colonialisme et anti-colonialisme au temps des lumières

CONFÉRENCE DU FORUM DES SAVOIRS
“Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.”
Voltaire
COLONIALISME
ET ANTI-COLONIALISME
AU TEMPS DES LUMIÈRES
CONFÉRENCE PAR GENEVIÈVE CAMMAGRE
Association ALDÉRAN Toulouse
pour la promotion de la Philosophie
MAISON DE LA PHILOSOPHIE
29 rue de la digue, 31300 Toulouse
Tél. : 05.61.42.14.40
Site : www.alderan-philo.org conférence N°1000-361
COLONIALISME ET ANTI-COLONIALISME
AU TEMPS DES LUMIÈRES
conférence de Geneviève Cammagre donnée le 7/11/2014
à la Maison de la philosophie à Toulouse
La place de la question coloniale dans la pensée des intellectuels des Lumières tient à l’enjeu
que constituent les colonies dans l’économie et la politique française du XVIIIe siècle. Deux
ouvrages collectifs, l’Encyclopédie de Diderot-d’Alembert et l’Histoire des deux Indes de
l’abbé Raynal, sont significatifs des débats du temps. De la polyphonie de leurs discours
ressortent deux tendances : soit la colonisation est donnée comme un facteur de prospérité
pour une nation, et des améliorations sont proposées dans une perspective réformiste, soit la
colonisation est posée comme une violence faite aux peuples colonisés dont sont
envisagées, voire encouragées, les possibilités d’insurrection.
Conférence «Colonialisme et anti-colonialisme au temps des Lumières» - 07/11/2014 - page 2
Document 1 :
La découverte de l'Amérique, vers la fin du quinzième siècle, a multiplié les colonies
européennes, et nous en présente une sixième espèce.
Toutes celles de ce continent ont eu le commerce et la culture tout à la fois pour objet de leur
établissement, ou s'y sont tournées: dès lors il était nécessaire de conquérir les terres, et d'en
chasser les anciens habitants pour y en transporter de nouveaux.
Ces colonies n'étant établies que pour l'utilité de la métropole, il s'ensuit :
1. Qu'elles doivent être sous sa dépendance immédiate, et par conséquent sous sa
protection.
2. Que le commerce doit en être exclusif aux fondateurs.
Une pareille colonie remplit mieux son objet à mesure qu'elle augmente le produit des terres de
la métropole, qu'elle fait subsister un plus grand nombre de ses hommes et qu'elle contribue au
gain de son commerce avec les autres nations. Ces trois avantages peuvent ne pas se
rencontrer ensemble dans des circonstances particulières; mais l'un des trois au moins doit
compenser les autres dans un certain degré. Si la compensation n'est pas entière, ou si la
colonie ne procure, aucun des trois avantages, on peut décider qu'elle est ruineuse pour le pays
de la domination et qu'elle l'énerve.
Ainsi le profit du commerce et de la culture de nos colonies est précisément, 1 le plus grand
produit que leur consommation occasionne au propriétaire de nos terres, les frais de culture
déduits; 2 ce que reçoivent nos artistes et nos matelots qui travaillent pour elles et à leur
occasion; 3 tout ce qu'elles suppléent de nos besoins; 4 tout le superflu qu'elles nous donnent à
exporter.
De ce calcul, on peut tirer plusieurs conséquences :
La première est que les colonies ne seraient plus utiles si elles pouvaient se passer de la
métropole: ainsi c'est une loi prise dans la nature de la chose que l'on doit restreindre les arts et
la culture, dans une colonie, à tels et tels objets, suivant les convenances du pays de la
domination.
La seconde conséquence est que si la colonie entretient un commerce avec les étrangers, ou
que si l'on y consomme les marchandises étrangères, le montant de ce commerce et de ces
marchandises est un vol fait à la métropole; vol trop commun, mais punissable par les lois et
par lequel la force réelle et relative d'un état est diminuée de tout ce que gagnent les étrangers.
