ValeurS Prospérité et qualité de vie Un magazine d’information de l’Office fédéral de la statistique – Numéro 1 / 2011 74,6% des personnes vivant en Suisse se disent très satisfaites de leur vie. 2 OFS ValeurS Editorial Mesurer la qualité de vie. Mais comment ? Jürg Marti Directeur de l’Office fédéral de la statistique, Neuchâtel, Suisse L’abattage de bois dans la forêt tropicale humide de Bornéo entraîne une perte irrémédiable de capital naturel. Et pourtant, le produit intérieur brut (PIB) y est en hausse. C’est là une conséquence de la définition courante de cet indicateur. Le PIB mesure la production d’une économie nationale au cours d’une période donnée. La vente et la transformation des bois tropicaux ont ainsi des répercussions positives sur le PIB. Depuis un certain temps, cependant, les doutes grandissent sur l’adéquation d’un instrument de mesure qui ne renseigne que très peu, voire pas du tout sur la qualité de la vie et l’état de l’environnement. A différents niveaux et dans les milieux les plus divers, on voit ainsi germer des idées qui suggèrent le remplacement pur et simple du PIB ou la possibilité de le compléter par d’autres indicateurs. Toutes ces initiatives ont une incidence sur la statistique publique et, par voie de conséquence, sur l’Office fédéral de la statistique (OFS), le centre de compétences de la statistique suisse. L’OFS n’a pas attendu pour s’occuper intensément de cette question. Aussi avons-nous décidé d’en faire le thème principal du premier numéro de notre nouvelle publication ValeurS. La série d’articles réunis sous le titre « Prospérité et qualité de vie » donnent autant d’éclairages différents de cette problématique. La revue ValeurS comble une lacune en permettant de braquer le projecteur sur des thèmes spécifiques, en plus de la production statistique courante. Plusieurs autrices et auteurs exposeront leur point de vue sur un thème donné, qui sera aussi présenté dans un contexte plus large. Cette nouvelle publication paraîtra deux fois par an. Depuis les années 1990, l’OFS a une grande expérience et de solides compétences en matière de mesure de valeurs non monétaires et d’élaboration des indicateurs correspondants de qualité de vie et de prospérité. Nos spécialistes nous expliquent ce qu’ils entendent par là dans la présente revue. Nous sommes heureux que Monsieur Walter Radermacher, directeur général d’Eurostat et statisticien en chef de l’UE, commente en exclusivité pour ValeurS les tendances de la statistique européenne dans ce domaine. Dans un autre article, le Professeur Aymo Brunetti, chef de la Direction de la politique économique au SECO, donne son avis sur le débat actuel qui entoure le PIB. Quant à moi, j’anticipe un peu le résultat de ce débat. Pour l’OFS, il est encore loin le jour où le « vénérable » PIB sera détrôné. Mais, nous nous préparons aux enjeux futurs et sommes en train de développer des indicateurs complémentaires. Concrètement, l’OFS travaille à des indicateurs qui feront le lien entre le social, l’économie et l’écologie. Selon nous, la Suisse ne peut pas faire cavalier seul en statistique, une telle stratégie n’offrirait pas de perspective. Nous soutenons donc tous les efforts entrepris au niveau international pour compléter le PIB. Nous ne croyons pas à un méga-indicateur unique, mais plutôt à une série d’indicateurs sous forme de tableau de bord simple à utiliser et accepté par tous, qui traduise de façon compréhensible les avantages que peuvent en attendre la politique et la société. OFS ValeurS 3 Dossier : Prospérité et qualité de vie Richesse, bien-être et qualité de vie : des défis pour la statistique publique Longtemps, le produit intérieur brut (PIB) a été considéré comme le principal indi­cateur du bien-être. A l’origine, le bien-être équivalait à la richesse matérielle. Le concept de qualité de vie, développé dans les années 1960 comme alternative à une notion quelque peu restrictive du bien-être, a fourni une nouvelle approche, beaucoup plus complexe, qui englobe tous les domaines importants de l’existence. Jürg Marti, Jürg Furrer et Tom Priester Limites du PIB De la richesse à la qualité de vie écemment, les concepts de qualité de vie et de durabilité ont été relancés. Citons dans ce contexte l’initiative « PIB et au delà » de l’UE, la Commission sur la mesure de la performance économique et le progrès social (Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi), instituée en 2008 par le président français Nicolas Sarkozy, et le projet de l’OCDE « Mesurer le progrès des sociétés / Vivre mieux ». Sans être identiques, ces initiatives n’en présentent pas moins de nombreux points communs : elles reposent toutes sur les trois piliers de l’économie, de la société et de l’environnement et trouvent leur origine dans un examen critique du PIB. Elles ont entre autres pour but d’identifier les limites du PIB en tant qu’indicateur du développement économique et social. L’idée n’est pas de remplacer le PIB ; sa base conceptuelle – les comptes nationaux, qui fournissent d’importantes informations sur la richesse matérielle – est d’ailleurs fondamentalement conservée. Le but est plutôt de relativiser la prépondérance du PIB dans le débat public. Du même coup, la qualité de vie prend une signification nouvelle, beaucoup plus importante, et la question de la durabilité aussi. En Suisse, le Conseil fédéral a repris ces idées dans le cadre de sa décision relative à l’économie verte. Il a notamment chargé les services compétents de­ « … compléter le PIB par des indicateurs relatifs aux progrès réalisés en matière de développement au niveau social, économique et écologique. » Toutes ces initiatives ont un impact important sur la statistique publique, qui se voit chargée de fournir les informations statistiques nécessaires et d’établir des indicateurs sur les progrès économiques et sociaux et sur la qualité de vie. Mais qu’entend-on par qualité de vie et comment la mesure-t-on ? La richesse est décrite à l’aide d’indicateurs objectifs sur les ressources en biens matériels (niveau de vie). Elle est déterminée à l’aide du revenu disponible, du PIB ou du revenu national, occasionnellement aussi à l’aide des dépenses de consommation. En ce qui concerne le bien-être individuel ou la qualité de vie – deux notions étroitement liées et souvent employées comme synonymes (comme dans le présent article) – l’aspect matériel de la ­richesse est en revanche complété sur deux points : d’une part, il est tenu compte d’éléments non matériels, tels que la santé, la liberté, la sécurité et la justice ; d’autre part, les aspects objectifs du bienêtre sont complétés par des appréciations subjectives, qui incluent des évaluations cognitives et des opinions. La satisfaction de l’individu par rapport à sa propre vie est un des indicateurs essentiels qui permet de mesurer l’appréciation subjective. La qualité de vie est par conséquent un concept pluridimensionnel. On considère qu’elle est élevée en présence de conditions objectives satisfaisantes à condition que celles-ci soient évaluées positivement. Cette évaluation porte sur le long terme, ou du moins sur le moyen terme. R 4 OFS ValeurS Défi pour la statistique publique La question de savoir si la statistique publique devait relever des appréciations subjectives et les publier a longtemps été controversée. Aujourd’hui encore, certains offices statistiques se montrent réservés à cet égard. L’Office fédéral de la statistique, quant à lui, collecte déjà depuis des années de telles appréciations subjectives. Mentionnons en particulier les questions sur la satisfaction posées dans le cadre des enquêtes SILC et de l’enquête sur la santé, qui portent sur les composantes subjectives de la qualité de vie. Les aspects affectifs à court terme, qui ont trait au Dossier : Prospérité et qualité de vie bonheur, ne font par contre pas l’objet de relevés. L’OFS n’a pas non plus l’intention d’établir dans un avenir proche une sorte d’indicateur du bonheur. Quels indicateurs de la qualité de vie con­ vient-il de publier et sous quelle forme ? Aucune décision définitive n’a encore été prise à ce sujet. Ce qui est certain, c’est que de tels indicateurs feront partie du système d’information global « complément du PIB », conformément à la décision du Conseil