Musée du général Leclerc de Hauteclocque et de la libération de Paris – Musée Jean Moulin. Que pouvaient-ils faire ? Résistance au national-socialisme 1939-1945. Exposition de la Fondation 20 juillet 1944 en coopération avec le Mémorial de la Résistance allemande à Berlin. 1 Après l’invasion de la Pologne par les troupes nazies, Hitler durcit la répression. Malgré tout, une petite minorité d’Allemands résistent, attentant même à la vie d’Hitler. Cette exposition leur est dédiée. En septembre 1939, la dictature nazie est solidement installée, et l’entreprise de nazification de la société allemande largement avancée. L’entrée en guerre ne fait qu’accentuer les choses. Ceux qui ont choisi de résister le font dans le contexte d’une société totalitaire et d’un nationalisme exacerbé. Parmi eux, de jeunes allemands âgés de 16 à 25 ans, seuls ou bien au sein de modestes réseaux. Ils écoutent les radios étrangères, distribuent des tracts, refusent de partir au front, transmettent des informations, projettent d’assassiner Hitler… Ce dossier pédagogique aidera les élèves à mieux comprendre les spécificités de la résistance en Allemagne pendant la guerre et à s’interroger sur les mécanismes et le sens de l’engagement. Il peut être utilisé dans le cadre d’un travail sur les notions de « mythes et héros » inscrites au programme du cycle terminal. Il permettra notamment d’aborder la pluralité des causes ayant conduit ces Allemands à combattre le national-socialisme. Peter Graf Yorck von Wartenburg dans sa lettre d’adieu à sa mère le 8 août 1944. Le dossier pédagogique de l’exposition propose : P. 3 :Une mise au point scientifique revenant sur le contexte de la guerre et les spécificités de la résistance allemande. P. 5 : Un point sur l’histoire de la mémoire de la résistance allemande en Allemagne depuis les années 1950 avec un parcours mémoriel dans la ville de Berlin. P. 10 : Les portraits de dix jeunes résistants avec des citations et des biographies en allemand extraites du Lexikon des Widerstandes (1933-1945), sous la direction de Peter Steinbach et Johannes Tuchel. P. 15 : La présentation d’œuvres littéraires et cinématographiques qui permettront aux professeurs de prolonger la visite de l’exposition. 2 De la République de Weimar à l’arrivée d’Hitler au pouvoir La défaite militaire du pays précipite la chute du régime impérial. L’armistice n’est pas encore signé que la République est proclamée à Weimar (berceau des poètes Goethe et Schiller) le 9 novembre 1918. Pour stabiliser le climat politique, le principe d’un Etat fédéral composé de 18 Länder, est adopté. Les députés du Reichstag et les représentants des länder au Reichsrat élus pour 4 an, incarnent le pouvoir législatif. Le président de la République chef du pouvoir exécutif, élu pour 7 ans, peut dissoudre le Reichstag et consulter le peuple par voie de référendum. Pour avoir signé le traité de Versailles le 28 juin 1919 considéré par les Allemands comme un diktat, la social-démocratie et le centre catholique majoritaires au sein du gouvernement, sont accusés par l’opposition nationaliste d’avoir trahi la patrie. Cette condamnation joue un rôle crucial dans le processus qui amène Hitler au pouvoir. Outre l’occupation de la rive gauche du Rhin par les Alliés, la perte de territoires au profit de la Pologne, sauf Danzig (Gdansk), une armée de métier la Reichswehr limitée à 100 000 h, le vaincu se voit contraint de verser des indemnités (les réparations) aux vainqueurs financées par emprunt aux Etats-Unis. Jusqu’au début des années Trente, les dirigeants sont incapables de contenir la violence des forces nationalistes : assassinat en 1922 de Walter Rathenau, ministre des Affaires étrangères, tentative de putsch d’Hitler à Munich l’année suivante. La jeune République de Weimar ne parvient pas à asseoir son autorité faute de majorité parlementaire. De plus les crises économiques successives celle 1923 (inflation galopante) et plus encore celle de 1930 précipitent la crise politique. Les classes moyennes sont prolétarisées et le nombre de chômeurs non indemnisés atteint de 6 millions de personnes trois ans plus tard. Entre temps, les élections de septembre 1930 sanctionnent l’impuissance gouvernementale avec la percée des nationaux-socialistes d’Hitler (6,5 millions voix contre 8,5 millions aux sociaux-démocrates et 4,5 millions aux communistes) qui disposent de solides appuis au sein de