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Les Cahiers de la Finance Islamique
2013
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Directeurs de rédaction
Michel Storck, Professeur des Universités, UMR 7354, DRES-droit des affaires, Coresponsable de
l’eMBA de Finance Islamique de l’Université de Strasbourg, Responsable du Master 2 recherche
« sciences et droit des religions », option « Finance islamique » de l’Université de Strasbourg.
Laurent Weill, Professeur des Universités, Directeur du laboratoire de recherche LARGE,
Coresponsable de l’eMBA de Finance Islamique de l’Université de Strasbourg.
Sâmi Hazoug, Chargé d’enseignement, Coresponsable de l’eMBA de Finance Islamique de
l’Université de Strasbourg.
Comité de rédaction
Amr Abou Zeid, Ph.D, Head of Trade Center, BNP Parisbas, Egypt.
Mehmet Asutay, Lecturer, Université de Durham, Royaume-Uni.
Mohammed-Bachir Ould Sass, membre d’ACERFI (Audit, Certification et Recherches en Finance
Islamique).
Abderrazak Belabes, Chercheur à l’Institut d'économie islamique, Université du Roi Abdulaziz,
Djeddah, Arabie saoudite.
Mohamed Boudjellal, Professeur en Sciences Économiques, Université de M’Sila, Algérie.
Valentino Cattellan, Lawyer, Ph.D., LL.M., M. Sc., School of Economics University of Siena, Italie.
Rifki Ismal, Ph.D., University of Durham and Bank of Indonésia, Royaume-Uni et Indonésie
Jérôme Lasserre-Capdeville, Maître de Conférences, Université de Strasbourg.
Gérald Pasquier, Avocat, Luxembourg.
Isabelle Riassetto, Professeur des Universités, Université du Luxembourg.
Ibrahim Wardé, Professeur associé, Fletcher School of Law and Diplomacy, Tufts University,
Medfor, Massachusetts, États-Unis d’Amérique.
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Éditorial
Finance islamique et inclusion financière
Un bénéfice souvent avancé de la finance islamique est sa contribution à
l’inclusion financière, qui favoriserait le développement économique. L’idée est
qu’un nombre important de musulmans seraient réticents à avoir un compte ou à
demander un financement dans une banque conventionnelle car ces opérations
ne sont pas en conformité avec leurs croyances religieuses. En conséquence de
quoi, l’absence de banques islamiques serait un frein à l’épargne et à
l’investissement qui contribuerait à ralentir la croissance d’un pays.
Une étude à paraître prochainement de trois économistes de la Banque
Mondiale, Asli Demirgüc-Kunt, Leora Klapper et Douglas Randall Islamic
finance and financial inclusion : measuring use of and demand for formal
financial services among Muslim adults ») apporte des éléments de réponse
éclairants sur cette question en utilisant des données exceptionnelles.
Ils partent du constat que très peu de travaux analysent la réalité du manque
d’accès des musulmans aux produits financiers standard comme le prêt et le
dépôt et plus encore la question de savoir si les musulmans demandent et
utilisent des produits financiers islamiques. Ils répondent dès lors dans leur
étude à plusieurs questions.
Tout d’abord, ils s’interrogent sur le fait de savoir si les musulmans utilisent
moins que les non-musulmans les produits bancaires que sont le prêt, le compte
courant ou le compte d’épargne. Pour ce faire, ils utilisent une base de données
de la Banque Mondiale pour 2011 qui est fondée sur les sondages de 150 000
adultes dans 148 pays pour cerner le comportement bancaire. Cette base de
données comprend la religion des répondants, celle-ci étant définie par le
répondant lui-même seul juge de son identification religieuse.
Ils effectuent plusieurs estimations économétriques pour étudier si le fait d’être
musulman influence dans un sens ou un autre le fait d’effectuer un prêt, d’avoir
un compte ou d’avoir épargné dans une banque. Ils ne distinguent pas ici entre
les banques islamiques et non islamiques mais s’interrogent sur le fait de savoir
si les musulmans ont en moyenne moins recours à des produits bancaires, ce qui
peut signifier une exclusion financière liée à des motivations religieuses.
