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ValeurS
Prospérité et qualité de vie
Un magazine d’information de l’Office fédéral de la statistique – Numéro 1 / 2011
74,6% des personnes vivant en Suisse se disent très satisfaites de leur vie.
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OFS ValeurS
Editorial
Mesurer la qualité de vie.
Mais comment ?
Jürg Marti
Directeur de l’Office fédéral de la statistique,
Neuchâtel, Suisse
L’abattage de bois dans la forêt tropicale humide de Bornéo entraîne une perte irrémédiable de
capital naturel. Et pourtant, le produit intérieur brut (PIB) y est en hausse. C’est là une conséquence de la définition courante de cet indicateur. Le PIB mesure la production d’une économie
nationale au cours d’une période donnée. La vente et la transformation des bois tropicaux ont
ainsi des répercussions positives sur le PIB.
Depuis un certain temps, cependant, les doutes grandissent sur l’adéquation d’un instrument
de mesure qui ne renseigne que très peu, voire pas du tout sur la qualité de la vie et l’état de
l’environnement. A différents niveaux et dans les milieux les plus divers, on voit ainsi germer des
idées qui suggèrent le remplacement pur et simple du PIB ou la possibilité de le compléter par
d’autres indicateurs. Toutes ces initiatives ont une incidence sur la statistique publique et, par
voie de conséquence, sur l’Office fédéral de la statistique (OFS), le centre de compétences de la
statistique suisse.
L’OFS n’a pas attendu pour s’occuper intensément de cette question. Aussi avons-nous décidé
d’en faire le thème principal du premier numéro de notre nouvelle publication ValeurS. La série
d’articles réunis sous le titre « Prospérité et qualité de vie » donnent autant d’éclairages différents
de cette problématique. La revue ValeurS comble une lacune en permettant de braquer le projecteur sur des thèmes spécifiques, en plus de la production statistique courante. Plusieurs autrices
et auteurs exposeront leur point de vue sur un thème donné, qui sera aussi présenté dans un
contexte plus large. Cette nouvelle publication paraîtra deux fois par an.
Depuis les années 1990, l’OFS a une grande expérience et de solides compétences en
matière de mesure de valeurs non monétaires et d’élaboration des indicateurs correspondants de
qualité de vie et de prospérité. Nos spécialistes nous expliquent ce qu’ils entendent par là dans
la présente revue. Nous sommes heureux que Monsieur Walter Radermacher, directeur général
d’Eurostat et statisticien en chef de l’UE, commente en exclusivité pour ValeurS les tendances de
la statistique européenne dans ce domaine. Dans un autre article, le Professeur Aymo Brunetti,
chef de la Direction de la politique économique au SECO, donne son avis sur le débat actuel qui
entoure le PIB.
Quant à moi, j’anticipe un peu le résultat de ce débat. Pour l’OFS, il est encore loin le jour où
le « vénérable » PIB sera détrôné. Mais, nous nous préparons aux enjeux futurs et sommes en train
de développer des indicateurs complémentaires. Concrètement, l’OFS travaille à des indicateurs
qui feront le lien entre le social, l’économie et l’écologie. Selon nous, la Suisse ne peut pas faire
cavalier seul en statistique, une telle stratégie n’offrirait pas de perspective. Nous soutenons donc
tous les efforts entrepris au niveau international pour compléter le PIB. Nous ne croyons pas à
un méga-indicateur unique, mais plutôt à une série d’indicateurs sous forme de tableau de bord
simple à utiliser et accepté par tous, qui traduise de façon compréhensible les avantages que
peuvent en attendre la politique et la société.
OFS ValeurS
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Dossier : Prospérité et qualité de vie
Richesse, bien-être et qualité de vie : des
défis pour la statistique publique
Longtemps, le produit intérieur brut (PIB) a été considéré comme le principal
indi­cateur du bien-être. A l’origine, le bien-être équivalait à la richesse matérielle.
Le concept de qualité de vie, développé dans les années 1960 comme alternative à
une notion quelque peu restrictive du bien-être, a fourni une nouvelle approche,
beaucoup plus complexe, qui englobe tous les domaines importants de l’existence. Jürg Marti, Jürg Furrer et Tom Priester
Limites du PIB
De la richesse à la qualité de vie
écemment, les concepts de qualité de vie
et de durabilité ont été relancés. Citons
dans ce contexte l’initiative « PIB et au
delà » de l’UE, la Commission sur la mesure de
la performance économique et le progrès social
(Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi), instituée en
2008 par le président français Nicolas Sarkozy,
et le projet de l’OCDE « Mesurer le progrès des
sociétés / Vivre mieux ». Sans être identiques, ces
initiatives n’en présentent pas moins de nombreux points communs : elles reposent toutes sur
les trois piliers de l’économie, de la société et de
l’environnement et trouvent leur origine dans un
examen critique du PIB. Elles ont entre autres
pour but d’identifier les limites du PIB en tant
qu’indicateur du développement économique et
social. L’idée n’est pas de remplacer le PIB ; sa
base conceptuelle – les comptes nationaux, qui
fournissent d’importantes informations sur la
richesse matérielle – est d’ailleurs fondamentalement conservée. Le but est plutôt de relativiser
la prépondérance du PIB dans le débat public.
Du même coup, la qualité de vie prend une signification nouvelle, beaucoup plus importante,
et la question de la durabilité aussi. En Suisse, le
Conseil fédéral a repris ces idées dans le cadre
de sa décision relative à l’économie verte. Il a
notamment chargé les services compétents de­
« … compléter le PIB par des indicateurs relatifs
aux progrès réalisés en matière de développement
au niveau social, économique et écologique. »
Toutes ces initiatives ont un impact important
sur la statistique publique, qui se voit chargée de
fournir les informations statistiques nécessaires et
d’établir des indicateurs sur les progrès économiques et sociaux et sur la qualité de vie. Mais
qu’entend-on par qualité de vie et comment la
mesure-t-on ?
La richesse est décrite à l’aide d’indicateurs objectifs sur les ressources en biens matériels (niveau de
vie). Elle est déterminée à l’aide du revenu disponible, du PIB ou du revenu national, occasionnellement aussi à l’aide des dépenses de consommation. En ce qui concerne le bien-être individuel ou
la qualité de vie – deux notions étroitement liées
et souvent employées comme synonymes (comme
dans le présent article) – l’aspect matériel de la
­richesse est en revanche complété sur deux points :
d’une part, il est tenu compte d’éléments non matériels, tels que la santé, la liberté, la sécurité et la
justice ; d’autre part, les aspects objectifs du bienêtre sont complétés par des appréciations subjectives, qui incluent des évaluations cognitives et des
opinions. La satisfaction de l’individu par rapport
à sa propre vie est un des indicateurs essentiels
qui permet de mesurer l’appréciation subjective.
La qualité de vie est par conséquent un concept
pluridimensionnel. On considère qu’elle est élevée
en présence de conditions objectives satisfaisantes
à condition que celles-ci soient évaluées positivement. Cette évaluation porte sur le long terme, ou
du moins sur le moyen terme.
R
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OFS ValeurS
Défi pour la statistique publique
La question de savoir si la statistique publique
devait relever des appréciations subjectives et
les publier a longtemps été controversée. Aujourd’hui encore, certains offices statistiques se
montrent réservés à cet égard. L’Office fédéral de
la statistique, quant à lui, collecte déjà depuis des
années de telles appréciations subjectives. Mentionnons en particulier les questions sur la satisfaction posées dans le cadre des enquêtes SILC
et de l’enquête sur la santé, qui portent sur les
composantes subjectives de la qualité de vie. Les
aspects affectifs à court terme, qui ont trait au
Dossier : Prospérité et qualité de vie
bonheur, ne font par contre pas l’objet de relevés. L’OFS n’a pas non plus l’intention d’établir
dans un avenir proche une sorte d’indicateur du
bonheur.
Quels indicateurs de la qualité de vie con­
vient-il de publier et sous quelle forme ? Aucune
décision définitive n’a encore été prise à ce sujet.
Ce qui est certain, c’est que de tels indicateurs
feront partie du système d’information global
« complément du PIB », conformément à la décision du Conseil fédéral. Ce système comprendra
des indicateurs traitant, outre la qualité de vie ou
les aspects sociaux, des aspects économiques et
écologiques.
Il est par ailleurs évident que ces indicateurs
devront être comparables sur le plan international. Enfin, les domaines sur lesquels des informations statistiques seront publiées sont connus. Il
s’agit principalement de la situation financière,
de la santé, de la formation, de la situation sur le
marché du travail, des conditions de logement,
de l’intégration sociale et du bien-être subjectif. Ces domaines découlent d’une part des buts
sociaux inscrits dans la Constitution fédérale (art.
