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Longtemps, le produit intérieur brut (PIB) a été considéré comme le principal
indi cateur du bien-être. A l’origine, le bien-être équivalait à la richesse matérielle.
Le concept de qualité de vie, développé dans les années 1960 comme alternative à
une notion quelque peu restrictive du bien-être, a fourni une nouvelle approche,
beaucoup plus complexe, qui englobe tous les domaines importants de l’existence.
Jürg Marti, Jürg Furrer et Tom Priester
Limites du PIB
Récemment, les concepts de qualité de vie
et de durabilité ont été relancés. Citons
dans ce contexte l’initiative « PIB et au
delà » de l’UE, la Commission sur la mesure de
la performance économique et le progrès social
(Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi), instituée en
2008 par le président français Nicolas Sarkozy,
et le projet de l’OCDE « Mesurer le progrès des
sociétés / Vivre mieux ». Sans être identiques, ces
initiatives n’en présentent pas moins de nom-
breux points communs : elles reposent toutes sur
les trois piliers de l’économie, de la société et de
l’environnement et trouvent leur origine dans un
examen critique du PIB. Elles ont entre autres
pour but d’identifier les limites du PIB en tant
qu’indicateur du développement économique et
social. L’idée n’est pas de remplacer le PIB ; sa
base conceptuelle – les comptes nationaux, qui
fournissent d’importantes informations sur la
richesse matérielle – est d’ailleurs fondamenta-
lement conservée. Le but est plutôt de relativiser
la prépondérance du PIB dans le débat public.
Du même coup, la qualité de vie prend une si-
gnification nouvelle, beaucoup plus importante,
et la question de la durabilité aussi. En Suisse, le
Conseil fédéral a repris ces idées dans le cadre
de sa décision relative à l’économie verte. Il a
notamment chargé les services compétents de
« … compléter le PIB par des indicateurs relatifs
aux progrès réalisés en matière de développement
au niveau social, économique et écologique. »
Toutes ces initiatives ont un impact important
sur la statistique publique, qui se voit chargée de
fournir les informations statistiques nécessaires et
d’établir des indicateurs sur les progrès écono-
miques et sociaux et sur la qualité de vie. Mais
qu’entend-on par qualité de vie et comment la
mesure-t-on ?
De la richesse à la qualité de vie
La richesse est décrite à l’aide d’indicateurs objec-
tifs sur les ressources en biens matériels (niveau de
vie). Elle est déterminée à l’aide du revenu dispo-
nible, du PIB ou du revenu national, occasionnel-
lement aussi à l’aide des dépenses de consomma-
tion. En ce qui concerne le bien-être individuel ou
la qualité de vie – deux notions étroitement liées
et souvent employées comme synonymes (comme
dans le présent article) – l’aspect matériel de la
richesse est en revanche complété sur deux points :
d’une part, il est tenu compte d’éléments non ma-
tériels, tels que la santé, la liberté, la sécurité et la
justice ; d’autre part, les aspects objectifs du bien-
être sont complétés par des appréciations subjec-
tives, qui incluent des évaluations cognitives et des
opinions. La satisfaction de l’individu par rapport
à sa propre vie est un des indicateurs essentiels
qui permet de mesurer l’appréciation subjective.
La qualité de vie est par conséquent un concept
pluridimensionnel. On considère qu’elle est élevée
en présence de conditions objectives satisfaisantes
à condition que celles-ci soient évaluées positive-
ment. Cette évaluation porte sur le long terme, ou
du moins sur le moyen terme.
Défi pour la statistique publique
La question de savoir si la statistique publique
devait relever des appréciations subjectives et
les publier a longtemps été controversée. Au-
jourd’hui encore, certains offices statistiques se
montrent réservés à cet égard. L’Office fédéral de
la statistique, quant à lui, collecte déjà depuis des
années de telles appréciations subjectives. Men-
tionnons en particulier les questions sur la satis-
faction posées dans le cadre des enquêtes SILC
et de l’enquête sur la santé, qui portent sur les
composantes subjectives de la qualité de vie. Les
aspects affectifs à court terme, qui ont trait au
Dossier : Prospérité et qualité de vie
Richesse, bien-être et qualité de vie : des
défis pour la statistique publique