LE PATRIOTE RÉSISTANT
N° 885 - avril 2014
8mémoire
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Deux millions d’étrangers
aux côtés de la Wehrmacht
Soldats de nations alliées à
l’Allemagne, volontaires de pays
neutres ou occupés, citoyens de
l’est européen en lutte contre le
stalinisme… Sans eux, Hitler
aurait sans doute perdu la
guerre dès 1943…
C
hacun sait que les nazis, dans leur
guerre à l’est surtout, ont été aidés
par des troupes étrangères. Une
étude allemande a fait le point sur cet
aspect peu connu de la Seconde Guerre
mondiale. Il en résulte clairement que
c’est grâce à cet énorme appoint qu’Hitler
a pu mener une guerre aussi longue et
meurtrière. Pourtant le Führer, au dé-
part, ne voulait pas d’un appui non alle-
mand et rejetait l’idée de faire appel à des
soutiens d’origine autre que germanique,
cela bien entendu pour des raisons essen-
tiellement d’idéologie raciale. Cette étude
montre combien Hitler a dû revenir sur
ces positions.
L’ouvrage est divisé en trois parties prin-
cipales, passant en revue successivement :
1) le cas des pays alliés de l’Allemagne, 2) la
contribution de volontaires venant de pays
neutres ou de pays occupés par les nazis,
et enn 3) la question des citoyens de pays
de l’est européen qui avaient choisi la lutte
contre le stalinisme. C’est un recensement
parfois fastidieux, mais on y trouve pour
la première fois une vue d’ensemble de cet
aspect de la guerre hitlérienne, dont on a
rarement eu l’occasion de mesurer l’impor-
tance. Début : l’« Opération Barbarossa »,
l’attaque nazie contre l’Union Soviétique
le 23 juin 1941.
Alliés de l’Allemagne
Premier pays en cause, la Finlande. A
la suite du pacte Ribbentrop-Molotov
du 23 août 1939, la Finlande est inclue
secrètement dans la zone d’inuence
soviétique et l’Armée rouge tente l’in-
vasion du pays en novembre. C’est le
début d’une guerre à plusieurs étapes,
dans laquelle les Finlandais tiennent les
Soviétiques en respect un certain temps,
puis doivent capituler. Ils saisissent l’occa-
sion de l’attaque nazie de juin 1941, lan-
cée en partie depuis le territoire nnois,
et déclarent la guerre à l’URSS. Ils « dé-
fendront » 600 km de frontière entre le
Cap Nord et la Carélie, au sud. Un batail-
lon de volon taires nnois de Waen SS
existera un certain temps puis sera sup-
primé. Jamais les Finlandais ne suivront
les nazis sur le plan idéologique et racial,
mais ils participeront aux hostilités avant
de signer un armistice avec l’URSS en
septembre 1944. Bilan 84 000 morts, la
perte de 12 % du territoire et ils paieront
300 millions de dollars de réparations,
mais le pays ne sera pas occupé.
La Hongrie avait été le principal perdant
de la Première Guerre mondiale. Dans le
cadre des remaniements de territoires et
du remodelage de pays qui occupèrent la
diplomatie européenne durant un bon
nombre d’années après 1918, le pays avait
reçu des bribes des territoires slovaque et
ukrainien et, en 1940, une partie impor-
tante de la Transylvanie, partagée inéga-
lement avec son ennemie héréditaire, la
Roumanie. En avril 1941, l’armée hongroise
participa à l’invasion de la Yougoslavie (à
l’époque, Royaume des Serbes, Croates et
Slovènes)
(1)
. En octobre, elle contribua à la
poussée en direction du sud de l’Ukraine
et devait ensuite se replier. L’échec de l’of-
fensive nazie sur Moscou modia les plans.
