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Epreuve de synthèse de documents (3h) - Admission en 3ème année
Exemple de sujet : Le PIB : un bon indicateur de richesse ?
Document n°1
Douze recommandations pour modifier et compléter les
statistiques internationales
1- Se référer aux revenus et à la consommation pour évaluer le bien-être matériel. Le produit intérieur brut mesure
surtout la production marchande, mais il est souvent utilisé pour évaluer le bien-être économique. La confusion
entre ces deux notions conduit à des indications trompeuses sur le niveau de satisfaction de la population. La
commission recommande de se référer à l’évolution du revenu réel et à la consommation des ménages, plus
pertinentes pour mesurer le bien-être matériel.
2- Privilégier le point de vue des ménages. Pour mieux cerner l’évolution de leur niveau de vie, la commission
propose de prendre en compte les impôts, les prestations sociales, les intérêts d’emprunts, ainsi que les services en
nature fournis par l’Etat (comme la santé et l’éducation).
3- Prendre en compte le patrimoine. L’idée est de généraliser pour les ménages la notion de bilan, avec un actif et
un passif, comme ce qui se fait pour les entreprises.
4- Accorder plus d’importance à la répartition des revenus. Revenus, consommation et richesses sont appréhendés
selon des moyennes. La commission estime que la notion de «médian» (par exemple, le revenu médian, qui sépare
la population en deux parties égales: les 50 % qui ne l’atteignent pas, les 50 % qui le dépassent) offre un meilleur
outil de mesure.
5- Elargir les indicateurs aux activités non marchandes. Certains services (garde d’enfants, ménage, bricolage,
etc.) apparaissent dans la comptabilité nationale si un ménage fait appel à un salarié. Mais lorsque ces tâches
échoient à un membre de la famille, elles ne sont pas prises en compte. La commission propose désormais de les
recenser.
6- Améliorer les mesures de la santé, de l’éducation et des conditions environnementales. La commission appelle
à développer les mesures objectives et subjectives (sondages) de la qualité de vie, qui dépend, entre autres, de la
santé, de l’éducation, du droit à l’emploi et à un logement décent, de la participation au processus politique, de la
sécurité…
7- Evaluer de manière exhaustive les inégalités. Il faut mieux mesurer les inégalités entre personnes, sexes,
générations, en accordant une attention particulière aux inégalités liées à l’immigration.
8- Réaliser des enquêtes pour comprendre comment les évolutions dans un domaine de la qualité de la vie
affectent les autres domaines.
9- Mettre en place une mesure synthétique de la qualité de vie.
10- Intégrer dans les enquêtes des questions visant à connaître l’évaluation que chacun fait de sa vie, de ses
expériences et de ses priorités.
11- Evaluer la "soutenabilité" du bien-être, c’est-à-dire sa capacité à se maintenir dans le temps. Disposer
d’indicateurs qui renseignent sur les changements intervenus dans les quantités de différents facteurs importants
pour le bien-être futur: ressources naturelles, capital humain, social et physique.
12- Etablir une batterie d’indicateurs liés à l’environnement.
Synthèse du rapport Stiglitz parue dans Le Monde du 15 septembre 2009.
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Document n°2
Vive le bon vieux PIB!
Le rapport de la Commission Stiglitz s'apparente à de la pure gesticulation. L'important n'est pas
le thermomètre, mais la réalité.
Toute cette histoire de la
Commission Stiglitz dont le rapport
a été remis en grande pompe à la
Sorbonne au président Sarkozy,
lundi 14 septembre, ne débouchera
sur rien. Changer la façon dont on
mesure le bien être n'améliorera pas
le bien être lui même. Seuls les
gros pervers croient que le
thermomètre est le médicament.
L'ambiguïté est totale dès l'origine
et le lancement de cette
commission début 2008. La vérité
est que Nicolas Sarkozy déteste
l'Insee, avec ses statisticiens
indépendants, qui bombardent le
gouvernement de chiffres
déplaisants.
Le chef de l'Etat a un problème
général avec les stats, on le voit
avec celles de la délinquance, elles
résistent à sa volonté. Quand il était
ministre de l'économie, l'Insee n'a
pas cédé à ses desiderata et,
ensuite, devenu chef de l'Etat il a
essayé de «casser» cette institution
récalcitrante en la délocalisant
brutalement à Metz.
Fin 2008, nous étions dans la
polémique sur les prix, leur
évolution depuis la création de
l'euro et «la perception» par les
Français que l'indice du coût de la
vie ne reflétait pas la véride leur
«vécu». L'inflation devait être plus
forte que ne le mesuraient les
grognards de la porte de Vanves.
Illico, le pouvoir vira le patron de
l'Insee et demanda que l'indice fut
changé, au moins qu'il soit éclaté
en plusieurs chiffres en fonction
des différents niveaux de revenu.
A cette volonté présidentielle de
faire plier les chiffres, s'est ajoutée
la constante lutte de son conseiller
Henri Guaino pour contester les
«institutions» du pouvoir
économique en France: le Trésor, la
Banque de France, l'Insee, etc... Le
multi-recalé à l'ENA veut abaisser
les maisons qu'il n'a pu investir.
