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retard est annoncé dans un contexte politique déjà tendu. Rappelons qu’alors que le président s’y
opposait, le gouvernement n’a pas hésité à extrader le Libyen al-Mahmoudi, ce qui déclencha une
crise politique qui aurait pu conduire à la démission de Marzouki. Celui-ci se présente comme le
garant de certaines valeurs, en exigeant par exemple l’inscription dans la Constitution « de l’égalité
totale entre hommes et femmes ». Cette constitution sera donc le prochain grand test pour lui,
tandis qu’Ennahdha pourrait, contrairement aux Frères musulmans en Egypte, miser sur un
régime parlementaire privilégiant le gouvernement (dominé par Ennahdha) et soutenir un candidat
socialiste pour les prochaines élections, comme le chef du Forum démocratique pour le travail et
les libertés (FDTL, Ettakatol), Mustapha Ben Jaafar. Celui-ci, aujourd’hui à la tête de l’Assemblée,
pourrait jouer un rôle similaire à celui de Marzouki. Ennahdha pourrait ainsi diriger le pays tout en
exhibant un président « modéré », « moderne » et « respectable ».
La situation de la Libye est hélas bien plus préoccupante, bien que certains médias se soient
félicités de la victoire des « Libéraux » aux élections de juillet. Le chaos qui a suivi l’intervention
meurtrière est perceptible à trois niveaux : d’abord, malgré la tenue d’élections, le doute subsiste
sur la nature du prochain gouvernement. L’élection d’un congrès national, censé prendre le relais
du Conseil national de transition (CNT), ne semble pas résoudre le problème de la fragmentation
du paysage politique libyen. Certains militent pour un gouvernement de consensus afin de
ménager toutes les susceptibilités au sein du CNT. Ensuite, il y a la question purement sécuritaire.
La Libye doit se doter d’une nouvelle armée, d’une police, et le gouvernement aura pour tâche de
contrôler les différentes milices. Enfin, se pose la question de la réconciliation nationale.
Interrogé par Jeune Afrique sur ce point, le nouveau président du Congrès national général,
Mohamed al-Megaryef, insiste sur le fait que les criminels doivent être punis. Concernant la
religion, il ajoute : « Nous sommes un peuple 100 % musulman, il est normal que la charia soit
une source de législation et que rien ne vienne la contredire.» Longtemps marginalisés, les
Toubous semblent décidés à jouer un rôle majeur dans le désert libyen. Certains vont jusqu’à
évoquer des combats entre Toubous et Arabes, ce qui retarde cette réconciliation qu’aucun
dirigeant ne semble décidé à promouvoir. L’indivisibilité de la Libye est plus que jamais remise en
cause, notamment avec la volonté d’autonomie exprimée en Cyrénaïque. Dans un contexte de
combats entre Toubous et Arabes, de méfiance entre la Cyrénaïque et la Tripolitaine, l’éventualité
d’une Libye fédérale ne doit pas être écartée.
La victoire des Frères musulmans en Egypte était prévisible. On a eu droit au duel que beaucoup
appréhendaient : l’islam (Morsi) face à l’ordre (Chafik). L’ordre étant synonyme d’ancien régime,
les Frères, notamment à travers un discours consensuel, se sont érigés en garants de la révolution.
Ce n’est pas la première fois qu’ils constituent ainsi la solution : les Britanniques les avaient
instrumentalisés contre le nationalisme arabe. Une fois élu président, Mohamed Morsi a dû faire
face à l’armée. Il s’est vite retrouvé bien démuni sans constitution, et sans parlement. Dans un
sursaut d’orgueil qui a eu le mérite de surprendre, Morsi vient d’écarter le maréchal Tantawi, qui
dirigeait le Conseil suprême des forces armées. Certains se sont alors empressés d’évoquer un
bras de fer entre l’armée et le président, tournant à l’avantage de celui-ci, bien qu’il se soit
empressé de décorer le maréchal mis à la retraite. En réalité, rien n’est clair autour des réelles
relations entre les militaires et les Frères musulmans. Le Président Sadate lui-même avait donné
des gages aux Frères musulmans, notamment en proclamant une amnistie générale. Il faut aussi