surface en été, et en descendant dans les eaux profondes en hiver pour éviter le
froid. C’est ce qu’ont prouvé les savants anglais et américains qui avaient marqué
des quantités de poissons qu’ils lâchaient et qu’on a toujours repris, longtemps après
dans les mêmes parages. C’est aussi ce qu’a démontré l’expérience partout où l’on a
fait de l’empoissonnement, le poisson n’a augmenté que dans les parages où on en
a mis. En Amérique, la côte a été peuplée artificiellement de morues : à Glocester,
depuis 1878, à Wood’s Hill on a multiplié la morue, le turbot, la sole, et cela, depuis
1889. A Terre-Neuve l’établissement de Dilds a repeuplé, avec un grand succès, la
côte de morues et de homards. En Norvège, depuis 1883, l’établissement de Flood-
wyg, prés Bergen, repeuple cette côte de morues, de harengs et de poissons plats et de
homards, élevés par la pisciculture, et on y obtient de très bons résultats.
Dans ces pays, les pêcheurs avaient commencé par se moquer des gens qui fai-
saient de la pisciculture ; mais, maintenant qu’il ont vu que le poisson qui avait dis-
paru ou qui allait disparaître, revenait beaucoup plus nombreux tout en continuant
à être pêché de plus en plus, ils ne rient plus quand on leur parle de pisciculture mais
ils en remercient ceux qui en font. Jusqu’ici, il n’a pas été fait, en France, d’élevage
en grand. M. Canu a bien proposé en 1893 d’élever à Boulogne un établissement
semblable à ceux de Norvège et d’Angleterre, et M. Perrier a fondé un établissement
à Saint-Vaast-la-Hougue, mais il est à peine terminé. Nous espérons qu’il donnera
d’aussi bons résultats que les établissements étrangers.
Voici comment on s’y prend dans ces établissements étrangers. D’abord on faisait
pondre les femelles en leur pesant sur le ventre et en mélangeant aux œufs la laitance
des mâles pour les féconder, comme on fait pour le saumon en eau douce.
Mais on a remarqué que les œufs de poisson de mer ne mûrissent que les uns après
les autres ; et maintenant on trouve meilleur d’enfermer simplement, dans de petits
bassins où l’eau de mer coule toujours, les femelles près de pondre et les mâles près
de rendre la laitance à mesure qu’ils sont mûrs. Les œufs ainsi pondus et fécondés
flottent. Ils sont entraînés en dehors du bassin par le courant d’eau qui en sort et qui
traverse un tamis où les œufs restent. C’est dans ces tamis qu’on les prend pour les
mettre à éclore dans de petits baquets où l’eau de mer coule tout le temps. Les œufs
mettent de treize à cinquante jours à éclore suivant les espèces, et aussi suivant que
l’eau est plus ou moins chaude. Quand les petits naissent, ils ont sous le ventre une
vessie qui les fait flotter le ventre en l’air ; ils donnent de temps en temps quelques
coups de queue et commencent à se retourner et à nager au bout de deux jours. Ils ne
sont débarrassés de leur vessie qu’au bout de quinze jours. Pendant ces quinze jours,
Ils ne mangent pour ainsi dire pas ; ils sont nourris surtout par ce que contient la
vessie. Ils sont tellement maladroits, qu’en pleine eau, presque tous seraient mangés
par les poissons; aussi on ne les lâche qu’après le quinzième jour, lorsqu’ils sont deve-
nus assez dégourdis pour se défendre un peu. On pourrait les garder plus longtemps
au bassin, mais on trouve que cela coûterait trop cher de les nourrir et d’avoir des
bassins assez grands pour eux.
Les homards, eux, sont bien plus faciles encore à élever
que les poissons ; ils n’ont pas besoin d’eau aussi pure.
Ainsi ils naissent très bien dans les bassins de Concarneau, et à l’étranger on les
reproduit en grand d’une façon très économique.
C’est à quatre ou cinq ans seulement, quand elles ont atteint la taille de 20 cen-
timètres, que les femelles de homards commencent à pondre. La même femelle ne
pond jamais deux ans de suite. Le nombre des œufs de chaque femelle varie de
cinq mille à quatre-vingt mille suivant son âge. C’est vers le mois de juillet qu’a lieu
la ponte ; les œufs restent alors collés sous le ventre des femelles qui les ont pon-
dus pendant une dizaine de mois, c’est-à-dire jusqu’à leur éclosion. Alors, il sort de
chaque œuf une petite bête de 8 millimètres environ, qui ressemble bien peu à un
homard, et qui nage au lieu de marcher. Quant aux langoustes, elles ressemblent si
peu à leur mère en naissant qu’on les a longtemps prises, quand elles étaient jeunes,
pour une autre espèce de bête. Les homards ne prennent leur vraie forme qu’au
bout de cinq à six semaines ; ils ont alors 2 centimètres de longueur. Ils ont déjà à ce
moment changé de coque quatre fois ; c’est alors qu’ils cessent de nager pour tomber
au fond et marcher comme de vrais homards. Pour pouvoir grandir, ils sont obligés
de changer de coque souvent. Dans la première année ils en changent huit à dix fois
; à mesure qu’ils vieillissent ils en changent, moins souvent. Par exemple, dans leur
C’est à quatre ou cinq ans seu-
lement, quand elles ont atteint
la taille de 20 centimètres,
que les femelles de homards
commencent à pondre.
Et maintenant on trouve
meilleur d’enfermer simple-
ment, dans de petits bassins où
l’eau de mer coule toujours, les
femelles près de pondre et les
mâles près de rendre la laitance
à mesure qu’ils sont mûrs.