41 Cst.). Ils constituent d’autre part les domaines
classiques abordés par les études sur la qualité
de vie et les indicateurs sociaux. Ce sont aussi
ces domaines que l’on retrouve dans les publications des institutions statistiques nationales et
internationales.
Il sera en tout cas important de tenir compte
de l’interdépendance des différents domaines de
l’existence. Des revenus élevés se rencontrent
ainsi fréquemment chez les personnes dotées
d’une bonne formation et d’une bonne santé et
bénéficiant de bonnes conditions de logement.
Toutefois, une personne peut être à la fois suffisamment pourvue dans certains domaines et insuffisamment dans d’autres. Les déficits peuvent
être liés à d’autres déprivations ou en être en partie la cause. Le cumul de déprivations est particulièrement problématique. Il est fréquemment lié
à une insuffisance de revenus sans devoir lui être
nécessairement attribué. Un examen purement
descriptif de la situation objective et subjective
dans les différents domaines de l’existence ne
suffira pas à répondre au besoin d’information.
Des analyses plus approfondies des relations
entre ces domaines de l’existence seront nécessaires pour mieux appréhender la qualité de vie
individuelle et les facteurs qui l’influencent.
Jürg Marti est directeur de l’OFS
Jürg Furrer est adjoint scientifique, division Economie, Etat et
questions sociales, OFS
Tom Priester est chef de la section Analyses sociales, OFS
OFS ValeurS
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Dossier : Prospérité et qualité de vie
Le PIB ne mesure pas le bonheur
Interview du Professeur Aymo Brunetti
Le produit intérieur brut mesure la performance d’une économie nationale, mais cette mesure n’est pas
parfaite. Le PIB déforme-t-il la réalité ? Faut-il trouver des alternatives ? Aymo Brunetti, économiste au SECO,
ne remplacerait pas le PIB, mais le compléterait par d’autres indicateurs. Interview réalisée par Marco Metzler1
Monsieur Brunetti, quels sont les avantages du produit intérieur brut (PIB)
comme instrument de mesure ?
Le PIB présente l’immense avantage
d’être calculé selon une méthode harmonisée sur le plan international, qu’il
s’agisse des valeurs annuelles ou des
valeurs trimestrielles. Il est ainsi possible
d’étudier les séries chronologiques sur
des décennies et de les comparer directement d’un pays à l’autre. Le PIB est
par ailleurs établi à partir de valeurs du
marché, c’est-à-dire de grandeurs directement mesurables.
Et quels sont ses inconvénients ?
Il faut se garder de vouloir donner trop
de significations au PIB. Le PIB ne mesure
pas le bonheur ou quelque chose de la
sorte. Le PIB mesure la production de
biens et de services mis sur le marché. Les
biens ou services pour lesquels il n’y a pas
de marché posent un problème. Prenons,
par exemple, le cas du travail domestique:
si une personne fait elle-même ce travail,
celui-ci n’est pas pris en compte dans
le PIB ; en revanche, si cette personne
engage quelqu’un pour faire ce travail,
celui-ci est pris en compte parce qu’il y
a une transaction commerciale. Un deuxième inconvénient tient au fait que là
où il n’y a pas de concurrence directe des
prix – par exemple dans le secteur de la
santé ou des services semi-publics –, il est
difficile de déterminer la valeur ajoutée,
et donc le PIB.
Le PIB ne fait-il pas l’impasse sur beaucoup de facteurs qui seraient d’une
grande importance pour la société ?
Certainement. Le PIB n’est pas un instrument universel pour mesurer le bonheur
et la satisfaction qui règnent dans un pays.
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OFS ValeurS
Si l’on considère les thèmes politiques
traités de l’extrême gauche à l’extrême droite, on constate que le maintien de la croissance nationale est l’un
des plus importants. Se pourrait-il que
le PIB, avec ses lacunes, conditionne
trop les objectifs de la politique ?
Le PIB est étroitement corrélé avec
beaucoup de valeurs que l’on a l’habitude de déduire de cet indicateur : satisfaction, richesse ou bien-être. Il ne les
mesure pas précisément, mais il y a un
rapport étroit entre ces différents éléments. Ce n’est toutefois pas partout
le cas. Si la production d’un bien cause
des dommages à l’environnement, ces
derniers ne sont pas mesurés. Il est donc
vrai que le PIB a ses limites. Néanmoins,
la croissance du PIB s’accompagne
souvent de la croissance de beaucoup
d’autres facteurs normalement considérés comme importants, tels que la sécurité de l’emploi ou le niveau moyen des
revenus.
La Suisse est une société prospère,
ce qui explique que la croissance y
soit déjà structurellement beaucoup
plus faible que, par exemple, dans les
pays en développement. Dans quelle
mesure en sommes-nous cependant
dépendants ?
Nous sommes très certainement dépendants de la croissance dans certains domaines. Le mode de financement de nos
assurances sociales fait, par exemple, que
nous avons besoin de la croissance. Mais,
dans une économie de marché fondée sur
la division du travail, la productivité augmente sur le long terme grâce à l’activité
économique et aux progrès techniques.
Plus le temps passe, plus l’on devient bon
dans ce que l’on fait et c’est synonyme
de croissance. Il y aura donc toujours une
certaine croissance.
Une récession se définit à l’aide du
PIB. On parle de récession quand la
croissance du PIB est négative durant
deux trimestres consécutifs. Il arrive
donc que l’on décrète qu’un pays
connaît une récession alors que sa
population, selon le cas, ne vit en fait
pas plus mal. Il faut l’effet multiplicateur des médias pour en faire une
prédiction qui finit par se réaliser. Et
à la fin, les gens vont effectivement
moins bien.
J’ai tendance à ne pas accorder trop d’importance à ces deux trimestres de croissance négative. Au fond, une récession est
véritablement une récession lorsqu’elle se
manifeste sur le marché du travail. Si la
situation économique se détériore, le
chômage conjoncturel augmente, et c’est
ça qui fait mal. Si la croissance économique régresse de 0,1% pendant deux
trimestres consécutifs, rares sont ceux
qui s’en rendent vraiment compte. Les
fluctuations conjoncturelles sont surtout
un problème dès lors qu’elles causent du
chômage.
Considérons à présent les composantes du PIB du point de vue de la
demande. Le premier paramètre est
la consommation. Pour beaucoup,
favoriser la croissance revient à stimuler la consommation. Est-ce que cela
ne conduit pas tout simplement à la
surconsommation ?
La composante « demande » des comptes
nationaux – soit la consommation, les
investissements, les dépenses de l’Etat et
les exportations nettes – est importante
seulement sur le plan conjoncturel et
Dossier : Prospérité et qualité de vie
pour les variations à court terme du PIB.
La croissance à long terme, elle, résulte
de deux facteurs : elle se produit quand
le pays travaille plus et que la productivité du travail augmente. La technologie,
le capital et le facteur travail déterminent
l’évolution du PIB. La consommation,
les investissements ou les exportations
nettes ne déterminent que la demande
de biens et de services qui sont produits
ou, en d’autres termes, le degré d’utilisation des capacités de production de
l’économie. Dans une perspective à long
terme, ce n’est pas la consommation qui
est importante pour la croissance, mais
l’évolution de la productivité. Pour ce qui
est de la surconsommation, aucun économiste ne vous dira qu’un pays s’enrichit
si la consommation croît sans cesse. En
effet, en pareil cas, il y a moins d’investissements, ce qui n’est pas bon pour la
croissance à long terme. La consommation n’est donc pas en soi un facteur de
croissance à long terme.
Souvent, les Etats, mais aussi les particuliers, se surendettent pour pouvoir
consommer immédiatement et ils
laissent une montagne de dettes. Nous
avons des exemples dans certains pays
d’Europe du Sud. La croissance économique ne se fait-elle pas alors au détriment du développement à long terme ?
En effet, ce n’est pas là une croissance
durable. La consommation à elle seule
n’est pas source de croissance. Elle peut,
peut-être, aider à sortir d’une dépression
conjoncturelle. Mais seuls les investissements et les progrès technologiques
engendrent véritablement la croissance.
Le surendettement est le meilleur moyen
pour faire ralentir la croissance à long
terme.
Venons-en à présent aux choses que
le PIB ne mesure pas. Le PIB ne dit
pas si la croissance est plus ou moins
durable, ni combien de ressources non
renouvelables elle utilise, ni quelle pollution de l’environnement elle cause.
