Michel LASCOMBE et Xavier - Gestion et Finances Publiques

publicité
La
Cour des comptes
Michel LASCOMBE
Xavier VANDENDRIESSCHE
Professeur à l’IEP de Lille
Professeur à l’Université de Lille-2
Retour sur la responsabilité du comptable assignataire et du régisseur ou la fin de la jurisprudence « Blémont »...
On sait que, depuis la jurisprudence Blémont, le Conseil d’Etat estime (et cette position a été réitérée à plusieurs reprises) que la responsabilité du comptable assignataire reste engagée, alors même que le régisseur a obtenu décharge de responsabilité ou remise gracieuse.
Inutile de revenir ici sur les effets néfastes de cette jurisprudence (lesquels ont déjà fait l’objet de nombreux développements dans cette
Revue) ; qu’il nous soit simplement permis de nous féliciter qu’une fructueuse collaboration entre la Cour et la Direction générale de la
Comptabilité publique ait permis d’aboutir à une modification du décret nº 66-850 du 15 novembre 1966 relatif à la responsabilité
personnelle et pécuniaire des régisseurs de manière à exonérer le comptable assignataire, hors le cas de faute, de toute responsabilité à
raison de la mise en cause de la responsabilité des régisseurs placés sous son autorité. En effet, le décret nº 2004-737 du 21 juillet 2004
modifiant l’article 12 du décret nº 66-850 du 15 novembre 1966 relatif à la responsabilité personnelle et pécuniaire des régisseurs (1) prévoit
désormais : « Les sommes allouées en décharge de responsabilité ou en remise gracieuse aux régisseurs ou celles dont ceux-ci ont été
déclarés responsables mais qui ne pourraient pas être recouvrées ne peuvent être mises à la charge du comptable assignataire par le juge
des comptes ou par le ministre sauf si le débet est lié à une faute ou une négligence caractérisée commise par le comptable public à
l’occasion de son contrôle sur pièces ou sur place. »
Résumés de jurisprudence
résumés
Cour des comptes, 7e Chambre,
arrêt nº 36755, 18 juin et 24 juillet 2003,
Agence de l’eau Rhône Méditerranée
Corse
Gestion de fait ; personnes pouvant être
déclarées comptables de fait ; comptable
patent (nomination irrégulière).
ou encore lorsque les agissements reprochés sont le fait des régisseurs dont le
comptable est assignataire (CRC Aquitaine,
29 novembre 1990, Association « Comité
d’organisation du festival international de
musique et d’art dramatique de Bordeaux », Rec. C. comptes 141).
Nul ne peut échapper aux rigueurs de la
gestion de fait, pas même le comptable
public
apparemment
régulièrement
nommé et exerçant ses fonctions en
toute transparence. C’est le cas dans
l’espèce ci-dessous rapportée, un comptable public ayant été admis à faire valoir
ses droits à la retraite ayant été « régulièrement » nommé comptable de l’Agence
de l’eau. Cet arrêt permet ainsi de rappeler les hypothèses dans lesquelles un
comptable patent peut être attrait dans
une procédure de gestion de fait.
Le comptable public pourra également
être déclaré comptable de fait lorsqu’il
s’ingère dans des opérations relevant de
la compétence d’un autre comptable
patent (C. comptes, 7 mai 1958, Bantas et
Moreau, régie départementale des passages d’eau de la Vendée, Rec. C. comptes
69. CE, 4 octobre 2000, Ministre des
Finances c/ M. Pair, Rec. CE 385 ; La Revue
du Trésor 2001.122, concl. Seban [sol.
impl.]. C. comptes, 7 décembre 2000,
Communication du procureur général
nº 26626, Rec. C. comptes 233 ; RFD adm.
2003.592). C’est le cas par exemple d’un
trésorier-payeur général ayant continué
d’assurer la gestion comptable d’un syndicat mixte regroupant des communes et
un département en contradiction avec les
dispositions des articles 54 et 56 de la loi
du 2 mars 1982 (CRC Provence-Alpes-Côte
d’Azur, 6 avril 1993, SYMIVAL, La Revue du
Trésor 1994.118) ou de l’exécution par des
comptables d’établissements publics de
dépenses engagées par les services de
l’Etat, contraire au principe d’autonomie
de ces établissements (C. comptes,
21 novembre 1995, référé nº 8030, Rec.
C. comptes 289. Voir également, cidessous C. comptes, 7 avril et 7 juin 2004,
Lycée Jean-Rostand à Roubaix).
On sait tout d’abord que, comme
n’importe quelle personne physique ou
morale, les comptables patents peuvent
être déclarés en gestion de fait : lorsqu’ils
y ont participé activement (C. comptes,
12 avril 1949, Bonnell et Cohen-Solal, Commune mixte de Guergour, Rec. C. comptes
25 ; GAJF, 4e éd., nº 41 et jurisprudence
citée p. 354. CRC Provence-Alpes-Côte
d’Azur, 29 juin 1993, Gestion de fait des
associations territoriales d’Arles, La Revue
du Trésor 1996.508). Il en va de même s’ils
ne pouvaient ignorer les conditions
irrégulières de la gestion (CRC BasseNormandie, 25 février 1988, Commune de
Cormolain, La Revue du Trésor 1993.703)
38
Il peut encore s’agir d’une personne qui
occupe la fonction de comptable public
sans y avoir été régulièrement habilitée
(C. comptes, 22 mars 1994, Syndicat mixte
pour l’aménagement et l’équipement du
plateau de Valbonne, La Revue du Trésor
1994.517). Il en va de même lorsque la
nomination de l’agent comptable a été
annulée par le juge administratif
(C. comptes, 24 octobre 2002, Université
française du Pacifique, AJDA 2003.1222).
La Cour ne se fie pas aux apparences et
n’hésite pas à qualifier de comptable de
fait un comptable, nonobstant sa nomination par arrêté préfectoral, son installation
et sa prestation de serment comme comptable et le versement d’un cautionnement,
toutes formalités dont il justifie par pièces
régulières, dès lors que c’est sans titre suffisant qu’il s’est immiscé dans le maniement des deniers publics (C. comptes,
15 juin 1982, Institut départemental de
sourds-muets et d’aveugles de SaintMédard-les-Soissons, Rec. C. comptes 10.
V. aussi C. comptes, 2 juillet 1959, Receveur
irrégulier de l’OPHLM de Huningue, Rec.
C. comptes 25).
Mais la Cour va plus loin encore dans la
présente espèce puisqu’elle élargit le périmètre de la gestion de fait, d’abord au
trésorier-payeur général, en sa qualité de
supérieur hiérarchique et de responsable
du contrôle administratif du poste comptable en cause (art. 189 du RGCP). La Cour
estime en effet qu’il ne pouvait ignorer la
mise à la retraite de l’intéressé et qu’il a
(1) JO nº 173 du 28 juillet 2004, p. 13421.
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
ainsi toléré la gestion de fait. La Cour avait
déjà jugé que l’approbation par un trésorier-payeur général d’une convention
mettant en place une gestion de fait et
l’ouverture dans ses écritures d’un
compte de fonds particuliers pour
retracer les opérations font entrer le trésorier-payeur général dans le périmètre
de la gestion de fait dans l’exercice de ses
fonctions de contrôleur financier local
(C. comptes, 8 février 1996, Association
pour la promotion de l’information économique et sociale, La Revue du Trésor
1999.259). Plus largement, on sait que les
supérieurs hiérarchiques seront déclarés
comptables de fait « de longue main » dès
lors qu’ils ont ordonné ou connu et toléré
les faits (C. comptes, 8 février 1990, Régisseur d’avance du poste diplomatique
d’Accra et ambassadeur de France au
Ghana, Rec. C. comptes 28 ; La Revue du
Trésor 1995.767. C. comptes, 30 mars
2000, Association du comité social en
faveur du personnel communal de Villersles-Nancy, La Revue du Trésor 2001.33). Si
les supérieurs ont approuvé, encouragé,
facilité voire simplement toléré les irrégularités, ils seront déclarés en gestion de
fait lors même qu’ils n’ont pas pris l’initiative de celles-ci (C. comptes, 11 octobre
1961, Laqueuille, Rec. C. comptes 63.
C. comptes, 4 juillet 1985, Association
Média et vie sociale, Comiti et autres, Rec.
C. comptes 105 ; La Revue du Trésor
1992.50. CE, 9 juin 2000, Bergé, La Revue
du Trésor 2001.122). Le même raisonnement s’applique en l’espèce aux deux
signataires de l’arrêté de nomination du
comptable « retraité »...
