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A l’écoute des animaux
en pensant qu’il est abandonné,
comme cela est arrivé à mes
trois chevrettes ! Quand on me
les a apportées au Parc, elles n’étaient
âgées que de quelques heures, voire
d’ un jour.
Ailée fut donc
nourrie au
biberon, au
début toutes
les trois
heures.
Le faon
désireux
de boire
appelle sa mère avec
de petits cris monosyllabiques, aigus,
assimilables à celui d’un oiseau.
Pendant les deux premières semaines,
Ailée fut mon réveille matin, car je
l’emmenais le soir à mon domicile
pour pouvoir la soigner et la
nourrir, le soir avant de m’endormir,
et dès mon réveil. Je la transportais
dans un panier à chat qui était
devenu son refuge et abri. Dans la
nature, une fois la rencontre mère-
faon terminée (après que celle-ci l’aie
allaité et léché), chacun s’éloigne, et le
faon repart de son côté pour se cacher
sous la broussaille ou dans l’herbe. A la
place d’aller se cacher dans les herbes,
Ailée entrait dans son panier dès que
je la quittais. Le biberon pris il fallait,
avec un linge humide, masser le ventre
et la région anale an de stimuler,
comme le fait la mère, l’évacuation
des matières fécales et les fonctions
urinaires. Une ou deux fois par jour
je la mettais un moment dehors,
dans le parc à tortues, pour qu’elle
puisse mâchouiller un peu d’herbe et
lécher la terre qui fournit au faon la
faune bactérienne de l’estomac et de
l’intestin. Après une dizaine de jours,
j’ai pu la laisser dans le parc à tortues
une grande partie de la journée et à
l’intérieur pendant la nuit, les biberons
pouvant être plus espacés. C’est
aussi vers cet âge que j’ai commencé
à emmener Ailée à l’extérieur, en
promenade, pour lui apprendre à
chercher les premières brindilles
d’herbe. Contrairement à la majorité
des ruminants, le chevreuil n’avale
pas une grande quantité d’herbage, il
choisit ses herbes, ses feuilles.
Il déambule d’un pas nonchalant
dans la forêt ou en lisière de celle-ci,
grignotant une feuille par-ci, une autre
par-là.
A cette époque j’avais trois chiennes,
Gardel de Guadeloupe, assez âgée,
Gaïa la bouledogue anglaise et
Zézette la petite bâtarde, qui nous
accompagnaient en promenade.
Zézette aimait beaucoup Ailée et
participait à sa toilette. Dans le
pré, Ailée découvrait les diérentes
herbes, elle grignotait quelques tiges
de plantain, une feuille de trèe,
eectuait un petit galop pour revenir
manger des feuilles de liseron ou de
ronce. Elle allait aussi saluer Marie-
Rose et Susie mes deux
sangliers âgées
alors de 11 et
6 mois, qui
l’accueillaient
avec
des “rrr- rrr”
bienveillants.
Elle leur léchait
le groin à travers les
grillages de leur parc. Si au début, elle
ne s’éloignait guère, peu à peu ses
galops l’emmenaient un peu plus loin.
Elle disparaissait dans les fourrés, puis
revenait à toute vitesse.
Quatre mois plus tôt, j’avais récupéré
huit renardeaux âgés de quelques
jours, que j’avais nourris au biberon.
A l’âge de deux mois je les avais
relâchés progressivement, continuant
de les nourrir. Les premiers temps ils
logeaient à proximité, et venaient dès
que je les appelais, puis ils prirent peu
à peu plus d’indépendance. Lors des
sorties d’Ailée, début juillet, ils étaient
âgés de quatre mois et avaient déjà
une taille proche de l’adulte, mais ils
m’attendaient chaque matin pour
manger, se faire caresser, jouer avec
les chiens et saluer Pacôme le vieux
chat, puis ils disparaissaient le reste de
la journée pour apparaître le soir vers
20h00 pour les même raison. Je devais
combiner les sortie d’Ailée, le matin
après le passage des renards et le soir
avant leur arrivée ! En eet, l’odeur
du faon, appétissant, réveillait leur
instinct de chasseurs.
Au cours des semaines, Ailée prit des
forces et devenait plus téméraire,
allant jusqu’au chemin en haut du
terrain, disparaissant dans le petit
sous-bois avant de revenir lestement.
Mais une n de journée elle entama
quelques galops joyeux en lisière du
petit bois, qui attirèrent l’attention
de l’un des renardeaux installé par
là en attendant l’heure de la visite.
Je vis tout à coup pointer ses deux
oreilles dans l’herbe haute et, pour
jouer, le renard se mit à entamer une
poursuite d’Ailée. Celle-ci, mi-erayée
mi-amusée par cette apparition,
partit faire un grand tour dans le
champ suivie par le renardeau, puis
par un second, qui, intrigué par cette
agitation, avait rejoint son frère. Ailée
alors entreprit de les semer et disparut
dans le bois pour réapparaître après
quelques minutes qui me semblèrent
fort longues. Elle me rejoignit
essouée, mais elle avait semé les
renards ! Depuis ce jour, je décidai
de ne plus la laisser courir librement,
car elle aurait aussi pu tomber sur des
chiens en balade ou encore paniquer et
partir sur la route ! Je la laissai dès lors
dans le parc de 600 mètres carré que
nous avions construit pour les tortues.
La barrière haute de 1.00 mètre fut
surmontée d’un l électrique pour
empêcher les chiens ou les renards
d’y pénétrer lorsque je m’absentais.
Ainsi Ailée put y rester dénitivement,
sans que je doive la rentrer le soir ou
lorsque je m’absentais. D’ailleurs en
grandissant Ailée n’aimait plus guère
être portée et se débattait comme un
petit diable. Depuis l’adoption d’Ailée,
deux nouveaux faons sont venus
Pierre entouré d’Ailée, Zézette et Pomone
photo : A. Tank