[ ... ]
La troisième conséquence est qu'une colonie sera d'autant plus utile qu'elle sera plus peuplée
et que ses terres seront plus cultivées.
L'Encyclopédie, art. COLONIE.
Conférence «Colonialisme et anti-colonialisme au temps des Lumières» - 07/11/2014 - page 3
Document 2 :
Des armées trop nombreuses occasionnent la dépopulation, les colonies la produisent aussi.
Ces deux causes ont le même principe, l'esprit de conquêtes et d'agrandissement. Il n'est
jamais si vrai que cet esprit ruine les conquérants comme ceux qui sont conquis que dans ce
qui concerne les colonies.
[...] On ne nombrerait pas la quantité des hommes qui sont passés dans ces nouveaux
établissements, on compterait sans peine ceux qui en sont venus. La différence des climats,
celle des subsistances, les périls et les maladies du trajet, une infinité d'autres causes font périr
les hommes. Quels avantages a-t-on tiré pour la population de l'Amérique du nombre
prodigieux de nègres que l'on y transporte continuellement de l'Afrique ? Ils périssent tous; il est
triste d'avouer que c'est autant par les traitements odieux qu'on leur fait souffrir et les travaux
inhumains auxquels on les emploie que par le changement de température et de nourriture.
Encore une fois, quels efforts les Espagnols n'ont-ils pas fait pour repeupler les Indes et
l'Amérique qu'ils ont rendues des déserts. Ces contrées le sont encore et l'Espagne elle-même
l'est devenue: ses peuples vont tirer pour nous l'or du fond des mines; et ils y meurent. Plus la
masse de l'or sera considérable en Europe, plus l'Espagne sera déserte [...]
Partout les hommes peuvent vivre, il est rare de n'y en point trouver. Quand un pays est
inhabité sans que la violence et la force l'aient fait abandonner, c'est une marque à peu près
certaine que le climat ou le terrain n'est pas favorable à l'espèce humaine. Pourquoi l'exposer à
y périr par des transplantations dont la ruine paraît sûre ? Les hommes sont-ils si peu de chose
que l'on doive les hasarder comme on hasarde de jeunes arbres dans un terrain ingrat dont la
nature du sol est ignorée? [ ... ]
Si le pays dont on veut s'emparer est peuplé, il appartient à ceux qui l'occupent. Pourquoi les en
dépouiller ? Quel droit avaient les Espagnols d'exterminer les habitants d'une si grande partie
de la terre ? Quel est celui que nous avons d'aller dans l'espace qu'elles occupent sur ce globe
dont la jouissance leur est commune avec nous ? La possession dans laquelle elles sont n'est-
elle pas le premier droit de propriété et le plus incontestable ? En connaissons-nous qui ait une
autre origine ? Nous le réclamerions si l'on venait nous ravir nos possessions et nous en
dépouillons les autres sans scrupule.
L'Encyclopédie, art. POPULATION
Conférence «Colonialisme et anti-colonialisme au temps des Lumières» - 07/11/2014 - page 4
Document 3 :
Fig. 1. Une habitation des îles de l'Amériquel'on cultive le coton. N°1, cotonnier dans toute
sa grandeur, arbuste portant le coton. 2, nègre qui cueille le coton. 3, nègre qui épluche le
coton. 4, négresse qui passe le coton au moulin, pour en séparer la graine. 5, nègre qui
emballe le coton en le foulant des pieds, et se servant d'une pièce de fer pour le même effet. 6,
autre nègre qui de temps en temps mouille la balle extérieurement en jetant de l'eau avec les
mains pour faire resserrer la toile qui happe mieux le coton et l'empêche de gonfler et de
remonter vers l'orifice de la balle. 7, balles de coton prêtes à être livrées à l'acheteur. 8. Petits
bâtiments caboteurs qui viennent charger du coton sur la côte. 9, partie d'une plantation de
cotonniers. 10, case à coton, et hangar sous lequel se rangent les négresses qui passent le
coton au moulin.
Document 4 :
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