Extrait
Attendu que par arrêt susvisé du
13 novembre 2002, la Cour a déclaré provisoirement comptable de fait des deniers de
l’agence de l’eau Rhône - Méditerranée Corse M. Vèque, au motif que ce dernier,
après avoir occupé régulièrement les fonctions de comptable de l’agence d’abord
comme titulaire jusqu’à la date de son
admission à la retraite survenue le 21 mars
1993, puis comme intérimaire désigné dans
l’intérêt du service par le directeur de la
comptabilité publique jusqu’au 5 juillet 1993,
a été nommé par un arrêté en date du
6 juillet 1993 agent comptable titulaire de
l’agence, fonction qu’il a conservée jusqu’au
5 juillet 1996 à la veille de son remplacement
par Mlle Jean ; qu’en effet, l’arrêté du
6 juillet 1993, qui mentionnait lui-même la
qualité de trésorier principal « honoraire » de
M. Vèque, n’avait pu lui conférer la qualité
de comptable public puisque celui-ci avait
été admis à faire valoir ses droits à la retraite
par limite d’âge, celle-ci ayant eu pour effet
de priver M. Vèque de tout lien avec le service ; que M. Vèque se trouvait donc
dépourvu de titre légal à manier les deniers
de l’agence pendant toute la période allant
du 6 juillet 1993 au 5 juillet 1996 ;
Attendu que dans sa réponse, M. Vèque
avance qu’il ne pouvait mettre en cause la
légalité d’un arrêté de nomination publié au
Journal officiel ;
Mais attendu que la simple publication d’un
acte de nomination au Journal officiel, qui
peut certes produire certains effets de
droit, ne saurait suffire à présumer de sa
légalité ni à lui permettre de constituer le
titre légal sans lequel un comptable ne peut
manier des fonds publics ;
Attendu que par l’arrêt susvisé, la Cour a
déclaré provisoirement comptables de fait
des deniers de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée - Corse MM. Laurent et Pinguet, respectivement directeur de l’eau au
ministère chargé de l’Environnement et
sous-directeur à la Direction de la Comptabilité publique à l’époque des faits, tous
deux signataires de l’arrêté du 6 juillet 1993,
au motif qu’ils avaient rendu possible la
gestion de fait en désignant irrégulièrement comme comptable une personne qui
ne pouvait prétendre à ce titre ;
Attendu que dans sa réponse, M. Pinguet
indique que la nomination de M. Vèque,
pourtant admis à faire valoir ses droits à la
retraite par limite d’âge, serait la conséquence du fait que le poste comptable de
l’agence ne pouvait désormais plus être
occupé en adjonction de service et nécessitait l’emploi d’un comptable à temps
plein, emploi qui n’avait pas été prévu dans
le budget de l’agence pour l’année 1993 ;
Mais attendu que les éléments d’opportunité mis en avant par M. Pinguet dans sa
réponse pour justifier le maintien dans ses
fonctions puis la nomination de M. Vèque
ne sont pas de nature à modifier l’appréciation juridique de la Cour ;
Attendu que M. Laurent estime dans sa
réponse n’avoir eu aucune influence sur la
nomination de M. Vèque, qui était le fruit
d’une procédure interne à la Direction de
la Comptabilité publique, et fait valoir qu’il
n’a, en tout état de cause, pas manipulé les
deniers de l’établissement ;
Mais attendu qu’en dépit des circonstances
administratives alléguées par M. Laurent,
celui-ci n’en a pas moins signé l’arrêté de
nomination qui a rendu possible la gestion
de fait ; que l’absence de manipulation des
deniers de sa part ne fait pas obstacle à une
déclaration de gestion de fait de longue
main ;
Attendu que par l’arrêt susvisé, la Cour a
déclaré provisoirement comptable de fait
des deniers de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée - Corse M. Drapé, trésorierpayeur général de la région Rhône-Alpes et
du département du Rhône à l’époque des
faits, à ce titre supérieur hiérarchique de
M. Vèque et chargé du contrôle administratif du poste comptable de l’agence de
l’eau, au motif qu’il n’avait pu ignorer que
la mise à la retraite de M. Vèque empêchait
que ce dernier pût être régulièrement
nommé à un poste comptable qu’il était
chargé de contrôler en application de
l’article 189 du décret susvisé du
29 décembre 1962 ; qu’en n’émettant
aucune réserve à l’encontre de cette nomination, il avait toléré les agissements qui
ont permis la gestion de fait ;
Attendu que M. Drapé affirme dans sa
réponse n’avoir eu aucun pouvoir pour
s’opposer à la nomination de M. Vèque, qui
était réglementairement de la responsabilité des ministres chargés de l’Environnement et du Budget ; qu’en outre, le
contrôle du trésorier-payeur général sur les
postes comptables des établissements
situés dans son ressort territorial se limitait
à la gestion administrative de ces derniers
et non à la nomination de leurs titulaires ;
Mais attendu que M. Drapé aurait dû
signaler au directeur de la comptabilité
publique l’impossibilité de nommer
M. Vèque au-delà de la limite d’âge, sur
laquelle il avait lui-même appelé l’attention
39
de sa hiérarchie peu auparavant en vue de
pourvoir à son remplacement à la tête de
la trésorerie de Lyon-Municipale ; qu’en
s’abstenant de le faire et en transmettant
sous son couvert la demande de M. Vèque
en date du 25 janvier 1993 sollicitant de la
Direction de la Comptabilité publique sa
nomination comme comptable de l’agence
à compter du 1er juillet 1993, M. Drapé a
bien toléré la gestion de fait et que, pour
ce motif, il peut être considéré y avoir participé ;
Attendu enfin que M. Vèque argue qu’il n’a
nullement dissimulé la gestion des fonds en
cause, puisqu’il a agi de manière découverte comme comptable patent de l’organisme ; que MM. Pinguet et Laurent mettent aussi en avant, dans leurs réponses
respectives, le caractère non occulte des
opérations ;
Mais attendu que si l’intention de dissimuler des opérations de gestion de fait est
une caractéristique fréquente de cette irrégularité, elle n’en est pas un élément
constitutif ; que la gestion de fait est
constituée à partir du moment où il y a
maniement de deniers publics par un
manutenteur dépourvu de titre légal ;
qu’en l’espèce, l’arrêté de nomination de
M. Vèque, survenu plusieurs mois après
l’admission de ce dernier à la retraite par
limite d’âge, ne constituait qu’une habilitation apparente qui ne pouvait produire des
effets vis-à-vis du juge des comptes ; qu’à
défaut de titre légal pour manier des
deniers publics, M. Vèque doit donc être
déclaré comptable de fait, ainsi que ceux
qui ont rendu possible cette situation ;
Par ces motifs,
Ordonne :
Statuant définitivement,
MM. Vèque, Pinguet, Laurent et Drapé sont
déclarés conjointement et solidairement
comptables de fait des deniers de l’agence
de l’eau Rhône - Méditerranée - Corse pour
l’ensemble des opérations exécutées du
6 juillet 1993 au 5 juillet 1996.
Cour des comptes, 3e Chambre,
arrêt nº 38655, 9 février 2004,
Université Paris-IX Dauphine
Dépenses ; primes, indemnités, rémunérations accessoires ; enseignement supérieur.
Dans l’espèce ci-dessous, la Cour reprend,
de manière particulièrement pédagogique, le raisonnement déjà tenu dans son
arrêt du 24 avril 2003, Université de Reims
(La Revue du Trésor 2004.551) s’agissant
des rémunérations complémentaires
accordées par les universités aux enseignants chercheurs. Ceux-ci ne peuvent en
aucun cas bénéficier de rémunérations
fondées sur le décret nº 76-193 du
24 février 1976 fixant le régime de rémunérations pour travaux supplémentaires
administratifs et techniques susceptibles
d’être versées par les universités aux fonctionnaires et agents de l’Etat qui les exclut
expressément de son champ d’application. Les agents comptables des universités liront ainsi avec intérêt le présent
arrêt qui reprend l’énumération des
diverses primes dont peuvent bénéficier
les enseignants chercheurs des universités
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
(prime de charges administratives ; prime
de responsabilités pédagogiques ; prime
d’encadrement doctoral et de recherche).
Ne disposant pas de fondement réglementaire pour le paiement des vacations
en cause, le comptable aurait dû suspendre le paiement. En effet, les primes
et indemnités doivent être justifiées,
d’une part, par la décision octroyant la
prime ou l’indemnité et précisant soit
expressément, soit par référence à un
texte législatif ou réglementaire régissant
l’avantage en cause, s’il y a lieu, l’assiette
globale de la prime et son montant global,
les catégories de bénéficiaires, et ses
conditions particulières de versement,
l’assiette de la prime individuelle, son
montant ou les modalités de détermination de son montant, d’autre part, par un
décompte individuel comportant la référence à la décision ainsi que les éléments
relatifs à l’assiette de la prime, sa liquidation et son montant (CRC Nord - Pas-deCalais, 8 juillet 1992 et 6 janvier 1993,
Commune de Courcelles-lès-Lens, Rec.
C. comptes 1993.7). S’agissant de primes
ou indemnités versées à des fonctionnaires, le comptable doit s’assurer qu’elles
sont bien autorisées par les textes en
vigueur (C. comptes, 5 mai 1988, ENS horticole de Versailles, Rec. C. comptes 61).
Ont ainsi été considérées comme des
pièces insuffisantes une simple décision
ministérielle sans qu’un texte législatif ou
réglementaire
autorise
la
prime
(C. comptes, 5 juillet 1967, Lycée
J.-Decour à Paris, Rec. C. comptes 111 ;
9 mars 1998, Ancien payeur général du
Trésor, La Revue du Trésor 1998.655) ou
des lettres signées par le directeur de
cabinet du ministre (C. comptes, 2 février
1989, note du Parquet nº 9061, Rec.
C. comptes 186). En l’espèce, le comptable ne pouvait se retrancher derrière
une note du Parquet de la Cour (au surplus antérieure au décret du 12 janvier
1990) ou une interprétation conjointe de
l’université et du ministère. En effet, dès
lors que le texte de référence encadre
précisément la prime dont s’agit, il n’est
pas possible de l’attribuer plus largement
et en particulier d’étendre une prime
prévue pour les agents des services informatiques
aux
simples
utilisateurs
(C. comptes, 15 mai 2003, Communauté
de communes du pays de Laval, La Revue
du Trésor 2004.208 ; RFD adm. 2004.208).
De même, les primes versées à des agents
contractuels sont irrégulières dès lors que
le décret les mettant en place ne prévoit
pas que ces agents puissent en bénéficier
(CRC Rhône-Alpes, 15 mai 2003, CHU de
Grenoble, La Revue du Trésor 2004.117).
Extrait
Sur l’injonction nº 3 de l’arrêt nº 36262
du 24 avril 2003 :
Attendu que, par un mandat nº 7112 du
18 juillet 2000 imputé sur le compte 641-42,
des vacations administratives d’un montant
total de 219 199,23 F (33 416,71 c) ont été
payées sur le fondement du décret
nº 76-193 du 24 février 1976 fixant le
régime de rémunérations pour travaux
supplémentaires administratifs et techniques susceptibles d’être versées par les universités aux fonctionnaires et agents de
l’Etat ; que ces rémunérations ont été
assorties d’un versement de taxe sur les
salaires par un mandat nº 7099 du 18 juillet
2000 imputé sur le compte 631 pour un
montant de 10 564,57 F (1 610,56 c) ; que
le décret nº 76-193 du 24 février 1976, sur
lequel sont fondées ces vacations, dispose,
dans son article 2, que « les personnels,
dont l’indice net de rémunération est inférieur ou égal au plafond mentionné au
deuxième alinéa de l’article 3 du décret du
6 octobre 1950 susvisé, peuvent percevoir
des indemnités horaires pour travaux supplémentaires suivant les mêmes conditions, plafonds et taux que ceux prévus par
ce texte » ; que le même décret ajoute,
dans son article 3, que « les personnels,
dont l’indice net de rémunération est supérieur au plafond visé à l’article 2 ci-dessus,
peuvent percevoir des vacations horaires
dont les taux unitaires sont déterminés en
application du tableau ci-après » ; que le
décret nº 76-193 du 24 février 1976 se
réfère donc, pour le paiement des vacations horaires, à un plafond défini par
l’article 3 du décret nº 50-1248 du 6 octobre
1950 modifié relatif au nouveau régime des
indemnités horaires pour travaux supplémentaires susceptibles d’être accordées
aux personnels civils de l’Etat ; que ce
décret nº 50-1248 du 6 octobre 1950
modifié est de surcroît visé par le décret
nº 76-193 du 24 février 1976 ; que
l’article 15 du décret nº 50-1248 du
6 octobre 1950 modifié dispose toutefois
que ce décret n’est pas applicable « aux personnels enseignants qui demeurent soumis
à une réglementation spéciale » ; que le
comptable ne disposait donc pas d’un texte
réglementaire pouvant fonder l’attribution
de ces vacations horaires pour travaux
supplémentaires administratifs à des enseignants ; qu’il a en conséquence été enjoint
au comptable de produire dans le délai de
deux mois la preuve du reversement dans
la caisse de l’université Paris-IX Dauphine de
la somme de 35 027,27 c (33 416,71 c +
1 610,56 c) ou, à défaut, toute autre justification susceptible de dégager sa responsabilité ;
Attendu que le comptable a répondu qu’il
avait lui-même incité l’ordonnateur à utiliser le décret nº 76-193 du 24 février 1976
pour rémunérer les enseignants pour des
tâches administratives liées à la pédagogie
et qu’il s’était appuyé à cet effet sur des
recommandations de la Cour des comptes
dont il avait eu connaissance dans ses fonctions antérieures d’agent comptable de
l’université Paris-IV - Paris-Sorbonne ;
Considérant que le comptable se réfère en
l’occurrence à une communication du procureur général de la Cour en date du
16 novembre 1983 qui critiquait le paiement d’allocations forfaitaires mensuelles
calculées au taux des heures complémentaires pour rémunérer des tâches telles
que la correction de copies, la participation
à des réunions et commissions pédagogiques, le contrôle et le suivi des étudiants ;
que cette communication dénonçait à bon
droit des paiements effectués sous forme
d’heures complémentaires pour rémunérer des tâches qui ne relevaient pas de