Après avoir pris en compte les différences entre individus autres que celles liées
à la religion, ils n’observent pas que les musulmans utilisent moins que les non-
musulmans un prêt auprès d’une banque. En revanche, ils constatent que les
musulmans utilisent moins les comptes bancaires et les comptes d’épargne. Ces
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résultats tendent ainsi à suggérer que les musulmans seraient plus réticents à
utiliser les services de dépôt classiques, mais pas les services de financement.
Ensuite, ils analysent la connaissance et l’utilisation des produits financiers
islamiques sur une base plus réduite mais beaucoup plus fine d’environ 1000
répondants par pays issus de 5 pays (Algérie, Égypte, Maroc, Tunisie et
Yémen).
En termes de connaissance, 48% des individus répondent avoir entendu parler
des banques islamiques. Cette moyenne sur l’ensemble de l’échantillon reflète
des différences importantes entre pays : les chiffres vont de 35% en Algérie à
57% en Tunisie. En termes d’utilisation, l’étude montre une très faible
utilisation des produits bancaires islamiques avec 2% des individus qui utilisent
un service bancaire islamique. Ici les différences entre pays sont mineures avec
des moyennes entre 1% et 3%.
Il est particulièrement intéressant d’observer que la connaissance et l’utilisation
des produits bancaires islamiques sont favorisées par deux facteurs : le revenu et
l’accès à l’information. En effet, faire partie des 20% d’individus aux plus hauts
revenus dans un pays augmente aussi bien la connaissance que l’utilisation des
produits bancaires islamiques. Il en est de même en ce qui concerne le fait
d’avoir un accès à Internet ou une télévision à son domicile.
Enfin, l’étude se termine en demandant aux individus des 5 pays s’ils seraient
d’accord de payer plus cher un prêt d’une banque islamique qu’un prêt d’une
banque conventionnelle. L’idée est de voir avec un tel scénario hypothétique si
l’écart en termes de coût pour le client n’entrave pas sa volonté d’utiliser des
produits bancaires islamiques.
45% des individus répondent alors préférer un prêt islamique. Cependant 37%
des individus préfèrent un produit conventionnel ou n’ont aucune préférence.
Ces chiffres montrent un verre à moitié plein ou à moitié vide. Ils montrent une
préférence pour des produits bancaires islamiques pour un grand nombre
d’individus. Mais cette préférence est toute hypothétique au sens les
répondants ne sont pas confrontés réellement à ce choix… Et même dans ces
questions purement hypothétiques un individu peut donner une réponse
différente de celle qui lui coûterait dans la réalité, un grand nombre d’individus
ne disent pas préférer le produit financier islamique. Par ailleurs, ces chiffres
montrent également que les clients sont sensibles à la question du coût quand il
s’agit de choisir un type de banque pour un financement.
En conclusion, cette étude toute récente apporte un éclairage particulièrement
intéressant en ce qui concerne l’impact de la finance islamique sur l’inclusion
financière. Celui-ci semble ne pas devoir être surestimé même s’il peut être
significatif.
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Peut-être l’enseignement le plus important de cette étude est le fait que
l’expansion des banques islamiques dépend de facteurs liés à la demande (le
revenu et la connaissance) et à l’offre (les coûts bancaires qui influencent les
prix). Bref, que cette expansion est dépendante de facteurs économiques et non
seulement religieux. Mais est-ce une surprise ?
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Laurent Weill.
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Les colonnes des « cahiers » sont ouvertes, après validation, aux contributions de recherche fondamentale ou
appliquée, de toutes les disciplines concernées par la finance islamique. Une attention particulière est portée à
l’originalité du travail qui devra nécessairement comporter l’indication des sources. Les propositions (Times new
roman 12, interligne simple) sont à envoyer à cette adresse en fichier word :
cahiersfinanceisla[email protected]nrs.fr
Tous les numéros sont consultables gratuitement sous ces deux liens http://sfc.unistra.fr/finance-islamique
et http://www.ifso-asso.com/documents/
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