1 ère journée d`étude africaine en comptabilité et contrôle

1 ère journée d’étude africaine en comptabilité et contrôle
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Première Journée d’Etude Africaine de Comptabilité
( J.E.A.C )
Proposition d’article
Les modèles comptables à l’épreuve des préoccupations
environnementales : une lecture par le droit comptable OHADA
Louis Ndjetcheu
1
Résumé
De nombreux écrits sont consacrés actuellement à la comptabilité environnementale dans les pays développés.
Par contre, les recherchent qui analysent ce phénomène en Afrique francophone sont rares, sinon inexistantes.
Le but de cet article vise alors à questionner le modèle comptable OHADA suite aux multiples lois et conventions
ratifiées par la plupart de ses Etats parties et qui réglementent la diffusion des informations sociales et
environnementales par certaines entreprises africaines dont les activités ne sont pas sans conséquences
négatives sur la société.
Une analyse qualitative du plan de comptes et des états financiers OHADA, à partir d’une grille de lecture
empruntée aux travaux d’Ernst et Ernst (1978), permet de relever que le modèle comptable OHADA ne s’abreuve
pas à la source des différentes lois et conventions relatives aux problématiques liées à l’environnement. Ce qui
nous permet d’affirmer que dans les pays de l’espace OHADA le cadre juridique est en avance par rapport au
droit comptable. Ce constat est le reflet de la mal gouvernance de l’institution OHADA en matière d’adaptation du
modèle comptable face aux besoins des utilisateurs et aux mutations de l’environnement.
Mots clés : Modèles comptables Environnement OHADA Comptabilité environnementale - Gouvernance
1
Professeur de Sciences de Gestion, Enseignant chercheur en sciences comptables et fiscales, Faculté des Sciences
Economiques et de Gestion Appliquée ( Université de Douala ). Tél : 00.237.650.495.234 / 677.321.969 / 698.872.827 ;
E-mail : ndjetcheu@yahoo.fr BP : 4032 Douala - Cameroun
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Introduction
Les modèles comptables sont en proie à de multiples mutations consécutives à l’évolution de l’environnement
qu’ils sont censés traduire dans des normes comptables en vigueur. Ces mutations concernent principalement
l’émergence de nouvelles problématiques liées à l’environnement. En effet, la fin du XXe siècle marque ainsi le
début de la prise de conscience
2
, dans les pays développés, des limites sociales et environnementales de
certaines externalités résultant du modèle de croissance implémenté depuis la période post conflit de la
deuxième guerre mondiale. Ce poids excessif des entreprises dans la production et la croissance mondiale est
source de leur interpellation par de multiples institutions qui leur demandent, de ce fait, de rendre compte sur les
impacts de leurs activités.
Dès lors, le souci d’encadrement des externalités des entreprises par le modèle comptable apparait au cours des
années 80. Ce qui aboutit à la naissance de la comptabilité environnementale
3
. Cette dernière limite son champ à
l’environnement naturel et fait fi des autres variables environnementales que sont le politique, la monnaie,
l’économie, les ressources humaines, etc. Selon Christophe (2000), la comptabilité environnementale est : « un
système d’information efficient sur le degré de raréfaction des éléments naturels engendré par l’activité des
entreprises, utilisable pour réduire cette raréfaction et pour informer les tiers ». Il ressort de cette définition que la
comptabilité environnementale doit permettre aux dirigeants des entreprises d’une part, d’évaluer leur
contribution négative ou positive sur leur environnement et d’autre part, de gérer leurs responsabilités dans les
domaines environnementaux et d’en rendre compte aux parties prenantes intéressées par leurs activités.
Plusieurs travaux en comptabilité se sont intéressés à cette comptabilité environnementale, notamment en
retraçant sa finalité, ses limites et la nature des techniques pouvant être mobilisés soit par le normalisateur, soit
par l’entreprise elle même. D’autres recherches mettent ainsi en exergue des liens de dépendance entre la
qualité et la quantité des informations environnementales publiées dans les rapports annuels et des variables
environnementales comme la taille des entreprises ( Belkaoui et Karpick, 1989) ou les accidents écologiques (Li
et Richardson, 1997). Les problèmes de prise de décision orientent d’autres chercheurs sur la piste de
l’évaluation de la performance environnementale comme critère de décision (Baker, 1996 ; Bennett et James,
1997). Pour sa part, Lafontaine (2004) présente les innovations comptables apportées par la prise en compte de
l’environnement naturel à travers la création de comptes verts, de rubriques vertes dans l’annexe du bilan, la
diffusion d’informations vertes dans le rapport annuel et la mise en œuvre d’un système d’information de budget /
contrôle des dépenses vertes. Outre les éléments de pure technique, il apparaît clairement que la comptabilité
connaît ainsi un renouvellement de ses fondements, voire de ses objectifs à travers le développement des
préoccupations environnementales. Toutefois, un constat s’impose. Toutes ces recherches sont menées dans
des pays développés dans lesquels les pratiques sont fortement réglementées ou encadrées par la loi.