fédéral. Ce système comprendra des indicateurs traitant, outre la qualité de vie ou les aspects sociaux, des aspects économiques et écologiques. Il est par ailleurs évident que ces indicateurs devront être comparables sur le plan international. Enfin, les domaines sur lesquels des informations statistiques seront publiées sont connus. Il s’agit principalement de la situation financière, de la santé, de la formation, de la situation sur le marché du travail, des conditions de logement, de l’intégration sociale et du bien-être subjectif. Ces domaines découlent d’une part des buts sociaux inscrits dans la Constitution fédérale (art. 41 Cst.). Ils constituent d’autre part les domaines classiques abordés par les études sur la qualité de vie et les indicateurs sociaux. Ce sont aussi ces domaines que l’on retrouve dans les publications des institutions statistiques nationales et internationales. Il sera en tout cas important de tenir compte de l’interdépendance des différents domaines de l’existence. Des revenus élevés se rencontrent ainsi fréquemment chez les personnes dotées d’une bonne formation et d’une bonne santé et bénéficiant de bonnes conditions de logement. Toutefois, une personne peut être à la fois suffisamment pourvue dans certains domaines et insuffisamment dans d’autres. Les déficits peuvent être liés à d’autres déprivations ou en être en partie la cause. Le cumul de déprivations est particulièrement problématique. Il est fréquemment lié à une insuffisance de revenus sans devoir lui être nécessairement attribué. Un examen purement descriptif de la situation objective et subjective dans les différents domaines de l’existence ne suffira pas à répondre au besoin d’information. Des analyses plus approfondies des relations entre ces domaines de l’existence seront nécessaires pour mieux appréhender la qualité de vie individuelle et les facteurs qui l’influencent. Jürg Marti est directeur de l’OFS Jürg Furrer est adjoint scientifique, division Economie, Etat et questions sociales, OFS Tom Priester est chef de la section Analyses sociales, OFS OFS ValeurS 5 Dossier : Prospérité et qualité de vie Le PIB ne mesure pas le bonheur Interview du Professeur Aymo Brunetti Le produit intérieur brut mesure la performance d’une économie nationale, mais cette mesure n’est pas parfaite. Le PIB déforme-t-il la réalité ? Faut-il trouver des alternatives ? Aymo Brunetti, économiste au SECO, ne remplacerait pas le PIB, mais le compléterait par d’autres indicateurs. Interview réalisée par Marco Metzler1 Monsieur Brunetti, quels sont les avantages du produit intérieur brut (PIB) comme instrument de mesure ? Le PIB présente l’immense avantage d’être calculé selon une méthode harmonisée sur le plan international, qu’il s’agisse des valeurs annuelles ou des valeurs trimestrielles. Il est ainsi possible d’étudier les séries chronologiques sur des décennies et de les comparer directement d’un pays à l’autre. Le PIB est par ailleurs établi à partir de valeurs du marché, c’est-à-dire de grandeurs directement mesurables. Et quels sont ses inconvénients ? Il faut se garder de vouloir donner trop de significations au PIB. Le PIB ne mesure pas le bonheur ou quelque chose de la sorte. Le PIB mesure la production de biens et de services mis sur le marché. Les biens ou services pour lesquels il n’y a pas de marché posent un problème. Prenons, par exemple, le cas du travail domestique: si une personne fait elle-même ce travail, celui-ci n’est pas pris en compte dans le PIB ; en revanche, si cette personne engage quelqu’un pour faire ce travail, celui-ci est pris en compte parce qu’il y a une transaction commerciale. Un deuxième inconvénient tient au fait que là où il n’y a pas de concurrence directe des prix – par exemple dans le secteur de la santé ou des services semi-publics –, il est difficile de déterminer la valeur ajoutée, et donc le PIB. Le PIB ne fait-il pas l’impasse sur beaucoup de facteurs qui seraient d’une grande importance pour la société ? Certainement. Le PIB n’est pas un instrument universel pour mesurer le bonheur et la satisfaction qui règnent dans un pays. 6 OFS ValeurS Si l’on considère les thèmes politiques traités de l’extrême gauche à l’extrême droite, on constate que le maintien de la croissance nationale est l’un des plus importants. Se pourrait-il que le PIB, avec ses lacunes, conditionne trop les objectifs de la politique ? Le PIB est étroitement corrélé avec beaucoup de valeurs que l’on a l’habitude de déduire de cet indicateur : satisfaction, richesse ou bien-être. Il ne les mesure pas précisément, mais il y a un rapport étroit entre ces différents éléments. Ce n’est toutefois pas partout le cas. Si la production d’un bien cause des dommages à l’environnement, ces derniers ne sont pas mesurés. Il est donc vrai que le PIB a ses limites. Néanmoins, la croissance du PIB s’accompagne souvent de la croissance de beaucoup d’autres facteurs normalement considérés comme importants, tels que la sécurité de l’emploi ou le niveau moyen des revenus. La Suisse est une société prospère, ce qui explique que la croissance y soit déjà structurellement beaucoup plus faible que, par exemple, dans les pays en développement. Dans quelle mesure en sommes-nous cependant dépendants ? Nous sommes très certainement dépendants de la croissance dans certains domaines. Le mode de financement de nos assurances sociales fait, par exemple, que nous avons besoin de la croissance. Mais, dans une économie de marché fondée sur la division du travail, la productivité augmente sur le long terme grâce à l’activité économique et aux progrès techniques. Plus le temps passe, plus l’on devient bon dans ce que l’on fait et c’est synonyme de croissance. Il y aura donc toujours une certaine croissance. Une récession se définit à l’aide du PIB. On parle de récession quand la croissance du PIB est négative durant deux trimestres consécutifs. Il arrive donc que l’on décrète qu’un pays connaît une récession alors que sa population, selon le cas, ne vit en fait pas plus mal. Il faut l’effet multiplicateur des médias pour en faire une prédiction qui finit par se réaliser. Et à la fin, les gens vont effectivement moins bien. J’ai tendance à ne pas accorder trop d’importance à ces deux trimestres de croissance négative. Au fond, une récession est véritablement une récession lorsqu’elle se manifeste sur le marché du travail. Si la situation économique se détériore, le chômage conjoncturel augmente, et c’est ça qui fait mal. Si la croissance économique régresse de 0,1% pendant deux trimestres consécutifs, rares sont ceux qui s’en rendent vraiment compte. Les fluctuations conjoncturelles sont surtout un problème dès lors qu’elles causent du chômage. Considérons à présent les composantes du PIB du point de vue de la demande. Le premier paramètre est la consommation. Pour beaucoup, favoriser la croissance revient à stimuler la consommation. Est-ce que cela ne conduit pas tout simplement à la surconsommation ? La composante « demande » des comptes nationaux – soit la consommation, les investissements, les dépenses de l’Etat et les exportations nettes – est importante seulement sur le plan conjoncturel et Dossier : Prospérité et qualité de vie pour les variations à court terme du PIB. La croissance à long terme, elle, résulte de deux facteurs : elle se produit quand le pays travaille plus et que la productivité du travail augmente. La technologie, le capital et le facteur travail déterminent l’évolution du PIB. La consommation, les investissements ou les exportations nettes ne déterminent que la demande de biens et de services qui sont produits ou, en d’autres termes, le degré d’utilisation des capacités de production de l’économie. Dans une perspective à long terme, ce n’est pas la consommation qui est importante pour la croissance, mais l’évolution de la productivité. Pour ce qui est de la surconsommation, aucun économiste ne vous dira qu’un pays s’enrichit si la consommation croît sans cesse. En effet, en pareil cas, il y a moins d’investissements, ce qui n’est pas bon pour la croissance à long terme. La consommation n’est donc pas en soi un facteur de croissance à long terme. Souvent, les Etats, mais aussi les particuliers, se surendettent pour pouvoir consommer immédiatement et ils laissent