1 Vaccination anti VHB et sclérose en plaques – Un cheminement

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Vaccination anti VHB et sclérose en plaques Un cheminement jurisprudentiel complexe
12 /2013
Jean VILANOVA Juriste
jean.vilanov[email protected]
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A l’heure actuelle, il n’existe aucune preuve scientifique quant au lien entre la vaccination contre le VHB et l’apparition d’une sclérose en plaques. Aussi, par
simple application de la règle de droit, la responsabilité d’un laboratoire ayant commercialisé le vaccin ne saurait être a priori reconnue (pas de
responsabilité objective). En effet, il appartient d’abord au patient de rapporter le lien de causalité entre le produit injecté et la survenue des troubles
neurologiques. Tâche ardue s’il en est. C’est pourquoi dans un contexte désormais plus compassionnel, c’est-à-dire plus attentif que par le pas à la
souffrance de la victime, les juges, confrontés à l’absence de preuve scientifique irréfutable peuvent révéler, en certaines circonstances, des présomptions
« graves, précises et concordantes » ouvrant voie à l’indemnisation du préjudice. De ces deux options, l’une orthodoxe, l’autre compassionnelle, la Cour de
cassation en laisse l’appréciation souveraine aux juges du fond. Et elle ouvre une nouvelle piste axée sur le défaut du produit. Pour bien comprendre ce
dossier, il faut d’abord en revenir à son origine. Puis éclairer ses évolutions.
1. Période 1995 à2001 et au-delà - Quand une observation statistique conduit à la cacophonie
a. Tout part d’observations faites, en France, entre 1995 et 1997. Ces observations ont trait à plusieurs cas de scléroses en plaques rapportés dans les
semaines qui ont suivi une vaccination contre le VHB. A cette époque, dans une société toujours en proie au traumatisme de la contamination post-
transfusionnelle par le virus du sida, voire de celui résultant de la forme humaine du virus de Kreutzfeld-Jakob, ces données entraînent un questionnement
évident : la vaccination contre le VHB favorise-t-elle le risque de sclérose en plaques ?
Le 15 /05 /2000 par des courriers adressés à 8 personnes dont 3 sont atteintes de sclérose en plaques, la Direction générale de la Santé estime qu’au vu
des dernières données de pharmacovigilance et épidémiologiques il existe un lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et l’état de santé
déficient de ces patients.
Quelques jours plus tard, le 25 /05 /2000, son de cloche différent de la part du secrétariat d’Etat à la santé. Celui-ci précise que « les experts n’ont pu
conclure jusqu’à présent, sur l’existence d’une association entre cette vaccination et l’apparition de la maladie. Ces experts ont toutefois estimé qu’un risque
faible de lien de causalité entre le vaccin contre l’hépatite B et ces affections ne pouvait être exclu dans l’état actuel des connaissances. »
Une telle cacophonie traduit le trouble qui semble, à ce stade, s’instaurer dans les sphères décisionnelles
En parallèle, deux études anglo-saxonnes, l’une réalisée sur 600 patients et l’autre sur 23 000 infirmières concluent à l’absence d’association entre la
vaccination et la redoutable pathologie.
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Les autorités sanitaires françaises, en dépit de leur valse-hésitation affirmer dans un même texte une chose et son contraire continuent néanmoins de
recommander la vaccination en regard du rapport bénéfice/risques dont elle est porteuse. Rappelons en effet que l’hépatite B tue encore aujourd’hui 1 000
personnes chaque année en France sur les 300 000 porteurs du virus.
b. Et en ce qui concerne les décisions de justice... Par deux arrêts rendus le 2 /05 /2001, la cour d’appel de Versailles condamne le laboratoire SKB à
indemniser le préjudice subi par deux patientes au motif qu’avant d’être vaccinées, l’une et l’autre était en parfaite santé et que l’on ne pouvait exclure de
façon certaine l’existence d’une association entre la vaccination et la maladie. Les juges du fond se situent ici bien davantage sur le terrain de l’intuition que
sur celui de la démonstration scientifique. Il en résultera une cassation, à notre avis assez prévisible (arrêt du 23 /09 /2003 ; 1ère civ.), les hauts magistrats
pointant le fait que les juges de fond ne rapportaient pas la preuve « du défaut du vaccin comme le lien de causalité entre la vaccination et la maladie… »
2. Période 2008 à 2013 - Vient le temps de l’instabilité jurisprudentielle…
a. Par plusieurs arrêts rendus à partir du 22 /05 /2008, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence. Certes, chacun
l’a bien compris, la science n’avance aucun élément de preuve entre vaccination et maladie. Il n’empêche, ce silence de la science ne doit plus obérer la
parole du juge. Suite à l’apparition de troubles neurologiques laissant augurer la sclérose en plaques chez une patiente huit mois après l’administration du
vaccin, la Cour de cassation considère que « … Si l’action en responsabilité du fait d’une produit défectueux exige la preuve du dommage, du défaut et du lien
de causalité entre le défaut et le dommage, une telle preuve peut résulter de présomptions, pourvu qu’elles soient graves, précises et concordantes. »
Commentaire
Ce revirement ne surprend pas, à plusieurs titres. D’abord dans la mesure il cale l’approche juridique du VHB sur celui du VIH et du VHC. On gagne en
lisibilité. On gagne également en équité en ce qui concerne le traitement de la souffrance du patient. Ensuite parce qu’il s’agit, dans ce revirement d’une
pleine application du principe de précaution inscrit depuis février 2005 dans la Constitution de la République. Enfin parce que la chambre sociale de cette
même Cour de cassation avait, dès 2003, abordé comme un accident du travail, l’apparition chez un salarié d’une sclérose en plaques après une vaccination
imposée par son employeur. Comment imaginer une approche radicalement différente d’une question aussi sensible par deux des chambres de la
juridiction suprême ? Un cauchemar pour tout juriste qu’il vaut mieux ne pas imaginer en effet
Néanmoins, cette position que l’on qualifiera de favorable pour les patients trouve sa limite. La juridiction suprême fixe donc un principe, celui de
l’indemnisation liée à des présomptions graves, précises et concordantes, nous l’avons vu.