2
Cette prise de conscience apparaît pour la première fois dans le rapport Brundtland publié en 1987. S’en est suivi le
rapport des Nations Unies qui proposait qu’en plus des critères classiques de performance, les entreprises devraient tenir
compte des préoccupations environnementales et sociales ; les différents sommets sur les problématiques de
l’environnement ( Rio de Janeiro, Stockholm, Tokyo, Johannesburg, Paris ), les initiatives internationales ,comme la « Global
Reporting Initiative » ( GRI ) à partir de 1997, à laquelle participent les entreprises, des universités, des cabinets de
consultants et les ONG et dont le rôle consiste à tracer le canevas de publication volontaire des rapports sur les dimensions
économiques, sociales et environnementales des activités des entreprises.
3
Les informations sociales et environnementales (ISE) sont dans la majorité des cas publiées, de façon volontaire ou
obligatoire, dans les rapports annuels (Unerman 2000). Ainsi, Gray et al. (1987) définissent cette pratique comme « le
processus de communication des faits sociaux et environnementaux des actions économiques des organisations à des
groupes d’intérêts particuliers dans le cadre de la Société au sens large ». Ceci implique l’extension du domaine de la
comptabilité traditionnelle qui fournit les états financiers destinés principalement aux actionnaires. Dans la terminologie
francophone, des termes comme comptabilité environnementale (Christophe 1992), comptabilité sociale et sociétale (Capron
2000), comptabilité verte (Christophe 1995), comptabilité des ressources humaines (Marquès 1977) et reporting sociétal
(Capron et Quairel 2003 ; Rivière-Giordano 2007) ont été utilisés pour désigner toute forme de comptabilité qui s’étend à des
domaines au-delà de la comptabilité financière
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Cependant, les recherches sur la comptabilité environnementales restent absentes dans la littérature comptable
en Afrique francophone de l’espace OHADA.
Pourtant, l’exposition tant dans les pays développés que dans les pays du sud, d’une part aux mêmes
conséquences de la dégradation de l’environnement, notamment l’effet de serre suite à la destruction de la
couche d’ozone par les rejets industriels des entreprises, les changements climatiques, le réchauffement de la
terre, la destruction de la biodiversité, etc et d’autre part l’appartenance aux mêmes groupes de pression
internationaux de défense des droits de l’environnement que sont les organisations internationales et les ONG,
militent en faveur d’une similitude des normes comptables en matière de l’environnement dans les différents
contextes. Dès lors, une étude des pratiques comptables environnementales s’avère justifiée dans les pays
francophones de l’espace OHADA. Si de nombreuses recherches ont eu lieu sur les normes comptables dans
l’espace OHADA, très peu, sinon aucune ne s’est préoccupée de la dimension environnementale de ces normes
comptables. Aussi, il nous a semblé opportun d’examiner la dimension contingente du modèle comptable dans
cet espace francophone, surtout à l’heure le cadre juridique impose à certaines entreprises l’obligation de
publication des rapports environnementaux. Aussi pouvons-nous nous interroger raisonnablement sur l’impact de
ces contraintes environnementales sur la modélisation comptable dans l’espace OHADA. La question de
recherche qui constitue la trame de notre problématique est celle ci :
Le normalisateur comptable dans l’espace OHADA intègre t il les préoccupations environnementales dans
l’élaboration des normes comptables en vigueur ?
Notre objectif, dans cette étude, est d’examiner si la normalisation comptable dans l’espace OHADA
tient compte des exigences actuelles en matière d’environnement. Il s’agit d’une analyse exploratoire
basée sur un examen des plans de compte et des états financiers OHADA à travers une approche qui
se veut qualitative. Pour apporter un éclairage à ce questionnement, notre étude se structure sur trois
points essentiels. Le premier point de cette recherche propose une revue de la littérature des
principales études antérieures qui avaient pour objectif de décrire les pratiques liées aux
communications sociales environnementales. Le second point concerne le contexte et la méthodologie
de recherche utilisés pour analyser la présence des préoccupations environnementales dans le plan de
comptes et des états financiers de synthèse OHADA. Les résultats obtenus ainsi que les implications
managériales sont présentés dans le dernier point de cet article.