N’est-ce pas une lacune ?
Si, c’est certainement une lacune. La
meilleure solution, qui a aussi la faveur
des économistes, consiste à intégrer les
coûts externes. En d’autres termes, on
donne un prix à l’environnement en
introduisant des taxes d’incitation ou
autres. Cela règle le problème. Toutefois,
de nos jours, cette pratique n’est pas
généralisée, avec pour conséquence que
si vous vous concentrez exclusivement
sur le PIB, vous risquez de faire l’impasse
sur d’autres composantes importantes.
Je ne remplacerais donc pas le PIB, je le
compléterais plutôt par des indicateurs
sociaux ou environnementaux.
Ne serait-il pas plus judicieux d’introduire en Suisse une sorte de PIB vert ?
Je crois qu’un PIB vert ne remplacera jamais le PIB traditionnel, car ce dernier présente l’avantage d’être un instrument de
mesure universel et comparable. Le gros
problème avec le PIB vert, c’est qu’aucun
marché ne lui est associé. Sa mesure doit
donc se faire de manière indirecte, ou
alors il faut sonder l’opinion des gens en
réalisant des enquêtes. L’évaluation des
biens environnementaux est incroyablement complexe, c’est pourquoi il n’y aura
probablement jamais d’indicateur vert
comparable au PIB. Mais il faudrait compléter le PIB par d’autres indicateurs pour
évaluer la durabilité du développement
d’un pays.
Certaines études montrent que
plus les disparités de revenus sont
grandes, plus la population est insatisfaite. Faudrait-il introduire une mesure
de la distribution des inégalités, telle
que le coefficient de Gini ? …
… ou le rapport entre les 10% les plus
pauvres et les 10% les plus riches. Les mesures de la distribution sont un complément important. Mais, qu’est-ce qu’une
distribution optimale ? C’est là une question d’appréciation subjective. Une distribution absolument égale pas plus qu’une
distribution totalement inégale n’est une
bonne chose. Mais entre les deux, il est
souvent difficile de juger quelle forme de
distribution est meilleure qu’une autre.
Au final, c’est une question politique. Je
trouve important que l’on fournisse de tels
indicateurs, mais encore une fois, ce n’est
pas simple de les interpréter. C’est moins
un problème avec les « green indicators ».
Le PIB ne dit rien en définitive de la
satisfaction des citoyens. Ne faudrait-il
pas introduire une mesure du bien-être
de la société dans son ensemble ?
La recherche consacrée au bonheur a
le vent en poupe en économie. A l’aide
d’enquêtes et d’expériences, elle essaie
de déterminer le degré de satisfaction des
gens. Mais celui-ci ne se mesure pas sur
les marchés. Le résultat sera donc toujours imprécis. De la même façon que l’on
devrait compléter le PIB d’indicateurs sur
la durabilité et la distribution, on devrait
aussi considérer des indicateurs du bonheur. On constate toutefois que ces derniers sont corrélés avec la croissance. Si la
croissance du PIB est élevée, la satisfaction augmente en général. L’intérêt potentiel des indicateurs du bonheur réside
néanmoins dans le fait qu‘ils permettent
d’évaluer la qualité de la croissance.
Au Royaume du Bouthan, on ne
mesure pas le PIB, mais le bonheur
intérieur brut. Plusieurs pays sont à
la recherche d’alternatives au PIB. Se
pourrait-il que la Suisse aussi remplace un jour le PIB ?
Non. Le PIB ne sera pas remplacé ni en
Suisse, ni nulle part ailleurs. Sa comparabilité sur le plan international est un avantage trop précieux. Le PIB n’est certes
pas parfait, mais il reste un bon indicateur de bien des aspects du bien-être. Il
n’en demeure pas moins que d’autres
indicateurs, par exemple de la qualité de
l’environnement ou de la distribution des
revenus, vont probablement gagner en
importance pour compléter le PIB et permettre ainsi une évaluation globale.
Aymo Brunetti est professeur d’économie et dirige
au SECO la Direction de la politique économique.
1
Version abrégée d’une interview publiée dans l’édition
en ligne de la NZZ du 26 mai
2011, reproduite ici avec l’aimable autorisation de la Neue
Zürcher Zeitung AG et traduite
de l’allemand.
OFS ValeurS
7
La qualité de vie inclut également la possibilité de participer à des événements politiques et sociaux.
Un approvisionnement suffisant en énergie est indispensable au maintien de notre bien-être.
8
OFS ValeurS
L’espérance de vie en bonne santé est particulièrement élevée en Suisse et augmente même encore légèrement.
La surface agricole utile a diminué de 2400 ha en 2009, soit une surface égale à celle du lac de Walenstadt.
OFS ValeurS
9
Dossier : Prospérité et qualité de vie
Mesurer l’équité sociale, la durabilité et la
qualité de vie dans l’Union européenne (UE)
Mesurer le développement et le progrès social dans un contexte statistique et
politique en évolution. Walter Radermacher
L
a conférence « Au-delà du PIB » (2007)1 a
montré que les responsables politiques et
les spécialistes des questions économiques,
sociales et environnementales, de même que la
société civile en général, sont très favorables au
développement d’indicateurs complémentaires
au PIB qui fourniraient des informations plus
complètes pour guider l’action politique. En septembre 2009, la publication du « rapport ­Stiglitz »
a fait les grands titres des médias ; presque en
même temps, la Commission européenne publiait, sous le titre « Le PIB et au-delà: mesurer le
progrès dans un monde en mutation », une communication où elle présente les actions qu’elle
envisage d’entreprendre pour mieux mesurer
l’évolution de la société, de l’économie et de
l’environnement. Ces actions visent notamment
à com-pléter le PIB par des indicateurs environnementaux et sociaux (y compris des instruments
pour mesurer la qualité de la vie et le bien-être), à
produire des rapports plus précis sur les inégalités
et à étendre les comptes nationaux aux thématiques environnementales et sociales.
Fondées sur des travaux antérieurs liés à la
stratégie de l’UE pour le développement durable,
ces actions revêtent une importance nouvelle
dans le contexte de la stratégie Europe 2020, que
le Conseil européen a approuvée en juin 2010 et
qui vise à promouvoir une croissance plus juste,
plus verte et plus sociale.
Un effort commun dans le cadre du Système
Statistique Européen (SSE2)
Pour soutenir la reprise économique et atteindre
les grands objectifs d’Europe 2020, il faut non
seu-lement la volonté politique d’instaurer une
gouvernance plus forte, mais encore des instruments statis-tiques solides, régulièrement mis à
jour et adaptés aux buts visés.
Les directeurs des instituts nationaux de
statistique ont réagi à ce nouvel environnement
politique en adoptant, en septembre 2010, le
« mémorandum de Sofia », qui fixe des domaines
d’action prioritaires en matière de statistiques
10
OFS ValeurS
pour l’UE, l’AELE3 et les pays candidats. La
même année, le Comité SSE4 avait institué un
sponsorship group pour la mesure du progrès,
du bien-être et du développement durable, qui
prépare actuellement des recommandations sur
les perspectives des ménages, sur divers aspects
de la distribution des revenus, de la consommation et de la richesse, sur la durabilité environnementale et sur les méthodes de mesure multidimensionnelles de la qualité de la vie.
Beaucoup d’indicateurs existent déjà au sein
du SSE pour mesurer le développement durable,
l’emploi, l’inclusion sociale, la protection sociale
et l’égalité. Le sponsorship group va définir des
méthodes pour mieux structurer et analyser les
statistiques existantes et pour piloter la mise en
œuvre des indicateurs recommandés ; il va proposer également une stratégie pour produire à
moyen terme de nouvelles données statistiques
dans des domaines aujourd’hui insuffisamment
couverts.
Si l’on veut que les données et les indicateurs de tous les pays soient comparables, il
faut que les statistiques soient de haute qualité et que toutes les données soient collectées
dans un « langage » statistique commun, avec
des définitions, des méthodes, des structures
et des normes techniques uniformes. Eurostat
et ses partenaires se sont engagés à respecter
des normes de qualité communes fixées dans le
Code européen de bonnes pratiques.
Compléter les moyennes par des
distributions
Les enquêtes auprès des ménages fournissent
des informations microéconomiques sur la distribution des revenus, de la consommation et
de la richesse. Les moyennes et les médianes
basées sur ces statistiques ne disent pas tout du
niveau de vie de la population: il faut y joindre
des indicateurs reflétant leur distribution parmi
les personnes et les ménages.