la Reichswehr. Le chancelier faute de majorité stable gouverne par décrets-lois puis les pleins pouvoirs en régime d’exception. Le Reichstag est dissout puis avec l’appui des industriels et des banquiers, le président, le maréchal Hindenburg fait appel à Hitler le 30 janvier 1933 pour former un gouvernement. Avec habileté, il fait entrer des nationaux allemands et des conservateurs. C’est la fin légale de la République de Weimar. La répression s’abat immédiatement sur les sociaux-démocrates et les communistes. Fin février, une loi supprime les droits fondamentaux du citoyen. La terreur est institutionnalisée et le Reichstag dissout. « La mise au pas « de la justice, de l’opinion publique, de l’administration et de la culture est une rupture avec les principes démocratiques. Le mot d’ordre est « Ein Reich, ein Volk, ein Führer ». Pourtant aux élections législatives de mars, les nazis n’obtiennent qu’une majorité relative. Le peuple allemand n’a jamais accordé à Hitler la majorité absolue dans des élections libres. Arrestations et internements arbitraires dans les camps de concentration de Dachau et Oranienburg construits dès cette date, sont des instruments de la terreur, destinés à briser la volonté des adversaires politiques et contrer leur réorganisation. Les 500 000 Juifs qui vivent en Allemagne se voient éliminés de la vie économique puis victimes de persécutions. Les lois de Nuremberg de 1935 puis le pogrom de novembre 1938 (dit par les nazis « nuit de cristal ») rendent la vie impossible aux Juifs qui émigrent massivement. Le 3ème Reich est dès ses débuts une dictature. 3 Des Allemands contre le nazisme Les opposants agissent dès l’arrivée d’Hitler au pouvoir dans des conditions dramatiques à cause de l’adhésion de l’ensemble du peuple au nazisme et de la dureté de la répression. L’élimination physique d’opposants politiques est non seulement tolérée mais souvent voulue et approuvée La population allemande se satisfait presque jusqu’à la fin de la guerre du régime nazi qui est une « dictature avec le peuple ». Pourtant la résistance a bel et bien existé. Des hommes et des femmes des ouvriers, des hommes d’églises, des chrétiens (protestants, catholiques, Témoins de Jéhovah), des officiers, des hommes politiques de la République de Weimar, des citoyens tentent à leur manière de lutter contre le national-socialisme. A la déclaration de Guerre en septembre 1939, les résistants sont considérés par les nazis euxmêmes et la majorité de la population comme des « traîtres à leur patrie ». Leur pays non occupé est en guerre. Résister c’est donc trahir. A la différence des résistances dans les pays d’Europe, il n’y a pas de maquis. Les résistants se distinguent par la pluralité de leurs engagements, des objectifs et des formes ainsi que par sa durée : six ans sous un régime de terreur absolu. La diffusion de tracts pour éveiller l’opinion, à l’exemple de la Rote Kapelle, « l’Orchestre rouge », la protection des persécutés et des pourchassés sont autant d’éléments identiques aux formes de résistance en France. La lutte armée s’exprime par la volonté d’éliminer le Führer. Du 8 novembre 1939 à la grande conjuration du 20 juillet 1944, des tentatives pour supprimer Hitler ont été organisées. L’exil et la déportation des résistants allemands rendent encore plus difficile leur combat qui repose sur des individus isolés et des jeunes. Ultra minoritaires, les résistants allemands ne bénéficieront jamais de l’aide des Alliés. A la conférence alliée d’Anfa (banlieue de Casablanca janvier 1943), Churchill et Roosevelt dans leur discours de clôture décident de combattre jusqu’à la capitulation sans conditions de l’Allemagne nazie. Les résistants combattent donc jusqu’au sacrifice suprême. Les conséquences sont bien évidemment dramatiques pour ceux qui « avec désespoir se sont opposés à la tyrannie » pour reprendre les termes de Willy Brandt, lui-même résistant dans l’exil. Ces femmes et ces hommes ont ainsi montré qu’il y avait une autre Allemagne que celle du nazisme. Christine Levisse-Touzé 4 Le Mémorial de la Résistance allemande, un travail de mémoire commencé dans les années 1950. Le Mémorial de la Résistance allemande (Gedenkstätte Deutscher Widerstand) gère à Berlin un ensemble de lieux de mémoire dédiés à ceux qui, en Allemagne, se sont opposés au National Socialisme et l’ont dans leur très grande majorité payé de leur vie. Ces lieux