une montagne de dettes. Nous avons des exemples dans certains pays d’Europe du Sud. La croissance économique ne se fait-elle pas alors au détriment du développement à long terme ? En effet, ce n’est pas là une croissance durable. La consommation à elle seule n’est pas source de croissance. Elle peut, peut-être, aider à sortir d’une dépression conjoncturelle. Mais seuls les investissements et les progrès technologiques engendrent véritablement la croissance. Le surendettement est le meilleur moyen pour faire ralentir la croissance à long terme. Venons-en à présent aux choses que le PIB ne mesure pas. Le PIB ne dit pas si la croissance est plus ou moins durable, ni combien de ressources non renouvelables elle utilise, ni quelle pollution de l’environnement elle cause. N’est-ce pas une lacune ? Si, c’est certainement une lacune. La meilleure solution, qui a aussi la faveur des économistes, consiste à intégrer les coûts externes. En d’autres termes, on donne un prix à l’environnement en introduisant des taxes d’incitation ou autres. Cela règle le problème. Toutefois, de nos jours, cette pratique n’est pas généralisée, avec pour conséquence que si vous vous concentrez exclusivement sur le PIB, vous risquez de faire l’impasse sur d’autres composantes importantes. Je ne remplacerais donc pas le PIB, je le compléterais plutôt par des indicateurs sociaux ou environnementaux. Ne serait-il pas plus judicieux d’introduire en Suisse une sorte de PIB vert ? Je crois qu’un PIB vert ne remplacera jamais le PIB traditionnel, car ce dernier présente l’avantage d’être un instrument de mesure universel et comparable. Le gros problème avec le PIB vert, c’est qu’aucun marché ne lui est associé. Sa mesure doit donc se faire de manière indirecte, ou alors il faut sonder l’opinion des gens en réalisant des enquêtes. L’évaluation des biens environnementaux est incroyablement complexe, c’est pourquoi il n’y aura probablement jamais d’indicateur vert comparable au PIB. Mais il faudrait compléter le PIB par d’autres indicateurs pour évaluer la durabilité du développement d’un pays. Certaines études montrent que plus les disparités de revenus sont grandes, plus la population est insatisfaite. Faudrait-il introduire une mesure de la distribution des inégalités, telle que le coefficient de Gini ? … … ou le rapport entre les 10% les plus pauvres et les 10% les plus riches. Les mesures de la distribution sont un complément important. Mais, qu’est-ce qu’une distribution optimale ? C’est là une question d’appréciation subjective. Une distribution absolument égale pas plus qu’une distribution totalement inégale n’est une bonne chose. Mais entre les deux, il est souvent difficile de juger quelle forme de distribution est meilleure qu’une autre. Au final, c’est une question politique. Je trouve important que l’on fournisse de tels indicateurs, mais encore une fois, ce n’est pas simple de les interpréter. C’est moins un problème avec les « green indicators ». Le PIB ne dit rien en définitive de la satisfaction des citoyens. Ne faudrait-il pas introduire une mesure du bien-être de la société dans son ensemble ? La recherche consacrée au bonheur a le vent en poupe en économie. A l’aide d’enquêtes et d’expériences, elle essaie de déterminer le degré de satisfaction des gens. Mais celui-ci ne se mesure pas sur les marchés. Le résultat sera donc toujours imprécis. De la même façon que l’on devrait compléter le PIB d’indicateurs sur la durabilité et la distribution, on devrait aussi considérer des indicateurs du bonheur. On constate toutefois que ces derniers sont corrélés avec la croissance. Si la croissance du PIB est élevée, la satisfaction augmente en général. L’intérêt potentiel des indicateurs du bonheur réside néanmoins dans le fait qu‘ils permettent d’évaluer la qualité de la croissance. Au Royaume du Bouthan, on ne mesure pas le PIB, mais le bonheur intérieur brut. Plusieurs pays sont à la recherche d’alternatives au PIB. Se pourrait-il que la Suisse aussi remplace un jour le PIB ? Non. Le PIB ne sera pas remplacé ni en Suisse, ni nulle part ailleurs. Sa comparabilité sur le plan international est un avantage trop précieux. Le PIB n’est certes pas parfait, mais il reste un bon indicateur de bien des aspects du bien-être. Il n’en demeure pas moins que d’autres indicateurs, par exemple de la qualité de l’environnement ou de la distribution des revenus, vont probablement gagner en importance pour compléter le PIB et permettre ainsi une évaluation globale. Aymo Brunetti est professeur d’économie et dirige au SECO la Direction de la politique économique. 1 Version abrégée d’une interview publiée dans l’édition en ligne de la NZZ du 26 mai 2011, reproduite ici avec l’aimable autorisation de la Neue Zürcher Zeitung AG et traduite de l’allemand. OFS ValeurS 7 La qualité de vie inclut également la possibilité de participer à des événements politiques et sociaux. Un approvisionnement suffisant en énergie est indispensable au maintien de notre bien-être. 8 OFS ValeurS L’espérance de vie en bonne santé est particulièrement élevée en Suisse et augmente même encore légèrement. La surface agricole utile a diminué de 2400 ha en 2009, soit une surface égale à celle du lac de Walenstadt. OFS ValeurS 9 Dossier : Prospérité et qualité de vie Mesurer l’équité sociale, la durabilité et la qualité de vie dans l’Union européenne (UE) Mesurer le développement et le progrès social dans un contexte statistique et politique en évolution. Walter Radermacher L a conférence « Au-delà du PIB » (2007)1 a montré que les responsables politiques et les spécialistes des questions économiques, sociales et environnementales, de même que la société civile en général, sont très favorables au développement d’indicateurs complémentaires au PIB qui fourniraient des informations plus complètes pour guider l’action politique. En septembre 2009, la publication du « rapport ­Stiglitz » a fait les grands titres des médias ; presque en même temps, la Commission européenne publiait, sous le titre « Le PIB et au-delà: mesurer le progrès dans un monde en mutation », une communication où elle présente les actions qu’elle envisage d’entreprendre pour mieux mesurer l’évolution de la société, de l’économie et de l’environnement. Ces actions visent notamment à com-pléter le PIB par des indicateurs environnementaux et sociaux (y compris des instruments pour mesurer la qualité de la vie et le bien-être), à produire des rapports plus précis sur les inégalités et à étendre les comptes nationaux aux thématiques environnementales et sociales. Fondées sur des travaux antérieurs liés à la stratégie de l’UE pour le développement durable, ces actions revêtent une importance nouvelle dans le contexte de la stratégie Europe 2020, que le Conseil européen a approuvée en juin 2010 et qui vise à promouvoir une croissance plus juste, plus verte et plus sociale. Un effort commun dans le cadre du Système Statistique Européen (SSE2) Pour soutenir la reprise économique et atteindre les grands objectifs d’Europe 2020, il faut non seu-lement la volonté politique d’instaurer une gouvernance plus forte, mais encore des instruments statis-tiques solides, régulièrement mis à jour et adaptés aux buts visés. Les directeurs des instituts nationaux de statistique ont réagi à ce nouvel environnement politique en adoptant, en septembre 2010, le « mémorandum de Sofia », qui fixe des domaines d’action prioritaires en matière de statistiques 10 OFS ValeurS pour l’UE, l’AELE3 et les pays candidats. La même année, le Comité SSE4 avait institué un sponsorship group pour la mesure du progrès, du bien-être et du développement durable, qui prépare actuellement des recommandations sur les perspectives des ménages, sur divers aspects de la distribution des revenus, de la consommation et de la richesse, sur la durabilité environnementale et sur les méthodes de mesure multidimensionnelles de la qualité de la vie. Beaucoup d’indicateurs existent déjà au sein du SSE pour mesurer le développement durable, l’emploi, l’inclusion sociale, la protection sociale et l’égalité. Le sponsorship group va définir des méthodes pour mieux structurer et analyser les statistiques existantes et pour piloter la mise en œuvre des indicateurs recommandés ; il va proposer également une