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Essais et services
Détection rapide des peintures
renfermant du chrome toxique
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Prélèvement d’un
échantillon du revêtement de peinture sur
une grande citerne
verticale datant des
années 1970.
Dans les années 1970, les constructions métalliques, telles que les pylônes
électriques et les ponts, ont souvent été protégées contre la corrosion avec des
peintures renfermant du chrome. Suite à l’exposition aux intempéries ou à
des assainissements mal conduits, ces peintures libèrent toutefois des métaux
lourds toxiques tels que du plomb et du baryum mais aussi du chrome qui polluent
les eaux et le sol. Jusqu’ici la détermination quantitative précise des substances
renfermant du chrome n’était pas possible. Une méthode d’analyse développée par
l’Empa aide maintenant les autorités à identifier rapidement les constructions
métalliques où la valeur limite fixée pour le chrome est dépassée pour exiger leur
assainissement.
TEXTE: Petra Adamaszek / PHOTOS: Empa
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Plasma d’argon pour
la détermination du
chrome total dans le
spectromètre à plasma.
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Un colorant indique la
présence de chrome (VI):
plus la coloration rouge
est intense, plus la
concentration de
ce métal lourd dans la
peinture est élevée.
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es constructions métalliques telles que
les ponts, les citernes verticales ou les
conduites forcées sont exposées en
permanence aux intempéries. Pour les protéger contre la corrosion, durant des dizaines
d’années on les a revêtues de peintures à
base de métaux. Ces peintures sont devenues entre temps un problème écologique
car leurs pigments renferment pour certains
des métaux lourds toxiques. Sur ces constructions, du fait de leur exposition aux intempéries mais aussi suite à des assainissements mal conduits, ces métaux
lourds parviennent dans l’environnement où ils polluent les
eaux et le sol – pour atteindre finalement l’homme et
les animaux à travers la
chaîne alimentaire.
En Suisse, on a longtemps utilisé des peintures de fond qui, à côté
de zinc, de plomb et de baryum, renfermaient aussi
du chrome. Pour le chrome,
ce sont avant tout ses composés à base de chrome (VI)
(voir encadré) qui sont toxiques à
faibles doses déjà. Les effets nuisibles pour la santé du chrome (VI) ont
même eut les honneurs d’un oscar. Le film
américain «Erin Brockovich» traite des effets
de l’eau potable polluée par du chrome.
L
L’héroïne de film met au jour les relations
entre l’utilisation illégale de chrome par une
entreprise électrique et la pollution toxique
de l’alimentation en eau d’une petite ville
américaine dont les habitants souffrent de
maladies mystérieuses et en meurent même.
Les quantités de peintures anticorrosion
renfermant des métaux lourds qui
ont été employées en Suisse
sont considérables; il suffit
déjà de penser que la surface des constructions
métalliques de notre
pays atteint entre 20 et
50 kilomètres carrés.
Des estimations des
fabricants de peintures
parlent de dix tonnes de
pigments de chrome (VI)
utilisées. Les quantités de
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chrome (VI) libérées dans l’environnement suite à des assainissements (mal) effectués pourraient atteindre
300 kilogrammes par année.
Les analyses chimiques décident
de l’ampleur des
mesures d’assainissement
L’Office fédéral de l’environnement (OFEV)
a émis des valeurs indicatives pour différents métaux lourds toxiques; cette valeur
est de 0.1% pour les composés du chrome
(VI). Si la teneur en chrome (VI) du revête-
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Essais et services
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Le chrome – inoffensif ou toxique?
Qu’est-ce qu’un métal lourd?
La notion de métal lourd n’est pas définie avec précision. Sont considérés comme métaux lourds
les métaux dont de la masse volumique est supérieure à cinq grammes par centimètre cube
comme c’est le cas par exemple pour le bismuth, le plomb, le zinc, l’étain, le nickel, le cadmium, le chrome et l’uranium. Les métaux lourds sont fréquemment utilisés en galvanoplastie.
En petites quantités, le fer, le cobalt et le cuivre sont des oligoéléments vitaux pour l’homme.
En grandes quantités, les éléments tels que le plomb, le cuivre et le chrome sont par contre
toxiques. Les plus toxiques sont le cadmium et le mercure.