Idéalement, il faudrait publier des données
sur les trois dimensions du niveau de vie maté-
1
Conférence organisée par la
Commission européenne avec le
Parlement européen, le Club de
Rome, le WWF et l’OCDE
2
Le SSE est un système de
partenariat entre l’autorité
statistique communautaire, à
savoir la Commission (Euro­
stat), les instituts nationaux de
statistique (INS) et les autorités
responsables dans chaque
Etat du développe-ment, de la
production et de la diffusion
des statistiques européennes.
Le SSE coordonne ses activités
avec les pays candidats et avec
la Suisse.
3
Islande, Liechtenstein, Norvège
et Suisse
4
Comité du système statistique
européen
5
http:/ /epp.eurostat.ec.europa.
eu/portal/ page /
portal / europe_2020_indicators
/headline_indicators
Dossier : Prospérité et qualité de vie
riel (revenu, consommation et richesse) et sur
leur distribution conjointe. Cela donnerait une
meilleure image de la situation des ménages.
Heureusement, beaucoup de données sont déjà
disponibles dans les bases de données d’Eurostat
– principalement dans les statistiques du travail
et les statistiques de l’UE sur les revenus et les
conditions de vie (EU-SILC).
Croissance et environnement
Les rapports sur la mesure du progrès insistent
sur un autre point important: la nécessité de
mieux mesurer les dimensions environnementales de la croissance et du progrès. La Commission entend explorer ici la possibilité d’élaborer
un tableau de bord du développement durable,
en complément des indicateurs actuels du développement durable.
Les comptes nationaux seront étendus de
manière à ce que les comptes de l’environnement déjà existants couvrent davantage de
sujets environnementaux. Les pays ne sont pas
tenus de fournir des données dans ce domaine,
mais une loi UE est en préparation et devrait être
adoptée encore en 2011. Les flux de matières, les
taxes environnementales et les émissions atmosphériques sont les domaine les plus « mûrs » pour
la législation sur les comptes environnementaux.
D’autres domaines, tels que les biens et services
environnementaux, la productivité énergétique,
les comptes des dépenses de protection de l’environnement, pourront être développés ultérieurement, de même que les comptes de la forêt, de
l’eau et des déchets.
de faire des analyses selon le contexte socioéconomique et des analyses dans le temps. Dans
d’autres domaines, tels que l’accès aux espaces
verts, la participation à la vie politique, la gouvernance, il convient de mener des investigations
pour déterminer quelles données sont d’ores et
déjà disponibles et comparables.
Le bien-être – qui est un effet de la qualité de
la vie – appelle davantage d’attention. Le rapport
Stiglitz souligne l’importance des indicateurs aussi bien objectifs que subjectifs du bien-être. Des
recherches récentes montrent qu’il est possible de
collecter des données significatives et fiables sur
le bien-être subjectif, en considérant notamment
des variables telles que la satisfaction dans la vie
et les émotions positives ou négatives.
Le sponsorship group, qui examine en détail
toutes ces questions, considère que EU-SILC devrait être développé davantage comme un instrument central de mesure de la qualité de la vie.
Autres informations
Eurostat a créé sur son site des pages web
spéciales sur les grands objectifs d’Europe 20205
et sur l’initiative « Au-delà du PIB ». Il est prévu de publier dès 2011 un premier ensemble
d’indicateurs sur le bien-être. On trouvera des
informations sur la communication et les actions de la Commission « Au-delà du PIB » sur
www.beyond-gdp.eu
Walter Radermacher est statisticien en chef de l’UE et directeur général d’Eurostat, l’Office statistique de l’UE
Mesure de la qualité de la vie et du bien-être
Il importe particulièrement, selon la communication de la CE et le rapport Stiglitz, d’associer au
PIB des indicateurs sociaux relatifs à la qualité de
la vie et au bien-être. Le bien-être et le bonheur,
toutefois, ne se laissent pas mesurer facilement.
Les dimensions clés à considérer pour déterminer la qualité de la vie sont le niveau de vie
matériel, la santé, l’éducation, les activités personnelles, y compris le travail, la participation à
la vie politique, les relations sociales, l’environnement et la sécurité physique et économique.
Dans la plupart de ces domaines, des données de
base sont déjà disponibles dans le SSE.
L’enquête EU-SILC, en particulier, est très
utile pour suivre certains problèmes qui touchent
une gran-de partie de la population européenne ;
elle fournit des informations sur la pauvreté, la
privation et l’exclusion sociale, et elle permet
OFS ValeurS
11
Dossier : Prospérité et qualité de vie
Mesure du progrès social :
un effort international
L’argent ne fait pas le bonheur. Les spécialistes le savent depuis longtemps :
l’évolution du PIB reflète l’activité économique, sans s’intéresser aux impacts sociaux
et environnementaux ou aux individus (il n’est pas fait pour cela !). Le rapport
Stiglitz-Sen-Fitoussi fait office d’état des lieux et de plan de travail pour les offices
statistiques des pays membres de l’OCDE1. Sébastien Morard
J
amais le monde politique ne s’est autant intéressé à la qualité de vie. La crise de 2008
a créé une forte demande mondiale d’indicateurs. Parmi ces demandes figure la nécessité
de produire des indicateurs représentant plus
­fidèlement la vie des gens. Le rapport de la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi sur la mesure de la
performance économique et du progrès social
commandé par le Président Sarkozy a fédéré
divers travaux statistiques internationaux pour
­
des indicateurs plus proches des citoyens.
La Commission a fait 12 recommandations2,
afin d’évaluer le niveau de vie des ménages (revenus, consommation, patrimoine), la qualité de
vie (de la santé à la sécurité économique et physique) et le développement durable (indicateurs
environnementaux et socio-économiques). Il ne
s’agit pas de créer un indicateur révolutionnaire
résumant toutes les dimensions qui font que la vie
vaut la peine d’être vécue, mais de complémenter
la rudimentaire jauge qu’est le PIB.
L’OCDE est pionnière dans ces travaux depuis 2004. En 2010, suite au rapport, son Conseil
des ministres a adopté la priorité stratégique
de mieux mesurer le progrès social. Les statisticiens se sont mis au travail et un premier résultat
concret parait en juin 2011 sous la forme d’une
suite d’indicateurs sur le thème de la qualité de
vie, et cet automne sous la forme d’une publication faisant le tour d’une dizaine d’aspects de
la qualité de vie. Il est aussi possible de calculer
sur le site de l’OCDE son propre indice de qualité
de vie3.
L’Union européenne n’est pas en reste et a
communiqué dès 2009 une volonté d’aller « audelà du PIB »4. Le système statistique européen
(dont la Suisse fait partie) propose un plan d’action commun. Finalement, l’ONU, 20 ans après le
Sommet de la Terre de Rio, travaille sur le suivi du
développement durable.
12
OFS ValeurS
Ces initiatives sont nécessaires pour déterminer rapidement comment fournir des statistiques comparables et de qualité sur un sujet si
complexe. D’autre part la demande politique est
grande : les gouvernements britannique, français,
japonais, coréen (sud), le Bundestag allemand
ont tous demandé à leurs offices statistiques des
études en ce sens.
Le Conseil fédéral désire supplémenter le PIB
par des indicateurs des évolutions sociales, économiques, écologiques. La Suisse, pays membre
de l’OCDE, apporte sa contribution aux travaux
statistiques. L’OFS ne travaille pas en vase clos :
les travaux suisses bénéficieront de cet élan
international.
Sébastien Morard est responsable « Affaires internationales »,
OFS
1
Organisation de Coopération et de Développement
Économiques
2
www.stiglitz-sen-fitoussi.fr
3
Voir www.oecd.org: Compendium of key well-being
indicators ; How’s life ? ; My
better life index
4
http://www.beyond-gdp.eu/ Dossier : Prospérité et qualité de vie
Revenus et conditions de vie en Suisse
Interview avec Anne Cornali Schweingruber et Stéphane Fleury
L’acronyme SILC1 désigne une enquête sur les revenus et les conditions de vie, qui est réalisée de
manière coordonnée dans 25 pays européens. Suite à l’entrée en vigueur de l’accord bilatéral sur la
statistique, cette enquête est aussi effectuée en Suisse. Depuis 2009, notre pays collecte chaque année
des données actuelles et comparables sur les revenus, les conditions de logement, le travail, la formation et la santé. Cette année, 7000 ménages suisses, totalisant 17’000 personnes, ont pris part à cette
enquête réalisée par téléphone. Interview: Caroline Schnellmann
Quels sont les objectifs de l’enquête
SILC ?