l’enseignement en présence des étudiants ;
qu’en outre cette communication, qui
n’était pas une décision juridictionnelle,
était antérieure aux textes réglementaires
fondant le régime indemnitaire des enseignants chercheurs actuellement en
vigueur ;
40
Considérant en effet que le décret nº 90-50
du 12 janvier 1990 dispose, en son article 2,
qu’une prime de charges administratives
peut être attribuée aux enseignants chercheurs qui exercent une responsabilité
administrative ; que le décret nº 99-855 du
4 octobre 1999 dispose, en son article premier, qu’une prime de responsabilités
pédagogiques est instituée dans les établissements d’enseignement supérieur pour
les enseignants qui exercent des responsabilités pédagogiques spécifiques en sus de
leurs obligations de service ; que le décret
nº 90-51 du 12 janvier 1990 dispose enfin,
en son article 2, que des primes d’encadrement doctoral et de recherche peuvent
être attribuées pour une période de quatre
années universitaires aux enseignants chercheurs qui exercent une activité spécifique
en matière de formation à la recherche et
par la recherche en plus de leurs obligations
statutaires ; qu’en application de ce régime
indemnitaire, des primes non cumulables
peuvent rémunérer des responsabilités soit
administratives, soit pédagogiques, soit de
formation dans le domaine de la recherche,
lorsqu’elles sont exercées par des enseignants au-delà des obligations de service ;
qu’aucune disposition ne précise en
revanche que le décret nº 76-193 du
24 février 1976 se surajoute à ce dispositif
indemnitaire qui rémunère en outre déjà
les responsabilités administratives assurées
par les enseignants chercheurs ; que de
surcroît le décret nº 50-1248 du 6 octobre
1950, qui fixe le seuil d’attribution des vacations horaires relevant de l’article 3 de ce
décret nº 76-193 du 24 février 1976, précise
lui-même qu’il ne s’applique pas, de façon
explicite, aux enseignants chercheurs ;
Considérant au surplus que l’état de liquidation sur le fondement duquel a été payé
le mandat nº 7112 du 18 juillet 2000
indique, sous l’intitulé « qualité justifiant de
l’attribution des vacations » les mentions :
directeur adjoint, directeur des études
(2 enseignants), responsable informatique
(4 enseignants), responsable de budget,
responsable langues, tuteur des relations
internationales, responsable de filières
(19 enseignants), responsable de diplôme
(15 enseignants), responsable de 1er cycle,
tuteur de stage (4 enseignants), etc. ; que
ces mentions correspondent à des responsabilités pédagogiques permanentes ; que
l’indication portée sur l’état de liquidation,
selon laquelle la qualité des bénéficiaires
justifiait de l’attribution des vacations, était
dès lors en tant que telle contradictoire
avec l’attribution de vacations horaires relatives à des travaux administratifs et techniques qui devaient nécessairement revêtir
un caractère ponctuel ; que le comptable,
constatant une contradiction entre les
mentions portées sur l’état de liquidation
et l’article 3 du décret nº 76-193 du
24 février 1976 sur lequel se fondait le
mandat, aurait dû suspendre le paiement ;
Considérant que cet état de liquidation
montre par ailleurs que, parmi les bénéficiaires, neuf enseignants ont bénéficié de
38 vacations, sept de 6 vacations, quatre de
21 vacations, quatre de 30 vacations... ; que
ces répétitions du même nombre de vacations ne peuvent correspondre à des travaux administratifs et techniques qui doivent revêtir un caractère ponctuel et dont
la durée est par nature variable ; qu’en
outre, par l’effet des taux horaires applicables aux différents indices de rémunération, l’état de liquidation aboutit au total à
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
sept vacations de 8 096,13 F exactement,
six de 4 048,06 F, cinq de 1 065,27 F, quatre
de 4 108,95 F, trois de 4 474,18 F, etc. ; que
ces montants identiques montrent que
l’université a entendu rémunérer de façon
forfaitaire, sous le couvert de « vacations
horaires », des fonctions pédagogiques
exercées sur la durée de l’année universitaire ;
Attendu qu’en conséquence ni le décret
nº 76-193 du 24 février 1976, ni l’état de
liquidation ne pouvaient justifier le paiement de vacations horaires pour travaux
supplémentaires administratifs à des enseignants.
Conclusions nº 7889
du 2 décembre 2003
(extrait)
Sur l’injonction nº 3 :
Cette injonction visait le paiement à des
enseignants de primes fondées sur le
décret du 24 février 1976 ;
Elle peut paraître sévère d’autant qu’en
l’espèce le comptable excipe d’une interprétation ministérielle favorable à sa thèse
et même d’une communication, il est vrai
fort ancienne, de la Cour laissant entendre
que ledit décret pourrait permettre la
rémunération de charges administratives ;
Il n’en reste pas moins que juridiquement
le décret du 24 février 1976 vise le décret
nº 50-1248 du 6 octobre 1950 qui définit
de manière limitative, en son article 15, les
agents susceptibles de bénéficier de vacations horaires pour travaux supplémentaires en excluant explicitement les enseignants ;
Or, comme Nous l’avons rappelé dans Nos
conclusions nº 7378 du 24 mars 2003 sur
l’université de Reims : « La Cour est en effet
parfaitement en droit d’exiger d’un comptable qu’il s’assure de la régularité du paiement d’une indemnité en confrontant la
situation individuelle des bénéficiaires
aux conditions limitatives posées par un
décret seulement visé par le texte réglementaire sur la base duquel l’indemnité est
versée (Conseil d’Etat, 8 décembre 2000,
Mme Kammerer) » ;
La juridiction pourrait certes tenir compte
des circonstances de l’espèce et notamment, même si elles ne s’imposent pas à
elle, des interprétations dont se prévaut le
comptable ;
Une telle attitude ne serait toutefois guère
équitable car elle aboutirait à renoncer à
tout reversement à Paris-IX alors qu’ils ont
été demandés et obtenus à Reims dans un
contexte juridique identique ;
Il y aurait donc lieu, à Notre sens, de réfuter
les arguments du comptable et de maintenir l’injonction de versement de la
somme de 35 027,27 c.
Cour des comptes, 2e Chambre,
arrêt nº 38665, 18 février 2004,
Ecole nationale supérieure
d’ingénieurs de constructions
aéronautiques (ENSICA)
Gestion de fait ; non-lieu à gestion de fait ;
cessation des irrégularités ; considérations
d’opportunité.
L’arrêt ci-dessous rapporté constitue, on
l’espère, une espèce isolée. En effet, la
Cour prononce ici un non-lieu à gestion
de fait alors que tout démontre son existence ; la Cour relève la « bonne volonté »
des dirigeants de l’Ecole qui avaient
engagé, dès 1999, des démarches de
régularisation ; elle souligne la faible
importance des sommes en jeu et indique
que les faits générateurs de la gestion de
fait ont cessé au 31 décembre 2002, soit
postérieurement à la déclaration provisoire du 22 février 2002.
On sait qu’en principe le reversement des
fonds n’a pas pour effet d’exclure la gestion de fait dès lors que la Cour constate
qu’il n’est intervenu qu’à la suite, par
exemple, d’un contrôle opéré par la Trésorerie générale (C. comptes, 21 février
1963, Dame George, GAJF, 4e éd., p. 287)
ou qu’après une injonction adressée par
la Cour au comptable patent (C. comptes,
5 février 1971, De Lachomette et Frétet,
Conseil supérieur de la chasse, Rec.
C. comptes 62). En l’espèce, rien ne
permet d’affirmer que les opérations irrégulières auraient cessé sans l’intervention
de la Cour...
Il est vrai que la juridiction financière avait
déjà pu justifier sa décision par le simple
défaut d’intérêt pratique de la procédure
en particulier lorsque les irrégularités
avaient cessé (C. comptes, 26 février 1996,
CROUS de La Réunion, Rec. C. comptes 9,
concl. contraires du procureur général ;
La Revue du Trésor 1996.596. C. comptes,
8 août 1994, Université de Nancy-II, Rec.
C. comptes 94. C. comptes, 25 mars 1999,
Université Claude-Bernard - Lyon-I
(CURAIO), La Revue du Trésor 1999.770 ;
RFD adm. 2000.1117. C. comptes, 14 juin
1999, Office de protection contre les
rayonnements ionisants, La Revue du
Trésor 2000.215 ; RFD adm. 2000.1117).
Ce sont parfois des considérations de
pure opportunité qui conduisent le juge
à prononcer le non-lieu comme par
exemple l’état de santé du comptable de
fait présumé (C. comptes, 26 janvier 1977,
Bibliothèque du Musée de l’homme, La
Revue du Trésor 1977.26).
Certes, le Conseil d’Etat a estimé que
« dans le cas où il y a reversement de la
totalité des sommes extraites irrégulièrement avant que n’intervienne la déclaration définitive de la gestion de fait, il y a
non-lieu à déclaration de gestion de fait
en raison de la régularisation ainsi intervenue » (CE, 23 février 2000, Ministre des
Finances c/ Association des conseillers
régionaux
de
Provence-Alpes-Côte
d’Azur, Rec. CE 99 ; La Revue du Trésor
2000.459 ; RFD adm. 2000.1117). Il n’en
reste pas moins vrai que l’office du juge
des comptes, en gestion patente comme
en gestion de fait, est d’ordre public et,
une fois encore, qu’il ne dispose pas de
l’opportunité des poursuites (voir également ci-après, notre note sous l’arrêt
nº 39089 des 10 mars et 23 mars 2004,
Ecole nationale supérieure des techniques
industrielles et des mines [ENSTIM] d’Alès).
Extrait
Attendu que, antérieurement à la transformation de l’ENSICA en établissement public,
la formation continue était confiée par le
biais d’une convention à l’« association des
amis de I’ENSICA » (AME) ;
Attendu que l’article 9 du décret créant
l’établissement public ENSICA donne au
41
directeur la mission de diriger l’Ecole, et
notamment d’ordonner les recettes et les
dépenses ; que l’article 2 de ce même
décret confie à l’ENSICA la mission d’organiser des cours de formation continue ;
qu’il faisait dès lors obligation à la direction
de l’Ecole d’assumer les missions antérieurement dévolues à l’AME ;
Attendu que les formations continues, au
sens classique, n’ont pas été organisées par
l’établissement public ; que I’ENSICA a
continué à confier à l’association AME
l’organisation de cours de formation
continue ; que ce fait apparaît clairement
dans les documents de l’association,
notamment dans sa plaquette de présentation ; que l’association a poursuivi son
activité dans les locaux de l’ENSICA ; que le
site internet de l’ENSICA présente l’AME et
a créé un lien avec elle ; que le dossier de
présentation de l’ENSICA à la commission
des titres d’ingénieurs, rédigé en 1998,
déclare que « l’offre de formation continue
est maîtrisée par l’Ecole, mais prise en
charge pour sa commercialisation et sa réalisation proprement dite par l’AME » ;
Considérant que l’AME n’a cependant signé
aucune convention visant à organiser l’activité de formation continue ; que l’instruction n’a pas fait apparaître que l’AME dispose d’un titre juridique pour recevoir les
sommes payées à la suite de la facturation
de cours de formation continue au lieu de
l’ENSICA, alors qu’il s’agit d’actions de la responsabilité de l’Ecole ;
Considérant dès lors que l’AME n’a pas été
habilitée à percevoir et à encaisser les
revenus de l’activité de formation continue
de l’ENSICA ;
Considérant que le directeur de l’ENSICA est
statutairement président d’honneur de
l’association ;
Considérant que l’association des amis de
l’ENSICA a payé sans titre légal des
dépenses qui ne pouvaient être acquittées
que par le comptable de l’Ecole, notamment une plaquette de présentation du
Mastère Hélicoptère, les frais de stand de
l’ENSICA chaque année au Salon du
Bourget, des frais de voyages d’études (facture du transporteur, prise en charge du
coût de personnes invitées...) ;
Considérant que les directeurs successifs de
l’ENSICA, MM. Jean-Louis Freson (depuis la
création de l’établissement public jusqu’en
septembre 2001), Bertrand Michaut (depuis
septembre 2001) ont partagé avec l’AME,
personne morale, la responsabilité des opérations irrégulières en organisant et en tolérant l’encaissement par l’AME des recettes
de formation continue et le paiement par
I’AME de dépenses incombant à l’établissement, et ce jusqu’au 31 décembre 2002,
date à laquelle l’AME a cessé toute activité
de formation ;
Considérant, dès lors, que l’AME et
MM. Freson et Michaut se sont ingérés sans
titre légal dans le recouvrement de recettes
et le paiement de dépenses destinées à un
organisme public doté d’un poste comptable, au sens de l’alinéa XI de l’article 60 de
la loi nº 63-156 du 23 février 1963 susvisée
et, qu’en application de cette même loi, ils
doivent rendre compte au juge financier de
l’emploi des fonds qu’ils ont irrégulièrement détenus ou maniés ;
Considérant que les faits relevés dans l’arrêt
provisoire du 22 février 2002 constituaient
bien l’infraction susvisée ;
Considérant toutefois que les dirigeants de
l’ENSICA avaient engagé des démarches
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
auprès de la tutelle de l’établissement
public pour faire cesser dès 1999 les faits
générateurs de la gestion de fait et en particulier pour pallier l’absence d’habilitation
écrite de l’ENSICA autorisant l’AME à percevoir des recettes de formation continue ;
Considérant que l’instruction a mis en
lumière la faible importance des sommes
en cause (reversement de l’ENSICA à l’AME)
qui serait globalement inférieure à 3 000 c
sur toute la période ;
Considérant que l’instruction a également
établi que les faits générateurs de la gestion
de fait avaient cessé au 31 décembre 2002 ;
l’AME ne déploie, depuis cette date, aucune
activité de formation continue ;
Par ces motifs,
Statuant définitivement,
Dit qu’il n’y a pas lieu à déclaration de gestion de fait dans les affaires ci-dessus développées et relatives à l’ENSICA et l’AME et
que de ce fait, l’injonction et les réserves
prononcées dans l’arrêt nº 32071 du
22 février 2002 sont levées.