permettent d’aborder la résistance allemande dans toute sa pluralité. L’enjeu mémoriel est important car ces femmes et ces hommes ont été arrêtés par la police, jugés et condamnés pour trahison, entente avec l’ennemi, actes antipatriotiques dans une Allemagne largement gagnée à l’idéologie nazie. Il s’agit donc d’un lieu de commémoration, d’éducation civique et de réhabilitation de ces résistants qui ont lutté pour une autre Allemagne que celle du nazisme. Le lieu principal du mémorial, au sud du Tiergarten, se situe à l’intérieur de l’ancien siège du commandement de la Reichswehr, le complexe Bendlerblock, construit entre 1911 et 1914 pour l'office de la marine. La nouvelle direction militaire du Reich s’installa dans le bâtiment à la fin de la Première Guerre mondiale. Il devient le siège du hautcommandement de l’armée de Terre. Le 20 juillet 1944, des officiers hauts gradés de la Wehrmacht déclenchent l’opération Walkyrie pour éliminer physiquement Hitler et instaurer un Etat de droit. Le coup d’Etat doit mettre fin à la guerre, ainsi qu’à tous les crimes et atrocités qui l’accompagnent. Le dictateur ne fut que légèrement blessé par la bombe qui explosa dans son QG de Prusse orientale. La SS et la Gestapo remontèrent immédiatement le réseau et procédèrent à de nombreuses arrestations, jugements devant le tribunal du peuple et exécutions. Les instigateurs du complot, les officiers von Stauffenberg, von Quirnheim (tous deux sur la photographie cicontre, source Gedenkstätte Deutscher Widerstand), Olbricht et von Haeften furent fusillés dans la cour intérieure du Bendlerblock. Dès les années 1950, alors que les Allemands doivent faire face à leur passé nazi, à la prise de conscience du génocide juif, une mémoire de la résistance allemande se développe. Le président de la République fédérale, Ernst Reuter, inaugura le 20 juillet 1953, dans cette même cour du Bendlerblock, la statue du sculpteur Scheibe représentant un jeune homme aux mains liées. La cour devient le lieu de la commémoration de la résistance contre le national socialisme. A la même époque, plusieurs films sont tournés sur la résistance allemande. Parmi eux, « Der 20. Juli », du metteur en scène Falk Harnack. Le film commence en 1955 dans la cour du Bendlerblock, un couple qui a pris part à la résistance se souvient de ceux qui sont morts. 5 Le maire de Berlin-Ouest, Franz Amrehn, dévoila le 20 juillet 1962 une plaque commémorative avec les noms des officiers fusillés. En 1980, une épitaphe rappelant le sacrifice de ces hommes fut inscrite au mur de la cour intérieure : « Hier im ehemaligen Oberkommando des Heeres organisierten Deutsche den Versuch, am 20. Juli 1944 die nationalsozialistische Unrechtsherrschaft zu stürzen. Dafür opferten sie ihr Leben ». La cour du Bendlerblock, un lieu de L’exposition permanente du musée de la résistance mémoire. allemande est en place depuis 1989 dans les locaux du Bendlerblock, là où travaillaient ces officiers qui ont préparé l’assassinat d’Hitler, là où ils ont été fusillés. Elle retrace la tentative de coup d’Etat du 20 juillet 1944 ainsi que le parcours d’un certain nombre de résistants dont les membres du groupe de « la Rose blanche » ou Georg Elser (photographie ci-contre), présentés dans l’exposition. A Berlin, les lieux de mémoire de la persécution nazie, les lieux de mémoire des victimes et ceux de la résistance allemande s’enchevêtrent et parfois se superposent. Le musée du Bendlerblock se trouve à l’immédiate proximité du numéro 4 de la Tiergartenstrasse, qui donna son nom au programme nazi d’assassinat des personnes handicapées, l’opération T4. Un mémorial* pour ces victimes, y a été inauguré en septembre 2014 (Photographie ci-contre). La villa du numéro 4 de la Tiergartenstrasse a abrité de janvier 1940 à août 1941 le centre de planification de l’extermination et de la stérilisation des personnes handicapées. Environ 70 000 personnes ont été assassinées dans les 6 centres d’exécution prévus à cet effet. *Il est rattaché à la Fondation Mémorial des Juifs assassinés d’Europe et ne dépend donc pas du mémorial de la résistance allemande. 