La couverture santé universelle en Afrique : un cadre

La couverture santé universelle en Afrique :
un cadre pour laction
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Résumé analytique
Pourquoi investir dans la couverture santé universelle (CSU) ?
Les investissements dans les systèmes de santé en Afrique sont la clé dune croissance inclusive et
durable. La forte croissance économique de ces dernières années a contribué à abaisser le taux de
pauvreté à 43 % de la population. Toutefois, avec laugmentation de la population de l’Afrique qui
devrait atteindre 2,5 milliards dici 2050 un des défis cruciaux pour la région est de créer les bases
dune croissance inclusive à long terme. De nombreux pays souffrent encore de taux élevés de mortalité
infantile et maternelle, la malnutrition est encore trop répandue, et la plupart des systèmes de santé ne
sont pas en mesure de gérer efficacement les épidémies ni le fardeau croissant des maladies chroniques
telles que le diabète. Ces défis exigent un renouvellement des engagements et des progrès accélérés en
vue de la couverture santé universelle (CSU) qui permettra à chacun de recevoir les soins de santé selon
ses besoins, et sans difficultés financières.
Investir dans la CSU est rentable. La première raison dinvestir dans la CSU est dordre moral : il est
inacceptable que certains membres de la société soient exposés à la mort, à linvalidité, à la maladie et à
lappauvrissement pour des questions qui pourraient être réglées à peu de frais. Mais la CSU est
également un bon investissement. La prévention de la malnutrition ainsi que de la mauvaise santé se
traduira probablement par des effets bénéfiques considérables en termes de vies plus longues et
productives, de niveaux de revenu plus élevé, et de frais médicaux épargnés. Une réponse efficace à la
demande de planification familiale accélèrera la transition en matière de fécondité, qui entraînera à son
tour des taux de croissance économique plus élevés ainsi qu’une réduction plus rapide de la pauvreté. De
plus, l’amélioration des systèmes de surveillance épidémiologiques peut endiguer le coût humain et les
conséquences économiques des épidémies. En 2015, la perte de croissance économique due au virus
Ébola s’est chiffrée à plus dun milliard de dollars USD dans les trois pays touchés par lépidémie.
La CSU en Afrique : progrès et défis
Les dépenses de santé en Afrique ont fortement augmenté, mais les dépenses publiques domestiques
marquent le pas. Dans l’ensemble, la dépense de santé a augmenté rapidement au cours des vingt
dernières années, en particulier dans les pays à revenu intermédiaire. Mais cette augmentation est due
principalement aux dépenses de santé payées directement par les ménages et à laide au développement,
dont environ la moitié était destinée aux dépenses liées au VIH/sida. C’est ainsi que la part des dépenses
de santé dans la dépense publique totale a diminué dans la moitié des pays de la région. En 2014, seuls
quatre pays ont atteint lobjectif dAbuja qui fixe à 15 % la part des dépenses publiques à consacrer à la
santé. Le faible niveau des ressources domestiques engagées se traduit souvent par des pénuries dintrants
essentiels, tels que les ressources humaines pour la santé et les produits pharmaceutiques.
Si la couverture des services de santé essentiels a augmenté, de graves lacunes subsistent. La
couverture en matière de moustiquaires traitées à linsecticide pour les enfants a rapidement augmenté en
Afrique, ce qui explique partiellement la baisse de la mortalité infantile. Dautres indicateurs liés aux
services de santé maternelle et infantile, tels que les soins prénatals et laccouchement assisté par du
personnel qualifié, se sont également améliorés. De grandes disparités subsistent néanmoins à l’intérieur
des pays et la couverture reste très incomplète pour de nombreux services essentiels. Laccès aux services
de traitement du VIH/sida, de la tuberculose et du paludisme reste inégal et inférieur aux autres
indicateurs de base de progrès de la CSU. Les progrès sont également lents quant à lamélioration l’accès
à l’eau et à lassainissement, et la région est loin datteindre lobjectif de développement durable 2030 qui
vise à assurer à 80 % de la population une couverture en matière de services de santé de base essentiels.