Cour des comptes, 1re Chambre,
arrêt nº 38744, 19 février 2004,
Trésorier-payeur général
de la Côte-d’Or
Dépenses ; primes, indemnités, rémunérations accessoires. Circonstances atténuantes ou exonératoires ; approbation
par les autorités supérieures.
La lecture de l’arrêt ci-dessous (2) se suffit
à elle-même, tant la solution retenue par
la Cour est l’expression de sa jurisprudence constante. On relèvera toutefois
que le comptable indiquait, en substance,
qu’il n’avait fait qu’obéir aux ordres de sa
hiérarchie. En effet, alors même que le
montant de la prime attribuée excédait le
plafond réglementaire, la prime avait été
attribuée par décision du ministère de
l’Equipement, visée par le contrôle financier central et appuyée d’une lettre de la
Direction du Budget et de la secrétaire
d’Etat au Budget. C’est très logiquement
que la Cour écarte ces « documents »
comme ne pouvant constituer le fondement légal du paiement. Or, l’on sait que
si les ministres et le directeur de la Comptabilité publique sont en droit d’interpréter la réglementation à l’usage des
comptables, cette interprétation ne peut
s’imposer au juge des comptes
(C. comptes, 20 octobre 1994, Centre
départemental de gestion de la Fonction
publique de la Seine-Maritime, La Revue
du Trésor 1995.280. C. comptes, 2 mars
1995, Commune de La Ferté-SaintSamson, La Revue du Trésor 1995.546.
C. comptes, 4 mai 1995, Commune de
Canteleu, Rec. C. comptes 37, concl. du
procureur général ; La Revue du Trésor
1995.545. C. comptes, 12 octobre 1995,
Commune du Cateau-Cambrésis, La
Revue du Trésor 1996.28. C. comptes,
1er octobre 1997, Lycée Yves-Thépot à
Quimper, La Revue du Trésor 1998.165).
En clair, si le ministère des Finances veut
pouvoir attribuer la prime à un montant
supérieur à ce que prévoient les textes,
qu’il fasse modifier ceux-ci...
Extrait
Injonction nº 1 de l’arrêt nº 31 210 du
5 décembre 2001 :
Attendu qu’au cours de l’exercice 1997, le
comptable avait payé une prime de rendement pour la période du 1er janvier 1997 au
31 décembre 1997 au bénéfice de M. Pierre
Debeusscher, inspecteur général de l’équipement en poste à la Direction départementale de l’équipement de la Côte-d’Or,
pour un montant de 17 020,17 c ;
Attendu que l’article 47 du décret du
29 décembre 1962 portant règlement
général sur la comptabilité publique dispose que les opérations de dépenses sont
appuyées de pièces justificatives prévues
dans des nomenclatures établies par le
ministre des Finances ;
Que la nomenclature, alors en vigueur, des
pièces justificatives de l’Etat diffusée par
circulaire nº CD 1326 du 12 avril 1995 du
ministère du Budget a prévu dans sa partie
annexe que pour les indemnités de rendement, les pièces sont « la décision d’attribution » et « l’état liquidatif et nominatif
faisant référence au texte institutif de
l’indemnité et à l’arrêté fixant les taux en
vigueur » ;
Attendu que l’article 2 du décret nº 45-1753
du 6 août 1945 dispose que les primes de
rendement « essentiellement variables et
personnelles sont attribuées [...] dans la
limite de maxima fixés pour chaque catégorie d’agent et ne pouvant excéder, en
aucun cas, 18 % du traitement le plus élevé
du grade » ;
Attendu que le décret nº 50-196 du
6 février 1950 a étendu les dispositions du
décret nº 45-1753 du 6 août 1945 relatif aux
primes de rendement aux corps d’administration centrale ; que l’arrêté d’application
du 4 juillet 1974 rend les dispositions prévues par le décret nº 50-196 du 6 février
1950 applicables aux inspecteurs généraux
de l’équipement ;
Que le traitement le plus élevé afférent au
grade d’inspecteur général de l’équipement est fixé par rapport à l’indice hors
échelle C, 3e chevron ; que M. Debeusscher
était dans cette situation et qu’il percevait
la prime de rendement instituée par le
décret du 6 août 1945 ; que le traitement brut établi en référence à l’échelle C,
sur une base annuelle, s’établissait à
57 378,87 c ; que dans ces conditions le plafond réglementaire de 18 % s’établissait,
sur une base annuelle, à 10 328,20 c ;
Que M. Debeusscher a perçu pour l’année
1997, au titre de la prime de rendement,
un montant de 17 020,17 c, soit un dépassement de 6 691,97 c ;
Attendu que, par l’injonction nº 1 de l’arrêt
susvisé, la Cour avait enjoint à M. Dejean
d’apporter la preuve du reversement de la
somme de 6 691,97 c ou toute justification
à décharge ;
Attendu, qu’en réponse, les ayants droit du
comptable indiquent que la prime de rendement a été payée à M. Debeusscher au
vu des décisions d’attribution émanant du
ministère de l’Equipement, visées du
contrôleur financier central et conformément aux termes d’une lettre du
18 décembre 1973 de la Direction du
Budget qui prévoit pour cette prime un
taux plafond de 33 % du traitement le plus
élevé du grade ;
Qu’ils font valoir qu’une lettre de la secrétaire d’Etat au Budget en date du 6 mai
2002 confirme les bases des versements
effectués en 1997 et demande de
42
maintenir le régime indemnitaire au bénéfice des inspecteurs généraux de l’équipement ;
Attendu que ces documents ne constituent
pas le support législatif ou réglementaire
publié dans les formes légales, postérieurement à l’arrêté du 30 juillet 1974 et antérieurement au paiement, justifiant celui-ci
et qu’ils ne sont donc pas de nature à
dégager la responsabilité du comptable ;
Considérant qu’en vertu des articles 12
et 13 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité
publique, le comptable payeur est tenu de
s’assurer avant paiement, au titre du
contrôle de la validité de la créance, de
l’exactitude des calculs de liquidation ;
Considérant qu’en l’espèce le contrôle de
l’exactitude des calculs de liquidation
consistait à vérifier que l’indemnité
accordée et payée à M. Debeusscher respectait le plafond réglementaire prévu par
le décret nº 45-1753 du 6 août 1945 ; que
le comptable n’a pas exercé ledit contrôle.
Cour des comptes, 2e Chambre,
arrêt nº 39089, 10 mars et 23 mars 2004,
Ecole nationale supérieure
des techniques industrielles
et des mines (ENSTIM) d’Alès (3)
Gestion de fait ; non-confirmation de la
déclaration provisoire ; absence de rétablissement des formes budgétaires et comptables ; éléments de nature exceptionnelle ;
considérations d’équité.
Défaut de titre légal
Comme on le sait, l’intervention d’associations dans la gestion d’activités de service public n’est nullement proscrite par
principe par le droit public financier. Elle
suppose seulement que l’association en
cause dispose d’un titre légal l’habilitant à
recouvrer les recettes et à exécuter les
dépenses
de
l’organisme
public
(C. comptes, 24 octobre 1991, Commune
d’Antony, La Revue du Trésor 1992.136.
C. comptes, 9 juillet 1992, Compagnie des
eaux de l’ozone, Syndicat intercommunal
des eaux de Damazan-Buzet, Rec.
C. comptes 71 ; La Revue du Trésor
1992.815. C. comptes, 19 juin 1985,
2 octobre 1985, Cephyten, La Revue du
Trésor 1986.261).
Ainsi, il n’y a pas gestion de fait s’agissant
d’une association qui organise des enseignements complémentaires, mais avec
un personnel qu’elle rémunère, l’occupation des locaux de l’établissement public
ayant fait l’objet d’une convention qui
assure en contrepartie la gratuité de ces
enseignements pour les élèves en cours
de scolarité (C. comptes, 12 mars 1992,
Association des anciens élèves de l’ENPC,
RF fin. publ. 1993, nº 43, p. 146.
C. comptes, 11 septembre 1996, ENSTA,
Rec. C. comptes 84, concl. du procureur
général).
C’est donc bien le défaut de titre légal qui
entraîne l’irrégularité des opérations et la
déclaration de gestion de fait. C’est le cas
par exemple s’agissant de l’encaissement
(2) V. aussi C. comptes, 5 février 2004, Trésorier-payeur
général du Rhône, arrêt nº 38718.
(3) V. aussi, aux mêmes dates, arrêts nº 39091 (Ecole nationale supérieure des techniques industrielles et des mines
de Douai-Armines), 39093 (Ecole nationale supérieure des
techniques industrielles et des mines de Nantes) et 39095
(Ecole nationale supérieure des techniques industrielles et
des mines d’Albi-Carmaux).
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
d’une subvention destinée à rémunérer
un cycle de formation en contrepartie de
prestations fournies principalement par
l’université sans qu’une convention ait été
conclue entre l’association et l’université
(CE, 12 juin 1991, Epoux Sitbon et Association pour la recherche de nouvelles
méthodes pédagogiques, La Revue du
Trésor 1991.641).
Il va de soi toutefois que la seule présence
d’un « titre » ne peut valoir nécessairement « titre légal » au sens de la jurisprudence financière. Ainsi, la présence d’une
convention n’aura pas pour effet d’exclure une déclaration de gestion de fait si
les dépenses en cause ne pouvaient légalement être payées que par l’agent comptable de l’organisme public (C. comptes,
12 juin 1986 et 14 avril 1988, Société des
électriciens, électroniciens et radioélectriciens et MM. Poitevin, Directeur du Centre
national d’études des Télécommunications, et Bloch, Directeur de l’Information,
de la Coopération et des échanges techniques, Rec. C. comptes 222) ou si la
convention a un objet manifestement
étranger aux buts poursuivis par l’organisme (C. comptes, 30 juin 1988, Bertile et
Ethève, Commune de Saint-Philippe, Rec.