Il y a chrome et chrome
La toxicité du chrome dépend de ce que l’on appelle sa valence chimique. Sous sa forme élémentaire ainsi que sous forme de composés du chrome (III), ce métal n’est d’une manière générale pas nocif. Les composés du chrome (VI), tels que par exemple les chromates, sont par
contre hautement toxiques. Ils provoquent des irritations des yeux, de la peau et des muqueuses
et l’inhalation de poussières renfermant du chrome (VI) peut provoquer un cancer des poumons.
ment de peinture d’un objet dépasse cette
valeur, ses propriétaires doivent procéder à
un assainissement très coûteux.
Mais comment les autorités décident
quels sont les objets qui doivent être assainis? Pour cela il faut tout d’abord déterminer
la composition chimique de la peinture. Cela
parce que l’ampleur des mesures d’assainissement, parfois très coûteuses, dépend entre
autres du type et de la concentration des
métaux lourds ainsi que de la grandeur
de la surface peinte.
Une tâche pas si simple car les
valeurs indicatives de l’OFEV se situent souvent dans le domaine du
«micro», ce qui exige des méthodes
d’analyse ultrasensibles, comme celles
que développe l’Empa. Cela vaut particulièrement pour le chrome (VI), car
alors que les métaux lourds tels que le
plomb, le zinc et le baryum sont relativement faciles à analyser, il n’était jusqu’ici
pas possible de vérifier avec exactitude le dépassement ou non de sa valeur indicative:
d’une part les composés du chrome (VI) sont
difficiles à séparer des peintures à base de résine sans qu’ils subissent de modifications
chimiques. D’autre part, lors de l’analyse,
une partie du chrome (VI) se transforme en
chrome (III) moins toxique – ce qui fausse le
résultat.
Nouvelle méthode de détermination
quantitative du chrome (VI) toxique
Avec le soutien de l’OFEV et de l’Office de la
protection de l’environnement du canton de
Glaris, l’analyste de l’Empa Renato Figi et ses
collègues ont développé une nouvelle
méthode pour l’analyse fine du
chrome (VI) et du chrome (III)
pour «pouvoir enfin estimer
les risques toxicologiques
effectifs dus au chrome»
comme l’explique Figi.
L’analyse préliminaire, soit la quantification grossière de la teneur en métaux lourds,
s’effectue par analyse de
fluorescence X «sur l’objet».
Ceci permet aux chercheurs de
l’Empa de constater si la peinture
de protection contient ou non du chrome.
En cas de résultat positif, ils prélèvent un
échantillon du revêtement qui est ensuite finement pulvérisé.
L’astuce de cette nouvelle méthode réside
dans l’élévation du pH: en analyse classique,
les substances difficilement solubles sont normalement dissoutes en milieux acide. L’équipe
de l’Empa a développé une méthode qui se déroule au contraire en milieu basique, ce qui
suppose un savoir-faire élevé et pas mal de
doigté, comme le relève Figi. La totalité du
chrome est tout d’abord dissoute par cuisson
dans une solution
caustique; le chrome
(III) «inoffensif» est ensuite éliminé pour qu’il
ne vienne pas fausser la
mesure. La détermination
effective du chrome (VI)
s’effectue à l’aide d’un
réactif qui provoque une
coloration rouge avec
les ions chrome et dont
on peut déterminer avec
précision l’intensité: la
teneur en chrome est
d’autant plus élevée
que la coloration est intense. «Grâce à cette méthode, de nombreux laboratoires d’analyse pourront aussi offrir des analyses du
chrome (VI)» explique Figi.
Cette méthode de l’Empa présente encore un effet secondaire intéressant: la détermination exacte de la composition chimique
du revêtement anticorrosion, y compris celle
de sa teneur en chrome (VI), ne prend que 24
heures. Les autorités peuvent ainsi identifier
de manière sûre et rapide les objets contaminés qui doivent être assainis en respectant
des mesures de sécurité élevées. Et pour les
propriétaires de tels objets, en cas de résultats négatifs, cette analyse peut leur épargner
des frais d’assainissement élevés. //
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