stratégie pour produire à moyen terme de nouvelles données statistiques dans des domaines aujourd’hui insuffisamment couverts. Si l’on veut que les données et les indicateurs de tous les pays soient comparables, il faut que les statistiques soient de haute qualité et que toutes les données soient collectées dans un « langage » statistique commun, avec des définitions, des méthodes, des structures et des normes techniques uniformes. Eurostat et ses partenaires se sont engagés à respecter des normes de qualité communes fixées dans le Code européen de bonnes pratiques. Compléter les moyennes par des distributions Les enquêtes auprès des ménages fournissent des informations microéconomiques sur la distribution des revenus, de la consommation et de la richesse. Les moyennes et les médianes basées sur ces statistiques ne disent pas tout du niveau de vie de la population: il faut y joindre des indicateurs reflétant leur distribution parmi les personnes et les ménages. Idéalement, il faudrait publier des données sur les trois dimensions du niveau de vie maté- 1 Conférence organisée par la Commission européenne avec le Parlement européen, le Club de Rome, le WWF et l’OCDE 2 Le SSE est un système de partenariat entre l’autorité statistique communautaire, à savoir la Commission (Euro­ stat), les instituts nationaux de statistique (INS) et les autorités responsables dans chaque Etat du développe-ment, de la production et de la diffusion des statistiques européennes. Le SSE coordonne ses activités avec les pays candidats et avec la Suisse. 3 Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse 4 Comité du système statistique européen 5 http:/ /epp.eurostat.ec.europa. eu/portal/ page / portal / europe_2020_indicators /headline_indicators Dossier : Prospérité et qualité de vie riel (revenu, consommation et richesse) et sur leur distribution conjointe. Cela donnerait une meilleure image de la situation des ménages. Heureusement, beaucoup de données sont déjà disponibles dans les bases de données d’Eurostat – principalement dans les statistiques du travail et les statistiques de l’UE sur les revenus et les conditions de vie (EU-SILC). Croissance et environnement Les rapports sur la mesure du progrès insistent sur un autre point important: la nécessité de mieux mesurer les dimensions environnementales de la croissance et du progrès. La Commission entend explorer ici la possibilité d’élaborer un tableau de bord du développement durable, en complément des indicateurs actuels du développement durable. Les comptes nationaux seront étendus de manière à ce que les comptes de l’environnement déjà existants couvrent davantage de sujets environnementaux. Les pays ne sont pas tenus de fournir des données dans ce domaine, mais une loi UE est en préparation et devrait être adoptée encore en 2011. Les flux de matières, les taxes environnementales et les émissions atmosphériques sont les domaine les plus « mûrs » pour la législation sur les comptes environnementaux. D’autres domaines, tels que les biens et services environnementaux, la productivité énergétique, les comptes des dépenses de protection de l’environnement, pourront être développés ultérieurement, de même que les comptes de la forêt, de l’eau et des déchets. de faire des analyses selon le contexte socioéconomique et des analyses dans le temps. Dans d’autres domaines, tels que l’accès aux espaces verts, la participation à la vie politique, la gouvernance, il convient de mener des investigations pour déterminer quelles données sont d’ores et déjà disponibles et comparables. Le bien-être – qui est un effet de la qualité de la vie – appelle davantage d’attention. Le rapport Stiglitz souligne l’importance des indicateurs aussi bien objectifs que subjectifs du bien-être. Des recherches récentes montrent qu’il est possible de collecter des données significatives et fiables sur le bien-être subjectif, en considérant notamment des variables telles que la satisfaction dans la vie et les émotions positives ou négatives. Le sponsorship group, qui examine en détail toutes ces questions, considère que EU-SILC devrait être développé davantage comme un instrument central de mesure de la qualité de la vie. Autres informations Eurostat a créé sur son site des pages web spéciales sur les grands objectifs d’Europe 20205 et sur l’initiative « Au-delà du PIB ». Il est prévu de publier dès 2011 un premier ensemble d’indicateurs sur le bien-être. On trouvera des informations sur la communication et les actions de la Commission « Au-delà du PIB » sur www.beyond-gdp.eu Walter Radermacher est statisticien en chef de l’UE et directeur général d’Eurostat, l’Office statistique de l’UE Mesure de la qualité de la vie et du bien-être Il importe particulièrement, selon la communication de la CE et le rapport Stiglitz, d’associer au PIB des indicateurs sociaux relatifs à la qualité de la vie et au bien-être. Le bien-être et le bonheur, toutefois, ne se laissent pas mesurer facilement. Les dimensions clés à considérer pour déterminer la qualité de la vie sont le niveau de vie matériel, la santé, l’éducation, les activités personnelles, y compris le travail, la participation à la vie politique, les relations sociales, l’environnement et la sécurité physique et économique. Dans la plupart de ces domaines, des données de base sont déjà disponibles dans le SSE. L’enquête EU-SILC, en particulier, est très utile pour suivre certains problèmes qui touchent une gran-de partie de la population européenne ; elle fournit des informations sur la pauvreté, la privation et l’exclusion sociale, et elle permet OFS ValeurS 11 Dossier : Prospérité et qualité de vie Mesure du progrès social : un effort international L’argent ne fait pas le bonheur. Les spécialistes le savent depuis longtemps : l’évolution du PIB reflète l’activité économique, sans s’intéresser aux impacts sociaux et environnementaux ou aux individus (il n’est pas fait pour cela !). Le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi fait office d’état des lieux et de plan de travail pour les offices statistiques des pays membres de l’OCDE1. Sébastien Morard J amais le monde politique ne s’est autant intéressé à la qualité de vie. La crise de 2008 a créé une forte demande mondiale d’indicateurs. Parmi ces demandes figure la nécessité de produire des indicateurs représentant plus ­fidèlement la vie des gens. Le rapport de la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi sur la mesure de la performance économique et du progrès social commandé par le Président Sarkozy a fédéré divers travaux statistiques internationaux pour ­ des indicateurs plus proches des citoyens. La Commission a fait 12 recommandations2, afin d’évaluer le niveau de vie des ménages (revenus, consommation, patrimoine), la qualité de vie (de la santé à la sécurité économique et physique) et le développement durable (indicateurs environnementaux et socio-économiques). Il ne s’agit pas de créer un indicateur révolutionnaire résumant toutes les dimensions qui font que la vie vaut la peine d’être vécue, mais de complémenter la rudimentaire jauge qu’est le PIB. L’OCDE est pionnière dans ces travaux depuis 2004. En 2010, suite au rapport, son Conseil des ministres a adopté la priorité stratégique de mieux mesurer le progrès social. Les statisticiens se sont mis au travail et un premier résultat concret parait en juin 2011 sous la forme d’une suite d’indicateurs sur le thème de la qualité de vie, et cet automne sous la forme d’une publication faisant le tour d’une dizaine d’aspects de la qualité de vie. Il est aussi possible de calculer sur le site de l’OCDE son propre indice de qualité de vie3. L’Union européenne n’est pas en reste et a communiqué dès 2009 une volonté d’aller « audelà du PIB »4. Le système statistique européen (dont la Suisse fait partie) propose un plan d’action commun. Finalement, l’ONU, 20 ans après le Sommet de la Terre de Rio, travaille sur le suivi du développement durable. 