Esprit hétérodoxe, il peste aussi
contre le consensus orthodoxe qui y
règne, dénoncé dans la formule de
«la pensée unique». Haro sur
l'Insee donc puisqu'avec cette
histoire de prix, on a mis le doigt
sur une faiblesse du système
orthodoxe.
A ces deux volontés du roi et de
son conseiller, se sont mêlées les
idéologies de la décroissance. Le
PIB est pour les écolos tout à la fois
le symbole, le fruit et le moteur du
productivisme. On mesure la
production, plus elle est forte, plus
il faut s'en féliciter! Quand bien
même on ruine les ressources, on
tue des coléoptères et on fait fondre
la banquise. sont les ours dans
le PIB? Hein? Haro donc sur cet
indice qui, pour bien faire, devrait
carrément s'inverser et mesurer tout
ce qu'on perd lorsqu'il augmente:
plus la décroissance est forte plus
l'humanité sera durable.
Enfin, à ce gros mic-mac de pré-
supposés, s'est mélangé ce que
pensent les économistes depuis
toujours du PIB: c'est un outil de
mesure de la croissance
économique, il ne mesure
qu'imparfaitement le niveau de vie,
qui dépend de bien d'autres choses,
et certainement il mesure très mal
le bonheur des populations.
L'honorable commission Stiglitz,
emplie de gens très bien, aura bien
du mal à dégager le vrai du faux et
à expliquer qu'il ne faut pas croire
qu'une nouvelle mesure du PIB
donnera la clé du bonheur humain.
Mais que, cela étant dit, «l'on ne
peut pas tout réduire à la statistique
unique du PIB», comme l'écrit
Joseph Stiglitz.
Et oui! le PIB ne mesure pas bien le
niveau de vie et il faut le compléter
par d'autres indicateurs. Les
économistes n'ont d'ailleurs pas
attendu Nicolas Sarkozy: la Banque
mondiale élabore un indice de
développement humain depuis
belle lurette, Bruxelles travaille sur
un PIB vert et de nombreux
organismes ont des indicateurs de
santé sociale. Autant d'outils
statistiques, autant d'outils
imparfaits, autant de mesures pour
cerner une vérité qui, de toutes
façons, est irréductible à une
colonne de chiffres. C'est n'avoir
pas compris ce qu'est la science
statistique que de lui demander
autre chose et de lui reprocher
d'être imparfaite, elle l'est par
définition.
Alors voilà, on va compléter le
PIB. Comment? Ah là,
immédiatement querelle! Car
chacun y va de sa petite arrière-
pensée. Mais bon, un peu d'ours par
ci, un peu de CO² par là, un peu de
qualité ajoutée à la quantité, un peu
de lutte contre la pauvreté... Autant
de choses bien utiles, personne n'en
doute mais... à la condition de
conserver le PIB, quitte à l'amender
un peu. Le PIB qui somme toute,
rend de bons et loyaux services. Et
les populations ne sont pas dupes
de la masturbation intellectuelle
autour des indices: la décroissance
qu'a apportée la récession n'a été du
goût de personne. Que la reprise
advienne! Que le PIB augmente! Et
vive le PIB!
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Éric Le Boucher (journaliste
économique).
Article publié le mardi 15
septembre 2009 sur le site Slate.fr
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Document n°3
Soyons archaïques, parlons du PIB
Il aura donc fallu que cinq Prix Nobel et une bonne vingtaine d'experts travaillent d'arrache-pied pendant de
longs mois pour arriver à la conclusion que la richesse ne fait pas le bonheur. Ce que la sagesse populaire
avait établi depuis longtemps. Et que le PIB est un indicateur imparfait des performances économiques et du
progrès social. Ce dont tous les économistes étaient persuadés depuis que cette mesure avait été mise au
point, au début des années 1930.
A écouter l'Elysée, la science économique aurait fait un pas de géant, cette semaine, avec la remise du
rapport de la commission présidée par Joseph Stiglitz, prévisionniste infaillible du passé et moraliste en chef
de l'économie mondiale.
Ayant définitivement renoncé à toute forme de libéralisme, prenant brutalement ses distances avec le
keynésianisme pour lequel le PIB ne progresse jamais assez vite, Nicolas Sarkozy surfe aujourd'hui sur la
mode de la bobo-décroissance. Lui qui promettait, il n'y a pas si longtemps, "d'aller chercher la croissance
avec les dents", a changé de cible. C'est désormais le bien-être qu'il vise. Ce n'est pas forcément plus facile à
atteindre, mais sans doute plus judicieux dans un pays qui enregistre un déficit chronique de croissance. Cela
dédouane de toutes les contre-performances à venir en la matière.
Comme l'écrit sèchement Eric Le Boucher, dans une tribune, "Vive le bon vieux PIB", publiée sur le site
Slate.fr, "les populations ne sont pas dupes de la masturbation intellectuelle autour des indices : la
décroissance qu'a apportée la récession n'a été du goût de personne". Pas dupes du fait, pour l'avoir
empiriquement constaté, avec la crise des subprimes, que quand le PIB recule, le chômage augmente, la peur
de s'y retrouver aussi, et au bout du compte le mal-être. Pas dupes du fait que, malgré les imperfections du
PIB, mieux vaut vivre en Norvège (55 600 dollars de PIB par habitant, espérance de vie de 80 ans) qu'au
Zimbabwe (500 dollars de PIB par habitant, espérance de vie de 37 ans).
