelle et les effets dévastateurs et exiger la régularisation
de leur élève, de leur copain et le cas échéant de ses
parents.
Une solidarité grandissante
Des vrais coups de colère qui font se cabrer ceux qui,
habituellement, ne militent pas. C’est à sa façon, une
réponse en forme de gifle cinglante aux discours
démagogiques sur « l’immigration clandestine ». De
Pasqua à Sarkozy en passant par Chevènement et Villepin,
des générations de ministres de l’Intérieur s’y sont
essayés, mettant au service de leurs ambitions médiocres
l’argumentaire lepéniste à peine recyclé et spéculant sur
l’ignorance et le préjugé.
Les faits sont là : quand la réalité se dévoile, quand
le sans papiers n’est plus le « clandestin » mythique, mais
s’incarne dans l’élève qui suit ses cours, le camarade de
classe, le copain de ses enfants, les voisins de pallier, la
population réagit sainement et se dresse pour défendre
les victimes, véritable leçon de civisme et de courage
politique aux démagogues arrivistes qui la méprisent
assez pour la croire friande de leurs discours frelatés.
Alors, oui, de ce point de vue, le pari engagé il y a un
an est gagné… et au-delà. Dans des dizaines de lycées,
de collèges, d’écoles élémentaires et maternelles, des
dizaines de milliers de pétitions ont été signées, des
centaines de fax de protestation passés, des jeunes ont
été accompagnés des centaines de fois en préfectures,
des délégations ont investi les tribunaux ou les parvis
des préfectures, des dizaines de manifestations ont eu
lieu, mobilisant des centaines d’enseignants, de parents,
de militants syndicaux, associatifs et politiques et des
milliers de jeunes. L’expulsion de dizaines de jeunes a
été empêchée, plusieurs ont été arrachés aux centres de
rétention, plusieurs dizaines ont obtenu des titres de
séjour, et d’innombrables mobilisations ont eu lieu ou
sont en cours, en région parisienne, mais aussi à Lyon,
Bordeaux, Nantes, Beauvais, Metz, Strasbourg, Lille,
Clermont, La Ferté-Bernard, Blois, Evreux, Pau, Pontivy,
Rennes, Nouvoitou, Calais, Montélimar, Montpellier, Le
Puy, Bourges, Niort, Valence, Rouen, Le Havre,
Sarreguemines, Chartres, Orléans, Sens et d’autres.
En outre, et c’est l’heureuse nouvelle de cette année,
les mobilisations ont souvent largement débordé le cadre
scolaire. A Nouvoitou (Ille et Vilaine), tout le village se
mobilise autour d’une famille angolaise, une quarantaine
d’habitants débarque au Tribunal administratif de Rennes.
A Chaumont (Haute-Marne), ce sont ceux de la Rochotte,
une cité dite difficile qui prennent une famille congolaise
sous leur protection. A Clamart, le dernier jour de l’année
scolaire, des dizaines d’enseignants et de parents d’une
maternelle de la cité de la Plaine, une bonne partie du
Conseil municipal, Maire en tête, et tout ce que la ville
compte de militants débarquent à la sous-préfecture
d’Antony pour faire régulariser une famille congolaise.
La preuve est faite que le chancre raciste n’a pas tout
pourri et que les valeurs d’équité, de solidarité et de
combat contre l’injustice vivent encore, non pas dans les
hypocrites discours officiels –de préférence télévisés ,
mais dans la conscience de beaucoup d’habitants… et
dans leurs actes.
La circulaire Sarkozy du 31 octobre
Le ministre de l’Intérieur lui-même a dû prendre en
compte l’importance et l’extension de ce mouvement de
solidarité.
Au début de l’été 2005, misant sur le relâchement de
la mobilisation, il tentait d’accélérer sa politique répressive
vis à vis des jeunes : des événements impensables il y a
quelques années encore se produisaient : lycéens en
cours de scolarité placés en rétention pour reconduite
forcée vers des pays où ils n’ont plus de liens, volonté
d’expulser une jeune fille menacée d’excision au Mali,
adolescents obligés de fuir la police pour échapper à leur
expulsion en compagnie de leur mère menacée en RDC,
ancienne enfant esclave, mariée de force, interpellée avec
ses trois enfants et obligée d’abandonner ses deux aînés
(4 ans et 5 ans) seuls, deux nuits au centre de rétention
pour accompagner sa cadette (2 ans) à l’hôpital, Marocain
de 20 ans risquant 3 mois de prison pour refus
d’embarquer pour ne pas quitter toute sa famille, pour
ne mentionner que les cas les plus terribles.