6 Ci-contre : La salle d’exécution de Plötzensee, source Gedenkstätte. Le mémorial de la résistance allemande comprend également le site de l’ancienne prison de Plötzensee, dans le quartier de Charlottenburg. C’était le lieu d’exécution des Allemands condamnés pour trahison. Près de 3000 personnes ont été victimes de la justice nazie dont une forte proportion de Résistants au nazisme allemands et étrangers (245 Français) ; parmi eux Hanno Günther, Elise et Otto Hampel, Helmuth Hübener, Liane Berkowitz, Judith Auer, Eva-Maria Buch, de jeunes allemands présentés dans l’exposition. Il gère enfin l’atelier pour aveugles d’Otto Weidt, devenu un musée. Otto Weidt dirigeait un atelier de fabrication de balais et de brosses, au 39 Rosenthaler Strasse, dans le quartier juif de Berlin. Son atelier était classé wehrwichtiger Betrieb, entreprise importante pour l'effort militaire, car il vendait l'essentiel de sa production à la Wehrmacht. La plupart des collaborateurs, mal-voyants ou sourds-muets, étaient juifs. Weidt leur évita la déportation en leur procurant de faux papiers et en achetant certaines complicités. Il a également caché pendant neuf mois une famille entière dans une pièce au fond de l'atelier aujourd'hui devenu lieu de mémoire. Après la guerre, Otto Weidt a déployé son énergie pour faire construire un orphelinat et une maison pour personnes âgées afin d'y accueillir les survivants des camps de concentration. Environ 160 000 juifs allemands ont été assassinés pendant la guerre. L’atelier d’Otto Weidt souligne le fait que résister, pouvait, en Allemagne plus qu’ailleurs, passer par la protection d’une population juive menacée de Ci-dessus : Ouvriers dans l’atelier déportation et d’extermination. Des Allemands ont également pour aveugles d’Otto Weidt. caché des objecteurs de conscience, ceux qui refusaient au péril de leur vie, de partir au combat. Le mémorial Stille Helden (Héros de l’ombre), géré par la Gedenkstätte Deutscher Widerstand, rend hommage à ces Allemands qui ont sauvé des vies juives. 7 Résister dans Berlin : un parcours dans la ville. Mémorial de Plötzensee. Quartier des époux Hampel, dans lequel ils ont déposé la majeure partie des cartes postales appelant les Berlinois à la révolte. Liane Berkowitz colle le soir du 17 mai 1942 une centaine d'affiches entre Kurfürstendamm et la Uhlandstraße à Berlin. Sur ces affiches on pouvait lire : « Exposition permanente - Le paradis nazi - Guerre - Faim Mensonge - Gestapo - Combien 8 de temps encore ? ». Mémorial de la résistance allemande dans le Bendlerblock. Mémorial Stille Helden (Des héros de l’ombre) : dédié aux Justes qui ont protégé la population juive des persécutions nazies. Musée-atelier pour aveugles d’Otto Weidt. Type de lieu Adresse Type de résistance associé à ce lieu. Dispositif commémoratif mis en place. Plaque apposée sur le mur de l’habitation des époux Hampel. Die Enthüllung der Berliner Gedenktafel war am 8. April 1989 durch Bezirksbürgermeister Jörg-Otto Spiller. "Vom Sommer 1940 bis zu ihrer Verhaftung Ende 1942 verfassen Otto und Elise Hampel mehr als 200 handschriftliche Flugzettel und legen diese (am Wedding, im Bereich des Schlesischen Tores, um den Nollendorfplatz und in Charlottenburg) in Briefkästen und Treppenhäusern aus. (... Sie) fordern darin auf, sich nicht an den Straßensammlungen der Nationalsozialisten zu beteiligen, die Teilnahme am Krieg zu verweigern und Hitler zu stürzen. Vor der Polizei erklärt Otto Hampel, 'glücklich bei dem Gedanken' gewesen zu sein, gegen Hitler und sein Regime protestieren zu können." (aus einem Informationsblatt der Gedenkstätte Deutscher Widerstand). 9 Dix jeunes Allemands contre le nazisme. Georg Elser : « A travers mon acte, je voulais empêcher un bain de sang encore plus grand ». Georg Elser, novembre 1939. Extrait du Lexikon des Widerstandes (1933-1945), sous la direction de Peter Steinbach et Johannes Tuchel Hanno Günther : « Nous voulons une paix juste et par là même durable ! Nous voulons la liberté d’expression et de croyance ! Nous voulons la liberté du travail ! Nous voulons empêcher les guerres à venir… ! Nous voulons la création d’une véritable représentation populaire !!! » Extrait du troisième tract de la série « La libre parole », septembre 1940 10 Extrait du Lexikon des Widerstandes (1933-1945), sous la direction de Peter Steinbach et Johannes Tuchel Walter Klingenbeck : « Cher Jonny, Tout à l’heure, j’ai appris que t’as été gracié. J’te félicite ! De mon côté, ma requête a été rejetée. C’en est donc fi ni. Ne l’prends pas au tragique. Tu t’en es tiré. C’est déjà beaucoup. Je viens de recevoir les sacrements et maintenant, je suis très serein. Si tu veux faire quelque chose pour