Hitler avait besoin des troupes hongroises
pour l’oensive de l’été 1942, d’autant que
la poussée en direction de Stalingrad et
des champs de pétrole exigeait une cou-
verture sur le Don. En bref, dans les mois
suivants, les Hongrois perdirent quelque
100 000 hommes et tout leur matériel
lourd. En 1943 et 1944, les nazis tentèrent
de forcer le régent Horthy à se plier aux
mesures nazies contre les juifs et occu-
pèrent na lement l’ensemble du pays, dé-
portant enn la grande majorité des juifs
hongrois (environ 440 000 assas sinés).
Les troupes hongroises furent de plus en
plus mises à contribution, surtout après
la défection roumaine. Le bilan pour le
pays est lourd : 360 000 morts mili taires,
155 000 disparus, 150 000 morts civils (en
plus des juifs).
La Roumanie, dans les années 1930, a
succes sivement perdu et gagné des terri-
toires au gré d’accords successifs, mais
en 1940, à la suite d’un « arbitrage » ger-
mano-italien elle se trouve réduite d’en-
viron 50 % en surface et perd 7 millions
d’habitants, dont 50 % de Roumains… Le
roi nomma alors un général, Antonescu,
chef d’un gouvernement militarisé, très
pro-allemand. Il contribua à l’invasion
de la Yougoslavie en avril 1941, puis à
celle de la Grèce, et fut associé à l’at-
taque « Barbarossa » contre l’URSS. Sur
une population de 13,5 millions, il par-
vint à mobiliser plus de 700 000 hommes,
dont plus de 325 000 se battront sur le
front est. Une bataille d’encer clement,
rappelant celle de Dunkerque en 1940,
néces sita en octobre 1943 l’action de 240
navires pour faire échapper à l’Armée rouge
177 000 Allemands et 50 000 Roumains,
conduits en Crimée. En août 1944, le
roi t arrêter Antonescu et déclara la
guerre à l’Allemagne. Entre juin 1941 et
août 1944, l’armée roumaine comptera
plus de 90 000 morts et plus de 360 000
disparus. Par ailleurs, le génocide nazi
coûtera en Roumanie la vie à environ
300 000 juifs et quelque 20 000 Tsiganes.
La Bulgarie était traditionnellement
proche de l’Allemagne, elle joua un rôle
dans l’invasion de la Yougoslavie et de la
Grèce, prota largement des remaniements
territoriaux, participa à divers combats,
mais changea de camp en septembre 1944
à la suite d’une insurrection antifasciste,
qui lui t terminer la guerre aux côtés de
l’Armée rouge.
L’Italie fasciste, alliée naturelle d’Hitler,
aurait dû avoir une place de choix dans la
guerre contre l’URSS, et c’est seulement
la faiblesse de son armée et surtout de
son armement qui limitèrent son enga-
gement. Par contre l’Armée rouge dirigea
contre elle avec prédilection ses attaques.
Le pays compta sur le front est 85 000
morts et disparus.
Deux cas particuliers ensuite. La
Slovaquie d’abord, rendue « indépen-
dante » par la mise sous « protectorat » de
la Tchéquie. Etat catholique de 2,6 mil-
lions d’habitants gouverné par un évêque,
M
gr
Joseph Tiso, 50 000 hommes com-
battirent contre l’URSS, 25 000 furent
tués, 58 000 juifs seront envoyés vers les
chambres à gaz. Une révolte contre les na-
zis fut écrasée à l’été 1944 (25 000 morts).
Après la défaite, 135 000 « Allemands de
souche » subiront des représailles.
Autre cas spécial, la Croatie (2) fournit
aux nazis une armée de 55 000 hommes
qui subira de lourdes pertes à Stalingrad.
Elle aura en 1944 encore une armée de
70 000 hommes, plus 76 000 oustachis et
32 000 gendarmes, mais Tito et les par-
tisans étaient déjà 80 000 en août 1943.
Les Croates compteront 65 000 morts et
disparus, plus 60 000 tués en représailles
par la Résistance titiste.