12 OFS ValeurS Ces initiatives sont nécessaires pour déterminer rapidement comment fournir des statistiques comparables et de qualité sur un sujet si complexe. D’autre part la demande politique est grande : les gouvernements britannique, français, japonais, coréen (sud), le Bundestag allemand ont tous demandé à leurs offices statistiques des études en ce sens. Le Conseil fédéral désire supplémenter le PIB par des indicateurs des évolutions sociales, économiques, écologiques. La Suisse, pays membre de l’OCDE, apporte sa contribution aux travaux statistiques. L’OFS ne travaille pas en vase clos : les travaux suisses bénéficieront de cet élan international. Sébastien Morard est responsable « Affaires internationales », OFS 1 Organisation de Coopération et de Développement Économiques 2 www.stiglitz-sen-fitoussi.fr 3 Voir www.oecd.org: Compendium of key well-being indicators ; How’s life ? ; My better life index 4 http://www.beyond-gdp.eu/ Dossier : Prospérité et qualité de vie Revenus et conditions de vie en Suisse Interview avec Anne Cornali Schweingruber et Stéphane Fleury L’acronyme SILC1 désigne une enquête sur les revenus et les conditions de vie, qui est réalisée de manière coordonnée dans 25 pays européens. Suite à l’entrée en vigueur de l’accord bilatéral sur la statistique, cette enquête est aussi effectuée en Suisse. Depuis 2009, notre pays collecte chaque année des données actuelles et comparables sur les revenus, les conditions de logement, le travail, la formation et la santé. Cette année, 7000 ménages suisses, totalisant 17’000 personnes, ont pris part à cette enquête réalisée par téléphone. Interview: Caroline Schnellmann Quels sont les objectifs de l’enquête SILC ? SILC s’intéresse aux revenus et aux conditions de vie des ménages. Elle relève dans ce contexte des informations sur les sources de revenu du ménage ou de ses membres, sur les dépenses obligatoires ou sur le logement (coûts, conditions de logement, situation du logement). La satisfaction des personnes par rapport à différents aspects est également relevée. Satisfaction par rapport à la vie en général, aux conditions de logement, à la santé, au travail, aux relations sociales, à la sécurité personnelle, à la durée du temps libre, aux loisirs et à la situation financière. L’enquête s’intéresse également aux privations matérielles auxquelles les ménages doivent faire face. Ces privations se définissent comme l’absence, pour des raisons financières, de différents éléments par exemple le manque de moyens pour faire face à une dépense imprévue d’un montant de 2000 francs, ou pour chauffer convenablement son domicile ou encore pour accéder à différents biens de consommation. Cette enquête permet ainsi d’étudier les conditions de vie de manière large en prenant en considération les notions de bien-être et de répartition des revenus et en mettant l’accent sur la perspective des ménages. Les résultats de SILC vous permettentils de confirmer que l’argent ne fait pas nécessairement le bonheur ? Si l’on considère la satisfaction moyenne selon le niveau du revenu disponible équi- valent des personnes, SILC permet de montrer que la satisfaction de l’individu par rapport à sa situation financière ou à son état de santé augmente significativement avec le revenu. En revanche, la satisfaction par rapport au logement ne dépend que très peu du niveau de revenu. Quant à la satisfaction que procurent les relations personnelles, elle reste égale en moyenne quelque soit le décile de revenu disponible équivalent auquel la personne appartient. Il faut donc probablement en conclure que l’argent contribue au bonheur individuel, mais qu’il n’est qu’un facteur de bonheur parmi d’autres. Les Suisses sont-ils généralement satisfaits ? Oui, le degré de satisfaction de la population vivant en Suisse est élevé. En 2009, trois personnes sur quatre (74,6%) se disent très satisfaites de leur vie. L’examen de la satisfaction relative à certains domaines de vie précis montre que les aspects relationnels (vie en commun, ambiance de travail, relations personnelles) sont ceux pour lesquels le pourcentage de personnes très satisfaites est le plus élevé. En revanche, les aspects liés à la situation financière personnelle et au fait de vivre seul sont les domaines dans lesquels le pourcentage de personnes très satisfaites est le plus bas. Les personnes les moins satisfaites se rencontrent surtout dans les groupes les plus défavorisés du point de vue économique (personnes de nationalité étrangère, à l’exception des ressortissants de l’Europe du Nord et de l’Ouest, personnes dispo- sant d’un bas niveau de formation, actifs non occupés, personnes vivant dans une famille monoparentale). Les groupes sociaux les plus satisfaits de leur vie en général sont les personnes de 65 ans ou plus (en particulier lorsqu’elles vivent en couple), les personnes de nationalité suisse ainsi que les personnes ayant achevé une formation de degré tertiaire. Le niveau de satisfaction est élevé, mais la pauvreté existe-t-elle dans ce pays riche qu’est la Suisse ? L’un des indicateurs centraux fournis par l’enquête SILC est le taux de risque de pauvreté. Sont considérées comme à risque de pauvreté les personnes vivant dans un ménage dont les ressources financières sont sensiblement inférieures au niveau habituel des revenus dans le pays considéré. La pauvreté est donc envisagée comme une forme d’inégalité, qui dépend de la situation économique des autres personnes dans le pays considéré. Par convention, l’Union européenne fixe le seuil de risque de pauvreté à 60% de la médiane du revenu disponible équivalent. En 2009, 14,6% de la population vivant en Suisse, soit près d’une personne sur sept, était exposée à ce risque de pauvreté. Les groupes sociaux les plus concernés sont les personnes vivant dans une famille monoparentale (31,7%) ou une famille nombreuse (27,2%), les personnes ayant uniquement fréquenté l’école obligatoire (25,0%), les actifs non occupés (23,8%) et les autres inactifs (20,5%), les personnes de nationalité étrangère (20,6%), en particulier les ressortissants extra-européens (30,3%) et les femmes, toutes OFS ValeurS 13 Dossier : Prospérité et qualité de vie nationalités étrangères confondues (22,7%), et enfin les enfants de 0 à 17 ans (18,3%). La notion de privation matérielle renseigne sur le degré d’exclusion sociale. Les personnes exposées au risque de pauvreté souffrent-elles de privation matérielle ? Dans l’enquête SILC, la présence de privations permet de mesurer l’exclusion sociale en termes plus absolus. Pour qu’il soit question de privation matérielle, il faut que la non-possession de biens de consommation durables que la plupart souhaite posséder ou que l’absence de conditions d’existence minimales soient imputables à un manque de ressources financières. Le risque de pauvreté en termes monétaires se répercute évidemment sur les conditions d’existence. Ainsi, les personnes exposées au risque de pauvreté ont un taux de privation matérielle significativement plus élevé (18,1%) que les personnes qui ne sont pas exposées au risque de pauvreté (4,8%). Près de la moitié (42,7%) des personnes exposées au risque de pauvreté n’ont pas les moyens de faire face à une dépense imprévue, alors que seules 18,1% des personnes qui ne sont pas à risque de pauvreté connaissent ce problème. L’insuffisance de moyens pour partir en vacances une semaine par an touche près d’une personne exposée au risque de pauvreté sur quatre (23,5%), contre 8,5% des personnes non exposées au risque de pauvreté. Pour certains groupes sociaux, les liens entre pauvreté monétaire et privation matérielle sont plus complexes. Ainsi, si les hommes étrangers et les jeunes adultes (18 à 24 ans) ne sont pas particulièrement exposés au risque de pauvreté, leur taux de privation matérielle est significativement plus élevé que celui de l’ensemble de la population. A l’inverse, les familles nombreuses et les enfants (0 à 17 ans) sont particulièrement à risque de pauvreté sans être spécialement privés matériellement. Enfin, les personnes de 65 ans ou plus constituent un cas tout à fait spécifique: si elles sont particuliè14 OFS ValeurS rement exposées au risque de pauvreté, leur taux de privation matérielle (3,2%) est significativement plus bas que celui de l’ensemble de la population (6,7%). plus élevé que celui de l’Autriche, 1,3 fois plus élevé que celui de l’Allemagne et de la France et 1,5 fois plus élevé que celui de l’Italie. L’enquête SILC est réalisée dans toute l’Europe. Il est donc possible d’établir des comparaisons entre les pays. Estce exact, comme on l’entend