C. comptes 164).
En l’espèce, nulle convention ne liait
l’association Armines à l’Ecole des mines
d’Alès ; seule pouvait être invoquée une
convention de 1972 entre ladite association et l’Etat, les comptables de fait présumés soutenant que l’Ecole s’était vue
transférer les droits et obligations de
l’Etat en application d’un décret du
8 octobre 1991. La Cour relève toutefois
que cette convention est insuffisamment
précise pour constituer un titre légal et
qu’elle n’a pas été approuvée par le
conseil d’administration de l’Ecole, une
fois celle-ci érigée en établissement
public. Quoi qu’il en soit, en aucun cas
cette convention n’autorisait l’association
Armines à percevoir, en lieu et place de
l’Ecole, les recettes de formation
continue, objet du litige. Cette solution
doit être approuvée car la gestion de missions de service public (en l’espèce, la formation continue), en dehors des règles et
procédures prévues, doit faire l’objet
d’une approbation expresse par l’organisme public en cause comportant une
claire répartition des missions, des
moyens mis en œuvre et des conditions
financières qui en sont la conséquence.
« Non-confirmation » de la déclaration
provisoire
On le sait, la mission légale du juge des
comptes, dont la compétence est d’ordre
public, est d’apurer les comptes retraçant
l’emploi des fonds publics, qu’il s’agisse
de gestions patentes ou de maniements
irréguliers (C. comptes, 30 septembre
1992, Nucci et autres, Carrefour du développement, Rec. C. comptes 101 ; GAJF,
4e éd., nº 1 ; La Revue du Trésor 1993.218).
En tout état de cause, un non-lieu à gestion de fait devrait être exclu dès lors que,
comme dans la présente affaire, le Parquet et la Cour constatent que les éléments constitutifs d’une gestion de fait
sont réunis ; la procédure doit dès lors
être menée à son terme, sauf pour le juge
des comptes à méconnaître son « office ».
En effet, « sa compétence étant d’ordre
public, la Cour des comptes doit assujettir
à sa juridiction, par une déclaration de
gestion de fait, les personnes qui se sont
ingérées, sans titre légal, dans la détention
ou le maniement de deniers publics ou de
deniers privés réglementés dès lors que
les faits en cause ne sont pas couverts par
la prescription trentenaire » (concl. sur
C. comptes, 26 novembre 1981, Commune de Neuf-Marché, La Revue du
Trésor 1985.389). La juridiction financière
ne dispose pas du choix de « l’opportunité
des poursuites » dans la mesure où sa mission lui est confiée par la loi et qu’elle ne
peut donc y déroger, quelles que soient
les circonstances. Par conséquent, la
Cour, ainsi saisie d’opérations dont le
caractère de gestion de fait est incontestable, ne peut que prononcer ladite gestion de fait. La doctrine la plus autorisée
estime d’ailleurs que « la Cour commet
une irrégularité de procédure lorsqu’elle
fait état, pour la déclaration de gestion de
fait, d’éléments concernant l’apurement
du compte, par exemple le peu d’importance de la gestion, ou la difficulté d’établir un compte pour refuser de déclarer la
gestion de fait... » (P. de Mirimonde, « La
Cour des comptes », 1947, p. 197). En
l’espèce, ce sont de pures considérations
d’opportunité (les « éléments exceptionnels » évoqués par la Cour) qui justifient la
non-confirmation de la déclaration provisoire de gestion de fait. La Cour note en
particulier que le compte produit fait
apparaître un surplus de dépenses par
rapport aux recettes, surplus pris en
charge par l’association. En d’autres
termes, l’activité de l’association a
contribué à l’amélioration de la situation
financière de l’Ecole. Cette affaire n’est
pas sans rappeler l’arrêt Université ClaudeBernard Lyon-I, Association Collège universitaire Rhône-Alpes d’implantologie
orale (CURAIO) du 25 mars 1999
(La Revue du Trésor 1999.770). En l’espèce,
le défaut d’intérêt pratique reposait sur le
fait que les recettes qui avaient été encaissées par le CURAIO au titre des frais d’inscription avaient été utilisées pour équiper
l’université en matériel informatique et
audiovisuel et pour acquérir de la documentation ; en clair, comme l’indiquait la
Cour elle-même, les dépenses ainsi réalisées l’avaient été au bénéfice de l’université. Comme nous l’écrivions alors, « cette
position nous paraît hautement condamnable, d’autant que la Cour a déjà eu
l’occasion de préciser que l’existence d’un
avantage au profit de l’organisme public
ne faisait pas perdre aux deniers en cause
leur caractère de deniers publics
(C. comptes, 6 mai 1980, Gaubert et Valentini, Rec. C. comptes 122. C. comptes,
15 avril 1992, 12 juillet 1995, SOFREMER,
La Revue du Trésor 1996.419. C. comptes,
26 février 1996, CROUS de la Réunion, Rec.
C. comptes 9 ; concl. contraires du procureur général ; La Revue du Trésor
1996.596). [...] Faut-il conclure du présent
arrêt que toute gestion de fait se traduisant par un " enrichissement " de l’organisme public doit faire l’objet d’une décision de non-lieu ? L’irrégularité des
opérations serait-elle ainsi gommée par la
seule prise en compte de leur " rentabilité " ? L’enjeu n’est pas théorique car la
plupart des gestions de fait ne comportent aucune dimension frauduleuse et
reposent soit sur la méconnaissance des
règles de la comptabilité publique, soit sur
43
la volonté de les contourner dans un but
de simplicité et de rapidité. Si la notion de
" bénéfice " pour l’organisme public entre
désormais en ligne de compte, cela
signifie que l’objet même de la procédure
de gestion de fait a changé : il ne s’agirait
plus de rétablir la légalité budgétaire en
assujettissant le comptable de fait aux
mêmes obligations que le comptable
patent, mais de sanctionner le comptable
de fait qui n’aurait pas pris la précaution
d’affecter tout ou partie des résultats
de l’opération à l’organisme public en
cause ».
Considérations d’équité
On notera également que la Cour retient,
dans la présente espèce, une interprétation pour le moins innovante de la notion
de considérations d’équité. On sait en
effet que, hors le cas de mauvaise foi ou
d’infidélité du comptable de fait, le juge
peut suppléer par des considérations
d’équité à l’insuffisance des justifications
produites. Le juge sera d’autant plus
conduit à utiliser cette procédure que la
gestion de fait n’est pas entachée
d’appropriation personnelle (C. comptes,
23 avril 1998, Maire de Tarascon et
Association Tarascon-dialogue, Tarasconpassion, Tarascon-action, La Revue du
Trésor 1999.102). En fonction des circonstances de l’espèce, le juge pourra même
se contenter d’une déclaration sur l’honneur (C. comptes, 21 novembre 1990,
Centre de perfectionnement par correspondance de Rabat, La Revue du Trésor
1994.202). Or, dans le présent arrêt, la
Cour note que doivent être prises en
compte, en sus des considérations de
droit, des considérations d’équité tenant
à la connaissance acquise par les autorités
hiérarchiques des comptables de fait présumés du caractère irrégulier des opérations. A notre connaissance, ces « considérations d’équité » n’étaient jusqu’à
présent intervenues qu’en matière de
contrôle du compte des opérations de
gestion de fait, et non s’agissant de la
confirmation d’une déclaration provisoire.
Faut-il y voir un nouvel infléchissement de
la jurisprudence, le juge souhaitant se
laisser une plus grande marge de
manœuvre dans l’appréciation des circonstances de fait ? Nous ne le pensons
pas, tant la Cour insiste sur le caractère
« exceptionnel » de la situation des gestionnaires de l’Ecole des mines d’Alès.
Cette méthode jurisprudentielle n’est
toutefois pas à encourager car elle
contribue à discréditer la procédure de
gestion de fait. Les futurs gestionnaires de
fait présumés savent désormais qu’en
présence de circonstances « exceptionnelles » (excédent de dépenses sur les
recettes, approbation, voire organisation
du système par les autorités hiérarchiques), la procédure peut s’arrêter au stade
de la déclaration provisoire. Au surplus, on
a beaucoup de mal à comprendre pourquoi la Cour a renoncé à prononcer une
déclaration définitive de gestion de fait.
Faut-il rappeler, une fois encore, que
cette procédure ne présente aucun caractère « infamant » mais vise seulement au
rétablissement des formes budgétaires et
comptables ? Or, la Cour le reconnaît ellemême, un tel rétablissement n’a pu être
constaté en l’espèce. Dès lors que la Cour
était en possession du compte des opérations et de la reconnaissance d’utilité
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
publique des dépenses, rien ne l’empêchait de déclarer définitivement la gestion
de fait et de procéder à son apurement,
rien ne l’obligeant à prononcer une
amende pour gestion de fait. Cette solution eût été plus conforme à la jurisprudence traditionnelle de la Cour des
comptes et à sa mission légale de jugement des comptes, patents ou de fait.
Voici donc une nouvelle illustration du
caractère « objectif » du contrôle exercé
par le juge des comptes... (La Revue du
Trésor 2003.35).
