de la mcla
lettre
N° 12 /juin 2004 N° 12 /juin 2004
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La lettre DE LA MAISON DE LA CULTURE DE LOIRE-ATLANTIQUE • SUPPLÉMENT THÉÂTRE AMATEUR La lettre DE LA MAISON DE LA CULTURE DE LOIRE-ATLANTIQUE • SUPPLÉMENT THÉÂTRE AMATEUR
THÉÂTRE AMATEUR
Des rencontres
de théâtre amateur
en Loire-Atlantique
Le plaisir du théâtre
Prés de 1500 spectateurs ont assisté à cette rencontre
où un jury composé de professionnels, d’amateurs et d’élus
municipaux a désigné une troupe qui représentera les
Pays de la Loire lors d’une rencontre nationale à Tours
en octobre prochain. C’est l’Akabi Compagnie, d’Angers,
qui a été désignée avec Le Premier d’Israël Horovitz.
Le prix du public a été attribué au Théâtre des deux rives,
de Château-Gontier avec Veillée Funèbre, de Guy Foissy.
Deux troupes de Loire-Atlantique se sont fait remar-
quer : Commedia dell Quartier de Couffé, deuxième prix
du jury, et, hors concours, New Rancard de Teillé, prix
spécial du public, avec Filons vers les Iles Marquises
d’Eugène Durif.
Après Saint-Barthélémy-d’Anjou, c’est donc la Maison
de la Culture de Loire-Atlantique qui accueillera cette
grande et belle manifestation en 2005. Le Théâtre de Verre,
de Châteaubriant, qui compte alentour bon nombre de
troupes dynamiques, a accepté de relever le défi avec
la Maison de le Culture. Notez-donc d’ores et déjà sur
vos tablettes le rendez-vous des 3, 4 et 5 juin 2005 pour
ces studieuses, mais festives et musicales 8es rencontres
de théâtre amateur en Loire-Atlantique.■
BERTRAND CHAUVEAU
Du 7 au 9 mai derniers se sont déroulés à Saint-
Barthélémy-d’Anjou les 13es « Coups de théâtre ».
Ce festival régional de théâtre amateur est orga-
nisé, depuis l’an passé, en alternance par le Théâtre de
l’Hôtel de Ville bartholoméen, et par la Maison de la
Culture de Loire-Atlantique (qui l’a accueilli au Théâtre
Quartier Libre d’Ancenis en mai 2003).
Douze troupes des Pays de la Loire ont eu le plaisir de
s’y produire : une de Mayenne, une de Sarthe, une de
Vendée, quatre de Maine-et-Loire, et cinq de notre dépar-
tement, dont quatre avaient été sélectionnées lors de
la rencontre départementale de Saint-Vincent-des-
Landes en avril (cf. encadré). Parmi ces troupes de Loire-
Atlantique, trois postulaient pour la première fois :
¤le Théâtre du Point Rouge, de la Chapelle-Basse-Mer,
avec Tailleur pour Dames de Georges Feydeau
¤la Compagnie des Alizés, de Bouguenais,
avec La Leçon d’Eugène Ionesco
¤la Compagnie de La Mansarde, de Châteaubriant,
avec Trio en mode majeur de Jacques-François
Piquet (un jeune auteur de la région castelbriantaise)
et une pour la troisième fois :
¤Commedia dell quartier, de Couffé, avec Tchekhov
comme Tchekhov, un montage de textes d’Anton
Tchekhov.
André Antoine (Limoges 1858 –
Le Pouliguen 1943) est aujourd’hui
considéré comme l’inventeur de la mise
en scène moderne. Mais si son principal
titre de gloire est la défense du théâtre
naturaliste, il ne faut oublier en lui ni le
directeur du Théâtre Antoine et du Théâtre
de l’Odéon, ni le critique dramatique, ni
le cinéaste. Et encore moins l’acteur !
Employé du gaz, il va engager, avec un
groupe de comédiens amateurs, une des
plus grandes aventures théâtrales de la
modernité. Il entend reproduire fidèlement
sur la scène un milieu social précis et
inciter l’acteur à jouer le plus naturellement
possible dans ce milieu reconstitué (et,
au besoin, en tournant le dos au public)
de façon que le personnage, conformément
au naturalisme, paraisse une excroissance
de ce milieu. Il règle ses mises en scène
en tenant compte d’un « 4emur » invisible,
derrière lequel se déroule l’action.
Au Théâtre-Libre, puis au Théâtre Antoine
à partir de 1897, Antoine entreprend de
faire table rase des vieilles conventions
scéniques telles que le jeu déclamatoire
à l’avant-scène, les accessoires peints sur
des toiles de décor représentant toujours
le même salon bourgeois. À la place de
ces conventions périmées, le directeur du
Théâtre-Libre impose un jeu naturel, au
plus près du ton réel de la conversation,
le décor exact, les accessoires vrais, des
costumes inspirés eux aussi de la réalité
(et non confiés à l’imagination de quelque
grand couturier), le rôle déterminant de
l’éclairage électrique et l’obscurité dans
la salle.
