ValeurS
Prospérité et qualité de vie
Un magazine d’information de l’Office fédéral de la statistique – Numéro 1 / 2011
2 OFS ValeurS
74,6% des personnes vivant en Suisse se disent très satisfaites de leur vie.
3OFS ValeurS
L’abattage de bois dans la forêt tropicale humide de Bornéo entraîne une perte irrémédiable de
capital naturel. Et pourtant, le produit intérieur brut (PIB) y est en hausse. C’est là une consé-
quence de la définition courante de cet indicateur. Le PIB mesure la production d’une économie
nationale au cours d’une période donnée. La vente et la transformation des bois tropicaux ont
ainsi des répercussions positives sur le PIB.
Depuis un certain temps, cependant, les doutes grandissent sur l’adéquation d’un instrument
de mesure qui ne renseigne que très peu, voire pas du tout sur la qualité de la vie et l’état de
l’environnement. A différents niveaux et dans les milieux les plus divers, on voit ainsi germer des
idées qui suggèrent le remplacement pur et simple du PIB ou la possibilité de le compléter par
d’autres indicateurs. Toutes ces initiatives ont une incidence sur la statistique publique et, par
voie de conséquence, sur l’Office fédéral de la statistique (OFS), le centre de compétences de la
statistique suisse.
L’OFS n’a pas attendu pour s’occuper intensément de cette question. Aussi avons-nous décidé
d’en faire le thème principal du premier numéro de notre nouvelle publication ValeurS. La série
d’articles réunis sous le titre « Prospérité et qualité de vie » donnent autant d’éclairages différents
de cette problématique. La revue ValeurS comble une lacune en permettant de braquer le projec-
teur sur des thèmes spécifiques, en plus de la production statistique courante. Plusieurs autrices
et auteurs exposeront leur point de vue sur un thème donné, qui sera aussi présenté dans un
contexte plus large. Cette nouvelle publication paraîtra deux fois par an.
Depuis les années 1990, l’OFS a une grande expérience et de solides compétences en
matière de mesure de valeurs non monétaires et d’élaboration des indicateurs correspondants de
qualité de vie et de prospérité. Nos spécialistes nous expliquent ce qu’ils entendent par là dans
la présente revue. Nous sommes heureux que Monsieur Walter Radermacher, directeur général
d’Eurostat et statisticien en chef de l’UE, commente en exclusivité pour ValeurS les tendances de
la statistique européenne dans ce domaine. Dans un autre article, le Professeur Aymo Brunetti,
chef de la Direction de la politique économique au SECO, donne son avis sur le débat actuel qui
entoure le PIB.
Quant à moi, j’anticipe un peu le résultat de ce débat. Pour l’OFS, il est encore loin le jour où
le « vénérable » PIB sera détrôné. Mais, nous nous préparons aux enjeux futurs et sommes en train
de développer des indicateurs complémentaires. Concrètement, l’OFS travaille à des indicateurs
qui feront le lien entre le social, l’économie et l’écologie. Selon nous, la Suisse ne peut pas faire
cavalier seul en statistique, une telle stratégie n’offrirait pas de perspective. Nous soutenons donc
tous les efforts entrepris au niveau international pour compléter le PIB. Nous ne croyons pas à
un méga-indicateur unique, mais plutôt à une série d’indicateurs sous forme de tableau de bord
simple à utiliser et accepté par tous, qui traduise de façon compréhensible les avantages que
peuvent en attendre la politique et la société.
Editorial
Mesurer la qualité de vie.
Mais comment ?
Jürg Marti
Directeur de l’Office fédéral de la statistique,
Neuchâtel, Suisse
4 OFS ValeurS
Longtemps, le produit intérieur brut (PIB) a été considéré comme le principal
indi cateur du bien-être. A l’origine, le bien-être équivalait à la richesse matérielle.
Le concept de qualité de vie, développé dans les années 1960 comme alternative à
une notion quelque peu restrictive du bien-être, a fourni une nouvelle approche,
beaucoup plus complexe, qui englobe tous les domaines importants de l’existence.
Jürg Marti, Jürg Furrer et Tom Priester
Limites du PIB
Récemment, les concepts de qualité de vie
et de durabilité ont été relancés. Citons
dans ce contexte l’initiative « PIB et au
delà » de l’UE, la Commission sur la mesure de
la performance économique et le progrès social
(Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi), instituée en
2008 par le président français Nicolas Sarkozy,
et le projet de l’OCDE « Mesurer le progrès des
sociétés / Vivre mieux ». Sans être identiques, ces
initiatives n’en présentent pas moins de nom-
breux points communs : elles reposent toutes sur
les trois piliers de l’économie, de la société et de
l’environnement et trouvent leur origine dans un
examen critique du PIB. Elles ont entre autres
pour but d’identifier les limites du PIB en tant
qu’indicateur du développement économique et
social. L’idée n’est pas de remplacer le PIB ; sa
base conceptuelle – les comptes nationaux, qui
fournissent d’importantes informations sur la
richesse matérielle – est d’ailleurs fondamenta-
lement conservée. Le but est plutôt de relativiser
la prépondérance du PIB dans le débat public.