Extrait
Arrêt
provisoire
nº
34628
13 novembre 2002 (extrait)
du
Statuant provisoirement en audience
publique,
Attendu que l’arrêt du 16 mai 2001 a
déclaré conjointement et solidairement
comptables de fait des deniers de l’ENSTIM
d’Alès MM. Cotte et Pugnère, chacun pour
la période où il a exercé ses fonctions de
directeur de l’Ecole et l’association
Armines, en raison du recouvrement par
cette association des recettes de formation continue qui auraient dû être encaissées par l’ENSTIM d’Alès ;
Sur la régularité des opérations de formation continue effectuées par
Armines :
Considérant que les intéressés rappellent
dans leurs mémoires en défense l’historique de l’association Armines et soulignent tout l’intérêt de la création de cette
association pour le domaine de la
recherche et les écoles des mines ; que la
Cour n’entend pas contester ces éléments
mais qu’il lui appartient au cas présent, en
tant que juge des comptes, d’apprécier la
régularité du maniement des deniers
publics de l’Ecole ; que l’apport de l’association Armines au secteur de la
recherche, s’il est un élément important
de contexte, est donc sans effet sur l’arrêt
à rendre ;
Attendu que les intéressés contestent leur
qualification de comptables de fait ;
Considérant qu’ils font valoir, en premier
lieu, que la convention passée le 21 juin
1972 entre l’Etat et Armines s’applique à
l’Ecole des mines d’Alès ; qu’en effet,
l’article 26-1 du décret du 8 octobre 1991
susvisé prévoit que les droits et obligations de l’Etat afférents à l’Ecole nationale
supérieure des techniques industrielles et
des mines d’Alès sont transférés à l’établissement ; que la validité de cette
convention serait prouvée par les divers
avenants dont elle a fait l’objet depuis
lors ; qu’enfin, cette convention vise explicitement, en son article premier, la formation à la recherche ;
Considérant qu’ils considèrent que l’applicabilité de la convention de 1972 à
l’ENSTIM d’Alès serait démontrée par la
lettre adressée par la direction des affaires
juridiques du ministère de l’Economie, des
Finances et de l’Industrie, le 23 novembre
1999, au conseil général des mines, lettre
qui indique que le régime des relations
entre Armines et les écoles d’Albi-Carmaux et Nantes pouvait s’aligner sur celui
des autres écoles des mines ; que dès lors,
ce serait régulièrement, sur le fondement
juridique de cette convention, que l’association Armines aurait exercé ses activités
à Alès ;
Considérant toutefois, comme le mentionne l’arrêt du 16 mai 2001, que le
décret précité dispose que l’ENSTIM d’Alès
a reçu parmi ses missions principales la
conduite d’actions de formation permanente des cadres techniques et administratifs dont ceux du ministère de l’Industrie ; que parmi les ressources de l’Ecole
figurent celles provenant des activités de
formation continue ;
Considérant que la convention du 21 juin
1972 liant Armines à l’Etat ne fixe pas clairement les droits et obligations des parties
et n’a pas été approuvée par le conseil
d’administration de l’Ecole lorsque celle-ci
a été érigée en établissement public ;
qu’elle se borne à définir le cadre général
d’une collaboration avec l’association qui,
même si elle évoque les activités de formation à la recherche, n’autorise pas
Armines à percevoir en lieu et place de
l’ENSTIM d’Alès les recettes de la formation continue ;
Considérant que la convention de 1972, à
supposer même qu’elle soit applicable à
l’ENSTIM d’Alès, et même si elle fait allusion aux activités de formation à la
recherche, ne prévoit pas qu’Armines
pouvait encaisser les recettes de formation permanente de l’ENSTIM d’Alès en lieu
et place du comptable de l’Ecole ; qu’elle
ne contient pas de dispositions prévoyant
les conditions dans lesquelles Armines
pouvait prendre en charge les opérations
de formation continue ; que la lettre du
23 novembre 1999 précitée indique d’ailleurs que « le fait que les décrets qui les
(les écoles) instituent en établissements
publics prévoient que les droits et obligations de l’Etat afférents aux anciennes
écoles sont transférés aux nouveaux établissements ne suffit pas à régler le problème » ; que c’est donc sans être habilitée
que l’association a perçu les recettes de
formation continue qui auraient dû être
perçues par le comptable de l’ENSTIM
d’Alès ;
Considérant que les intéressés font valoir,
en second lieu, que la Cour n’a pas, lors
de ces contrôles antérieurs, contesté la
validité de la convention de 1972 ni
dénoncé les opérations irrégulières et ne
pourrait en conséquence le faire
aujourd’hui ; que toutefois, le fait que la
Cour n’ait pas précédemment fait
d’observations, à une date d’ailleurs antérieure à la création de l’établissement
public de l’ENSTIM d’Alès, est sans effet
sur la capacité du juge financier à déclarer
aujourd’hui la gestion de fait ;
Considérant que les intéressés font valoir,
en troisième lieu, que les recettes perçues
par Armines pour les opérations de formation continue sont la contrepartie
d’une activité réelle de l’association, réalisée avec ses moyens propres, lesquels
seraient des deniers privés ; que le fait que
les activités d’Armines soient retracées,
comme le note la Cour, dans les rapports
d’activité de l’Ecole ne serait pas significatif de la confusion des rôles entre l’association et l’Ecole mais témoignerait de la
simple collaboration entre les deux institutions ; que le personnel employé pour
les opérations de formation continue est
recruté par Armines et soumis aux
44
dispositions applicables à l’association ;
que la formation permanente entre d’ailleurs dans l’objet social de l’association
mais ne serait qu’une activité accessoire
de l’Ecole ; que dès lors, la gestion de fait
ne serait pas avérée ;
Considérant que s’il n’est pas dénié
qu’Armines a consacré des moyens à la
formation
continue,
cette
activité
constitue toutefois une activité principale
de l’Ecole et non comme le soutiennent
les intéressés, une mission accessoire de
celle-ci ; qu’en effet, l’article 2 du décret
du 8 octobre 1991 définit les « missions
principales » de l’Ecole comme étant la formation initiale et continue d’ingénieurs
(1er al.) et la formation permanente des
cadres (2e al.) ; que les personnes rémunérées par Armines exercent leurs activités
dans les locaux de l’Ecole et sont portées
sur les listes des personnels de cet établissement ; qu’elles ont été recrutées par la
direction de l’établissement, avec des qualifications équivalentes à celles de ses
autres agents, que l’Ecole prend également les mesures concernant leur carrière ; que dès lors, c’est irrégulièrement
que les activités de formation dévolues à
l’Ecole ont été exercées par Armines ; (...)
Sur les responsabilités des directeurs
successifs de l’Ecole dans les opérations irrégulières :
Attendu qu’aux termes de l’arrêt du
16 mai 2001, MM. Cotte et Pugnère « ont
participé aux opérations irrégulières en
organisant et tolérant l’encaissement par
l’association Armines des recettes tirées
de son activité de formation et en utilisant
les fonds ainsi mis en place irrégulièrement auprès de cette association pour
payer diverses dépenses » ;
Attendu que dans leur mémoire en
défense, MM. Cotte et Pugnère font
valoir, d’une part, qu’ils n’ont pas organisé les opérations irrégulières, lesquelles
préexistaient à leur entrée en fonctions,
et qu’ils n’ont jamais réglé des dépenses
au moyen des fonds de l’association ;
Qu’ils allèguent, d’autre part, qu’ils ne
peuvent être accusés d’avoir toléré la gestion de fait dès lors qu’ils n’étaient pas
conscients d’une irrégularité dans le
maniement des deniers publics qui durait
depuis longtemps sans jamais avoir été
dénoncée, y compris par la Cour des
comptes elle-même ;
Qu’en outre, à supposer même qu’ils
aient eu conscience de l’irrégularité, ils ne
disposaient pas, à leur niveau qui était
celui de la seule Ecole d’Alès, des moyens
d’y mettre fin, moyens qui relevaient de
l’Etat et non des Ecoles des mines ;
Attendu toutefois qu’il est patent que les
directeurs des Ecoles des mines étaient
largement informés des irrégularités nées
de la gestion par Armines des opérations
de formation ; que la preuve en est
apportée par les pièces produites par les
intéressés en réponse à l’arrêt du 16 mai
2001, notamment par les lettres aux
directeurs des Ecoles des mines adressées
le 26 avril 1993 par le directeur de l’administration générale du ministère chargé
de l’Industrie et le conseil général des
mines et le 10 août 1994 par le conseil
général des mines, lettres qui évoquent,
dès cette époque, des solutions alternatives à la gestion par Armines des opérations de formation continue ;
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
Considérant que, dans ces conditions, les
directeurs successifs de l’ENSTIM d’Alès,
M. Maurice Cotte et M. Henri Pugnère, ont
toléré l’encaissement par l’association
Armines des recettes tirées des activités
de formation continue ; que dès lors, ils
sont objectivement gestionnaires de fait
des deniers de l’Ecole des mines d’Alès,
conjointement et solidairement avec
Armines ;
Que l’atténuation de leur responsabilité,
qui pourrait résulter des circonstances de
l’espèce invoquées dans les mémoires en
défense, telles que l’antériorité des irrégularités par rapport à leur entrée en
fonctions, le signalement insuffisant de
l’irrégularité des opérations, les difficultés
de la refonte des relations entre les écoles
et Armines, sera examinée par la Cour
lorsqu’elle statuera sur le principe et le
montant d’une éventuelle amende ;
Attendu que l’arrêt du 13 novembre 2002 a
déclaré provisoirement comptables de fait
des deniers de l’ENSTIM d’Alès, M. Cotte et
Pugnère, chacun en ce qui le concerne,
conjointement et solidairement avec l’association Armines, en raison du recouvrement
par cette association de recettes de formation continue qui auraient dû être, encaissées par l’Ecole ;
Attendu qu’en réponse à l’arrêt de la Cour,
les intéressés ont produit le compte des
opérations exécutées entre le 1er janvier
1992 et le 31 décembre 2001, qui était
demandé ;
Considérant que la régularisation d’une
gestion de fait ne peut être obtenue que
par la restitution des fonds irrégulièrement
maniés, par la réintégration des opérations
dans les comptes du comptable patent, ou
par l’habilitation rétroactive des gestionnaires de fait ;
Considérant toutefois qu’en l’espèce plusieurs éléments sont de nature exceptionnelle ;
Considérant tout d’abord que le compte
produit fait apparaître un surplus de
dépenses par rapport aux recettes, surplus
pris en charge par l’association Armines ;
Considérant ensuite que les dépenses du
compte, constituées notamment des
salaires et charges sociales des personnels
sous statut Armines mis à la disposition de
l’ENSTIM, se rapportent bien aux programmes de formation professionnelle de
l’Ecole ; que le compte produit n’appelle
pas d’observations de la part du juge des
comptes ;
Considérant que le conseil d’administration
de l’Ecole a reconnu l’utilité publique desdites dépenses ;
Considérant de plus que les personnes
mises en cause par l’arrêt du 13 novembre
2002 n’avaient pas la responsabilité exclusive des opérations irrégulières, lesquelles
étaient parfaitement connues des administrations de tutelle et du conseil général des
mines ; que des considérations d’équité
doivent donc être prises en compte, en sus
des considérations de droit ;
Considérant en dernier lieu qu’à la suite de
l’arrêt du 13 novembre 2002, les responsables de l’ENSTIM d’Alès ont activement participé à l’élaboration d’une convention avec
Armines, signée le 27 mai 2002, convention
qui définit le cadre juridique du partenariat
entre l’Ecole et l’association et qui a été
précisée par un avenant permettant à
l’association de percevoir les recettes des
contrats ; que sur cette base, des conventions annuelles d’application déterminent
depuis lors les programmes communs, les
moyens partagés pour les réaliser et fixent
les procédures et modalités des comptes
rendus d’exécution des contrats ;
organisé ou laissé organiser des opérations
de formation continue entrant dans la mission de l’ENSTIM par l’association Armines,
en l’absence de titre légal résultant notamment d’une convention, s’ingérant ainsi
dans la perception et le maniement de
fonds destinés à la caisse d’un établissement public administratif ;
Considérant que si ces différents éléments
ne permettent pas le rétablissement des
formes budgétaires et comptables réglementaires des opérations, les circonstances
très particulières de l’espèce, qui viennent
d’être rappelées, conduisent le juge des
comptes à ne pas confirmer la déclaration
provisoire de gestion de fait, sans préjudice
de l’appréciation qu’il pourra porter sur la
mise en œuvre de la convention précitée
du 27 mai 2002.
