18 // Essais et services Détection rapide des peintures renfermant du chrome toxique 1 Prélèvement d’un échantillon du revêtement de peinture sur une grande citerne verticale datant des années 1970. Dans les années 1970, les constructions métalliques, telles que les pylônes électriques et les ponts, ont souvent été protégées contre la corrosion avec des peintures renfermant du chrome. Suite à l’exposition aux intempéries ou à des assainissements mal conduits, ces peintures libèrent toutefois des métaux lourds toxiques tels que du plomb et du baryum mais aussi du chrome qui polluent les eaux et le sol. Jusqu’ici la détermination quantitative précise des substances renfermant du chrome n’était pas possible. Une méthode d’analyse développée par l’Empa aide maintenant les autorités à identifier rapidement les constructions métalliques où la valeur limite fixée pour le chrome est dépassée pour exiger leur assainissement. TEXTE: Petra Adamaszek / PHOTOS: Empa 2 Plasma d’argon pour la détermination du chrome total dans le spectromètre à plasma. 3 Un colorant indique la présence de chrome (VI): plus la coloration rouge est intense, plus la concentration de ce métal lourd dans la peinture est élevée. 1 es constructions métalliques telles que les ponts, les citernes verticales ou les conduites forcées sont exposées en permanence aux intempéries. Pour les protéger contre la corrosion, durant des dizaines d’années on les a revêtues de peintures à base de métaux. Ces peintures sont devenues entre temps un problème écologique car leurs pigments renferment pour certains des métaux lourds toxiques. Sur ces constructions, du fait de leur exposition aux intempéries mais aussi suite à des assainissements mal conduits, ces métaux lourds parviennent dans l’environnement où ils polluent les eaux et le sol – pour atteindre finalement l’homme et les animaux à travers la chaîne alimentaire. En Suisse, on a longtemps utilisé des peintures de fond qui, à côté de zinc, de plomb et de baryum, renfermaient aussi du chrome. Pour le chrome, ce sont avant tout ses composés à base de chrome (VI) (voir encadré) qui sont toxiques à faibles doses déjà. Les effets nuisibles pour la santé du chrome (VI) ont même eut les honneurs d’un oscar. Le film américain «Erin Brockovich» traite des effets de l’eau potable polluée par du chrome. L L’héroïne de film met au jour les relations entre l’utilisation illégale de chrome par une entreprise électrique et la pollution toxique de l’alimentation en eau d’une petite ville américaine dont les habitants souffrent de maladies mystérieuses et en meurent même. Les quantités de peintures anticorrosion renfermant des métaux lourds qui ont été employées en Suisse sont considérables; il suffit déjà de penser que la surface des constructions métalliques de notre pays atteint entre 20 et 50 kilomètres carrés. Des estimations des fabricants de peintures parlent de dix tonnes de pigments de chrome (VI) utilisées. Les quantités de 2 chrome (VI) libérées dans l’environnement suite à des assainissements (mal) effectués pourraient atteindre 300 kilogrammes par année. Les analyses chimiques décident de l’ampleur des mesures d’assainissement L’Office fédéral de l’environnement (OFEV) a émis des valeurs indicatives pour différents métaux lourds toxiques; cette valeur est de 0.1% pour les composés du chrome (VI). Si la teneur en chrome (VI) du revête- 2 Essais et services // 19 Le chrome – inoffensif ou toxique? Qu’est-ce qu’un métal lourd? La notion de métal lourd n’est pas définie avec précision. Sont considérés comme métaux lourds les métaux dont de la masse volumique est supérieure à cinq grammes par centimètre cube comme c’est le cas par exemple pour le bismuth, le plomb, le zinc, l’étain, le nickel, le cadmium, le chrome et l’uranium. Les métaux lourds sont fréquemment utilisés en galvanoplastie. En petites quantités, le fer, le cobalt et le cuivre sont des oligoéléments vitaux pour l’homme. En grandes quantités, les éléments tels que le plomb, le