Des millions dAfricains sombrent dans la pauvreté à cause du niveau élevé des paiements directs
de santé. La protection contre les risques financiers est généralement faible en Afrique, obligeant la
plupart des patients à puiser dans les revenus de leur ménage pour payer les services de santé, ce qui
s’appelle paiements directs de santé. Dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire (tranche
inférieure), les patients sont moins protégés contre les paiements directs élevés que ceux des pays à
revenu intermédiaire (tranche supérieure). Les paiements directs de santé ont augmenté dans presque tous
les pays, passant de 15 dollars USD par habitant en 1995 à 38 dollars USD en 2014. Ainsi, 11 millions
dAfricains basculent chaque année dans la pauvreté à cause du niveau élevé des paiements directs de
santé. Protéger les personnes de la paupérisation causée par les paiements de santé est une pierre
angulaire de la CSU, et contribuera à empêcher la pauvreté en Afrique.
Accélérer les progrès en vue de la CSU : opportunités, orientations et direction
Accélérer les progrès en vue de la CSU en Afrique est à portée de main, mais exigera un leadership
politique et une vision stratégique claire. La plupart des pays africains ont intégré la CSU parmi les
objectifs de leur stratégie nationale de santé. Mais ces engagements sont lents à se traduire par un
accroissement des ressources domestiques consacrées à la santé, par une aide efficace au développement
avec pour résultat des services de santé équitables et de qualité et une protection financière accrue. Les
pays qui atteindront leurs objectifs en matière de CSU dici 2030 pourront éviter un grand nombre de
décès materno-infantiles, renforcer la résilience face aux crises sanitaires, réduire les difficultés
financières liées à la maladie et consolider les bases dune croissance économique à long terme.
Il nexiste pas dapproche unique pour atteindre la CSU les stratégies pendront du contexte
local et du dialogue national. Malgré la grande diversité des pays africains, beaucoup dentre eux sont
confrontés à des défis communs. Le présent cadre propose aux pays et aux acteurs impliqués dans la
réalisation de la CSU un ensemble de mesures. Il a pour ambition de stimuler des activités en démontrant
que les progrès en vue de la CSU sont non seulement possibles, mais également primordiaux.
La CSU en Afrique : un cadre pour laction
Financement : dépenser plus et mieux, assurer une protection financière efficace
Améliorer lefficacides dépenses de santé publiques et privées pour obtenir de meilleurs résultats et
accroître les ressources ;
Accroître les dépenses publiques de santé par le biais dune réallocation budgétaire et d’une
mobilisation accrue des ressources nationales ;
Réduire les obstacles financiers à l’utilisation des soins de santé et rendre les services de santé
abordables pour tous ;
S’assurer que les personnes pauvres et les travailleurs du secteur informel bénéficient du prépaiement et
que les prestataires bénéficient de conditions équitables ;
Allouer des ressources budgétaires spécifiques pour réduire les obstacles financiers à l’utilisation des
soins de santé ;
Améliorer lefficacité de laide au développement pour la santé, en améliorant la coordination et
lutilisation des systèmes de santé des pays.
Services : centrage sur le patient, qualité des soins et action multisectorielle
Mettre en place des services de santé centrés sur le patient afin daméliorer la qualité des services et la
sécurité des patients ;
Donner la priorité aux investissements dans les services de soins communautaires et de santé
primaires dans le cadre de systèmes viables de gouvernance au niveau local ;
Créer des partenariats avec la société civile et les prestataires non gouvernementaux afin délargir
laccès aux services et aux interventions essentiels ;
Investir dans la formation initiale, particulièrement dans les zones mal desservies ;
Entreprendre une action multisectorielle pour établir les déterminants de la santé.
Équité : cibler les pauvres et les groupes marginalisés, en ne laissant personne au bord du chemin
Cibler les populations vulnérables et concevoir des programmes adaptés à leurs besoins ;
Étendre les prestations de services aux groupes et lieux marginalisés ;
Porter à l’échelle nationale les interventions favorables aux pauvres, telles que les incitations à la
demande, notamment les bons et les transferts conditionnels en espèces ;
Protéger les droits des femmes, des enfants et des minorités, en particulier durant les périodes de leur
vie où ils sont vulnérables.
État de préparation : renforcer la sécurité sanitaire
Améliorer les plans de préparation nationale, notamment la structure organisationnelle du
gouvernement ;
Promouvoir ladhésion au Règlement sanitaire international (RSI) ;
Utiliser le cadre international pour le suivi et lévaluation du RSI ;
Améliorer la collaboration avec les partenaires concernés et entre les pays pour la préparation et la
réponse aux crises sanitaires.
