d’univers dès lors que, épistémiquement, le locuteur renvoie, dans son discours, à un
univers de croyance » (R. MARTIN, 1992 : 47).
L’univers de croyance détermine la véridiction du message produit, son carac-
tère non pas vrai, mais véridictoire.
L’énoncé fictionnel appartient à l’image d’univers d’un énonciateur, « sorte de
médium », « qui permet à l’auteur-créateur de dire ce qu’il dit sans qu’il en naisse
aucune impression de mensonge » (R. MARTIN, 1992 : 286).
L’image d’univers représenté dans le discours figurativo-fictionnel engendre une
certaine vision du RÉEL, « plus on moins éloignée de la vision que peut en avoir le
lecteur, voire l’auteur lui-même » (R. MARTIN, 1992 : 286) et crée, par là même,
un PARAÎTRE qui s’oppose à l’ÊTRE ou, au mieux, qui enrichit ce dernier de nou-
velles dimensions cognitives, encyclopédiques, psychologiques, sémantiques.
Nous nous trouvons ainsi devant une vision subjective du monde, devant une
modalité épistémique qui n’est pas sans rappeler la théorie classique de
Émile BENVENISTE sur la subjectivité du langage ou la philosophie du langage de
la perception, élaborée par les tenants de l’École Analytique Anglaise – A. J. AYER,
H. H. PRINCE, G. J. WARNOCK et J. AUSTIN –, engagés dans le débat autour de
l’« argument de l’illusion ». Résumée par J. AUSTIN (1966, 1971), cette doctrine
postule que : « nous ne percevons jamais directement des objects matériels. Ce que
nous percevons directement, ce sont seulement des données sensibles (sense-data)
ou nos propres idées, impressions, sensa, perceptions sensibles et percepts... »
(J. AUSTIN, 1971 :22). La « donnée sensible » et la « chose matérielle » existent
aux dépens l’une de l’autre.
Forts de ces éléments de méthode, nous allons essayer de déceler certains aspects
de l’herméneutique de l’image et de l’image photographique telle qu’elle apparaît
dans la création de Michel TOURNIER.
Nos textes de référence sont Des clefs et des serrures.Images et proses
(Chênes/Hachette, 1979) et La goutte d’or (Galimard, 1986).
2. Des clefs et des serrures regroupent quarante sujets de réflexion fort divers :
l’athlète, les animaux, le mistral, Van Gogh, l’amour, la mort, le dandysme, le riz,
l’aquarium, l’autoportrait, le froid, le cerveau, l’escalier, les moulins de Beauce, la
Normandie, « les accidents, les niaiseries et le reste », etc...
Ces petites proses poético-philosophiques, traversées le plus souvent par une
description antinomique et toujours basées par une mise en abîme encyclopédique,
accompagnent soixante chefs-d’œuvre de la photographie, signées par des maîtres
comme : Dieter Appelt, Édouard Boubat, Lewis Caroll, Henri Cartier-Bresson, Jean
Dieuzaide, Robert Hamelin, Jacques-Henri Lartigue, Eikon Hosoe, Leni
Riefenstahl, Jean-Claude Mougin, etc.
Le livre est emblématique à deux égards : le pertinence du rapport texte – image
photographique et le statut de ces petites proses d’être des textes-images.
Ces petites proses sont des textes-images, où l’univers de croyance de l’énonci-
ateur (créateur) engendre des mondes possibles et les images d’univers sont sym-
boliquement déclenchées à partir du signifiant linguistique et photographique. Voici,
par exemple, une séquence tirée du premier texte – Des clefs et des serrures :
« ... le monde entier n’est qu’un amas de clefs et une collection de ser-
rures. Serrures le visage humain, le livre, la femme, chaque pays
étranger, chaque œuvre d’art, les constellations du ciel. Clefs les
60 / Mariana Tu\escu