SILC s’intéresse aux revenus et aux conditions de vie des ménages. Elle relève dans
ce contexte des informations sur les
sources de revenu du ménage ou de ses
membres, sur les dépenses obligatoires
ou sur le logement (coûts, conditions de
logement, situation du logement).
La satisfaction des personnes par rapport
à différents aspects est également relevée. Satisfaction par rapport à la vie en
général, aux conditions de logement, à
la santé, au travail, aux relations sociales,
à la sécurité personnelle, à la durée du
temps libre, aux loisirs et à la situation
financière.
L’enquête s’intéresse également aux privations matérielles auxquelles les ménages doivent faire face. Ces privations
se définissent comme l’absence, pour des
raisons financières, de différents éléments
par exemple le manque de moyens pour
faire face à une dépense imprévue d’un
montant de 2000 francs, ou pour chauffer convenablement son domicile ou
encore pour accéder à différents biens de
consommation.
Cette enquête permet ainsi d’étudier les
conditions de vie de manière large en
prenant en considération les notions de
bien-être et de répartition des revenus et
en mettant l’accent sur la perspective des
ménages.
Les résultats de SILC vous permettentils de confirmer que l’argent ne fait
pas nécessairement le bonheur ?
Si l’on considère la satisfaction moyenne
selon le niveau du revenu disponible équi-
valent des personnes, SILC permet de
montrer que la satisfaction de l’individu
par rapport à sa situation financière ou à
son état de santé augmente significativement avec le revenu.
En revanche, la satisfaction par rapport
au logement ne dépend que très peu du
niveau de revenu. Quant à la satisfaction
que procurent les relations personnelles,
elle reste égale en moyenne quelque
soit le décile de revenu disponible équivalent auquel la personne appartient. Il
faut donc probablement en conclure que
l’argent contribue au bonheur individuel,
mais qu’il n’est qu’un facteur de bonheur
parmi d’autres.
Les Suisses sont-ils généralement
satisfaits ?
Oui, le degré de satisfaction de la population vivant en Suisse est élevé. En 2009,
trois personnes sur quatre (74,6%) se
disent très satisfaites de leur vie.
L’examen de la satisfaction relative à certains domaines de vie précis montre que
les aspects relationnels (vie en commun,
ambiance de travail, relations personnelles) sont ceux pour lesquels le pourcentage de personnes très satisfaites est
le plus élevé. En revanche, les aspects liés
à la situation financière personnelle et au
fait de vivre seul sont les domaines dans
lesquels le pourcentage de personnes très
satisfaites est le plus bas.
Les personnes les moins satisfaites se rencontrent surtout dans les groupes les plus
défavorisés du point de vue économique
(personnes de nationalité étrangère, à
l’exception des ressortissants de l’Europe
du Nord et de l’Ouest, personnes dispo-
sant d’un bas niveau de formation, actifs
non occupés, personnes vivant dans une
famille monoparentale). Les groupes
sociaux les plus satisfaits de leur vie en
général sont les personnes de 65 ans ou
plus (en particulier lorsqu’elles vivent
en couple), les personnes de nationalité
suisse ainsi que les personnes ayant achevé une formation de degré tertiaire.
Le niveau de satisfaction est élevé,
mais la pauvreté existe-t-elle dans ce
pays riche qu’est la Suisse ?
L’un des indicateurs centraux fournis
par l’enquête SILC est le taux de risque
de pauvreté. Sont considérées comme à
risque de pauvreté les personnes vivant
dans un ménage dont les ressources financières sont sensiblement inférieures
au niveau habituel des revenus dans le
pays considéré. La pauvreté est donc envisagée comme une forme d’inégalité, qui
dépend de la situation économique des
autres personnes dans le pays considéré.
Par convention, l’Union européenne fixe
le seuil de risque de pauvreté à 60% de la
médiane du revenu disponible équivalent.
En 2009, 14,6% de la population vivant
en Suisse, soit près d’une personne sur
sept, était exposée à ce risque de pauvreté. Les groupes sociaux les plus concernés
sont les personnes vivant dans une famille
monoparentale (31,7%) ou une famille
nombreuse (27,2%), les personnes ayant
uniquement fréquenté l’école obligatoire
(25,0%), les actifs non occupés (23,8%)
et les autres inactifs (20,5%), les personnes de nationalité étrangère (20,6%),
en particulier les ressortissants extra-européens (30,3%) et les femmes, toutes
OFS ValeurS
13
Dossier : Prospérité et qualité de vie
nationalités
étrangères
confondues
(22,7%), et enfin les enfants de 0 à 17
ans (18,3%).
La notion de privation matérielle
renseigne sur le degré d’exclusion
sociale. Les personnes exposées au
risque de pauvreté souffrent-elles de
privation matérielle ?
Dans l’enquête SILC, la présence de privations permet de mesurer l’exclusion
sociale en termes plus absolus. Pour qu’il
soit question de privation matérielle, il
faut que la non-possession de biens de
consommation durables que la plupart
souhaite posséder ou que l’absence de
conditions d’existence minimales soient
imputables à un manque de ressources
financières.
Le risque de pauvreté en termes monétaires se répercute évidemment sur les
conditions d’existence. Ainsi, les personnes exposées au risque de pauvreté
ont un taux de privation matérielle significativement plus élevé (18,1%) que les
personnes qui ne sont pas exposées au
risque de pauvreté (4,8%). Près de la
moitié (42,7%) des personnes exposées au risque de pauvreté n’ont pas les
moyens de faire face à une dépense imprévue, alors que seules 18,1% des personnes qui ne sont pas à risque de pauvreté connaissent ce problème. L’insuffisance de moyens pour partir en vacances
une semaine par an touche près d’une
personne exposée au risque de pauvreté sur quatre (23,5%), contre 8,5% des
personnes non exposées au risque de
pauvreté.
Pour certains groupes sociaux, les liens
entre pauvreté monétaire et privation
matérielle sont plus complexes. Ainsi,
si les hommes étrangers et les jeunes
adultes (18 à 24 ans) ne sont pas particulièrement exposés au risque de pauvreté, leur taux de privation matérielle est
significativement plus élevé que celui de
l’ensemble de la population. A l’inverse,
les familles nombreuses et les enfants (0
à 17 ans) sont particulièrement à risque
de pauvreté sans être spécialement privés matériellement. Enfin, les personnes
de 65 ans ou plus constituent un cas tout
à fait spécifique: si elles sont particuliè14
OFS ValeurS
rement exposées au risque de pauvreté,
leur taux de privation matérielle (3,2%)
est significativement plus bas que celui de
l’ensemble de la population (6,7%).
plus élevé que celui de l’Autriche, 1,3 fois
plus élevé que celui de l’Allemagne et de
la France et 1,5 fois plus élevé que celui
de l’Italie.
L’enquête SILC est réalisée dans toute
l’Europe. Il est donc possible d’établir
des comparaisons entre les pays. Estce exact, comme on l’entend souvent
dire, que la Suisse est un des pays au
monde où les disparités sociales sont
les plus grandes ?
Quand les résultats de l’enquête 2011
seront-ils disponibles ?
Un des indicateurs provenant de SILC
mesure le rapport entre les revenus des
20% les plus riches et ceux des 20% les
plus pauvres. Il constitue un indicateur
de l’inégalité de répartition des revenus
dans une société donnée. Plus il est élevé,
plus la répartition des revenus est inégale.
Ce rapport a été calculé pour la Suisse en
2009, et peut se comparer à ceux de nos
voisins européens pour la même période.
En Suisse, ce ratio est de 4,4 ce qui signifie que les revenus des personnes les plus
favorisées sont 4,4 fois supérieurs aux
revenus des personnes les plus défavorisées. En comparaison, la moyenne de ce
ratio pour l’Union européenne est de 4,9.
Nos voisins ont des ratios s’échelonnant
entre 3,7 (Autriche), 4,4 (France), 4,5 (Allemagne) et 5,2 (Italie). Nous nous trouvons ainsi dans la moyenne européenne
en ce qui concerne l’inégalité de répartition des revenus.
Anne Cornali Schweingruber est cheffe de la
section Revenus, consommation et conditions de vie,
OFS
Une personne exposée au risque de
pauvreté a-t-elle un plus haut niveau
de vie en Suisse que, par exemple, en
Italie ?
Pour tenter de répondre à cette question, il est possible de comparer le seuil
de risque de pauvreté suisse avec celui
de nos voisins. Afin de tenir compte des
différences de coût de la vie, nous proposons de comparer les seuils de risque de
pauvreté en terme de parité de pouvoir
d’achat (PPA).
