Introduction - UMR ESO

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Transition sociale et environnementale
des systèmes agricoles et agro-alimentaires au Brésil. Introduction
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Júlio Cesar Suzuki
université de são paulo
François Laurent
umr
L
e Brésil est devenu en quelques années une
puissance agricole de premier plan. La réussite du secteur agricole et agro-alimentaire a
transformé profondément l’environnement et les
sociétés. Ces mutations rapides concernent aussi bien
les espaces ruraux que les villes où le commerce et la
transformation des produits agricoles et des moyens
de production tiennent souvent une place importante.
Dans le même temps, la transformation de la société
brésilienne, l’audience toujours plus grande des
valeurs environnementales et les aménagements institutionnels ont modifié la demande sociale à l’égard de
l’agriculture et des politiques publiques agro-environnementales.
Des innovations en matière de systèmes de production plus durables se diffusent. Elles résultent de
politiques publiques de l’État fédéral, des États fédérés
ou des municipalités qui encadrent la production agricole afin de favoriser une meilleure répartition des
richesses, un développement des espaces ruraux
et/ou de mieux protéger les ressources naturelles. L’évolution des systèmes de production n’est pas forcément subie suite à des réglementations, des incitations
ou des injonctions des pouvoirs publics ou des marchés, certains producteurs s’engagent dans des
démarches pro-actives en apportant leurs propres
réponses aux questions sociales et environnementales, dans des démarches individuelles ou collectives.
L’enjeu est aujourd’hui de produire tout en consommant moins de ressources naturelles et en valorisant
mieux les services écosystémiques. Les demandes des
consommateurs, qu’ils soient étrangers ou brésiliens,
évoluent également vers un besoin de mieux identifier
les produits à la fois pour leur qualité intrinsèque mais
aussi, de plus en plus, pour leur éthique sociale et environnementale dans un contexte de bouleversements
des pratiques alimentaires et d’accroissement de la
proportion de population en sur-consommation d’ali-
eso le mans - cnrs
6590 - université du maine
ments. Les transformations sont portées par de nouvelles formes de gouvernance des territoires et de
prise de décision conduisant à de nouveaux équilibres
entre acteurs. Cette gouvernance se caractérise par la
mise en place de coordinations horizontales inscrites
dans les territoires.
Ainsi, si la croissance agricole a longtemps rimé
avec dégradation de l’environnement et creusement
des inégalités sociales, on peut se demander si l’on
assiste ou pas à une « transition » depuis quelques
années du fait de l’émergence de nouveaux modèles
de production et de consommation. La transition en
cours dans les modes de production et la gestion des
espaces agricoles peut se lire à différents niveaux,
c’est-à-dire à travers les exploitations agricoles, les
paysages et les territoires. L’existence et les manifestations de cette transition interrogent tout particulièrement les géographes et les sociologues qui s’intéressent aux mutations des systèmes productifs et à leurs
inscriptions territoriales, aux politiques publiques agricoles et environnementales ainsi qu’à l’évolution de la
décision publique et de la citoyenneté, aux mobilisations sociales et à la diffusion des innovations et enfin
à l’évolution de la demande sociale autour, par
exemple, des pratiques alimentaires.
Dans ce cadre, le laboratoire Espaces et Sociétés
(ESO-UMR 6590) de Rennes a organisé un séminaire
international « Transition sociale et environnementale
des systèmes agricoles et agro-alimentaires au Brésil »,
le 7 et le 8 avril 2015, autour de quelques thèmes clés
pour débattre des changements sociaux et environnementaux affectant l’agriculture et le monde rural brésiliens. Le présent dossier est constitué de différents
articles issus de communications présentées lors du
séminaire. Au travers d’études de cas, les auteurs traitent des problématiques de contestation du modèle
dominant, de la marginalisation de certaines popula-
eso,
travaux & documents, n° 40, mars 2016
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Transition sociale et environnementale des systèmes agricoles et agro-alimentaires au Brésil. Introduction
tions qu’il entraîne, de développement de modèles
alternatifs cherchant à valoriser les savoir-faire des
petits producteurs et à construire de nouvelles
alliances avec les populations urbaines.
Le premier article « Production et revenu dans des
zones d’assentamentos ruraux au Brésil: l’exemple de
Pontal do Paranapanema (État de São Paulo) », de
Marcos Barros de Souza, porte sur le débat autour de
la lutte pour la terre au Brésil, en particulier dans cette
région à l’extrême Ouest de l’État de São Paulo. Il présente les principales interprétations d’un enjeu politique fort, la réforme agraire au Brésil, et les difficultés
qu’elle entraîne.
La contribution de Cesar de David, « L’expansion
de la monoculture dans la Pampa Gaucha et son
impact sur le paysage », interroge les modifications
territoriales qui se lisent à l’échelle du paysage résultant de la grande expansion de la culture de l’eucalyptus dans l’État de Rio Grande do Sul et de son insertion face aux productions de soja et à l’élevage bovin.
Júlio Cesar Suzuki et Marcos Henrique Martins,
dans le texte « Communautés Caiçaras brésiliennes:
entre politique environnementale et mode de vie traditionnel », mettent en évidence les menaces qui
pèsent sur le mode de vie traditionnel caiçara1 dans un
environnement soumis à de fortes contraintes sociales
et environnementales dans l’État de São Paulo, reflétant une situation de risque social et culturel.
Dans « Les femmes agricultrices brésiliennes et la
relation ville-campagne à partir de la production et de
la consommation de plantes médicinales », Roselí
Alves dos Santos, Marcos Aurélio Saquet et Luiz Carlos
Flávio analysent comment les savoirs sur les plantes
médicinales sont valorisés par les femmes par des circuits de production et de commercialisation, dans la
municipalité de Francisco Beltrão, dans l’État de
Paraná.
Préoccupée par la production alimentaire urbaine,
Giulia Giacchè, dans l’article « De la ville qui mange à la
ville qui produit: l’exemple des Hortelões Urbanos de
São Paulo », interroge les nouvelles façons de faire de
l’agriculture en ville, dans le cadre d’un programme
municipal.
1- Groupe social originaire du mélange d’ethnies indigènes, portugaises et africaines qui vivent de l’agriculture, de la pêche et de
la cueillette)
séminaire franco-brésilien
Vanessa Iceri, Sylvie Lardon et Marcio Rocha, dans
« De la production à la consommation alimentaire:
regards croisés entre Cianorte (Brésil) et Aubière
(France) », s’intéressent aux circuits courts entre producteurs et consommateurs.
Ces textes contribuent aux débats sur les transitions sociales et environnementales des systèmes agricoles et agro-alimentaires au Brésil, et à l’analyse de
leurs impacts sur l’amélioration des conditions de vie
de la population, notamment celles des catégories les
plus pauvres.
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