Un miroir concave donne d’un objet a situé à son foyer, une image a’, renversée et située
dans l’espace réel.
L’expérience du bouquet renversé de Bouasse 7 est réalisée de la façon suivante : Au foyer
d’un miroir concave, sont disposés, de part et d’autre d’une console horizontale, en haut un vase
vide et en bas un bouquet de fleurs a. Un observateur O, voit dans le miroir une illusion d’optique :
l’image réelle a’, du bouquet se projette dans l’encolure du vase.
Lacan modifie les conditions de l’expérience. Il introduit un miroir plan, place le bouquet, au
dessus de la console et le vase en dessous de celle-ci 8. Dès lors, un sujet placé en S1, voit dans le
miroir A, une image virtuelle i’(a). Cette image virtuelle est en fait elle-même composée de deux
éléments : d’une part l’image virtuelle du vase, obtenue dans le miroir plan à partir de l’image réelle
du vase i(a) donnée par le miroir concave ; d’autre part, l’image virtuelle a’, donnée par le miroir
plan, du bouquet réel a. Bien sûr, le sujet, en S1, ne voit pas i(a). Dans ce schéma, A symbolise la
position du grand Autre, i(a) représente le moi idéal, i’(a) l’idéal du moi, et S le sujet.
La bascule de 90 degrés du miroir plan amène celui-ci à l’horizontale. Dans le même temps,
S1 fait une révolution en sens inverse, de 180 degrés pour venir en S2. Ce double mouvement
symbolise la dynamique de la cure 9.
A suivre les lois de l’optique, deux angles de vue sont alors offerts au sujet, selon qu’il
regarde dans le miroir concave ou bien dans le miroir plan. Décomposons ces deux temps.
Commençons par la vision dans le miroir concave : Le sujet placé en S2 voit une composition
hétérogène. Celle-ci est faite d’une part de l’image réelle et retournée du vase et d’autre part de la
vision directe du bouquet a. La vision dans le miroir plan donne une image virtuelle de cette
composition hétérogène. Cette image est constituée d’une part de l’image virtuelle i’(a), d’autre part
de l’image virtuelle a’ de l’objet a. L’image virtuelle i’(a) est symétrique et inversée par rapport à
l’image réelle du vase telle qu’elle a été construite sur le schéma précédent. Si l’on s’en tient aux
conditions de l’expérience, le sujet en S2 n’a jamais accès directement à la vision du vase, corps
propre et sac à pulsions.
La métaphore du schéma optique permet à Lacan un certain nombre de commentaires. Lors
de la bascule de 90 degrés du miroir, la vision directe laisse apparaître une coupure entre l’image du
vase et l’objet a, le bouquet. L’image et l’objet n’appartiennent pas à la même catégorie. Si i(a)
représente la libido du moi et i’(a) la libido d’objet, lors du transvasement libidinal du moi à l’autre,
il y a un reste, un reste narcissique disait Freud. Ce transvasement libidinal du moi vers l’objet,
l’autre, n’est autre que le passage par le spéculaire, de i(a), image réelle, à i’(a), image virtuelle.
Pour pouvoir rendre compte de cette opération de transvasement et de son reste, il est
nécessaire de recourir à un autre modèle. C’est ce que fait Lacan dans le séminaire sur L’angoisse 10.
Ce schéma est une deuxième métaphore optique 11. L’objet a est maintenant placé dans le vase. Un
miroir plan ne donne une image virtuelle que du vase et non de l’objet qu’il contient. Ainsi, seul le
vase est spécularisé. Ce nouveau schéma optique est mieux à même de métaphoriser l’opération de
transvasement libidinal. Le reste, a, qui, placé à l’intérieur du vase, n’est pas spécularisé, est situé
du côté de la libido du moi. Tout n’étant pas transvasé, il y a, après opération, un manque du coté
de la libido d’objet. Lacan écrit ce manque -j.
Comme souvent chez Lacan, il y a un temps durant lequel il emprunte ailleurs un modèle