Il nous livre ici, quel bonheur, ses
Plaisirs du théâtre (1ère partie – suite
au prochain numéro).
Pleins feux
Le plaisir du théâtre !… Un plaisir aussi vieux que
l’homme et qui conserve, quoi qu’on en dise, toutes
chances de durer aussi longtemps que lui ! Il
correspond à un besoin profond de sa nature, besoin
si puissant, si originel, qu’il prend place immédiatement
après la nourriture et l’amour : celui de s’évader hors
de la réalité quotidienne, de vivre tout éveillé un rêve
assez réel pour qu’il reste émouvant, assez irréel pour
qu’il garde l’aspect rassurant du songe.
Ce que nous appelons aujourd’hui le jeu, en le distin-
guant avec tant de soin du travail, n’est en réalité qu’une
des formes les plus anciennes de l’activité humaine.
De même que la mère s’amuse, depuis la plus ancienne
préhistoire, à mimer à son nourrisson, des dangers, des
objets, des événements imaginaires, de même l’enfant
ressent une joie instinctive à faire de ses jeux la trans-
position de la vie. Étant seul, il éprouve déjà un plaisir
évident à imaginer et à jouer des scènes dont il est à
la fois l’auteur, l’acteur et l’unique spectateur. Mais com-
bien plus vif est ce plaisir quand, entouré d’autres enfants,
chacun d’eux joue un rôle déterminé dans le drame ou
la comédie improvisés ! L’enfant est alors alternative-
ment gibier ou chasseur, vainqueur ou vaincu. Il passe
par toutes les phases imaginables de l’existence. Il en
éprouve toutes les émotions. Il s’y passionne. Il y croit.
Il ressent sous sa forme la plus primitive, mais aussi la
plus aiguë, le plaisir profond du théâtre, le miracle de
l’imaginaire devenu réel.
En même temps, il nous restitue sans s’en douter les
gestes, les attitudes, les états d’âme de ce que j’oserai
nommer la scène quaternaire. Il nous fait pressentir ce
que dut être au temps de la jeunesse du monde, chez
l’homme de Cro-Magnon, la joie du simulacre, toute proche
encore de la feinte animale, éternelle magie de la vie
transposée par le jeu, qui est l’essence même du théâtre.
Je me suis quelquefois amusé à l’imaginer, ce lointain
ancêtre, ce premier spectateur des tout premiers jeux.
Je le vois, au pied de la falaise où sont creusées les cavernes
superposées. La journée s’achève. À l’occident, le ciel
rougeoit déjà. La chasse de jour où l’homme triomphe
est terminée. La chasse de nuit où il doit encore céder
le pas aux bêtes carnassières n’est pas commencée. C’est
l’heure de la trêve. Assis par groupes autour de lui, ses
compagnons, mâles ou femelles, hument la fraîcheur
du soir. Sur la berge, qui descend en pente douce vers
la rivière, les petits jouent avant de s’endormir. Sous les
crânes épais des bêtes verticales, une joie confuse agite
les cervelles embryonnaires. Aujourd’hui la horde a mangé.
Un élan atteint par une pierre de silex tranchante a servi
à calmer sa faim. La force mystérieuse de la nourriture
gonfle les cous énormes et les torses puissants. Joie incom-
municable par la parole. Le langage n’existe pas. Il se
borne à quelques cris d’avertissement, de crainte, de colère
ou d’appel. Les intentions, les sentiments de ces êtres
rudimentaires s’expriment surtout par gestes. La mimique,
voisine de celle des bêtes, supplée encore le mot.
Poussé par le trop-plein de vie qu’il ressent en lui, par
le besoin irrésistible qu’il éprouve d’exprimer son bien-
être et sa force victorieuse, un des primates s’est dressé.
Ses pieds battent le sol. Sa tête tourne rapidement à droite
et à gauche. Toute son attitude imite, en les exagérant
par dérision, l’allure et le cri du gibier vaincu, dont les
ossements gisent à quelques pas. Au cri du gibier, par un
réflexe instinctif, répond dans le groupe le cri de chasse
de l’homme. D’autres mâles se dressent à leur tour. Mûs
par l’apparence de la proie, par leur obscure atavisme
de chasseurs, ils entrent presque inconsciemment dans
le jeu. Tandis que le premier continue d’exprimer les
craintes et les ruses de la bête, tout naturellement ils
miment celles de la découverte et de l’approche. Leurs
mains simulent le jet des pierres, auquel l’autre oppose
les bonds de l’animal. Leur mémoire musculaire recons-
titue presque exactement l’avènement de la journée. Le
groupe entier suit à présent les évolutions des joueurs.
Sa surexcitation s’accroît avec le souvenir réveillé du
repas récent. Il crie, il trépigne. On bat des mains selon
que les ruses du chasseur sont déjouées ou triomphantes,
et le jeu durerait parfois longtemps si, de la clairière
voisine, ne s’élevait soudain le rauquement du fauve
annonçant l’approche de la nuit avec ses terreurs et ses
dangers. Instantanément rappelés à la réalité, acteurs
et spectateurs s’enfuient précipitamment…
Premier théâtre… premier plaisir du théâtre, et qui contient
déjà en germe presque tous ceux qu’il dispensera par
la suite.
