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La motivation peut être aliénante. Faisons  une brève parenthèse à propos  de la liberté. Nous 
pouvons  affirmer  que, de toute façon, l'individu humain est  libre.  Il est  libre parce qu'il est la 
source de son action, il est la source de ce dépassement que l'on constate en lui, quand il va du 
passé immédiat  vers  le futur  immédiat. N'importe lequel de  nos  gestes  quotidiens,  n'importe 
laquelle de nos actions, est une sorte de transcendance (comme le dit Sartre), un dépassement 
du passé vers  l'avenir.  Ce  dépassement  est en  même temps  un  arrachement  à ce que l'on 
pourrait croire être la causalité.
Donc, l'individu est libre. Mais  cette liberté est une liberté spontanée, source d'elle-même. Elle 
est rapide, elle est hâtive, et dans  la plupart des cas, elle est obscure, quasiment ignorante. Elle 
est consciente, mais ignorante de ses vraies significations.
Pour  résumer,  la  liberté  spontanée,  qui  est  donnée  à  tous,  pour  tous,  dans  toutes 
circonstances, reste, dans  la plupart des  cas, une liberté maladroite et obscure. Une liberté qui 
est capable de produire - et c'est ce qu'elle fait le plus souvent - de la dépendance !
Prenons  un exemple simple : l'adolescent qui se drogue. Il est libre. Il décide librement d'un 
acte  spontané.  Il décide  de se  fournir  de  la  drogue et  de se  droguer  pour obtenir  un  certain 
effet. Il décide librement, mais il n'a pas  assez réfléchi, et le résultat c'est qu'il a mal choisi, il a 
mal orienté sa liberté. En effet, sa liberté se retournera contre lui et créera une dépendance.
Indépendamment de la drogue il y a un nombre incroyable de personnes qui sont dépendantes 
librement ! Je pense au texte de La Boétie, au sujet de la servitude volontaire. Nous ne sommes 
dépendants  de chefs  d'États tyrans  ou dictateurs  que dans  la mesure où nous  le voulons  bien. 
Nous  le voulons  bien, mais  en même temps  nous  sommes  dépendants. Cela veut dire, qu'au 
fond, tout cela crée de la souffrance. Et c'est dans ce cadre-là, celui de la spontanéité et de la 
dépendance,  que  nous  allons  voir  en jeu  (et  vous  avez  raison de  l'évoquer)  les  motivations 
passives!
Mais,  souvent,  ces  motivations,  qui vont  agir  sur  nous  et  nous  rendre  dépendants,  ne  sont 
actives  que contre nous, que par nous  ! C'est nous  qui faisons  l'efficacité des  motivations  qui 
nous aliènent. Nous sommes réellement aliénés, mais par notre faute.
Nous restons responsables de tous nos actes et de toutes nos intentions ?
Oui, et même de tous  ceux qui se retournent contre nous, et a fortiori contre les  autres. Voilà 
pourquoi il y a maintenant (et ce sera le but d'une philosophie de la joie et du bonheur) à faire 
que cette liberté, qui est la liberté du Désir, aboutisse à des  résultats  qui soient positifs  et non 
négatifs. C'est-à-dire qu'il faut reconstruire la vie de la liberté. Il faut construire cette fois, non 
pas  une liberté dépendante, mais  une liberté indépendante. Une authentique liberté. Et ce sera 
l'œuvre de la réflexion. Robert Misrahi
L'enthousiasme et la joie
Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-332 : “Par-delà la liberté, la liberté pour quoi faire” - 17/05/2014 - page  4