Note d’Intention
Qu’est-ce que le deuil? Qu’est-ce que «tourner la page»? Qu’est-ce que «vivre avec», «vivre sans»?
Qu’est-ce que le souvenir? Qu’est-ce que ressentir? Qu’est-ce que l’émotion?
C’est en me posant ces questions, plus ou moins imposées par mon expérience de vie, que m’est venue
l’envie d’écrire cette pièce. L’envie et le besoin. Le besoin de transmettre et de poser par écrit des sentiments
ineables, un paradoxe.
Comment exprimer ce temps particulier suite au décès d’un proche, d’un être cher?
Comment nommer ce qui se joue lors de la mort d’un être aimé? Surtout lorsque cette mort est brutale,
surtout lorsque cette mort est volontaire. Ceux laissés derrière passent par de multiples étapes, de multiples
sensations, dicilement cernables, impossibles à classer chronologiquement, à dénir réellement. Pour
autant, le besoin d’en parler est impérieux.
Mais comment ne pas transformer, distordre, trahir la multitude de notre ressenti? Comment
produire une photographie émotionnelle la plus proche de nos marasmes intérieurs? Quel est l’impact
du temps? Quelle est l’inuence de la mémoire? Comment fonctionne la reconstruction du souvenir?
Qu’est-ce que transposer, retranscrire? Comment?
Ces questions ont hanté mon processus d’écriture. Comment créer un langage plus universel?
Quelle langue sera la plus dèle aux ressentistout en étant lisible pour tous? Comment écrire sur un sujet
aussi sensible et personnel tout en étant accessible aux autres? Comment dépasser le cadre du journal
intime et orir une expérience désirée universelle?
Car nous connaissons tous ces moments: le deuil, la colère, la tristesse, la perte, la solitude, les
regrets… Chaque être doit perdre et reconstruire. Parfois un détail. Parfois, son monde. Je voulais parler
de ce moment fragile et particulier, je voulais transmettre cette expérience qu’est le processus de deuil
parce que je sais ne pas être seule, parce que je la sais universelle tout en étant unique, parce que d’autres
ont vécu et vivront ces épreuves, et que la partager aide, tout simplement.
Lors de ce travail d’écriture, je me suis attachée aux symboles, aux images, au visuel, éléments
à mon sens, les plus à même d’être dèles aux ressentis. Les sensations sont des courbes, des couleurs,
des pointes, dicilement nommables, et le moyen le plus pertinent pour les transposer est d’user de
métaphores. Le temps coule, inexorablement, il délite, dilue, que reste-t-il de l’autre suite à son passage?
Que reste-t-il des souvenirs communs? Que reste-t-il des moments passés ensemble? Que reste-t-il de la
sourance vécue? Que nous reste-t-il?
Que reste-t-il à ceux qui restent?
Des ashs, des sensations, des bribes, du son, des images, des odeurs… Singulières et pourtant
sans doute communes. De la douleur aussi, de l’amour, des regrets, des liens, des autres, et une ombre...
Le dé est aujourd’hui de pouvoir les mettre en forme sur un plateau de théâtre.
Aurélie Derbier