La comparaison des seuils de risque de
pauvreté en PPA montre que la Suisse est
l’un des pays avec le seuil le plus élevé,
seuls la Norvège et le Luxembourg ont
des seuils plus élevés. Cependant, nous
ne sommes pas si éloignés de nos voisins,
le seuil suisse exprimé en PPA est 1,2 fois
Les résultats de l’enquête 2010 seront
publiés en décembre 2011, ceux de l’enquête 2011 en décembre 2012.
Stéphane Fleury est chef de l’enquête SILC, section
Revenus, consommation et conditions de vie, OFS
Caroline Schnellmann est journaliste indépendante
1
SILC signifie Statistics on
Income and Living Conditions
(enquête sur les revenus et les
conditions de vie)
2
Score de 8, 9 ou 10 sur une
échelle allant de 0 (pas du
tout satisfait) à 10 (tout à fait
satisfait).
3
Les parités de pouvoir
d’achat renseignent sur les
différences du pouvoir d’achat
de la monnaie entre les pays.
Elles permettent par exemple
de comparer les niveaux de
prix relatifs des différents
pays.
Dossier : Prospérité et qualité de vie
Evaluation subjective de la qualité de vie selon différentes caractéristiques socio-démographiques, 2009
Part de la population de 16 ans ou plus ayant un degré de satisfaction élevé1 par rapport
Population totale
Classe d’âge
16 – 17
18 – 64
18 – 24
25 – 49
50 – 64
65 et plus
Sexe et nationalité
Femmes
Suissesses
Etrangères
Hommes
Suisses
Etrangers
Nationalité
Suisses
Etrangers
Europe du Nord et de l’Ouest
Europe du Sud
Autres pays
Niveau de formation (personnes de 18 ans ou plus)
Ecole obligatoire
Degré secondaire II
Degré tertiaire
Statut d’activité (personnes de 18 ans ou plus)
Actifs occupés
Actifs non occupés
Retraités
Autres inactifs
Type de ménage 3, 4
Ménages sans enfant
Personne seule de moins de 65 ans
Personne seule de 65 ans ou plus
2 adultes de moins de 65 ans
2 adultes dont au moins 1 de 65 ans ou plus
Autres
Ménages avec enfant(s) 5
Parent seul avec enfant(s)
2 adultes avec 1 enfant
2 adultes avec 2 enfants
2 adultes avec 3 enfants ou plus
Autres
Statut d’occupation du logement 4
Propriétaires
Locataires
à sa vie
en général à sa situation financière
+ / - 2
personnelle à son état de santé +
/ -
+ / -
74.6%
1.0
51.4%
1.1
70.2%
0.9
81.2%
73.4%
72.1%
72.1%
76.4%
78.9%
4.2
1.1
3.2
1.5
1.7
1.8
55.8%
47.9%
37.4%
45.3%
58.0%
65.1%
5.1
1.2
3.1
1.6
2.0
2.2
77.6%
72.3%
76.3%
74.4%
66.4%
60.4%
4.3
1.0
3.0
1.4
1.9
2.2
75.0%
76.8%
67.4%
74.2%
78.3%
61.0%
1.2
1.2
3.8
1.3
1.2
3.8
51.8%
55.2%
38.1%
50.9%
55.2%
37.3%
1.4
1.4
3.9
1.4
1.5
3.6
68.2%
68.9%
65.5%
72.4%
74.0%
67.0%
1.3
1.3
3.8
1.3
1.3
3.5
77.5%
64.0%
73.3%
59.9%
59.3%
0.9
2.9
4.0
5.4
5.1
55.2%
37.7%
50.6%
30.6%
32.7%
1.1
2.8
4.4
4.6
4.8
71.3%
66.3%
72.2%
59.7%
67.6%
0.9
2.6
4.1
4.6
4.6
66.9%
75.3%
79.2%
2.6
1.2
1.7
44.0%
50.9%
59.3%
2.6
1.4
2.0
59.6%
71.0%
78.0%
2.5
1.2
1.6
74.8%
41.4%
78.7%
72.0%
1.2
7.6
1.8
2.4
49.4%
15.8%
66.4%
44.6%
1.3
5.4
2.1
2.5
75.1%
62.7%
59.9%
63.2%
1.2
7.2
2.1
2.6
62.7%
73.3%
76.8%
82.0%
71.0%
2.9
3.3
2.0
2.1
4.3
44.1%
60.8%
54.3%
67.6%
46.7%
3.0
3.6
2.4
2.6
3.9
66.4%
55.4%
72.2%
63.4%
69.9%
2.8
3.7
1.9
2.5
3.6
59.5%
76.2%
77.1%
77.5%
75.2%
5.4
3.4
2.6
3.7
4.0
37.4%
41.5%
50.6%
49.8%
43.8%
5.6
3.6
3.0
4.5
3.9
68.9%
74.4%
75.2%
79.6%
74.4%
4.9
3.1
2.4
3.7
3.4
81.5%
68.7%
1.2
1.5
61.0%
43.2%
1.4
1.5
72.5%
68.3%
1.2
1.4
2
2
1 Score de 8, 9 ou 10 sur une échelle allant de 0 (pas du tout) à 10 (tout à fait).
2 Limites de l’intervalle de confiance à 95%, cf. annexe méthodologique.
3 Le groupe « autres types de ménages » n’est pas représenté dans ce tableau, ces ménages étant trop peu nombreux dans l’échantillon.
4 Personnes vivant dans un ménage qui présente ces caractéristiques.
5 Sont considérées comme des enfants toutes les personnes âgées de moins de 18 ans ainsi que les personnes de 18 à 24 ans qui sont économiquement
inactives et qui vivent avec leur père et / ou leur mère.
Source: OFS, Enquête sur les revenus et les conditions de vie, SILC-2009 version 25.11.10, avec prise en compte du loyer fictif.
OFS ValeurS
15
Dossier : Prospérité et qualité de vie
La mesure du développement durable
Qu’entend-on par développement durable et où se situe la Suisse sur l’échelle du développement durable ?
Sommes-nous sur la bonne voie où faut-il encore prendre des mesures ? Le système d’indicateurs MONET
fournit des éléments pour répondre à ces questions, en passant en revue les trois dimensions du développement durable, soit la solidarité sociale, l’efficacité économique et la responsabilité écologique. Caroline
Schnellmann et Cornelia Neubacher
« Avoir un comportement écologique »
ou « rendre la croissance économique
éco-compatible » sont les principes le
plus souvent associés à la notion de développement durable. Mais cette notion
recouvre en fait une réalité beaucoup
plus vaste, qui englobe des réflexions
portant aussi bien sur le présent que
sur le futur et qui inclut une dimension
sociale en plus des aspects écologique et
économique. Alors, qu’est-ce donc que
le développement durable et comment
peut-on le mesurer ?
Le développement durable est un
objectif politique
En 1992 a eu lieu à Rio de Janeiro
la Conférence des Nations Unies
sur l’environnement et le développement. La réduction de la charge
polluante qui pèse sur les systèmes
écologiques mondiaux se trouvait
alors au centre des préoccupations.
C’est dans ce contexte que le paradigme du développement durable a
été introduit. Un élément particulièrement important a été la prise de
conscience du caractère indissociable
des problèmes environnementaux et
des questions sociales. La Suisse a
adopté la Déclaration de Rio et s’efforce depuis 1999, conformément à
la nouvelle Constitution fédérale, de
mener une politique de développement durable dans ses dimensions
sociale, économique et écologique.
La définition du développement
durable comme objectif politique a fait
naître le besoin de disposer d’un instrument pour évaluer les progrès de la Suisse
sur ce plan et vérifier si les mesures prises
16
OFS ValeurS
sont suffisantes. C’est ainsi que l’Office
fédéral de la statistique (OFS), l’Office
fédéral de l’environnement (OFEV) et
l’Office fédéral du développement territorial (ARE) ont développé en commun un système d’indicateurs, appelé
« Monitoring du développement durable
(MONET) ».
Economie, environnement et société
« Le développement durable est un
mode de développement qui répond aux
besoins du présent sans compromettre la
capacité des générations futures de répondre aux leurs. » Cette définition, donnée dans le rapport Brundtland, se trouve
au centre du débat politique autour du
développement durable. Elle est aussi
un des fondements du système MONET.
Cette définition place les individus et la
satisfaction de leurs besoins au centre
des préoccupations et se fonde sur les
valeurs de solidarité intragénérationnelle
et intergénérationnelle.
