
Document 1 :
La découverte de l'Amérique, vers la fin du quinzième siècle, a multiplié les colonies
européennes, et nous en présente une sixième espèce.
Toutes celles de ce continent ont eu le commerce et la culture tout à la fois pour objet de leur
établissement, ou s'y sont tournées: dès lors il était nécessaire de conquérir les terres, et d'en
chasser les anciens habitants pour y en transporter de nouveaux.
Ces colonies n'étant établies que pour l'utilité de la métropole, il s'ensuit :
1. Qu'elles doivent être sous sa dépendance immédiate, et par conséquent sous sa
protection.
2. Que le commerce doit en être exclusif aux fondateurs.
Une pareille colonie remplit mieux son objet à mesure qu'elle augmente le produit des terres de
la métropole, qu'elle fait subsister un plus grand nombre de ses hommes et qu'elle contribue au
gain de son commerce avec les autres nations. Ces trois avantages peuvent ne pas se
rencontrer ensemble dans des circonstances particulières; mais l'un des trois au moins doit
compenser les autres dans un certain degré. Si la compensation n'est pas entière, ou si la
colonie ne procure, aucun des trois avantages, on peut décider qu'elle est ruineuse pour le pays
de la domination et qu'elle l'énerve.
Ainsi le profit du commerce et de la culture de nos colonies est précisément, 1 le plus grand
produit que leur consommation occasionne au propriétaire de nos terres, les frais de culture
déduits; 2 ce que reçoivent nos artistes et nos matelots qui travaillent pour elles et à leur
occasion; 3 tout ce qu'elles suppléent de nos besoins; 4 tout le superflu qu'elles nous donnent à
exporter.
De ce calcul, on peut tirer plusieurs conséquences :
La première est que les colonies ne seraient plus utiles si elles pouvaient se passer de la
métropole: ainsi c'est une loi prise dans la nature de la chose que l'on doit restreindre les arts et
la culture, dans une colonie, à tels et tels objets, suivant les convenances du pays de la
domination.
La seconde conséquence est que si la colonie entretient un commerce avec les étrangers, ou
que si l'on y consomme les marchandises étrangères, le montant de ce commerce et de ces
marchandises est un vol fait à la métropole; vol trop commun, mais punissable par les lois et
par lequel la force réelle et relative d'un état est diminuée de tout ce que gagnent les étrangers.
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La troisième conséquence est qu'une colonie sera d'autant plus utile qu'elle sera plus peuplée
et que ses terres seront plus cultivées.
L'Encyclopédie, art. COLONIE.
Conférence «Colonialisme et anti-colonialisme au temps des Lumières» - 07/11/2014 - page 3