1 Modèles comptables et préoccupations environnementales : un état des lieux
Au regard de la problématique des préoccupations environnementales, la littérature comptable s’est
orientée sur plusieurs pistes de réflexions qui tracent la nature, la typologie des informations diffusées,
les conséquences de la diffusion de ces informations sur la performance des entreprises ainsi que les
différentes motivations de diffusion. Mais avant de retracer la revue de la littérature sur le lien entre les
préoccupations environnementales et la comptabilité, il semble judicieux de montrer le cheminement
d’une comptabilité nationale environnementale vers une comptabilité environnementale.
1.1 De la comptabilité nationale environnementale à la comptabilité environnementale
Les années 70 marquent le début des toutes premières publications en comptabilité environnementale.
Celles ci portent beaucoup plus sur la comptabilité nationale avec des travaux fondateurs des
américains Nordhaus et Tobin (1971) avec leur ouvrage « Is growth obsolete ? » qui marque ainsi un
renouvellement dans la perception du Produit Intérieur Brut (PIB) avec notamment l’attention portée sur
l’Indice de Développement Humain (IDH). Il faut, toutefois, noter que c’est avec le Suisse Muller Wenk
(1972) qu’est publié le premier ouvrage de comptabilité environnementale traduite en français par
« comptabilité écologique, une introduction ». Au cours de ces premières années, les travaux portent
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beaucoup sur la comptabilité nationale environnementale dont l’épine dorsale repose sur les
publications des chercheurs américains, à l’instar de Cobb and Cobb (1994) sur le « Produit National
Vert ».
Cependant, la littérature en comptabilité d’entreprise environnementale s’est veloppée pour la
première fois en Europe Continentale avec des auteurs comme Christophe (1992,1995), Antheaume
(1996, 2001), Mikol (1995) et le Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts Comptables (OEC) (1996) en
France
4
, Gray et Bebbington (2001) en Angleterre, etc. A cet effet, la recommandation de la
Commission Européenne en date du 30 Mai 2001 constitue un tournant décisif dans la prise en compte
des aspects environnementaux par la comptabilité. Cette recommandation éclaire sur un certain
nombre d’éléments tels que les définitions, les traitements comptables, les précautions dans
l’évaluation des passifs et des principes de la publication des informations environnementales. Elle
traite également des comptes sociaux et consolidés des entreprises, des banques, des assurances et
des établissements financiers. Au niveau de l’Union Européenne (UE), chaque pays devait traduire
dans les faits cette réglementation. C’est dans ce cadre que la loi française sur les Nouvelles
Régulations Economiques (NRE) précise les neuf catégories d’informations que les sociétés cotées
doivent publier obligatoirement dans le rapport du Conseil d’Administration ou du Directoire ( Voir
tableau 1 ci dessous ).
De même, la date du 21 Octobre 2003 marque un tournant décisif pour le Conseil National de la
Comptabilité (CNC) en France à travers l’adoption de la recommandation 2003 r 02 qui définit les
notions de dépenses environnementales, de passifs environnementaux et d’actifs environnementaux,
l’annexe du bilan ainsi que leurs modes d’évaluation et de comptabilisation. Cette forme de
communication des informations environnementales par le biais des rapports et des comptes annuels
se situe dans un mouvement de convergence au niveau mondial des modèles comptables qui tend à
ranger le construction et la présentation des états financiers sur les normes internationales IAS / IFRS
produites par l’International Accounting Standard Board ( IASB ) basé à Londres.
Tableau 1 : Liste des informations environnementales à publier dans le rapport des sociétés cotées
Typologies d’informations environnementales à publier dans le rapport du CA
1
« La consommation de ressources en eau, matières premières et énergie, avec le cas échéant, les mesures
prises pour améliorer l’efficacité énergétique et le recours aux énergies renouvelables, les conditions d’utilisation
des sols, les rejets dans l’air, l’eau et le sol affectant gravement l’environnement et dont la liste sera déterminée
par arrêté des Ministres chargés de l’Environnement et de l’industrie, les nuisances sonores et les déchets
2
Les mesures prises pour limiter les atteintes à l’équilibre biologique, aux milieux naturels, aux espèces animales
et végétales protégées
3
Les démarches d’évaluation et de certification entreprises en matière d’environnement
4
Les mesures prises, le cas échéant, pour assurer la conformité de l’activité de la société aux dispositions
législatives et réglementaires applicables en la matière.