Un système d’indicateurs a donc
été développé par étapes sur la base de
cette définition pour mesurer le développement durable dans les trois domaines
société, économie et environnement.
Ces trois dimensions ont été reformulées par le Conseil fédéral en objectifs
de « solidarité sociale », d’« efficacité
économique » et de « responsabilité écologique ». « Elles sont mises sur un pied
d’égalité, ce qui signifie, par exemple,
que des mesures de protection de l’environnement doivent être efficaces sur
le plan économique ou que des décisions de politique économique doivent
être acceptables sur les plans social et
environnemental.
Postulats, domaines thématiques et
indicateurs
Tout cela ne dit pas ce que mesure
exactement MONET ! Les experts ont
formulé 45 postulats, classés selon les
trois dimensions précitées. Ces postulats
expriment des exigences concrètes, qui
donnent l’orientation à suivre en matière
de développement. Le principe général
applicable à la solidarité sociale, par
exemple, est ainsi libellé : « Chaque individu a le droit de vivre dans la dignité et
le droit à l’épanouissement de sa personnalité. La démocratie, le droit et la diversité culturelle sont garantis. L’épanouissement de la personnalité ne doit pas se
faire aux dépens de la dignité d’autres
personnes appartenant aux générations
présentes ou à venir ».
A partir des postulats, des experts
ont sélectionné quelque 130 indicateurs
destinés à vérifier si les exigences de ces
postulats sont remplies. En 2009, ils ont
réduit le nombre des indicateurs à 80.
Les indicateurs relatifs à la dimension sociale portent, par exemple, sur la qualité
de vie, la santé, la formation et la cohésion sociale.
La quantité ne fait pas tout
Cependant, 80 indicateurs, cela reste un
nombre élevé. « Un des défis majeurs
de MONET est de fournir des résultats
significatifs à partir de la masse de données dont nous disposons », explique
Anne-Marie Mayerat Demarne, cheffe
de la section Environnement, développement durable, territoire. C’est pourquoi
une série de 16 indicateurs-clés a été définie pour évaluer les progrès accomplis
en matière de développement durable.
Dossier : Prospérité et qualité de vie
Vue d’ensemble des indicateurs-clés,
présentés selon les trois objectifs qualitatifs
Solidarité
sociale
Compétences en lecture des jeunes
Sécurité
Santé
Chômage
Revenus
Aide au
développement
Responsabilité
écologique
Surfaces bâties
Biodiversité
Egalité
Transport de
personnes
Transport de marchandises
Consommation
de matières
Efficacité
économique
Investissements
Innovation et
technologie
Dette publique
Consommation
finale d’énergie
La Suisse est-elle sur la bonne voie ?
Quelle est notre qualité de vie ? Les ressources sont-elles distribuées équitablement ? Les utilisons-nous efficacement ?
Que laisserons-nous à nos enfants ?
D’après les résultats de MONET, les tendances qui se dessinent pour la Suisse
sont à la fois positives et négatives. D’un
côté, par exemple, la santé s’améliore et
la part des transports publics s’accroît.
Mais de l’autre, le taux de sans-emploi
et les surfaces d’habitat et d’infrastructure augmentent. Pour ce qui est du revenu ou des compétences en lecture des
jeunes, l’évolution observée est neutre.
La dimension globale du développement durable
Le mode de vie en Suisse et le système
économique du pays sont étroitement
liés à ceux d’autres pays en raison des
interactions qu’entraîne la globalisation.
Aussi le monitoring du développement
durable a-t-il été complété par des indicateurs de développement durable à
l’échelle mondiale dans le cadre d’un
projet commun de la Direction du développement et de la coopération (DDC)
et de l’OFS.
A l’heure actuelle, le mode de vie en
Suisse n’est pas conforme au développement durable, car nous utilisons bien
plus de ressources que la part moyenne
à laquelle nous avons droit. Mais il est
à noter que nos dépenses en faveur de
l’aide au développement et les transferts
opérés dans leur pays d’origine par les
personnes migrantes vivant en Suisse
augmentent, ce qui peut aussi contribuer
au développement durable à l’étranger.
L’évolution en Suisse de la consommation de produits étrangers issus du commerce équitable, par exemple, est quant
à elle neutre.
Tableau de bord de la Stratégie pour
le développement durable
Le tableau de bord de la Stratégie pour
le développement durable du Conseil
fédéral fournit des informations plus
détaillées sur les résultats de MONET.
La mise à jour de ces derniers est annuelle. L’application interactive peut être
consultée sur www.monet.admin.ch. Ce
site web donne aussi accès à la statistique de poche sur MONET, au dépliant
sur les indicateurs-clés, à la brochure « Le
développement durable en Suisse – Indicateurs et commentaires » et à d’autres
rapports et publications sur ce sujet.
Caroline Schnellmann est journaliste indépendante
Cornelia Neubacher est collaboratrice scientifique,
section Communication, OFS
OFS ValeurS
17
L’engagement en faveur d’un environnement sain est un service rendu aux générations actuelles et futures.
18
OFS ValeurS
Notre comportement en matière de consommation influence la société, l’économie et l’environnement.
OFS ValeurS
19
Actualités OFS : Rapport social statistique
Rapport social statistique
de la Suisse 2011
Le Conseil fédéral a présenté le 18.05.2011 le premier rapport
social statistique de la Suisse. Le rapport de l’Office fédéral
de la statistique décrit, sur la base d’une sélection de données
statistiques, l’évolution économique et sociale de la Suisse au
cours des dernières années et ses effets sur la situation sociale
de la population. Thomas Ruch
L
13
Protection sociale
1201-1100
Rapport social statistique suisse 2011
Rapport du Conseil fédéral du 18.05.2011
en réponse au postulat «Législature. Rapport social»
(2002 P 01.3788)
Neuchâtel, 2011
e Rapport social statistique de la Suisse
2011 fournit les informations statistiques
demandées en 2001 par le postulat Rossini.
Dans le cadre des données sociales établies par
l’Office fédéral de la statistique, ce rapport réunit les résultats publiés dans les statistiques sur la
situation sociale de ces dix dernières années. Il
s’intéresse principalement aux situations sociales
à risque et aux groupes de population les plus
menacés par l’exclusion sociale. Il présente également les liens possibles entre les changements
structurels de l’économie et de la société et le
risque d’exclusion sociale.
Mutations structurelles du marché
Ces 20 dernières années, les changements observés dans la structure économique et dans celle
du marché du travail ont été marqués par une
spécialisation croissante et une hausse de la productivité. La demande en personnel hautement
qualifié est par conséquent plus forte. Et le niveau
de formation ne cesse d’augmenter dans la population active, qu’elle soit de nationalité suisse ou
étrangère. Au niveau de la société, la famille traditionnelle perd du terrain au profit des familles
monoparentales ou recomposées. Cette évolution se traduit par une baisse du nombre d’enfants par femme, qui est d’autant plus marquée
que les personnes ayant un niveau de formation
élevé ont tendanciellement moins d’enfants.
Le risque d’exclusion sociale
L’exclusion sociale menace fortement les groupes
de population dont le niveau de formation est inférieur à la moyenne et les personnes qui élèvent
des enfants. Parmi ces dernières, les familles
monoparentales sont particulièrement exposées.
La formation joue un rôle déterminant aussi bien
pour l’évolution économique en général que pour
20
OFS ValeurS
la situation matérielle des ménages. La demande
de personnel qualifié augmente ; parallèlement,
le niveau de formation des personnes professionnellement actives, suisses ou immigrées, a
progressé. Une fracture s’observe cependant
entre deux groupes de population: d’une part
les personnes bien formées, très peu exposées
à l’exclusion sociale, d’autre part les personnes
insuffisamment formées, qui courent le risque de
ne pas remplir les exigences du marché du travail
et qui risquent d’en être durablement exclues.
La mission de l’Etat
La protection sociale publique revêt une importance croissante. Elle fonctionne bien dans le
domaine des risques traditionnels tels que la vieillesse, la maladie et l’invalidité. La Suisse dépense
au total près de 145 milliards de francs pour
la protection sociale, soit plus du double de ce
qu’elle dépensait dans ce domaine il y a vingt ans.
Ce rapport fait la synthèse des informations
statistiques existantes sur la question et paraîtra
à l’avenir une fois par législature.