moi, dis quelques Notre Père. Adieu. Walter » Dernière lettre, avant son exécution, de Walter Klingenbeck à Hans Haberl, août 1943 Extrait du Lexikon des Widerstandes (1933-1945), sous la direction de Peter Steinbach et Johannes Tuchel Elise et Otto Hampel : « Pour servir la justice, il n’y a qu’une solution : abattons le crapuleux régime hitlérien ! Il sème le malheur, la misère et la mort. Jamais il n’apportera la paix. » Carte postale des époux Hampel, vers 1941 Otto et Elise Hampel. Robert Limpert : « Toutes les villes qui ont résisté ont été détruites à l’arme à feu pour finir par être conquises ! … Quand les chars viendront : Sortez les drapeaux blancs ! Que personne ne résiste ! Mort aux bourreaux nazis ! » Extrait du tract de Robert Limpert, printemps 1945 11 Robert Limpert. Photo : Gedenkstätte deutscherWiderstand. Helmuth Hübener : « Ne vous laissez pas priver de votre libre arbitre, le bien le plus précieux que vous possédiez. » Extrait du tract « jeunesses hitlériennes », hiver 1941. Extrait du Lexikon des Widerstandes (1933-1945), sous la direction de Peter Steinbach et Johannes Tuchel Hans et Sophie Scholl : « …qui de nous devine l’ampleur de l’opprobre qui s’abattra sur nous-mêmes et sur nos enfants lorsque tombera le voile qui recouvre nos yeux et lorsque les crimes les plus horribles, infiniment au-delà de toute mesure, s’étaleront au grand jour ? » Extrait du premier tract de la Rose blanche, juin 1942 Extrait du Lexikon des Widerstandes (1933-1945), sous la direction de Peter Steinbach et Johannes Tuchel 12 Liane Berkowitz : « Quand on songe à notre jeune âge, on ne peut pas croire à la mort. Tout cela me fait simplement l’effet d’un mauvais rêve dont je ne pourrai que me réveiller d’un instant à l’autre. Malheureusement, c’est la triste réalité. Dans le passé, jamais je n’ai cru que la vie puisse être aussi dure. » Liane Berkowitz, février 1943 Liane Berkowitz Photo: Gedenkst ätte Deutscher Widerstand Judith Auer : « J’estimais devoir oeuvrer à l’élimination du régime actuel en Allemagne… » Extrait du procès-verbal d’interrogatoire, juillet 1944 Extrait du Lexikon des Widerstandes (1933-1945), sous la direction de Peter Steinbach et Johannes Tuchel Eva Maria Buch : « Mes chers parents, dire que je n’aurais pas réussi à vous épargner à tous les deux le pire des chagrins ! Mais tout est bien ainsi, tel que cela s’est passé. J’étais si affreusement partagée ; les événements de ces derniers mois ont apporté l’ultime solution. Désormais, tout est calme et joie. » Extrait de la lettre d’adieu adressée à ses parents le jour de son exécution, le 5 août 1943 13 Eva maria Buch Photo : Gedenkstätte Deutsch Wiederstand. Une grille de lecture des biographies à proposer aux élèves. Georg Elser Que pouvaient-ils faire ? Hanno Walter Günther Klingenbeck. Elise Hampel. Hans et Sophie Scholl. Age des résistants et lieu où leur action de résistance s’est déroulée. Groupe social auquel ils appartiennent. Idéologie ou croyance religieuse dont ils se réclament. Type d’action de résistance. Mode d’action (solitaire ou au sein d’un groupe de résistance). Liane Berkowitz Age des résistants et lieu où leur action de résistance s’est déroulée. Groupe social auquel ils appartiennent. Idéologie ou croyance religieuse dont ils se réclament. Type d’action de résistance. Mode d’action (solitaire ou au sein d’un groupe de résistance). 14 Judith Auer Que pouvaient-ils faire ? Eva-Maria Helmuth Buch Hübener Robert Limpert Des œuvre pour prolonger la visite : « Seul dans Berlin », “Jeder stirbt für sich allein“, roman allemand de Hans Fallada, 1947, Allemagne. « Seul dans Berlin », publié en 1947, est le dernier roman de Hans Fallada, de son vrai nom Rudolf Ditzen. Il suit une série d’individus habitant le même immeuble au 55 de la rue Jablonsky à Berlin. La famille Persicke dont les fils appartiennent aux Jeunesses hitlériennes, fait régner la peur et la violence dans l’immeuble. Un juge à la retraite qui voit les principes qu’il a toujours défendus être bafoués par le régime nazi. Une femme juive dont le mari est interné en camp de concentration. Un petit trafiquant prêt à toutes les compromissions avec le régime pour s’enrichir. Il y a au centre du roman le couple Quangel. Hans Fallada s’est inspiré de l’histoire vraie d’Elise et Otto Hampel. Le couple présenté dans l’exposition, fut exécuté le 8 avril 1943 sur le site d’exécution de Plötzensee