Asie du Sud-Est :
Une zone de confort ?
Sylvain LACLIAS
sylvain.laclias@credit-agricole-sa.fr
N°15/111 – 17 avril 2015 3
centrales, en partie contraintes par la perspective d'une remontée des
taux aux États-Unis, ne disposent d'une marge de manœuvre en
proportion pour réduire leurs taux directeurs.
Une dette domestique souvent assez lourde
Il faut aussi évoquer un niveau d'endettement domestique des agents
privés, notamment des ménages, élevé en Malaisie et en Thaïlande. Il
l'est aussi au Vietnam, mais tend à diminuer depuis trois ans.
Autrement dit, trois économies qui ont déjà bien exploité les
possibilités de recours au crédit pour financer la croissance. Et une
faiblesse en cas de retournement conjoncturel. Surtout lorsque le
système bancaire est fragile, comme au Vietnam.
Les finances publiques ne sont pas non plus au mieux dans ces trois
pays. La dette publique y a augmenté ces cinq dernières années,
représente aujourd'hui 50% à 60% du PIB et limite les possibilités de
politique contra-cyclique, en plus de positionner ces trois-là dans le
bas de tableau (sur ce critère) dans leur catégorie de rating souverain.
Entre problèmes de gouvernance…
Encore un mot sur la gouvernance et le contexte politique. La
première est souvent de médiocre qualité ; même en Malaisie, où elle
est un peu meilleure qu’ailleurs. C'est particulièrement vrai en Indo-
nésie, aux Philippines et au Vietnam sur les questions de respect de
la règle de droit et de contrôle de la corruption. Cela nuit aux
entreprises et plus généralement, à l'efficacité de l'économie dans son
ensemble (en parasitant la politique économique, en bridant les
initiatives de long terme et en favorisant au contraire les
comportements « court-termistes » et la recherche de gains rapides,
et en perturbant l'allocation des ressources qui, de fait, ne peut se
faire de façon optimale).
… et incertitudes politiques
Le contexte politique, duquel découle en partie ce précèdent constat,
n'est guère propice aux réformes structurelles, malgré le pragmatisme
bien partagé de la classe politique régionale. Que ce soit en
Indonésie, au Vietnam ou dans les trois autres pays abordés ici, la vie
politique est marquée par la collusion et le clientélisme. Les
gouvernants agissent parfois, pour ne pas dire souvent, par intérêt
purement politique, de groupe, voire personnel, plutôt que dans
l'intérêt général et au nom du développement économique et social.
Plus spécifiquement, en Indonésie, M. Widodo, chantre de pratiques
politiques débarrassées de ces vieilles habitudes, plus transparentes,
pourrait ne pas avoir les coudées suffisamment franches pour
parvenir à ses fins et réformer le pays comme il l'ambitionne. En
Malaisie, le Premier ministre est de plus en plus contesté et, bousculé
par l’opposition, le pouvoir en place est en train de se raidir ; certains
dénoncent mêmes des atteintes répétées aux droits de l’homme
depuis quelque temps. Aux Philippines, la côte de popularité de M.
Aquino est en baisse, et celui-ci ne pouvant se représenter, la course
à la présidentielle de 2016 commence à animer la scène politique et
perturber la lisibilité de la politique économique à venir (avant comme
après ce scrutin). Le régime vietnamien se caractérise par sa rigidité,
des avantages acquis et cette recherche permanente et souvent
longue de consensus.
Et puis il y a la Thaïlande, où les troubles de l’an passé ont laissé
place à une junte militaire faisant montre de peu d’aisance sur les
questions économiques, mais prompte à multiplier les atteintes aux
libertés individuelles (et d’expression). Et la levée de la loi martiale
début avril ne va sans doute pas y changer grand-chose, les
-10
-5
0
5
10
avr.-10 avr.-11 avr.-12 avr.-13 avr.-14 avr.-15
Asie du Sud-Est : taux réels
Indonésie Malaisie Philippines
Thaïlande Vietnam
-0,8
-0,4
0,0
0,4
0,8
1,2
1,6
Efficacité des
pouvoirs
publics
Qualité
de la
réglementation
Etat de droit Contrôle
de la
corruption
Asie du Sud-Est : gouvernance*
Indonésie Vietnam Philippines Chine
Thaïlande Malaisie France
Source : Banque mondiale_KKZ 2014