Thomas Ruch est chef du groupe «Systèmes de la sécurité
sociale», section Analyses sociales, OFS
Actualités OFS : Scénarios de l’évolution de la population
Une croissance démographique
pour l’ensemble des cantons lors
des 25 prochaines années
Selon les nouveaux scénarios de l’évolution de la population des cantons
de la Suisse, tous les cantons enregistreront une croissance démographique positive entre 2010 et 2035. Cet accroissement est principalement
dû aux migrations internationales. Cette croissance ne sera pas
homogène sur tout le territoire de la Suisse. Elle sera plus marquée
autour de la Métropole zurichoise et de l’Arc lémanique. Raymond Kohli
Dynamiques démographiques différentes selon les cantons
soldes migratoires internationaux. Le
canton de Bâle-Ville pourra ainsi stabiliser sa population grâce à ces migrations
internationales. D’autres cantons tels
que les Grisons et le Tessin bénéficieront également beaucoup de cet apport
migratoire en provenance de l’étranger.
Les cantons proches de grandes agglomérations, comme Argovie, Fribourg et
Thurgovie, profiteront quant à eux de
migrations provenant d’autres cantons.
E
n raison d’un solde migratoire relativement favorable et d’un nombre
de naissances suffisamment élevé
pour compenser la hausse du nombre de
décès, les cantons de Vaud et de Fribourg
enregistreront les accroissements démographique les plus élevés de Suisse au
cours de cette période. La croissance de
leur population dépassera 20%. A l’opposé, les populations du canton d’Uri,
du Jura et de Neuchâtel n’augmenteront que de 2 à 3%. Ces faibles hausses
seront principalement dues à des soldes
migratoires intercantonaux négatifs.
Ralentissement de la croissance
démographique en raison du vieillissement de la population
Les cantons de Fribourg, du Valais, de
Nidwald, de Schwytz et de Zoug qui
ont connu les accroissements démographique les plus importants de Suisse au
cours des 25 dernières années (de 30% à
45% d’augmentation) auront des crois-
Une contribution déterminante des
migrations internationales
Entre 2010 et 2035, la croissance démographique sera due avant tout aux
Accroissement démographique, 2010 – 2035*
SH
BS
AG
AR
SO
SG
GL
NW
OW
UR
VD
GR
TI
GE
AI*
SZ
LU
BE
FR
VS
Au cours des 25 prochaines années,
le nombre absolu de personnes de 65
ans ou plus doublera dans 6 cantons :
Obwald, Fribourg, Nidwald, Argovie,
Schwytz et Thurgovie. En raison de
l’arrivée à la retraite des personnes nées
lors du baby-boom, le nombre de personne appartenant à ce groupe d’âge
augmentera en effet fortement dans
tous les cantons. Les accroissements
les moins importants se situeront à
Bâle-Ville (+23%), Neuchâtel (+49%),
Schaffhouse (+57%), Berne et Genève
(+58%). Cette hausse du nombre des
personnes en âge d’être à la retraite sera
accentuée par les progrès de l’espérance
de vie et, pour certains cantons, par les
migrations intercantonales de personnes
proches de la retraite.
Raymond Kohli est collaborateur scientifique
« Scénarios et méthodologie », section DEM, OFS
ZH
ZG
NE
Augmentation importante du nombre
des 65 ans ou plus dans tous les
cantons
TG
BL
JU
sances nettement moins fortes lors des
25 prochaines années. Ce ralentissement
de l’accroissement de leur population
sera dû en grande partie au vieillissement
de la population. En effet, les personnes
âgées déménagent moins fréquemment que les jeunes adultes, les soldes
migratoires intercantonaux deviendront
ainsi moins favorables qu’auparavant
pour ces cantons. Comme le nombre
de décès augmentera également en raison du nombre important de personnes
atteignant des âges élevés, l’accroissement naturel égal à la différence entre
le nombre de naissances et de décès deviendra peu à peu négatif dans presque
tous les cantons.
Taux annuel moyen d’accroissement,
pour 1000 habitants
≥6,0
4,5 – 5,9
3,0 – 4,4
1,5 – 2,9
<1,5
Suisse : 4,7‰
Source : OFS, section DEM
© OFS, ThemaKart, Neuchâtel 2011
*Scénario AR-00-2010
OFS ValeurS
21
Portrait statistique : L’OFS à Neuchâtel
Office fédéral de la
statistique : depuis
1998 à Neuchâtel
En octobre 1998, le transfert de l’Office
fédéral de la statistique de Berne à
Neuchâtel a marqué un tournant important dans l’histoire de la statistique
suisse. Pour la première fois, les différents secteurs d’activités de l’OFS ont
été réunis sous un même toit. Grâce au
passage de onze sites à Berne à un seul
emplacement à Neuchâtel, la communication et le développement de la
statistique intégrée ont été renforcés.
22
OFS ValeurS
Portrait statistique : L’OFS à Neuchâtel
L’
implantation de l’Office fédéral de
la statistique à Neuchâtel trouve son
origine dans les efforts de décentralisation de l’Administration fédérale,
menés au début des années 1980.
Le concours d’architecture ayant désigné le projet
« TGV » du bureau Bauart en 1990 et le Parlement ayant approuvé le projet de construction de
130 millions de francs en 1992, les travaux pour
le bâtiment principal ont pu débuter en 1993
pour être achevés en 1998.
La loi sur la statistique fédérale, entrée en
vigueur en 1993, a entraîné une augmentation des tâches de l’OFS, nécessitant également
un accroissement des ressources humaines. La
construction de la tour, débutée en 2001 et terminée en 2004, a permis la création de 245 nouvelles places de travail, montant ainsi à 720 l’ensemble des places disponibles. C’est également
à cette date que le dernier département resté à
Berne en 1998 a pu être transféré à Neuchâtel.
D’une hauteur de 50 m, ce bâtiment à vocation
administrative comprend 14 étages et évoque
la proue de l’OFS. Les matériaux choisis pour sa
construction, essentiellement composés de verre,
expriment une transparence optimale. A l’échelle
de la ville, la tour de l’OFS signale l’emplacement
de la gare et renforce la vocation stratégique de
pôle de développement de ce secteur.
Un bâtiment pionnier
Conçu et réalisé par le bureau Bauart Architectes
et Urbanistes SA, l’immeuble de l’OFS est un
bâtiment pionnier en matière de construction
durable. L’idée de créer un cadre de travail sain et
de grande qualité, en recourant à l’énergie solaire
et en réduisant la consommation énergétique par
la réduction des besoins, était au cœur des préoccupations des acteurs du projet. Cette démarche
a notamment été saluée par le Prix d’architecture
de l’Association suisse d’écobiologie en 1997,
le Prix solaire suisse et européen en 1998 et par
une sélection dans la catégorie « Best 50 » lors de
l’Energy Globe Award à Vienne en 2001.
La réalisation du bâtiment principal de l’OFS
a été suivie par celle de la tour, qui a notamment
obtenu le label Minergie-ECO et une nomination
à la Distinction romande d’architecture en 2006.
L’édifice a par ailleurs servi de détonateur à la régénération urbaine de l’ensemble du plateau de
la gare de Neuchâtel.
Données clés
Hauteur de la tour : 50 m
Hauteur du bâtiment principal : 20 m
Longueur du bâtiment principal: 240 m
Longueur de la tour : 29 m
Places de travail : 720
(475 bâtiment principal, 245 tour)
Coûts de construction : 157 mio
(130 mio / bâtiment principal, 27 mio / tour)
Stock / Archives : 2800 m2
Parking : 104 places au 1er sous-sol
OFS ValeurS
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Impressum
Editeur: Office fédéral de la statistique (OFS),
Neuchâtel, www.statistique.ch
Rédaction: Cornelia Neubacher et Ulrich Sieber, OFS,
Division Publication et communication
Information: Section communication,
Tél. 032 713 60 13 / e-mail: [email protected]
Auteurs: Jürg Marti, Jürg Furrer, Tom Priester, Marco
Metzler, Sébastien Morard, Walter Radermacher,
Cornelia Neubacher, Caroline Schnellmann, Thomas
Ruch et Raymond Kohli
Réalisation et mise en page:
Netthoevel & Gaberthüel, Bienne
Photos: Valérie Chételat (p. de couverture / p. 2,
8 / 9, 18 / 19), Ruedi Walti (p. 22 / 23)
Traduction: Services linguistiques OFS
Numéro de commande: 1042-1101 (gratuit)
ISBN: 978-3-303-00450-0
Diffusion: Office fédéral de la statistique,
CH-2010 Neuchâtel
Tél. 032 713 60 60 / fax 032 713 60 61 e-mail: [email protected]
Copyright: OFS, Neuchâtel 2011
La reproduction est autorisée, sauf à des fins
commerciales, si la source est mentionnée
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