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Bref point théologique
Source : l’écrit sur la Conversion du pécheur, dans les Œuvres complètes de Pascal (éd. du Seuil), p. 290-291.
La grâce opère pour Pascal en deux temps :
1. Première manifestation de la grâce :
Une nouvelle manière de voir les choses (comme l’écrit Pascal : un « connaissance et une vue
tout extraordinaire par laquelle l’âme considère les choses et elle-même d’une façon toute nouvelle »).
Cette vue nouvelle est une prise de conscience de la vanité des choses : elles sont passagères, inconsis-
tantes, incapables d’apporter une satisfaction constante.
Le désir naît donc de s’en détacher, pour atteindre un bien « véritable et subsistant par lui-
même ». Ce n’est qu’un désir négatif, qui n’est pas encore tourné vers son objet véritable.
L’âme voudrait désirer Dieu, mais elle ne connaît pas encore le chemin jusqu’à lui.
En même temps que ce désir de se détacher des choses terrestres, Dieu accorde à l’âme une
grâce de prière, c’est-à-dire une capacité à demander son secours pour arriver jusqu’à lui. Si l’on fait
usage de cette grâce de prière, alors Dieu accorde la seconde grâce, qui est la conversion véritable,
l’attachement de la volonté à lui.
2. Accomplissement de la grâce : conversion de la volonté, c’est-à-dire foi véritable
L’apologie de la religion chrétienne peut aider à accomplir le passage d’une grâce à l’autre.
La première grâce commence par un désir de détachement, associé à un pouvoir de prier :
l’apologie peut renforcer le désir de détachement et inciter à faire usage du pouvoir de
prier.
2) « Ôter les obstacles »
Ce 2e sens de la fonction préparatoire est plus négatif : il concerne la manière dont l’apologie
peut fonctionner hors de toute forme de grâce.
La stratégie de Pascal consiste alors à montrer au non-croyant la faute qu’il commet en quelque
sorte contre lui-même en ne cherchant pas le bien suprême (un bien, une vérité et une justice absolus).
► Procédé apologétique de Pascal :
- Pas de démonstration rationnelle de l’existence de Dieu ou de la vérité du dogme chrétien
(Lafuma 424 / Sellier 680) C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà
ce que c’est que la foi. Dieu sensible au cœur, non à la raison.
- Pas de critique radicale de l’attitude du non-croyant, comme si elle était une erreur radicale : il y
a une certaine vérité dans cette attitude, mais elle est seulement partielle
(Lafuma 701 / Sellier 579) Quand on veut reprendre avec utilité et montrer
à un autre qu’il se trompe il faut observer par quel côté il envisage la chose car elle
est vraie ordinairement de ce côté-là et lui avouer cette vérité, mais lui découvrir le
côté par où elle est fausse. Il se contente de cela car il voit qu’il ne se trompait pas
et qu’il manquait seulement à voir tous les côtés.
Le commencement de la démarche de Pascal est placé dans l’existence de l’homme sans
Dieu ; il s’agit d’amener le non-croyant devant la religion chrétienne, comme étant la seule is-
sue possible (sans pouvoir démontrer cela de façon certaine)
Comme il s’adresse au non-croyant, Pascal place le commencement de sa démarche dans
l’existence de l’homme sans Dieu – donc dans l’existence « mondaine ». Il part donc de faits, que cha-
cun peut reconnaître dans sa propre existence. Il n’impose pas d’emblée le contenu du dogme chrétien,