Les intéressés n’ont fourni aucun élément
de nature à contester le caractère de
deniers publics des recettes de l’activité de
formation permanente, ni à justifier d’un
titre en fonction duquel l’association aurait
été habilitée à recouvrer les recettes provenant d’une activité qui constitue une des
missions principales de l’Ecole, ni à établir
qu’il y aurait eu un versement par Armines
à l’ENSTIM d’une partie ou de la totalité du
coût des locaux, des équipements et du
personnel utilisés par l’association pour réaliser ses actions de formation continue ;
Conclusions nº 174 du 9 mars 2004
(extrait)
Sur la procédure :
Par arrêt nº 34628 du 13 novembre 2002,
la Cour, statuant provisoirement, a déclaré
conjointement et solidairement comptables de fait de deniers de l’Ecole nationale
des mines et des techniques industrielles
d’Alès, d’une part, l’association Armines et,
d’autre part, M. Maurice Cotte et M. Henry
Pugnère, directeurs successifs de l’Ecole,
pour avoir perçu des recettes et payé des
dépenses au lieu et place de l’agent comptable de l’établissement au titre d’opérations de formation continue réalisées entre
le 1er janvier 1992 et le 31 décembre 2001 ;
Dans sa décision, la Cour a enjoint aux personnes mises en cause de produire, premièrement, un compte dûment certifié et
signé par chacun d’eux, retraçant, tant en
recettes qu’en dépenses, la totalité des
opérations effectuées au moyen des fonds
publics en cause, deuxièmement, toutes
justifications de la nature et de la matérialité des dépenses alléguées, avec le cas
échéant, une délibération du conseil
d’administration de l’Ecole reconnaissant
leur utilité publique, ainsi que la preuve du
reversement dans la caisse de l’ENSTIM
d’Alès de sommes qui demeuraient détenues par eux ;
Dans leur réponse en date du 28 mai 2003,
les personnes en cause ont produit un
compte en recettes et en dépenses relatif
aux opérations de formation continue
pour la période du 1er janvier 1992 au
31 décembre 2001, une délibération du
conseil d’administration de l’Ecole en date
du 20 mai 2003 reconnaissant l’utilité
publique des dépenses effectuées pour
les opérations de formation continue, un
récapitulatif avec le détail des recettes
correspondant ainsi que les photocopies
des factures émises pour asseoir leur
recouvrement, un récapitulatif avec le
détail des dépenses ainsi que les photocopies des factures acquittées et une liste
des personnels d’Armines affectés à
l’organisation et à l’exécution des opérations de formation continue avec les éléments nécessaires au calcul des charges
sociales ;
Sur l’existence d’opérations constitutives de gestion de fait :
L’instruction diligentée confirme que
l’association Armines, ainsi que les directeurs successifs de l’ENSTIM d’Alès,
MM. Maurice Cotte et Henry Pugnère, ont
45
La Cour a jugé, à de multiples reprises, que
des contrats de recherche, réalisés pour le
compte de tiers dans les locaux des universités avec les moyens en personnel et en
matériel de celles-ci, « ne pouvaient être
valablement conclus que par les présidents
des universités contractant au nom de ces
dernières et que les sommes stipulées en
paiement ne pouvaient être encaissées que
par des agents comptables des établissements publics » (C. comptes, 21 décembre
1977, Association pour le développement
des recherches à Grenoble ; 1er mars 1978,
Centre d’études de physique théorique et
nucléaire Cephyten ; 23 janvier 1980, Association pour le développement de l’informatique dans les sciences humaines ;
2 décembre 1981, Association pour le développement des facultés de sciences de l’université de Paris ou encore 1er décembre
1982, Association Marc-Bloch) ;
Elle pourrait donc considérer que la
convention passée, entre l’Etat et Armines
le 21 juin 1972, ne saurait engager l’ENSTIM
qui n’a été créée que postérieurement ;
que, d’ailleurs, dans une lettre du
23 novembre 1999, la direction des affaires
juridiques du ministère de l’Economie, des
Finances et de l’Industrie a indiqué qu’il « ne
paraît guère envisageable de se référer à la
convention de 1972 dont il vient d’être
établi qu’elle était en partie inadaptée pour
résoudre les problèmes juridiques que
pourraient soulever les autorités ou organismes concernés par les relations entre
l’Ecole des mines d’Albi-Carmaux et
Armines » ; qu’en conséquence, c’est en
toute connaissance de cause que les intéressés ont poursuivi les opérations irrégulières ;
La Cour pourrait aussi rappeler, ainsi qu’elle
avait pu le mentionner dans son arrêt provisoire, qu’à supposer même que la
convention passée le 7 juin 2002 entre
l’ENSTIM et Armines permette d’exécuter
régulièrement les opérations de formation
continue, elle ne saurait avoir des effets
que pour l’avenir sans couvrir les irrégularités antérieures ;
Il ressort certes de la jurisprudence du
Conseil d’Etat que, dans le cas où il y a
reversement de la totalité des sommes
extraites irrégulièrement avant que n’intervienne la déclaration définitive de la gestion
de fait, il y a non-lieu à déclaration de gestion de fait en raison de la régularisation
intervenue (voir en ce sens, Conseil d’Etat,
23 février 2000, Association des conseillers
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
régionaux de Provence-Alpes-Côte d’Azur Association amicale du personnel de la
région PACA) ;
Elle pourrait cependant constater, en
l’espèce, que si des dispositions ont été
prises pour réintégrer pour l’avenir aux
comptes successifs les opérations de formation continue en recettes et en
dépenses, elles ne sauraient être regardées
comme étant de nature à constituer un
reversement de la totalité des sommes
extraites irrégulièrement ;
La Cour pourrait rappeler également que,
même si les intéressés ont produit une délibération du conseil d’administration de
l’Ecole en date du 25 novembre 2003
reconnaissant
l’utilité
publique
des
dépenses effectuées pour les opérations
de formation continue, le juge des
comptes n’en demeure pas moins compétent pour apprécier la régularité desdites
dépenses (voir, en ce sens, Cour des
comptes, 14 octobre 2003, Ch. réunies,
Commune de Levallois-Perret : « la reconnaissance par un conseil municipal de l’utilité publique des dépenses laisse entière la
compétence du juge des comptes pour
rejeter du compte des opérations irrégulières ») ;
Sur la suite de la procédure :
En ce qui concerne la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 2001 :
La Cour pourrait confirmer la déclaration de
gestion de fait pour l’association Armines
entre le 1er janvier 1992 et le 31 décembre
2001 et pour les directeurs de l’ENSTIM
chacun dans les limites de sa gestion
(M. Maurice Cotte du 1er janvier 1992 au
16 mars 1994 et M. Henry Pugnère du
17 mars 1994 au 31 décembre 2001) ;
En ce qui concerne la période du 1er janvier au 30 juin 2002 :
En toute rigueur, la Cour devrait à titre provisoire étendre la gestion de fait aux opérations réalisées au cours du premier
semestre 2002 les éléments constitutifs
d’une poursuite de la gestion de fait étant
incontestablement réunis ; toutefois, elle
pourrait s’en abstenir, dans la mesure où
un régime transitoire tendant à une régularisation a été mis en œuvre en 2002 ;
En ce qui concerne la période courant
depuis le 1er juillet 2002 :
En l’espèce, la Cour pourrait relever qu’une
convention a été préparée, sous l’égide du
Conseil général des mines et sous l’autorité
du secrétaire général du ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, dont
la dernière version permettrait de régler,
conformément à la jurisprudence de la
Cour, les relations entre l’association
Armines et les écoles en confiant à Armines
la réalisation de certaines opérations de formation continue pour le compte de l’Ecole ;
Elle pourrait rappeler que sa jurisprudence
a déjà admis, dans un cas de figure similaire,
que l’établissement public puisse ne pas
percevoir la totalité du produit des contrats
de recherche mais en abandonner contractuellement une partie à l’association constituée auprès de lui (C. comptes, 19 juin et
2 octobre 1985, Cephyten, arrêt de déclaration définitive de gestion de fait constatant que les opérations irrégulières ont pris
fin avec l’entrée en vigueur d’une convention conclue entre cette association et
l’université de Paris-XI).
Il conviendrait, en tout état de cause, de
souligner qu’une convention a été signée
entre l’ENSTIM d’Alès et Armines le 7 juin
2002 avec une entrée en vigueur le 1er juillet
2002 ;
En particulier, il ressort de l’avenant nº 1
relatif à la rédaction de l’article 4-1, quatrième alinéa, de la convention que « les parties conviennent qu’Armines est titulaire des
contrats dont les projets sont l’objet et perçoit en conséquence les recettes correspondantes ». En outre, la convention susvisée
organise de façon complète et équilibrée les
relations entre l’établissement public et
l’association conférant par là même un titre
légal à cette dernière au sens des dispositions de l’article 60-XI de la loi de finances
nº 636156 du 23 février 1963 ;
En conséquence, la Cour pourrait décider,
pour cette période, de ne pas déclarer de
gestion de fait ;
Nous tenons, cependant à la disposition de
la Cour pour inviter les signataires de la
convention à améliorer son dispositif ainsi
que la nécessité en a été soulignée par le
directeur des affaires juridiques du ministère de l’Economie, des Finances et de
l’Industrie dans une note en date du
14 février 2002 adressée au Conseil général
des mines selon laquelle « l’interprétation
du mode de fonctionnement des Ecoles
des mines et d’Armines autour de la notion
de centre commun, mise à jour par le projet
de convention, s’accommode malaisément
de l’objectif de clarté qui doit inspirer la
gestion d’établissements publics ainsi que
leur collaboration avec leurs partenaires ».
Cour des comptes, 4e Chambre,
arrêt nº 38985, 25 mars 2004,
Agence de développement rural et
d’aménagement foncier (ADRAF)
de Nouvelle-Calédonie
Constitution en débet ; compétence respective de l’Administration et du juge des
comptes ; arrêté conservatoire de débet.
Procédure ; caractère contradictoire.
Le Code des juridictions financières organise une répartition des compétences
entre le juge des comptes et l’administration financière s’agissant de l’apurement
des comptes des comptables publics. Ce
sont les articles R. 131-26, D. 131-27 et
suivants et D. 144-1 et suivants qui aménagent la procédure des arrêtés conservatoires de débet tandis que ce sont les
articles D. 231-18 à 231-31 qui régissent
les arrêtés de charge provisoire.
La différence entre ces deux types d’apurement administratif réside tout d’abord
dans la compétence juridictionnelle
finale : les arrêtés conservatoires de débet
relèvent de la compétence de la Cour des
comptes tandis que les arrêtés de charge
provisoire sont justiciables de la chambre
régionale territorialement compétente.
Mais il convient également de signaler que
les pouvoirs de l’autorité administrative
sont substantiellement différents. En
effet, l’article D. 231-25 prévoit ainsi que
les arrêtés de charge provisoire fixent les
soldes du compte et énoncent, sous
forme d’attendus, les observations pouvant entraîner la mise en jeu de la responsabilité du comptable. L’arrêté doit être
accompagné du ou des comptes de gestion apurés et des réponses apportées par
46
le comptable aux observations et injonctions du TPG ou du receveur particulier
des finances. En revanche, l’article
D. 131-32 dispose que les arrêtés conservatoires de débet fixent le montant du
débet à titre conservatoire.
On comprend mieux pourquoi la Cour et
le Parquet prennent soin de requalifier ici
ce que le TPG avait faussement qualifié
d’arrêté de charge provisoire en arrêté
conservatoire de débet, même si l’on ne
peut que regretter la complexité résultant
de cette dualité de procédures.
Quoi qu’il en soit, les arrêtés conservatoires de débet peuvent faire l’objet,
auprès de la Cour des comptes, d’une
demande de réformation, notamment
par le comptable intéressé (art. D. 131-35
du CJF). C’est cette procédure que la
comptable concernée a ici mise en œuvre,
se fondant, à titre principal, sur la violation
du principe du contradictoire. En effet, les
arrêtés conservatoires doivent être précédés successivement d’observations
puis d’injonctions (C. comptes, 25 janvier
1990, Lycée agricole de Sainte-Livradesur-Lot, Rec. C. comptes 16). La procédure
contradictoire n’est ainsi pas respectée si
les arrêtés conservatoires de débet n’ont
pas été précédés d’une injonction ferme
(C. comptes, 27 septembre 1988, Centre
hospitalier de Nemours, Rec. C. comptes
104. C. comptes, 13 juin 1991, Commune
de Coupvray, Rec. C. comptes 57.
C. comptes, 5 octobre 1995, Collège JeanPerrin à Vitry-sur-Seine, La Revue du
Trésor 1996.99).