cuivre et le chrome sont par contre toxiques. Les plus toxiques sont le cadmium et le mercure. Il y a chrome et chrome La toxicité du chrome dépend de ce que l’on appelle sa valence chimique. Sous sa forme élémentaire ainsi que sous forme de composés du chrome (III), ce métal n’est d’une manière générale pas nocif. Les composés du chrome (VI), tels que par exemple les chromates, sont par contre hautement toxiques. Ils provoquent des irritations des yeux, de la peau et des muqueuses et l’inhalation de poussières renfermant du chrome (VI) peut provoquer un cancer des poumons. ment de peinture d’un objet dépasse cette valeur, ses propriétaires doivent procéder à un assainissement très coûteux. Mais comment les autorités décident quels sont les objets qui doivent être assainis? Pour cela il faut tout d’abord déterminer la composition chimique de la peinture. Cela parce que l’ampleur des mesures d’assainissement, parfois très coûteuses, dépend entre autres du type et de la concentration des métaux lourds ainsi que de la grandeur de la surface peinte. Une tâche pas si simple car les valeurs indicatives de l’OFEV se situent souvent dans le domaine du «micro», ce qui exige des méthodes d’analyse ultrasensibles, comme celles que développe l’Empa. Cela vaut particulièrement pour le chrome (VI), car alors que les métaux lourds tels que le plomb, le zinc et le baryum sont relativement faciles à analyser, il n’était jusqu’ici pas possible de vérifier avec exactitude le dépassement ou non de sa valeur indicative: d’une part les composés du chrome (VI) sont difficiles à séparer des peintures à base de résine sans qu’ils subissent de modifications chimiques. D’autre part, lors de l’analyse, une partie du chrome (VI) se transforme en chrome (III) moins toxique – ce qui fausse le résultat. Nouvelle méthode de détermination quantitative du chrome (VI) toxique Avec le soutien de l’OFEV et de l’Office de la protection de l’environnement du canton de Glaris, l’analyste de l’Empa Renato Figi et ses collègues ont développé une nouvelle méthode pour l’analyse fine du chrome (VI) et du chrome (III) pour «pouvoir enfin estimer les risques toxicologiques effectifs dus au chrome» comme l’explique Figi. L’analyse préliminaire, soit la quantification grossière de la teneur en métaux lourds, s’effectue par analyse de fluorescence X «sur l’objet». Ceci permet aux chercheurs de l’Empa de constater si la peinture de protection contient ou non du chrome. En cas de résultat positif, ils prélèvent un échantillon du revêtement qui est ensuite finement pulvérisé. L’astuce de cette nouvelle méthode réside dans l’élévation du pH: en analyse classique, les substances difficilement solubles sont normalement dissoutes en milieux acide. L’équipe de l’Empa a développé une méthode qui se déroule au contraire en milieu basique, ce qui suppose un savoir-faire élevé et pas mal de doigté, comme le relève Figi. La totalité du chrome est tout d’abord dissoute par cuisson dans une solution caustique; le chrome (III) «inoffensif» est ensuite éliminé pour qu’il ne vienne pas fausser la mesure. La détermination effective du chrome (VI) s’effectue à l’aide d’un réactif qui provoque une coloration rouge avec les ions chrome et dont on peut déterminer avec précision l’intensité: la teneur en chrome est d’autant plus élevée que la coloration est intense. «Grâce à cette méthode, de nombreux laboratoires d’analyse pourront aussi offrir des analyses du chrome (VI)» explique Figi. Cette méthode de l’Empa présente encore un effet secondaire intéressant: la détermination exacte de la composition chimique du revêtement anticorrosion, y compris celle de sa teneur en chrome (VI), ne prend que 24 heures. Les autorités peuvent ainsi identifier de manière sûre et rapide les objets contaminés qui doivent être assainis en respectant des mesures de sécurité élevées. Et pour les propriétaires de tels objets, en cas de résultats négatifs, cette analyse peut leur épargner des frais d’assainissement élevés. // 3