souvent dire, que la Suisse est un des pays au monde où les disparités sociales sont les plus grandes ? Quand les résultats de l’enquête 2011 seront-ils disponibles ? Un des indicateurs provenant de SILC mesure le rapport entre les revenus des 20% les plus riches et ceux des 20% les plus pauvres. Il constitue un indicateur de l’inégalité de répartition des revenus dans une société donnée. Plus il est élevé, plus la répartition des revenus est inégale. Ce rapport a été calculé pour la Suisse en 2009, et peut se comparer à ceux de nos voisins européens pour la même période. En Suisse, ce ratio est de 4,4 ce qui signifie que les revenus des personnes les plus favorisées sont 4,4 fois supérieurs aux revenus des personnes les plus défavorisées. En comparaison, la moyenne de ce ratio pour l’Union européenne est de 4,9. Nos voisins ont des ratios s’échelonnant entre 3,7 (Autriche), 4,4 (France), 4,5 (Allemagne) et 5,2 (Italie). Nous nous trouvons ainsi dans la moyenne européenne en ce qui concerne l’inégalité de répartition des revenus. Anne Cornali Schweingruber est cheffe de la section Revenus, consommation et conditions de vie, OFS Une personne exposée au risque de pauvreté a-t-elle un plus haut niveau de vie en Suisse que, par exemple, en Italie ? Pour tenter de répondre à cette question, il est possible de comparer le seuil de risque de pauvreté suisse avec celui de nos voisins. Afin de tenir compte des différences de coût de la vie, nous proposons de comparer les seuils de risque de pauvreté en terme de parité de pouvoir d’achat (PPA). La comparaison des seuils de risque de pauvreté en PPA montre que la Suisse est l’un des pays avec le seuil le plus élevé, seuls la Norvège et le Luxembourg ont des seuils plus élevés. Cependant, nous ne sommes pas si éloignés de nos voisins, le seuil suisse exprimé en PPA est 1,2 fois Les résultats de l’enquête 2010 seront publiés en décembre 2011, ceux de l’enquête 2011 en décembre 2012. Stéphane Fleury est chef de l’enquête SILC, section Revenus, consommation et conditions de vie, OFS Caroline Schnellmann est journaliste indépendante 1 SILC signifie Statistics on Income and Living Conditions (enquête sur les revenus et les conditions de vie) 2 Score de 8, 9 ou 10 sur une échelle allant de 0 (pas du tout satisfait) à 10 (tout à fait satisfait). 3 Les parités de pouvoir d’achat renseignent sur les différences du pouvoir d’achat de la monnaie entre les pays. Elles permettent par exemple de comparer les niveaux de prix relatifs des différents pays. Dossier : Prospérité et qualité de vie Evaluation subjective de la qualité de vie selon différentes caractéristiques socio-démographiques, 2009 Part de la population de 16 ans ou plus ayant un degré de satisfaction élevé1 par rapport Population totale Classe d’âge 16 – 17 18 – 64 18 – 24 25 – 49 50 – 64 65 et plus Sexe et nationalité Femmes Suissesses Etrangères Hommes Suisses Etrangers Nationalité Suisses Etrangers Europe du Nord et de l’Ouest Europe du Sud Autres pays Niveau de formation (personnes de 18 ans ou plus) Ecole obligatoire Degré secondaire II Degré tertiaire Statut d’activité (personnes de 18 ans ou plus) Actifs occupés Actifs non occupés Retraités Autres inactifs Type de ménage 3, 4 Ménages sans enfant Personne seule de moins de 65 ans Personne seule de 65 ans ou plus 2 adultes de moins de 65 ans 2 adultes dont au moins 1 de 65 ans ou plus Autres Ménages avec enfant(s) 5 Parent seul avec enfant(s) 2 adultes avec 1 enfant 2 adultes avec 2 enfants 2 adultes avec 3 enfants ou plus Autres Statut d’occupation du logement 4 Propriétaires Locataires à sa vie en général à sa situation financière + / - 2 personnelle à son état de santé + / - + / - 74.6% 1.0 51.4% 1.1 70.2% 0.9 81.2% 73.4% 72.1% 72.1% 76.4% 78.9% 4.2 1.1 3.2 1.5 1.7 1.8 55.8% 47.9% 37.4% 45.3% 58.0% 65.1% 5.1 1.2 3.1 1.6 2.0 2.2 77.6% 72.3% 76.3% 74.4% 66.4% 60.4% 4.3 1.0 3.0 1.4 1.9 2.2 75.0% 76.8% 67.4% 74.2% 78.3% 61.0% 1.2 1.2 3.8 1.3 1.2 3.8 51.8% 55.2% 38.1% 50.9% 55.2% 37.3% 1.4 1.4 3.9 1.4 1.5 3.6 68.2% 68.9% 65.5% 72.4% 74.0% 67.0% 1.3 1.3 3.8 1.3 1.3 3.5 77.5% 64.0% 73.3% 59.9% 59.3% 0.9 2.9 4.0 5.4 5.1 55.2% 37.7% 50.6% 30.6% 32.7% 1.1 2.8 4.4 4.6 4.8 71.3% 66.3% 72.2% 59.7% 67.6% 0.9 2.6 4.1 4.6 4.6 66.9% 75.3% 79.2% 2.6 1.2 1.7 44.0% 50.9% 59.3% 2.6 1.4 2.0 59.6% 71.0% 78.0% 2.5 1.2 1.6 74.8% 41.4% 78.7% 72.0% 1.2 7.6 1.8 2.4 49.4% 15.8% 66.4% 44.6% 1.3 5.4 2.1 2.5 75.1% 62.7% 59.9% 63.2% 1.2 7.2 2.1 2.6 62.7% 73.3% 76.8% 82.0% 71.0% 2.9 3.3 2.0 2.1 4.3 44.1% 60.8% 54.3% 67.6% 46.7% 3.0 3.6 2.4 2.6 3.9 66.4% 55.4% 72.2% 63.4% 69.9% 2.8 3.7 1.9 2.5 3.6 59.5% 76.2% 77.1% 77.5% 75.2% 5.4 3.4 2.6 3.7 4.0 37.4% 41.5% 50.6% 49.8% 43.8% 5.6 3.6 3.0 4.5 3.9 68.9% 74.4% 75.2% 79.6% 74.4% 4.9 3.1 2.4 3.7 3.4 81.5% 68.7% 1.2 1.5 61.0% 43.2% 1.4 1.5 72.5% 68.3% 1.2 1.4 2 2 1 Score de 8, 9 ou 10 sur une échelle allant de 0 (pas du tout) à 10 (tout à fait). 2 Limites de l’intervalle de confiance à 95%, cf. annexe méthodologique. 3 Le groupe « autres types de ménages » n’est pas représenté dans ce tableau, ces ménages étant trop peu nombreux dans l’échantillon. 4 Personnes vivant dans un ménage qui présente ces caractéristiques. 5 Sont considérées comme des enfants toutes les personnes âgées de moins de 18 ans ainsi que les personnes de 18 à 24 ans qui sont économiquement inactives et qui vivent avec leur père et / ou leur mère. Source: OFS, Enquête sur les revenus et les conditions de vie, SILC-2009 version 25.11.10, avec prise en compte du loyer fictif. OFS ValeurS 15 Dossier : Prospérité et qualité de vie La mesure du développement durable Qu’entend-on par développement durable et où se situe la Suisse sur l’échelle du développement durable ? Sommes-nous sur la bonne voie où faut-il encore prendre des mesures ? Le système d’indicateurs MONET fournit des éléments pour répondre à ces questions, en passant en revue les trois dimensions du développement durable, soit la solidarité sociale, l’efficacité économique et la responsabilité écologique. Caroline Schnellmann et Cornelia Neubacher « Avoir un comportement écologique » ou « rendre la croissance économique éco-compatible » sont les principes le plus souvent associés à la notion de développement durable. Mais cette notion recouvre en fait une réalité beaucoup plus vaste, qui englobe des réflexions portant aussi bien sur le présent que sur le futur et qui inclut une dimension sociale en plus des aspects écologique et économique. Alors, qu’est-ce donc que le développement durable et comment peut-on le mesurer ? Le développement durable est un objectif politique En 1992 a eu lieu à Rio de Janeiro la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement. La réduction de la charge polluante qui pèse sur les systèmes écologiques mondiaux se trouvait alors au centre des préoccupations. C’est dans ce contexte que le paradigme du développement durable a été introduit. Un élément particulièrement important a été la prise de conscience du caractère indissociable des problèmes environnementaux et des questions sociales. La Suisse a adopté la Déclaration de Rio et s’efforce depuis 1999, conformément à la nouvelle Constitution fédérale, de mener une politique de développement durable dans ses dimensions sociale, économique et écologique. La définition du développement durable comme objectif politique a fait naître le besoin de disposer d’un instrument pour évaluer les progrès de la Suisse sur ce plan et vérifier si les mesures prises 16 OFS ValeurS sont suffisantes. C’est ainsi que l’Office fédéral de la statistique (OFS), l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) et l’Office fédéral du développement territorial (ARE) ont développé en commun un système d’indicateurs, appelé « Monitoring du développement durable (MONET) ». Economie, environnement et société « Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. » Cette définition, donnée dans le rapport Brundtland, se trouve au centre du débat politique autour du développement durable. Elle est aussi un des fondements du système MONET. Cette définition place les individus et la satisfaction de leurs besoins au centre des préoccupations et se fonde sur les valeurs de solidarité intragénérationnelle et intergénérationnelle. Un système d’indicateurs a donc été développé par étapes