pour des actes de résistance. Son dossier à la Gestapo fut transmis à Hans Fallada après la guerre. Ces ouvriers simples et taiseux confrontés à la perte de leur fils mort au combat, au spectacle de la violence quotidienne dans leur immeuble, à l’injustice sur leur lieu de travail, se lancent dans un acte de résistance solitaire. Ils écrivent des cartes postales hostiles au pouvoir, qu'ils déposent un peu partout dans Berlin, en espérant que d'autres feront de même, et que la population finisse par se soulever contre Hitler. Le roman suit pas à pas l’entreprise des Quangel, ainsi que les agissement des différents habitants de l’immeuble, entre peur, lâcheté, arrivisme, violence, conscience morale, héroïsme désespéré… Il pose la question de ce que l’individu est capable de faire, de la manière dont il est capable de se comporter dans un contexte où les valeurs sont inversées ou la violence la plus brutale domine. Publié en 1947 en Allemagne de l’Est, le roman est passé totalement inaperçu parmi la multitude d'ouvrages sur la guerre. Réédité au début des années 2000, il rencontre un immense succès et est traduit dans de nombreuses langues. Primo Levi disait de Seul dans Berlin, qu'il était l'un des rares textes à « faire comprendre ce qu'était l'Allemagne de l'époque ». « Elser, un héros ordinaire », film allemand (« Elser ») réalisé par Oliver Hirschbiegel, 2015. Critique parue dans Télérama ci-dessous : Qu'est-ce qu'il a dans la tête ? Quand ils arrêtent Georg Elser, le 8 novembre 1939 à Munich, les hommes de la Gestapo le regardent avec perplexité : ce menuisier allemand de 36 ans vient de commettre un attentat à la bombe contre Hitler, qui n'en a 15 réchappé que de justesse. Plus ils le torturent, moins les nazis le comprennent : pas de complices, pas d'alliés communistes, pas de groupe terroriste derrière lui. Tout le pays applaudit son Führer et un homme surgi de nulle part viendrait, seul, jouer une méchante fausse note ? Elser semble un mystère... Dix ans après La Chute, où était décrite la fin du IIIe Reich, le cinéaste revient à un sujet historique, avec une approche plus complexe. Au-delà de la reconstitution, qu'il assure une fois de plus avec professionnalisme et conviction, il montre comment peut s'affirmer, chez un homme à l'existence ordinaire, la volonté obstinée de défendre des valeurs, au risque de changer le cours des événements. Le scénario est un peu trop mécanique, suite d'allers-retours entre les séances d'interrogatoire et le passé d'Elser — un homme libre, amoureux de la vie et des femmes. Ce portrait passionnant est vivifié par Christian Friedel, qui impressionnait déjà en Heinrich von Kleist dans Amour fou, de Jessica Hausner. Il met sa belle singularité au service de son personnage, qu'il campe en homme généreux et inquiet, sensible et pourtant inébranlable. Son interprétation est aussi émouvante qu'éclairante. — Frédéric Strauss « Zeit zu leben und Zeit zu sterben » (« L’île d’espérance”), d’Erich Maria Remarque, roman allemand de 1954. « A time to love and a time to die » de Douglas Sirk, film américain de 1958. Il est possible pour des professeurs d’allemand et d’anglais de mener une étude croisée du roman et du film en interdisciplinarité. Le roman d’Erich Maria Remarque est paru en Allemagne en 1954, dans une version tronquée qui adoucit la violence de la charge envers la société allemande. Le romancier est naturalisé américain depuis 1947. Il a été déchu par les Nazis de sa nationalité allemande en 1938. Son livre le plus célèbre, « À l'Ouest, rien de nouveau » (Im Westen nichts Neues), roman pacifiste sur la Première Guerre mondiale, fut brûlé lors des autodafés de 1933 en Allemagne. L’action du roman se situe en Allemagne en 1944, alors que le pays voit la défaite militaire approcher. Un soldat allemand, Ernst Graeber, quitte le Front germano-russe pour quelques jours de permission. Il découvre que sa maison est détruite et que ses parents ont disparu. Il revoit une amie d'enfance, Elizabeth Krause, dont le père est en camp de concentration, et retrouve Oscar Binding, un camarade devenu chef de district du parti nazi qui tente de l'aider à obtenir des nouvelles de ses parents. Le roman engage une réflexion pacifiste sur le poids de la culpabilité et la responsabilité individuelle dans le contexte d’enracinement de la dictature nazie et de la guerre génocidaire menée sur le front est. Dans l’extrait du roman, ci-dessous, Ernst recherche conseil auprès de son ancien professeur Pohlmann maintenant proscrit et qui se cache dans une maison à moitié effondrée. Il cherche une réponse à ses questions sur la responsabilité des crimes de l'armée allemande. 