Beaucoup plus tard, quand le peuple d’Athènes, assemblé
au flanc de la colline où se creuse le blanc théâtre de
Dionysos criera d’enthousiasme à l’audition des Perses
d’Eschyle, son plaisir sera tout aussi profond, tout aussi
puissant que la surexcitation du clan originel devant
la pantomime naïve des brutes primitives. Plaisir plus
raffiné certes, enrichi d’apports inestimables. Le piéti-
nement de jadis est devenu la danse. Le cri s’est mué
en musique et en chant, le groupe confus en chœur ordonné.
La simple attitude s’est accrue du masque et du cothurne.
Le mot a remplacé le geste. Il ne s’agit plus enfin d’un
simple gibier abattu, mais de Xerxès vaincu et du des-
tin d’Athènes.
Et, pourtant, la joie du spectateur de la soixante-
seizième olympiade, qui a combattu, vingt ans plus tôt,
à Salamine et déjà reconstruit l’Acropole, ne se diffé-
renciera pas dans sa nature profonde de celle manifestée
autrefois par son lointain ancêtre. Lui aussi, en applau-
dissant aux vers d’Eschyle, connaît ce plaisir de revivre
magnifié, embelli, éternisé par le poète d’un moment
révolu de sa propre existence, affranchie pour un instant
des lois de l’espace et du temps par la magie du théâtre.
Plus tard encore, c’est une joie du même ordre, épurée par
la ferveur chrétienne, qui jettera à genoux le spectateur
du Moyen Âge pendant le drame de la Messe, d’où sortira
bientôt l’étonnante floraison des « Miracles » médiévaux.
Il ne s’agit plus désormais d’exalter une victoire humaine,
mais de revivre, avec une foi vibrante, le sacrifice bien
autrement émouvant d’un Dieu. Pourtant, toujours à la
base, l’émotion ressentie par le spectateur reste celle de
l’évasion hors de la vie quotidienne, grâce à la transpo-
sition par le jeu d’un fait. Peu importe qu’il soit sur-
naturel ou matériel.
Quel rapport, me direz-vous, entre ces formes archaïques
du plaisir scénique et celui que vient goûter à l’audition
d’une pièce du Boulevard un spectateur de 1933 ? Eh
bien, quoiqu’il en semble, le lien, pour être peu apparent,
n’en est pas moins réel.
En limitant le rôle du théâtre à n’être plus qu’un simple
délassement de l’esprit, destiné avant tout à nous
distraire, nous lui avons, à coup sûr, donné la possibi-
lité de nous offrir des plaisirs nouveaux, et d’ailleurs
accessoires, correspondant à notre mentalité moderne;
cependant la nature profonde de la joie qu’il nous
dispense de temps en temps n’a pas changé. ■
ANDRÉ ANTOINE
(suite et fin dans la Lettre
du théâtre amateur n° 13)
« …le jeu n’est
en réalité qu’une
des formes les
plus anciennes de
l’activité humaine… »
¤Les rencontres théâtrales
départementales
LA RENCONTRE FESTHÉA LOIRE-ATLANTIQUE 2004
a eu lieu les 2, 3 et 4 avril à Saint-Vincent des-Landes
(celle de 2003 se déroulait à Donges) sous le parrai-
nage de la MCLA. 10 troupes y ont participé : les 5
troupes invitées à Saint-Barthélémy-d’Anjou, plus la
Cie Clémentine, de Sainte-Luce-sur-Loire avec La nuit
de Valognes d’Éric-Emmanuel Schmitt, l’Atelier-
Théâtre de Cordemais, avec Les Mille-Pattes de Jean-
Christophe Barc, l’Estrade, de Vertou, avec Éclat
d’amour, montage de textes contemporains, et deux
compagnies vendéennes. L’édition 2005 aura lieu à
Saint-Gildas-des-Bois, en avril. Comme l’an passé,
toutes les troupes adhérentes à Amathéa recevront
en novembre une fiche de candidature.
Vous voulez en savoir plus ?
N’hésitez pas : 02 28 24 28 06.
Plusieurs rencontres de théâtre amateur ont vu le jour ces dernières
années dans le département: à Machecoul avec le festival «Détours»
en octobre, à La Baule avec le festival des Salines en avril. Vous
pouvez trouver le programme de ces festivals (comme toutes les
dates «amateurs» du département) dans le «calendrier des troupes»
de la rubrique «théâtre amateur» du site Internet de la MCLA :
www.mcla.asso.fr
7 es rencontres de théâtre amateur en Loire-Atlantique, Ancenis, mai 2003
Table ronde du dimanche matin. De gauche à droite : Michel Auger, Michel Liard,
Philippe Coutant, Joël Jouanneau, Jean-Luc Taillefert et Bertrand Chauveau