Les troupes venant de pays alliés à
l’Allemagne nazie étaient (à l’exception
de la Croatie) constituées de recrues du
service militaire ou de soldats profes-
sionnels, formant des unités régulières
obéissant à leur gouvernement. Leur enga-
gement répondait en grande partie à des
intérêts nationaux propres au pays en
cause. Les notions de « croisade contre
le bolchevisme », et les théories racistes,
en particulier anti-slaves, étaient loin de
gu rer au premier plan de leurs préoccu-
pations, même si la propagande donnait
une impression contraire. Ces troupes
constituaient bien entendu la très grande
majorité des étrangers combattants pour
l’Allemagne nazie, au total en 1941 quelque
600 000 hommes. Préjugés et préventions
réciproques étaient mis sous le boisseau.
Il en allait autrement pour la catégorie
des volontaires, environ 30 000 au début.
Il s’agissait là d’un groupe très hétéro-
gène, produit par des formations poli-
tiques d’extrême-droite ou fascisantes,
dont les bases idéologiques variaient d’un
pays à l’autre. S’y ajoutaient des volon-
taires ayant d’autres motivations, prison-
niers de guerre recherchant une forme de
liberté, par exemple.
Volontaires de pays neutres
ou occupés par les nazis
L’Espagne de Franco avait bénécié
d’une aide notable d’Hitler et Mussolini.
En 1941, armée et Phalange se disputaient
l’honneur de partir en guerre : près de
18 000 hommes dont les équipages de
17 avions de chasse. La Division Azul
combattra jusqu’à son rapatriement par
Franco à la suite du débarquement allié
en Afrique du Nord, laissant pourtant sur
place un peu plus de 2 000 volontaires.
Au total quelque 47 000 Espagnols com-
battirent aux côtés des nazis, perdant
4 500 hommes.
Le Portugal de Salazar, lui, ne céda
jamais aux demandes nazies.
En France, la Légion des volontaires
français contre le bolchevisme (LVF) attira
d’abord près de 15 000 hommes, mais la
prétention armée par certains de vou-
loir ainsi participer en égaux à une croi-
sade « européenne » mit Hitler en rage.
Il posa de telles conditions que seule la
moitié des premiers candidats, moins de
6 500, furent retenus. La LVF participa
à divers combats, avec plus ou moins de
reconnaissance côté nazi, pour nir à l’été
1944 comme élément d’une division de
blindés SS baptisée Charlemagne. Sur les
quelque 60 000 Français volontaires (30 000
selon l’historien Jean-Pierre Azéma) ayant
servi sous uniforme nazi, et dont plusieurs
milliers furent tués, seuls une dizaine de
mille s’est battue sur le front est. Fait peu
connu : les nazis réclamèrent le retour en
Allemagne de ceux de leurs nationaux qui
étaient dans la Légion étrangère.
En Belgique, la défaite de 1940 ouvrit
des perspectives aux fascisants wallons
comme amands. Des volontaires signa-
lèrent bientôt leur envie de porter les
armes pour les Waen SS. En 1941 une
unité SS appelée Nordwest regroupa en-
viron 2 000 hommes, où moins de 500
Belges rejoignaient 1 400 Hollandais et
une centaine de Danois. En tout quelque
22 000 Flamands et 16 000 Wallons parti-
cipèrent comme SS à la guerre.
Les Pays-Bas, vus par les nazis comme
pays de Germains à part presque entière,
fournirent le principal contingent répon-
dant à cette dénition. Non seulement
ils se battirent à la satisfaction des
Allemands (faisant prisonniers de nom-
breux Soviétiques, dont le général Vlassov),
mais ils se virent prévoir un rôle dans
la colonisation des terres à germaniser
dans les territoires conquis, en Ukraine
par exemple. Environ 40 000 Hollandais
servirent comme Waen SS par roule-
ment de 3 à 6 000 hommes.
La population du Danemark, de 3,8 mil-
lions d’habitants, était aussi considé-
rée comme « de sang apparenté »
(Blutverwandt) par les nazis. Bien que
« pacique », l’occupation du pays en 1940