16 Extrait : Pohlmann regarda la lumière verte et douce de la lampe: "pourquoi êtes vous venu me voir, Gräber? "Fresenburg m'a dit que je devais aller vous voir" "Vous le connaissez bien?" "C'était la seule personne à qui je faisais vraiment confiance là bas (le mot allemand est draussen-dehors, au front). Il m'a dit que je devrais aller vous voir et vous parler. Vous me diriez la vérité" "La vérité? Sur quoi?" Gräber regarda le vieil homme. Un instant, il eut le sentiment d'être à nouveau un écolier interrogé sur sa vie-comme si son destin devait se décider maintenant... "Je voudrais savoir dans quelle mesure je suis impliqué dans les crimes des 10 dernières années. "dit-il. "Et je voudrais savoir ce que je dois faire...." "Quand vous parlez de crimes, pensez-vous à la guerre?" "Je pense à tout ce qui y a conduit. Les mensonges, l'oppression, l’injustice, la violence. Et je pense à la guerre, la guerre telle que nous la menons avec des camps d’esclaves, des camps de concentration et des exécutions massives de civils." "Vous savez tout cela?" "Je le sais maintenant. Je ne l'ai pas toujours su." "Et vous devez y retourner?" "Oui" "C'est épouvantable." "C'est encore plus épouvantable de devoir y retourner en sachant cela et ainsi de devenir complice. Le serai-je?...Dans quelle mesure suis-je complice, si je sais que non seulement la guerre est perdue mais qu'en plus elle doit être perdue pour que s'arrêtent l'esclavage, les meurtres, les camps, la SS , le SD, l'extermination de masse et la barbarie- si je sais cela, et que j'y retourne dans deux semaines reprendre le combat?..". " La culpabilité", dit Pohlmann doucement," personne ne sait où elle commence et où elle finit. Si vous le voulez elle peut commencer partout et se finir nulle part. Ou c'est peut être l'inverse. Et la complicité. Qui le sait? Seulement Dieu;" Gräber fit un geste d'impatience. "A quel moment commence la responsabilité personnelle?...nous ne pouvons pas nous cacher derrière le fait que nous agissons sur ordre." "C'est la contrainte pas seulement l'ordre." "Quand commence la complicité? Quand ce que l'on appelle héroïsme devient-il meurtre? quand on ne croit plus à ses justifications? ou à son but? où est la limite?" Pohlmann le regarda d'un air torturé. "Comment puis-je vous le dire? C'est une trop grande responsabilité. Je ne peux pas décider à votre place" "Il faut que chacun décide seul? "Je le crois oui. Que peut-il y avoir d'autre? " 17 Le film de D. Sirk, « A time to love and a time to die », parmi les plus beaux mélodrames hollywoodiens est une adaptation du roman d’Erich Maria Remarque. Ci-dessous, critique parue dans les Inrockuptibles, novembre 1998, par Serge Kaganski. « En l958, à l’apogée de sa carrière, Douglas Sirk réalisait Le Temps d’aimer et le temps de mourir, élégie douloureuse dédiée à son pays d’origine, l’Allemagne. A la fois mélodrame d’une rare élégance et film de guerre déchirant, cette œuvre sublime n’a pas pris une ride ». Affiche du film, 1958. (…) « Durant cette courte mais intense période, Graeber va découvrir progressivement le “front intérieur”, la cruauté et l’absurdité destructrice de la guerre, l’idéologie criminelle et les mensonges du régime nazi, ainsi que la naissance d’un amour précaire avec une amie d’enfance (Liselotte Pulver), fille d’un médecin résistant. (…) L’intense beauté du Temps d’aimer, n’est pas simplement visuelle mais tient aussi à sa complexité psychologique, à sa subtilité idéologique. La finesse politique et historique de Sirk était d’une modernité stupéfiante pour l’époque et contribue largement au fait que le film n’a pas pris une ride. Car le cinéaste avait pris soin de distinguer dans un premier temps b Allemands et nazis (en 58, c’était moins évident qu’aujourd’hui), puis ensuite les différents niveaux de responsabilité et de prise de conscience en chaque Allemand. Les séquences du front russe montrent ainsi les réactions contrastées des soldats delà Wehrmacht lors d’une fusillade de partisans, depuis le nationalisme belliciste viscéral jusqu’au dégoût irrépressible de devoir tuer un homme. Ces séquences semblent prémonitoires de l’école