Gouvernance : ancrages politiques et institutionnels de l’agenda de la CSU
Mettre en place des plateformes et des processus pour encourager le dialogue sociétal ;
Renforcer les mécanismes qui ont démontré leur efficacité dans le dialogue intersectoriel et l’action ;
Établir un système de suivi et de rapports transparent sur les progrès en vue de la CSU ;
Assurer à lensemble des citoyens l’accès aux données et aux informations relatives à la CSU, dans le
cadre d’un dialogue sociétal et de processus participatifs ;
Renforcer les institutions et les organisations nationales pour qu’elles puissent diriger la mise en œuvre
des réformes nécessaires à la CSU.
La CSU en Afrique : un cadre pour l’action
Texte complet
A. Pourquoi investir dans la couverture santé universelle (CSU) ?
1. Au cours des quinze dernières années, de nombreuses parties de l’Afrique
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ont connu une
croissance économique rapide et une réduction spectaculaire de la pauvreté. Entre 2001 et 2014, le
produit intérieur brut (PIB) réel a augmenté de 5 % par an, contre à peine plus de 2 % dans les années
1980 et 1990 (Fonds monétaire international, 2016). La croissance économique a contribué à la réduction
de la pauvreté dans l’Afrique subsaharienne : le pourcentage de la population vivant au-dessous du seuil
de pauvreté est en effet tombé de 57 % en 1990 à 43 % en 2015 (Banque mondiale et Fonds monétaire
international, 2016). Les progrès sont cependant inégaux, reflétant les conflits et l’instabilité de certaines
parties du continent. Pourtant, en dépit d’une économie mondiale qui s’essouffle, la forte demande
intérieure, l’amélioration de la gestion macroéconomique et le renforcement de l’environnement
commercial ont contribué à maintenir vivante la promesse d’une renaissance africaine.
2. L’Afrique a également enregistré des progrès impressionnants en matière de santé. Entre 1990 et
2015, l’Afrique subsaharienne (ASS) et l’Afrique du Nord (AN) ont connu une baisse respective de la
mortalité juvénile de 54 et 67 % (UNICEF, 2015) (Figure E-1 et E-2 en annexe). Pendant cette même
période, le taux de mortalité maternelle a baissé de 45 % en ASS et de 59 % en AN. Le nombre des décès
liés au sida a fortement baissé entre 2010 et 2015 en ASS, région la plus touchée (de 1,13 à 0,8 million)
(ONUSIDA, 2016b). Ces progrès reflètent : a) une forte augmentation des interventions clés dans le
domaine de la santé maternelle et juvénile ; b) des améliorations importantes dans les efforts de
prévention ; c) l’accès au traitement du VIH/sida dans la plupart des pays africains (fiFigure E-3 et E-4).
3. Malgré les progrès réalisés, de nombreux pays sont confrontés à d'immenses besoins non
satisfaits en matière de santé et la pression sur les systèmes de santé devrait s’accroître. Dans de
nombreux pays africains, la réduction de la mortalité juvénile et maternelle est restée en deçà des objectifs
du millénaire pour le développement (OMD) ; quant aux objectifs de développement durable (ODD), leur
réalisation représente un défi de taille (figure E-5). La prévalence du VIH/sida et de la malnutrition reste
obstinément élevée. Sur le plan mondial, les nouvelles infections à VIH enregistrent une stagnation à
2,5 millions par an, dont 75 % en Afrique subsaharienne. Par ailleurs, en matière de santé, les disparités
économiques, sociales, géographiques et ethniques ainsi que les disparités entre hommes et femmes
restent d’une ampleur intolérable (Heaton et coll. 2016). D’autres questions importantes apparaissent
également. Les récentes épidémies d’Ébola et de fièvre jaune en Afrique ont souligné la vulnérabilité des
pays face aux crises sanitaires. Les maladies chroniques non transmissibles augmentent à un rythme
alarmant et représentent un défi du double point de vue de la prévention et du traitement. Ces défis
apparaissent dans un contexte de fécondité élevée et de forte croissance démographique. D’après les
estimations actuelles des Nations Unies, la population de l’Afrique devrait passer de 1,2 milliard en 2015
à 2,5 milliards en 2050.