Du même coup, la qualité de vie prend une si-
gnification nouvelle, beaucoup plus importante,
et la question de la durabilité aussi. En Suisse, le
Conseil fédéral a repris ces idées dans le cadre
de sa décision relative à l’économie verte. Il a
notamment chargé les services compétents de
« compléter le PIB par des indicateurs relatifs
aux progrès réalisés en matière de développement
au niveau social, économique et écologique. »
Toutes ces initiatives ont un impact important
sur la statistique publique, qui se voit chargée de
fournir les informations statistiques nécessaires et
d’établir des indicateurs sur les progrès écono-
miques et sociaux et sur la qualité de vie. Mais
qu’entend-on par qualité de vie et comment la
mesure-t-on ?
De la richesse à la qualité de vie
La richesse est décrite à l’aide d’indicateurs objec-
tifs sur les ressources en biens matériels (niveau de
vie). Elle est déterminée à l’aide du revenu dispo-
nible, du PIB ou du revenu national, occasionnel-
lement aussi à l’aide des dépenses de consomma-
tion. En ce qui concerne le bien-être individuel ou
la qualité de vie – deux notions étroitement liées
et souvent employées comme synonymes (comme
dans le présent article) – l’aspect matériel de la
richesse est en revanche complété sur deux points :
d’une part, il est tenu compte d’éléments non ma-
tériels, tels que la santé, la liberté, la sécurité et la
justice ; d’autre part, les aspects objectifs du bien-
être sont complétés par des appréciations subjec-
tives, qui incluent des évaluations cognitives et des
opinions. La satisfaction de l’individu par rapport
à sa propre vie est un des indicateurs essentiels
qui permet de mesurer l’appréciation subjective.
La qualité de vie est par conséquent un concept
pluridimensionnel. On considère qu’elle est élevée
en présence de conditions objectives satisfaisantes
à condition que celles-ci soient évaluées positive-
ment. Cette évaluation porte sur le long terme, ou
du moins sur le moyen terme.
Défi pour la statistique publique
La question de savoir si la statistique publique
devait relever des appréciations subjectives et
les publier a longtemps été controversée. Au-
jourd’hui encore, certains offices statistiques se
montrent réservés à cet égard. L’Office fédéral de
la statistique, quant à lui, collecte déjà depuis des
années de telles appréciations subjectives. Men-
tionnons en particulier les questions sur la satis-
faction posées dans le cadre des enquêtes SILC
et de l’enquête sur la santé, qui portent sur les
composantes subjectives de la qualité de vie. Les
aspects affectifs à court terme, qui ont trait au
Dossier : Prospérité et qualité de vie
Richesse, bien-être et qualité de vie : des
défis pour la statistique publique
5OFS ValeurS
être liés à d’autres déprivations ou en être en par-
tie la cause. Le cumul de déprivations est particu-
lièrement problématique. Il est fréquemment lié
à une insuffisance de revenus sans devoir lui être
nécessairement attribué. Un examen purement
descriptif de la situation objective et subjective
dans les différents domaines de l’existence ne
suffira pas à répondre au besoin d’information.
Des analyses plus approfondies des relations
entre ces domaines de l’existence seront néces-
saires pour mieux appréhender la qualité de vie
individuelle et les facteurs qui l’influencent.
Jürg Marti est directeur de l’OFS
Jürg Furrer est adjoint scientifique, division Economie, Etat et
questions sociales, OFS
Tom Priester est chef de la section Analyses sociales, OFS
Dossier : Prospérité et qualité de vie
bonheur, ne font par contre pas l’objet de rele-
vés. L’OFS n’a pas non plus l’intention d’établir
dans un avenir proche une sorte d’indicateur du
bonheur.
Quels indicateurs de la qualité de vie con-
vient-il de publier et sous quelle forme ? Aucune
décision définitive n’a encore été prise à ce sujet.
Ce qui est certain, c’est que de tels indicateurs
feront partie du système d’information global
« complément du PIB », conformément à la déci-
sion du Conseil fédéral. Ce système comprendra
des indicateurs traitant, outre la qualité de vie ou
les aspects sociaux, des aspects économiques et
écologiques.
Il est par ailleurs évident que ces indicateurs
devront être comparables sur le plan internatio-
nal. Enfin, les domaines sur lesquels des informa-
tions statistiques seront publiées sont connus. Il
s’agit principalement de la situation financière,
de la santé, de la formation, de la situation sur le
marché du travail, des conditions de logement,
de l’intégration sociale et du bien-être subjec-
tif. Ces domaines découlent d’une part des buts
sociaux inscrits dans la Constitution fédérale (art.
41 Cst.). Ils constituent d’autre part les domaines
classiques abordés par les études sur la qualité
de vie et les indicateurs sociaux. Ce sont aussi
ces domaines que l’on retrouve dans les publi-
cations des institutions statistiques nationales et
internationales.
Il sera en tout cas important de tenir compte
de l’interdépendance des différents domaines de
l’existence. Des revenus élevés se rencontrent
ainsi fréquemment chez les personnes dotées
d’une bonne formation et d’une bonne santé et
bénéficiant de bonnes conditions de logement.
Toutefois, une personne peut être à la fois suffi-
samment pourvue dans certains domaines et in-
suffisamment dans d’autres. Les déficits peuvent
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