historique de Raul Hilberg, et notamment de l’ouvrage de son disciple, Christopher Browning, analysant en détail les comportements variés des soldats d’un bataillon allemand sur le front Est. Au cours de sa permission, Graeber rencontrera pareil échantillonnage allemand, du SS fanatisé au médiocre devenu nazi par pur intérêt, du Juif fataliste au professeur résistant (joué par Erich Maria Remarque, l’auteur du roman dont est tiré le film). Discutant avec un ancien camarade de lycée devenu nazi par lâcheté et cupidité, Graeber finit par exploser et par lui poser la question de la désobéissance aux ordres, de la, responsabilité individuelle et morale: cette question sera au centre de tous les procès d’anciens nazis ou collaborateurs qui auront lieu dans les années suivant ce film. Quand le Juif Joseph, caché dans une cathédrale en ruines, énonce calmement son amour de l’Allemagne “d’avant”, celle de Goethe et de Schiller, la scène est l’une des plus bouleversantes d’un film qui n’en manque pas et résume le clivage majeur de son auteur. Comme son personnage, Sirk reste amoureux de l’Allemagne de la culture et de l’intelligence et déplore douloureusement ce que les nazis ont fait de ce pays: un univers de mort et de désolation, complètement déserté par “les dieux” et par la pensée. Symptomatiquement, le résistant se terre dans les décombres d’un musée et Joseph dans les ruines d’une cathédrale. Pourtant, à l’époque, certaines voix s’étaient élevées contre le film, reprochant à Sirk de n’être 18 pas assez ferme et virulent dans sa dénonciation du nazisme. Dans son livre d’entretiens avec Jon Halliday (Conversation avec D.S., Cahiers du cinéma), Sirk avait cette réponse magnifique : « J’aurais dû couper les passages les plus explicitement anti-nazis pour que le film soit encore plus anti-nazi, car moins est souvent plus fort que plus.» Cette morale esthétique trouve un écho sublime dans une autre scène inoubliable du film : alors qu’un personnage demande à Graeber pourquoi il ne hurle pas devant le désastre, celui-ci réplique “Si, je hurle, mais vous ne m’entendez pas.” C’est là toute la tenue, toute l’élégance et toute la dignité du Temps d’aimer : un film qui parle du courage et de la lâcheté, qui dit la laideur et la beauté des hommes, la précarité de l’amour et l’omniprésence de la mort, qui montre l’Allemagne de Rilke écrasée mais résistant encore sous celle d’Hitler, un film qui s’indigne à Voix basse, qui hurle en silence la souffrance d’être allemand après Auschwitz. « La Rose blanche, Six Allemands contre le nazisme », de Inge Scholl, 1953. Inge Scholl, soeur de Hans et Sophie Scholl, raconte leur histoire ainsi que celle du groupe de résistance dit de « La Rose blanche » : l'enfance en Bavière dans une famille protestante, l'entrée dans la Jeunesse hitlérienne, puis, peu à peu, la découverte de la réalité nazie et enfin la résistance contre leur propre pays en guerre. Le récit d’Inge Scholl aborde Timbre est allemand de 1961. l’éveil à la conscience politique, l’attachement aux valeurs morales et le difficile passage à l’action résistante dans l’Allemagne nazie. Le point de vue de ces jeunes allemands est particulièrement intéressant parce qu’ils ont été acteurs et témoins du nazisme et de ses conséquences. Ils ont appartenu aux jeunesses hitlériennes avant de prendre leurs distances. Hans Scholl et son ami Alexander Schmorell sont étudiants en médecine, et sont incorporés dans la Wehrmacht au rang de Maréchal des logis. Ils passent trois mois sur le front russe et assistent aux atrocités commises par les soldats allemands envers les populations locales. Leur entrée en résistance est donc une conséquence de ce qu’ils ont entendu, de ce qu’ils ont vu, ainsi que de leur foi chrétienne et de leur fréquentation des cercles protestants de la ville de Munich. Le témoignage d’Inge Scholl a largement contribué à faire de Hans et Sophie, du groupe de la « Rose blanche » des symboles de la résistance allemande au nazisme et plus largement du sacrifice de la jeunesse pour des idées et des principes. 19 Des documents à utiliser en classe. Tract de Helmuth Hübener, « Jeunesses hitlériennes, hiver 1941. Carte postale des époux Hampel, vers 1941. Les Hampel y exortent les « Allemands raisonnables » à rejoindre la lutte contre Hitler. Document extrait de l’exposition « Que pouvaient-ils faire ? » 20 Tract de Robert Limpert, printemps 1945. 21