sur la base de cette définition pour mesurer le développement durable dans les trois domaines société, économie et environnement. Ces trois dimensions ont été reformulées par le Conseil fédéral en objectifs de « solidarité sociale », d’« efficacité économique » et de « responsabilité écologique ». « Elles sont mises sur un pied d’égalité, ce qui signifie, par exemple, que des mesures de protection de l’environnement doivent être efficaces sur le plan économique ou que des décisions de politique économique doivent être acceptables sur les plans social et environnemental. Postulats, domaines thématiques et indicateurs Tout cela ne dit pas ce que mesure exactement MONET ! Les experts ont formulé 45 postulats, classés selon les trois dimensions précitées. Ces postulats expriment des exigences concrètes, qui donnent l’orientation à suivre en matière de développement. Le principe général applicable à la solidarité sociale, par exemple, est ainsi libellé : « Chaque individu a le droit de vivre dans la dignité et le droit à l’épanouissement de sa personnalité. La démocratie, le droit et la diversité culturelle sont garantis. L’épanouissement de la personnalité ne doit pas se faire aux dépens de la dignité d’autres personnes appartenant aux générations présentes ou à venir ». A partir des postulats, des experts ont sélectionné quelque 130 indicateurs destinés à vérifier si les exigences de ces postulats sont remplies. En 2009, ils ont réduit le nombre des indicateurs à 80. Les indicateurs relatifs à la dimension sociale portent, par exemple, sur la qualité de vie, la santé, la formation et la cohésion sociale. La quantité ne fait pas tout Cependant, 80 indicateurs, cela reste un nombre élevé. « Un des défis majeurs de MONET est de fournir des résultats significatifs à partir de la masse de données dont nous disposons », explique Anne-Marie Mayerat Demarne, cheffe de la section Environnement, développement durable, territoire. C’est pourquoi une série de 16 indicateurs-clés a été définie pour évaluer les progrès accomplis en matière de développement durable. Dossier : Prospérité et qualité de vie Vue d’ensemble des indicateurs-clés, présentés selon les trois objectifs qualitatifs Solidarité sociale Compétences en lecture des jeunes Sécurité Santé Chômage Revenus Aide au développement Responsabilité écologique Surfaces bâties Biodiversité Egalité Transport de personnes Transport de marchandises Consommation de matières Efficacité économique Investissements Innovation et technologie Dette publique Consommation finale d’énergie La Suisse est-elle sur la bonne voie ? Quelle est notre qualité de vie ? Les ressources sont-elles distribuées équitablement ? Les utilisons-nous efficacement ? Que laisserons-nous à nos enfants ? D’après les résultats de MONET, les tendances qui se dessinent pour la Suisse sont à la fois positives et négatives. D’un côté, par exemple, la santé s’améliore et la part des transports publics s’accroît. Mais de l’autre, le taux de sans-emploi et les surfaces d’habitat et d’infrastructure augmentent. Pour ce qui est du revenu ou des compétences en lecture des jeunes, l’évolution observée est neutre. La dimension globale du développement durable Le mode de vie en Suisse et le système économique du pays sont étroitement liés à ceux d’autres pays en raison des interactions qu’entraîne la globalisation. Aussi le monitoring du développement durable a-t-il été complété par des indicateurs de développement durable à l’échelle mondiale dans le cadre d’un projet commun de la Direction du développement et de la coopération (DDC) et de l’OFS. A l’heure actuelle, le mode de vie en Suisse n’est pas conforme au développement durable, car nous utilisons bien plus de ressources que la part moyenne à laquelle nous avons droit. Mais il est à noter que nos dépenses en faveur de l’aide au développement et les transferts opérés dans leur pays d’origine par les personnes migrantes vivant en Suisse augmentent, ce qui peut aussi contribuer au développement durable à l’étranger. L’évolution en Suisse de la consommation de produits étrangers issus du commerce équitable, par exemple, est quant à elle neutre. Tableau de bord de la Stratégie pour le développement durable Le tableau de bord de la Stratégie pour le développement durable du Conseil fédéral fournit des informations plus détaillées sur les résultats de MONET. La mise à jour de ces derniers est annuelle. L’application interactive peut être consultée sur www.monet.admin.ch. Ce site web donne aussi accès à la statistique de poche sur MONET, au dépliant sur les indicateurs-clés, à la brochure « Le développement durable en Suisse – Indicateurs et commentaires » et à d’autres rapports et publications sur ce sujet. Caroline Schnellmann est journaliste indépendante Cornelia Neubacher est collaboratrice scientifique, section Communication, OFS OFS ValeurS 17 L’engagement en faveur d’un environnement sain est un service rendu aux générations actuelles et futures. 18 OFS ValeurS Notre comportement en matière de consommation influence la société, l’économie et l’environnement. OFS ValeurS 19 Actualités OFS : Rapport social statistique Rapport social statistique de la Suisse 2011 Le Conseil fédéral a présenté le 18.05.2011 le premier rapport social statistique de la Suisse. Le rapport de l’Office fédéral de la statistique décrit, sur la base d’une sélection de données statistiques, l’évolution économique et sociale de la Suisse au cours des dernières années et ses effets sur la situation sociale de la population. Thomas Ruch L 13 Protection sociale 1201-1100 Rapport social statistique suisse 2011 Rapport du Conseil fédéral du 18.05.2011 en réponse au postulat «Législature. Rapport social» (2002 P 01.3788) Neuchâtel, 2011 e Rapport social statistique de la Suisse 2011 fournit les informations statistiques demandées en 2001 par le postulat Rossini. Dans le cadre des données sociales établies par l’Office fédéral de la statistique, ce rapport réunit les résultats publiés dans les statistiques sur la situation sociale de ces dix dernières années. Il s’intéresse principalement aux situations sociales à risque et aux groupes de population les plus menacés par l’exclusion sociale. Il présente également les liens possibles entre les changements structurels de l’économie et de la société et le risque d’exclusion sociale. Mutations structurelles du marché Ces 20 dernières années, les changements observés dans la structure économique et dans celle du marché du travail ont été marqués par une spécialisation croissante et une hausse de la productivité. La demande en personnel hautement qualifié est par conséquent plus forte. Et le niveau de formation ne cesse d’augmenter dans la population active, qu’elle soit de nationalité suisse ou étrangère. Au niveau de la société, la famille traditionnelle perd du terrain au profit des familles monoparentales ou recomposées. Cette évolution se traduit par une baisse du nombre d’enfants par femme, qui est d’autant plus marquée que les personnes ayant un niveau de formation élevé ont tendanciellement moins d’enfants. Le risque d’exclusion sociale L’exclusion sociale menace fortement les groupes de population dont le niveau de formation est inférieur à la moyenne et les personnes qui élèvent des enfants. Parmi ces dernières, les familles monoparentales sont particulièrement exposées. La formation joue un rôle déterminant aussi bien pour l’évolution économique en général que pour 20 OFS ValeurS la situation matérielle des ménages. La demande de personnel qualifié augmente ; parallèlement, le niveau de formation des personnes professionnellement actives, suisses ou immigrées, a progressé. Une fracture s’observe cependant entre deux groupes de population: d’une part les personnes bien formées, très peu exposées à l’exclusion sociale, d’autre part les personnes insuffisamment formées, qui courent le risque de ne pas remplir les exigences du marché du travail et qui risquent d’en être durablement exclues. La mission de l’Etat La protection sociale publique revêt une importance croissante. Elle fonctionne bien dans le domaine des risques traditionnels tels que la vieillesse, la maladie et l’invalidité. La Suisse dépense au total près de 145 milliards de francs pour la protection