Pierre-Antoine Delhommais (journaliste économique).
Article paru dans Le Monde du 20 septembre 2009.
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Document n°4
La crise rend encore plus nécessaire le recours à de nouveaux
indicateurs
Si l’on reconnaît que la crise actuelle est la
conjonction de phénomènes multidimensionnels, les
indicateurs les plus pertinents comme repères de sortie
de crise doivent accorder au moins autant de poids aux
questions sociales et écologiques qu’à l’économie et à
l’emploi.
On peut craindre que la gravide la crise actuelle et
la montée du chômage ne conduisent une partie des
responsables politiques à se replier sur la solution
classique : la croissance à tout prix, en dehors de toute
autre considération sur le sens du développement.
Quitte à prévoir transitoirement une forte intervention
publique pour « sauver les banques », « sauver
l’automobile », etc., sans toucher vraiment au modèle
global de croissance économique, pas plus qu’au
modèle bancaire, industriel ou agricole.
Une telle « sortie de crise » serait un leurre et pourrait
créer les conditions de crises plus graves à l’avenir. La
crise actuelle n’est pas la simple manifestation d’une
défaillance de la régulation financière contaminant
l’économie réelle. Elle a également une composante
sociale et une dimension écologique. Ces crises
forment un système.
Crise sociale d’abord. Cette crise s’explique aussi
par un surcroît d’inégalités et de précarité. Parmi les
facteurs déclenchants des « subprimes », il y a eu la
recherche de valorisation facile des revenus et
patrimoines démesurés d’une petite minorité, alors que
des ménages pauvres ou modestes, en nombre
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croissant, occupant des emplois plus précaires, étaient
poussés à l’endettement risqué en l’absence de
logements sociaux. Plus généralement, la misère et la
malnutrition s’aggravent dans le monde en dépit de la
croissance économique globale, pendant que le
nombre de millionnaires en dollars ne cesse de
progresser.
Crise écologique ensuite. Les mouvements
déstabilisants des prix des denrées agricoles ou du
pétrole sont dus à la spéculation à court et moyen
terme, mais aussi à des tendances de long terme de
raréfaction des ressources naturelles et de réduction
des terres arables pour l’alimentation. La quadruple
crise du climat, de la biodiversité, de la déforestation
et de l’eau ne cesse de s’amplifier.
Les inégalités environnementales et les inégalités
sociales se cumulent : 20 % de la population mondiale
utilise 80 % des ressources naturelles. Les émissions
de CO2 par habitant aux Etats-Unis sont douze fois
supérieures à ce qu’elles devraient être pour atteindre
un niveau mondial équitable et durable. Les
populations les plus fragiles seront et sont déjà les
premières victimes des dégradations de
l’environnement. Selon les institutions internationales,
230 millions de personnes subiront des migrations
forcées d’ici 2050 du fait du réchauffement climatique
essentiellement provoqué par la « croissance à tout
prix » des pays riches.
Dans ces conditions, conserver les yeux rivés sur le
PIB et sur sa croissance est le plus sûr moyen
d’enchaîner les crises et d’en accentuer les effets. Si
la crise actuelle est bien la conjonction de phénomènes
multidimensionnels et interdépendants, les indicateurs
les plus pertinents comme repères de sortie de crise
doivent accorder au moins autant de poids à la
réduction des inégalités, de l’insécurité sociale et de la
pression écologique qu’à l’économie et à l’emploi.
S’agissant de l’emploi, la question ne devrait plus se
résumer à : « quelle croissance du PIB pour créer des
emplois ? ». Elle devrait devenir : « quels objectifs de
bien-être durable et de cohésion sociale promouvoir et
quels emplois décents et utiles pour y parvenir ? »
Aujourd’hui, au moins dans certaines régions du
monde, le véritable risque n’est pas de manquer de
biens et services. Il est que la société dans laquelle
nous vivons devienne moins vivable parce que ce que
l’on considérait jusqu’alors comme un cadre
d’évidence ou une ressource gratuite
(l’environnement, le lien social…) s’avère fragile et
susceptible de dégradation voire de disparition.
De nouveaux indicateurs et de nouveaux systèmes
comptables constituent une urgence pour construire
une réponse systémique à cette crise elle-même
systémique. Ils nous serviraient de repères pour de
nouvelles politiques et de base pour des délibérations
collectives dont l'intensité constituerait l’un des
éléments clé de la vitalité des sociétés.
Contribution du collectif FAIR
Article mis en ligne le 22 janvier 2009 sur le site du
FAIR (Forum pour d'autres indicateurs de richesse).
Lexique :
« les subprimes » : crise des prêts hypothécaires à risque (les fameux subprimes) aux État-Unis en 2006, qui a contribué
au déclenchement de la crise financière mondiale de 2008.
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