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Mais elle laisse à chaque cour d’appel le soin d’apprécier la matérialité ou non d’un tel faisceau de présomptions. D’où le rendu, par ces mêmes cours
d’appel de plusieurs décisions contrastées tandis que les faits relevés s’avèrent le plus souvent proches voire identiques Et un sentiment d’injustice
pouvant être ressenti par certaines victimes.
b. Désormais, une approche au cas par cas. C’est, à ce jour, la règle jurisprudentielle. Pour preuve, l’énoncé de deux récents arrêts, l’un en date du 29 /05,
l’autre en date du 10 /07 /2013. Le premier consacre le rejet du pourvoi formé par une patiente tandis que le second, tout au contraire accueille le pourvoi
d’un autre malade sur une base par ailleurs fort intéressante et novatrice.
Cour de cassation ; 1ère ch. civ. ; pourvoi n° 12-20903 ; 29 /05 /2013
Faits et décisions
Une jeune fille âgée de 17 ans reçoit, les 11 et 29 /07 /1995, deux injections du vaccin contre le VHB. Peu de temps après, elle ressent des engourdissements
et des fourmillements des membres. Six mois plus tard, se déclarent des troubles oculaires graves. Le diagnostic de scléroses en plaques est posé en 1997. La
jeune fille assigne en réparation de son préjudice le laboratoire Glaxosmithkline commercialisant le vaccin.
La Cour d’appel d’Orléans amenée à statuer sur le fond rejette la demande de la patiente.
Selon les magistrats, il n’existe pas de présomptions graves, précises et concordantes suffisantes pour imputer la maladie à la vaccination. Ils écartent
également l’hypothèse du caractère défectueux du produit administré.
Le pourvoi formé devant elle par la patiente est reje par la Cour de cassation qui approuve ainsi l’arrêt d’appel énonçant que la victime n’avait pas
rapporté la preuve de la participation du vaccin litigieux à l’apparition de la maladie.
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Cour de cassation ; 1ère ch. civ. Pourvoi n° 12-213-14 ; 10 /07 /2013
Faits et décisions
Entre 1986 et 1993, Mme X. reçoit plusieurs injections de vaccin contre l’hépatite B, injections ensuite renouvelées du fait qu’elle ne développe pas d’anti-corps.
En 1992, Mme X. se plaint d’épisodes de paresthésie des mains puis, à partir de 1995 d’un état de grande fatigue et de troubles sensitifs. En 1998, son médecin
pose le diagnostic de sclérose en plaques. Elle impute la maladie au vaccin et recherche alors la responsabilité du laboratoire Sanofi Pasteur, fabricant du produit.
Par arrêt rendu le 5 /04 /2012, la Cour d’appel de Versailles déboute Mme X. de sa demande au motif qu’elle n’a pas établi le caractère défectueux du produit.
Dans un premier temps, les juges énoncent le fait désormais admis qu’il s’avère impossible de prouver tant le lien de causalité que l’absence de lien entre la
sclérose en plaques et la vaccination. Ils considèrent que l’appréciation de ce lien relève du cas par cas, par présomptions. Or, eu égard à l’état antérieur de Mm X.,
à son histoire familiale, son origine ethnique, au temps écoulé entre les injections et le déclenchement de la maladie, enfin au nombre anormalement important
des injections pratiquées, il existe « des présomptions graves, précises et concordantes permettant d’établir le lien entre les vaccinations litigieuses et le
déclenchement de la sclérose en plaques. »
Pour autant, l’arrêt précise que la seule implication du produit ne suffit pas à établir son défaut, ni le lien entre ce défaut et la pathologie. Enfin les magistrats font
état d’une considération générale sur le rapport bénéfice /risque très favorable au produit « qui a probablement sauvé des milliers de vie pour lesquelles le
risque « hépatite B » était infiniment plus grand que le risque « sclérose en plaques. » Et de conclure que « le vaccin n’a pas été retiré du marché et a reçu les
autorisations requises, que si le ministère de la santé a mis un terme aux campagnes de vaccination systématiques, cette réserve ne peut contribuer à établir le
caractère défectueux du produit. »
Arrêt cassé. Les hauts magistrats décèlent en effet une contradiction dans les motivations de la Cour d’appel. Ainsi ne peut-on considérer l’existence d’un
faisceau de présomptions graves, précises et concordantes permettant d’établir le lien de causalité entre la prise du produit et la maladie tout en écartant le
caractère défectueux du dit produit sur des bases inhérentes à son rapport bénéfice /risque, ici très favorable.
« … En se déterminant, par une considération générale sur le rapport bénéfice /risques de la vaccination, après avoir admis qu’il existait en l’espèce des
présomptions graves, précises et concordantes tant en regard de la situation personnelle de l’intéressée que des circonstances particulières résultant notamment
des injections pratiquées, de l’imputabilité de la sclérose en plaques, sans examiner si ces mêmes faits ne constituaient pas de présomptions graves, précises et
concordantes du caractère défectueux des doses qui lui avaient été administrées, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »
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