4. Les progrès en vue d'une couverture santé universelle (CSU) sont non seulement cruciaux pour la
promotion de l’équité, des droits fondamentaux et de la curité humaine en matière de santé, mais sont
aussi porteurs d'avantages économiques importants. De nombreux pays d’Afrique ont fait preuve d’un
leadership impressionnant dans la conduite de leur programme de santé, soutenu par des engagements au
titre des objectifs du millénaire pour le développement et, plus récemment, au titre des objectifs de
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développement durable. L’engagement en faveur de la couverture santé universelle (CSU) l’idée que
chacun puisse accéder aux services de santé dont il a besoin sans encourir de difficultés financières est
fondé sur la reconnaissance de la valeur intrinsèque de la santé et du droit à la santé. En d’autres termes, il
est inadmissible que certains membres de la société soient exposés à la mort, à l’invalidité, à des
problèmes de santé et à l’appauvrissement pour des problèmes qui pourraient être résolus à peu de frais.
La CSU est également un bon investissement économique. En effet, la prévention de la malnutrition et de
la maladie aura vraisemblablement des effets bénéfiques considérables sur la longévité et la productivité
des individus, le niveau des revenus, et les coûts de santé évités. Une protection contre la paupérisation
provoquée par les dépenses en soins médicaux va également contribuer à la stabilité sociale, qui est un
préalable à une croissance économique soutenue. Une réponse efficace à la demande de planification
familiale accélèrera la transition de la fécondité, qui entraînera à son tour un relèvement des taux de
croissance économique et une réduction plus rapide de la pauvreté. Des systèmes de santé renforcés, aptes
à prévenir et détecter les pandémies et autres crises sanitaires, et à y répondre efficacement, peuvent
réduire de façon spectaculaire les perturbations et les coûts économiques causés par de tels évènements.
De plus, l’accès à des services de santé à un coût abordable aide à réduire les difficultés financières liées à
la maladie, tout en contribuant à la cohésion sociale et à la réduction de la pauvreté. Enfin, le secteur de la
santé contribue de plus en plus, et directement, à la croissance économique et à la création d’emplois. En
résumé, la CSU est non seulement un facteur d’égalisation sociale, mais également un bon investissement
dans le capital humain et la sécurité sanitaire, ainsi qu’un moteur pour la création d’emplois dans le
secteur de la santé.
5. La CSU devient de plus en plus un impératif politique car les citoyens de la région attendent des
services de santé plus accessibles et de meilleure qualité. Compte tenu de l’enjeu, il n’est pas surprenant
que la santé soit au premier plan du débat politique dans différents pays du monde. L’Afrique ne fait pas
exception. Le dernier sondage d’opinion Afrobaromètre, mené dans 36 pays d’Afrique, souligne
l’importance accordée à la santé par la population africaine. De même que les sondages menés sur
d’autres continents, cette enquête révèle un haut degré de frustration et de préoccupation face aux
systèmes de santé de la région. Les personnes interrogées mentionnent la longueur des temps d’attente,
les coûts élevés, le manque de respect de la part des prestataires et le fait qu’elles-mêmes, ou les membres
de leur famille, renoncent souvent à se faire soigner en cas de maladie ou de blessure. La santé est
systématiquement définie comme l’un des grands défis auxquels sont confrontés les pays africains ; dans
27 des 29 pays couverts par l’enquête Afrobaromètre 2014/2015, la santé est classée comme l’une des
deux grandes priorités exigeant un accroissement des dépenses publiques.
6. Le présent document fournit un cadre pour l’action vers la CSU pour l’Afrique. Il souligne les
progrès réalisés ces vingt dernières années dans l’extension de la couverture des services de santé clés,
dans la protection contre les risques financiers causés par les paiements de soins de santé et dans le
renforcement de la sécurité sanitaire. Malgré des progrès notables, il reste d'énormes défis. Il n’y a pas de
modèle unique pour la façon de s’attaquer à ces défis ; les pays devront tracer leur propre trajectoire en
fonction de stratégies définies par les pays, ou de feuilles de route, qui reflètent les besoins, les aspirations
et les contraintes des divers pays de la région. Néanmoins, les leaders africains ont souscrit des
engagements communs à la CSU par le biais du processus des ODD, et par le biais des déclarations et des
organismes régionaux, et des politiques et des législations nationales. S’appuyant sur ces engagements, le
présent cadre est destiné à stimuler l’action, en démontrant que la progression vers la CSU est non
seulement possible, mais également essentielle.
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