5
Les dépenses engagées pour prévenir les conséquences de l’activité de la société sur l’environnement
6
L’existence au sein de la société de services internes de gestion de l’environnement, la formation et l’information
des salariés sur celui ci, les moyens consacrés à la réduction des risques pour l’environnement ainsi que
l’organisation mise en place pour faire face aux accidents de pollution ayant des conséquences au delà des
établissements de la société
7
Le montant des provisions et garanties pour risque en matière de l’environnement, sauf si cette information est
de nature à causer un préjudice sérieux à la société dans un litige en cours
8
Le montant des indemnités versées au cours de l’exercice en exécution d’une décision judiciaire en matière
4
Ces auteurs mettent en relief les outils de comptabilité environnementale que les entreprises peuvent utilisées pour
collecter, traiter et communiquer les informations environnementales
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d’environnement et les actions menées en réparation de dommages causés à celui ci.
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Tous les éléments sur les objectifs que la société assigne à ses filiales sur les 1/ à 6/ ci dessus »
Source : Art 2 du décret N° 2002 221 du 20 Février 2002 portant application de la française sur la NRE
1.2 Une revue de la littérature sur la comptabilité environnementale
En fonction des objectifs retenus par les chercheurs, la littérature dans le domaine de la comptabilité
environnementale s’est forgée trois axes de recherche. A propos, Damak Ayadi (2010) recense un
premier groupe de recherche centré sur des études descriptives dont le but est de décrire et de dévoiler
certaines caractéristiques relatives à la nature et à l’étendue de la communication sociale et
environnementale par le biais d’analyses comparatives au niveau des secteurs d’activité, des supports
de communication utilisés, des pays ou des périodes étudiées. Les études les plus marquantes ont
porté sur l’analyse des supports de communication, notamment l’utilisation des rapports annuels pour la
diffusion des informations environnementales par la majorité des entreprises (Tilt, 1994) tandis que
quelques entreprises utilisent d’autres supports comme les sites web, les brochures publicitaires et les
rapports environnementaux et sociaux (Guthrie et al. 2008 : Rowbottom et Lymer, 2009). D’autres
auteurs ont focalisé leurs attentions sur des études portant sur des analyses comparatives qui tiennent
compte des variables sectorielles et de la location de l’entreprise dans l’espace
5
, (Guthrie et Parker, 1990)
, notamment aux USA, dans certains pays d’Europe comme l’Angleterre, la France, l’Espagne, etc., ou
dans d’autres continents telle que l’Asie ( Abu-Baker et Naser, 2000 ; Basamalah et Jermias, 2005 ). En
ce qui concerne l’étendue de la communication environnementale, la plupart des études (Guthrie et
Parker 1990 ; Abu-Baker et Naser 2000 ; Thompson et Zakaria 2004) se sont focalisées sur les items
développés par l’étude fondatrice d’Ernst et Ernst
6
(1978) et portant sur l’environnement, l’égalité, le
personnel, l’engagement dans la communauté, les produits et autres informations. D’autres études ont
analysé la localisation de l’information environnementale soit dans le message du président, soit dans
les états financiers, soit dans les sections séparées du rapport annuel ou dans des rapports spéciaux.
En ce qui concerne la nature de l’information, L’évolution constatée dans le volume des
communications sociales et environnementales des entreprises a montré deux pistes possibles : les
informations obligatoires et les informations volontaires. Celles ci sont relatives à l’engagement dans
la communauté, aux sujets environnementaux, à la santé et à la sécurité.
Le deuxième groupe de recherches, qualifié d’études explicatives, tentent de trouver une justification
aux motivations à la publication, surtout volontaire, des informations sociales environnementales. Ces
motivations sont multiformes. D’abord, les entreprises publient les informations environnementales par
simple intéressement, dès lors qu’il s’agit d’une pratique qui leur permet d’acquérir ou de conserver des
marchés ( Wilson et McLean, 1996 ), de préserver la pérennité de leurs activités ( Shrivastava, 1995 )
ou de consolider leur légitimité auprès des parties prenantes ( Lehman, 1995 ). Ensuite, la piste de la
réglementation est explorée par des auteurs comme Avila et Whitehead (1994). Il ressort de leur
5
Les résultats de l’analyse de Guthrie et Parker décèlent des différences au niveau de la communication environnementale
à l’échelle internationale. Ces résultats indiquent que 98 % des sociétés britanniques, 85 % des sociétés américaines et
56 % uniquement des sociétés australiennes publient des informations sociales et environnementales.
6
L’étude d’Ernst et Ernst (1978) a porté sur les informations sociales et environnementales publiées dans les rapports
annuels des sociétés classées dans Fortune 500 aux États-Unis entre 1972 et 1978. Ils ont utilisé six catégories d’items et
ont mesuré le nombre de pages consacrées à chacun d’entre eux.
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