sociale, soit plus du double de ce qu’elle dépensait dans ce domaine il y a vingt ans. Ce rapport fait la synthèse des informations statistiques existantes sur la question et paraîtra à l’avenir une fois par législature. Thomas Ruch est chef du groupe «Systèmes de la sécurité sociale», section Analyses sociales, OFS Actualités OFS : Scénarios de l’évolution de la population Une croissance démographique pour l’ensemble des cantons lors des 25 prochaines années Selon les nouveaux scénarios de l’évolution de la population des cantons de la Suisse, tous les cantons enregistreront une croissance démographique positive entre 2010 et 2035. Cet accroissement est principalement dû aux migrations internationales. Cette croissance ne sera pas homogène sur tout le territoire de la Suisse. Elle sera plus marquée autour de la Métropole zurichoise et de l’Arc lémanique. Raymond Kohli Dynamiques démographiques différentes selon les cantons soldes migratoires internationaux. Le canton de Bâle-Ville pourra ainsi stabiliser sa population grâce à ces migrations internationales. D’autres cantons tels que les Grisons et le Tessin bénéficieront également beaucoup de cet apport migratoire en provenance de l’étranger. Les cantons proches de grandes agglomérations, comme Argovie, Fribourg et Thurgovie, profiteront quant à eux de migrations provenant d’autres cantons. E n raison d’un solde migratoire relativement favorable et d’un nombre de naissances suffisamment élevé pour compenser la hausse du nombre de décès, les cantons de Vaud et de Fribourg enregistreront les accroissements démographique les plus élevés de Suisse au cours de cette période. La croissance de leur population dépassera 20%. A l’opposé, les populations du canton d’Uri, du Jura et de Neuchâtel n’augmenteront que de 2 à 3%. Ces faibles hausses seront principalement dues à des soldes migratoires intercantonaux négatifs. Ralentissement de la croissance démographique en raison du vieillissement de la population Les cantons de Fribourg, du Valais, de Nidwald, de Schwytz et de Zoug qui ont connu les accroissements démographique les plus importants de Suisse au cours des 25 dernières années (de 30% à 45% d’augmentation) auront des crois- Une contribution déterminante des migrations internationales Entre 2010 et 2035, la croissance démographique sera due avant tout aux Accroissement démographique, 2010 – 2035* SH BS AG AR SO SG GL NW OW UR VD GR TI GE AI* SZ LU BE FR VS Au cours des 25 prochaines années, le nombre absolu de personnes de 65 ans ou plus doublera dans 6 cantons : Obwald, Fribourg, Nidwald, Argovie, Schwytz et Thurgovie. En raison de l’arrivée à la retraite des personnes nées lors du baby-boom, le nombre de personne appartenant à ce groupe d’âge augmentera en effet fortement dans tous les cantons. Les accroissements les moins importants se situeront à Bâle-Ville (+23%), Neuchâtel (+49%), Schaffhouse (+57%), Berne et Genève (+58%). Cette hausse du nombre des personnes en âge d’être à la retraite sera accentuée par les progrès de l’espérance de vie et, pour certains cantons, par les migrations intercantonales de personnes proches de la retraite. Raymond Kohli est collaborateur scientifique « Scénarios et méthodologie », section DEM, OFS ZH ZG NE Augmentation importante du nombre des 65 ans ou plus dans tous les cantons TG BL JU sances nettement moins fortes lors des 25 prochaines années. Ce ralentissement de l’accroissement de leur population sera dû en grande partie au vieillissement de la population. En effet, les personnes âgées déménagent moins fréquemment que les jeunes adultes, les soldes migratoires intercantonaux deviendront ainsi moins favorables qu’auparavant pour ces cantons. Comme le nombre de décès augmentera également en raison du nombre important de personnes atteignant des âges élevés, l’accroissement naturel égal à la différence entre le nombre de naissances et de décès deviendra peu à peu négatif dans presque tous les cantons. Taux annuel moyen d’accroissement, pour 1000 habitants ≥6,0 4,5 – 5,9 3,0 – 4,4 1,5 – 2,9 <1,5 Suisse : 4,7‰ Source : OFS, section DEM © OFS, ThemaKart, Neuchâtel 2011 *Scénario AR-00-2010 OFS ValeurS 21 Portrait statistique : L’OFS à Neuchâtel Office fédéral de la statistique : depuis 1998 à Neuchâtel En octobre 1998, le transfert de l’Office fédéral de la statistique de Berne à Neuchâtel a marqué un tournant important dans l’histoire de la statistique suisse. Pour la première fois, les différents secteurs d’activités de l’OFS ont été réunis sous un même toit. Grâce au passage de onze sites à Berne à un seul emplacement à Neuchâtel, la communication et le développement de la statistique intégrée ont été renforcés. 22 OFS ValeurS Portrait statistique : L’OFS à Neuchâtel L’ implantation de l’Office fédéral de la statistique à Neuchâtel trouve son origine dans les efforts de décentralisation de l’Administration fédérale, menés au début des années 1980. Le concours d’architecture ayant désigné le projet « TGV » du bureau Bauart en 1990 et le Parlement ayant approuvé le projet de construction de 130 millions de francs en 1992, les travaux pour le bâtiment principal ont pu débuter en 1993 pour être achevés en 1998. La loi sur la statistique fédérale, entrée en vigueur en 1993, a entraîné une augmentation des tâches de l’OFS, nécessitant également un accroissement des ressources humaines. La construction de la tour, débutée en 2001 et terminée en 2004, a permis la création de 245 nouvelles places de travail, montant ainsi à 720 l’ensemble des places disponibles. C’est également à cette date que le dernier département resté à Berne en 1998 a pu être transféré à Neuchâtel. D’une hauteur de 50 m, ce bâtiment à vocation administrative comprend 14 étages et évoque la proue de l’OFS. Les matériaux choisis pour sa construction, essentiellement composés de verre, expriment une transparence optimale. A l’échelle de la ville, la tour de l’OFS signale l’emplacement de la gare et renforce la vocation stratégique de pôle de développement de ce secteur. Un bâtiment pionnier Conçu et réalisé par le bureau Bauart Architectes et Urbanistes SA, l’immeuble de l’OFS est un bâtiment pionnier en matière de construction durable. L’idée de créer un cadre de travail sain et de grande qualité, en recourant à l’énergie solaire et en réduisant la consommation énergétique par la réduction des besoins, était au cœur des préoccupations des acteurs du projet. Cette démarche a notamment été saluée par le Prix d’architecture de l’Association suisse d’écobiologie en 1997, le Prix solaire suisse et européen en 1998 et par une sélection dans la catégorie « Best 50 » lors de l’Energy Globe Award à Vienne en 2001. La réalisation du bâtiment principal de l’OFS a été suivie par celle de la tour, qui a notamment obtenu le label Minergie-ECO et une nomination à la Distinction romande d’architecture en 2006. L’édifice a par ailleurs servi de détonateur à la régénération urbaine de l’ensemble du plateau de la gare de Neuchâtel. Données clés Hauteur de la tour : 50 m Hauteur du bâtiment principal : 20 m Longueur du bâtiment principal: 240 m Longueur de la tour : 29 m Places de travail : 720 (475 bâtiment principal, 245 tour) Coûts de construction : 157 mio (130 mio / bâtiment principal, 27 mio / tour) Stock / Archives : 2800 m2 Parking : 104 places au 1er sous-sol OFS ValeurS 23 Impressum Editeur: Office fédéral de la statistique (OFS), Neuchâtel, www.statistique.ch Rédaction: Cornelia Neubacher et Ulrich Sieber, OFS, Division Publication et communication Information: Section communication, Tél. 032 713 60 13 / e-mail: [email protected] Auteurs: Jürg Marti, Jürg Furrer, Tom Priester, Marco Metzler, Sébastien Morard, Walter Radermacher, Cornelia Neubacher, Caroline Schnellmann, Thomas Ruch et Raymond Kohli Réalisation et mise en page: Netthoevel & Gaberthüel, Bienne Photos: Valérie Chételat (p. de couverture / p. 2, 8 / 9, 18 / 19), Ruedi Walti (p. 22 / 23) Traduction: Services linguistiques OFS Numéro de commande: 1042-1101 (gratuit) ISBN: 978-3-303-00450-0 Diffusion: Office fédéral de la statistique, CH-2010 Neuchâtel Tél. 032 713 60 60 / fax 032 713 60 61 e-mail: [email protected] Copyright: OFS, Neuchâtel 2011 La reproduction est autorisée, sauf à des fins commerciales, si la source est mentionnée