Il y a également absence de caractère
contradictoire lorsque les injonctions sont
insuffisamment motivées (C. comptes,
25 janvier 1990, Lycée agricole de SainteLivrade-sur-Lot, préc.), lorsque le TPG ne
fait pas connaître au comptable le détail
des charges qui lui sont imputées
(C. comptes, 13 février 1992, Lycée agricole de Nérac, Rec. C. comptes 10 ; La
Revue du Trésor 1997.367), lorsqu’il n’y a
pas de concordance entre le montant
figurant dans les injonctions et ceux
retenus dans les arrêtés ou lorsque les
injonctions sont formulées de façon
ambiguë (C. comptes, 19 janvier 1989, TPG
de l’Hérault, Rec. C. comptes 5) ou encore
lorsque les pièces ou les calculs sur lesquels sont fondées les injonctions ne sont
pas communiqués (C. comptes, 24 mars
1993, Collège de Capesterre-Belle-Eau,
La Revue du Trésor 1993.629. C. comptes,
27 mars 1995, LEP et collège République
de Cayenne, Rec. C. comptes 7 ; La Revue
du Trésor 1995.765).
Dans le cas où la Cour conclut à l’absence
de caractère contradictoire, la constitution en débet, même seulement conservatoire, est jugée prématurée et nulle
(C. comptes, 13 juin 1991, Commune de
Coupvray, La Revue du Trésor 1991.849 ;
RF fin. publ. 1992.170). Dès lors, la Cour,
comme en l’espèce, infirme l’arrêté
conservatoire de débet (C. comptes,
4 février 1988, Commune de Senlis, Rec.
C. comptes 15. C. comptes, 11 décembre
1991, LEP Jean-Monnet à Lille, Rec.
C. comptes 111). Dans une telle hypothèse, la logique consiste pour la Cour à
évoquer directement l’affaire, comme le
préconise le Parquet dans la présente
espèce. Ce n’est toutefois pas, curieusement, la solution retenue par la Haute
Juridiction financière qui se contente
d’infirmer l’arrêté conservatoire.
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
Extrait
Vu la requête de Mme Annie Duchemann,
comptable de l’Agence de développement
rural et d’aménagement foncier (ADRAF) de
Nouvelle-Calédonie, reçue le 2 juin 2003 par
le trésorier-payeur général de NouvelleCalédonie, demandant la réformation de
l’arrêté de charge provisoire prononcé le
28 février 2003 par ce dernier, qui lui a été
notifié le 7 mars suivant et l’a déclaré débitrice d’une somme de 92 949,43 c ;
Vu le réquisitoire en date du 3 septembre
2003 par lequel le procureur général de la
République l’a saisie de la requête précitée,
ensemble les pièces et documents joints ;
Vu le Code des juridictions financières ;
Vu la loi nº 88-1028 du 9 novembre 1988,
portant dispositions statutaires et préparatoires à l’autodétermination de la NouvelleCalédonie en 1988 ayant notamment
conféré à l’ADRAF le statut d’établissement
public national ;
Vu les conclusions du procureur général de
la République, en date du 12 mars 2004 ;
Après avoir entendu M. Boulot, conseiller
maître, en son rapport et M. Chabrol,
conseiller maître, en ses observations ;
Sur la forme :
Attendu que l’article D.131-35 du Code des
juridictions financières habilite les comptables à demander la réformation des décisions d’apurement prises par les comptables supérieurs ;
Attendu que le trésorier-payeur général de
Nouvelle-Calédonie, agissant en tant que
comptable supérieur, a prononcé un arrêté
de charge provisoire à l’encontre de
Mme Duchemann, comptable de l’ADRAF,
pour un montant de 92 949,43 c, correspondant à des restes non recouvrés ;
Mais attendu que l’ADRAF est un établissement public de l’Etat ; que le trésorierpayeur général de Nouvelle-Calédonie,
agissant en tant que comptable supérieur,
doit certes en apurer les comptes mais que,
conformément aux dispositions de l’article D. 131-32 du Code des juridictions
financières, il ne peut mettre en jeu la responsabilité de son comptable qu’en prenant à son encontre un arrêté fixant le
montant d’un débet à titre conservatoire,
et non un arrêté de charge provisoire qui,
selon les dispositions de l’article L. 231-25
du même code, ne peut être prononcé
qu’à l’encontre des comptables relevant
des chambres régionales et territoriales des
comptes ; que l’arrêté de charge provisoire
du 28 février 2003 doit donc être requalifié
en arrêté conservatoire de débet ;
Sur le fond :
Attendu qu’aucune injonction n’a été formulée à l’encontre de Mme Duchemann
pour lui demander le reversement de la
somme de 92 949,43 c ; qu’en prenant
l’arrêté susmentionné du 28 février 2003,
le trésorier-payeur général de NouvelleCalédonie n’a donc pas satisfait aux conditions permettant d’assurer le caractère
contradictoire de la procédure ; que ce seul
motif est suffisant pour conduire à l’infirmation dudit arrêté ;
Attendu, en outre, que les réponses faites
par Mme Duchemann à la demande formulée par le comptable supérieur le 4 mars
1999 n’ont été ni discutées, ni réfutées
dans cet arrêté du 28 février 2003, pris ainsi
près de quatre ans plus tard par le comptable supérieur ;
Attendu que, de surcroît, les réserves formulées par la requérante le 29 juillet 1994,
dans les délais réglementaires, n’ont pas
été discutées alors que rien ne permet de
considérer qu’elles ne seraient pas justifiées ; qu’il y a lieu dès lors de les admettre
pour leur totalité ;
Attendu, enfin, que la comptable fait état
de diligences précises, y compris par voie
contentieuse, qu’elle a exercées en 1995 au
début de sa gestion et qui ont conduit à
des recouvrements ;
Par ces motifs,
Statuant définitivement,
Ordonne :
L’arrêté de charge provisoire du trésorierpayeur général de Nouvelle-Calédonie, du
28 février 2003, est requalifié en arrêté
conservatoire de débet.
Cet arrêté, ainsi requalifié, est infirmé.
Conclusions nº 185 du 12 mars 2004
(extrait)
Considérant que, par lettre du 17 juin 2003,
reçue au Parquet général le 8 juillet 2003,
le trésorier-payeur général de NouvelleCalédonie a transmis au secrétaire général
de la Cour des comptes l’arrêté dit de
charges provisoires qu’il a prononcé le
28 février 2003 sur la gestion de 1996 et
1997 de Mme Annie Duchemann, agent
comptable de l’Agence de développement
rural et d’aménagement foncier (ADRAF) de
Nouvelle-Calédonie, pour un montant de
92 949,43 c (11 091 818 F CFP), l’a informé
simultanément du recours en réformation
contre cet arrêté entrepris le 22 mai 2003
par la comptable, et lui a annoncé l’envoi
de l’intégralité des pièces des comptes
financiers pour les exercices concernés ;
Que, par bordereau du 8 juillet 2003, le chef
du service du greffe central et des archives
de la Cour des comptes Nous a transmis
pour attribution copie de la télécopie par
laquelle Mme Duchemann a adressé au
secrétaire général de la Cour son recours
en réformation de l’arrêté susmentionné,
en faisant valoir qu’il s’agissait non d’un
arrêté de charges provisoires mais d’un
arrêté conservatoire de débet prononcé
par le trésorier-payeur général dans le
cadre des articles D. 131-27, 28 et 32 du
Code des juridictions financières, dès lors
que l’ADRAF, établissement public de l’Etat
dont les comptes sont apurés par le trésorier-payeur général, relève de la compétence de la Cour et non d’une chambre
régionale ou territoriale des comptes ;
Que, selon Nous, compte tenu du statut de
cet établissement public créé par l’article 94
de la loi nº 88-1028 du 9 novembre 1988 et
de la répartition des compétences de jugement et d’apurement de ses comptes
entre la Cour et le trésorier-payeur général
définie par les articles L. 131-5 et D. 131-28
du Code des juridictions financières, il y a
effectivement lieu de requalifier la décision
prise par le trésorier-payeur général en
arrêté conservatoire de débet, notifié le
7 mars 2003 à la comptable, et pris en application de l’article D. 131-32 du Code des
juridictions financières, qui doit être
transmis à la Cour avec « la comptabilité et
tous documents nécessaires » afin que
celle-ci « statue à titre définitif » ;
47
Que, par ailleurs, aux termes des articles D. 131-35 et 36 du même code, « les
comptables (...) peuvent demander à la
Cour des comptes la réformation des décisions d’apurement prises par les comptables supérieurs dans un délai de quatre
mois à dater de la notification de la décision » et que « ces recours doivent être
remis ou adressés sous pli recommandé
au comptable supérieur qui en accuse
réception. Une copie de ce recours est
adressée par le requérant au secrétaire
général de la Cour des comptes » ;
Que, par réquisitoire nº 2003-26 du 3 septembre 2003, Nous avons saisi la Cour de
ce recours sur lequel il lui appartient de statuer ; (...)
Rappelons que la saisie de la Cour par lettre
du TPG du 17 juin 2003 transmettant sa
décision administrative et, parallèlement, le
dépôt d’un recours en réformation par le
comptable contre ladite décision, sont
deux procédures qui ne sont pas exclusives
et qu’il peut être statué sur la suite à leur
donner dans le même arrêt (cf. CC,
31 octobre 1979, Commune de PetitCanal (4)) ;
Constatons la recevabilité de la requête qui
répond aux conditions de forme et de délai
requises par les articles D. 131-35 et 36 du
Code des juridictions financières ;
Pour les raisons précédemment exposées,
concluons à la requalification de l’acte
attaqué en arrêté conservatoire de débet ;
Ajoutons que cet acte comporte le visa de
textes abrogés, notamment par codification, et qu’il ne vise pas le Code des juridictions financières ni en particulier ses dispositions portant sur les pouvoirs d’apurement d’un comptable supérieur à l’égard
des comptables subordonnés, ce qu’il
conviendra de relever ;
Notons que les pouvoirs de mise en débet
par le TPG ne peuvent être exercés qu’aux
termes d’une procédure contradictoire
déterminée par l’article D. 131-32 du Code
des juridictions financières : « les TPG et
autres comptables supérieurs chargés de
l’apurement administratif peuvent enjoindre aux comptables dont ils apurent les
comptes de produire, dans le délai d’un
mois, les pièces justificatives qui feraient
défaut. Ils prennent sur les comptes qui
leur sont soumis des décisions administratives établissant que les comptables sont
quittes ou en débet, et dans ce dernier cas,
leurs arrêtés fixent le montant du débet à
titre conservatoire » ;
Que, par bordereau du 4 mars 1999, le TPG,
vérifiant les soldes des comptes 411 et 463,
avait indiqué au comptable qu’il « convient
d’expliquer la raison pour laquelle la majorité des titres ne fait l’objet d’aucune tentative de recouvrement », en précisant que
les « réponses et justifications devront me
parvenir dans le délai d’un mois » ; que
cette formulation, bien que ne comportant
pas le terme d’injonction, pourrait être
considérée comme telle dès lors qu’elle fixe
avec précision la nature des explications
demandées et le délai imparti ; que le
recours à une injonction de « versement »
assortie d’un montant et préalable à la
constatation d’un débet, qui n’est rendu
obligatoire par aucun texte et ne résulte en
tout cas pas de l’article D. 131-32 précité, a
paru superflu au TPG dès lors que celui-ci
se plaçait, certes à tort, dans la logique d’un
(4) Rec. C. comptes 229.
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
arrêté provisoire de charges ; que, par ailleurs, l’arrêté « conservatoire » de débet
n’est pas une décision définitive à charge,
dans la mesure où elle est précisément seulement conservatoire et qu’elle sera soumise en tout état de cause à la Cour pour
que celle-ci prenne une décision définitive
(art. D. 131-32 précité) ; que, néanmoins, si
elle s’en tient à sa jurisprudence (CC,
23 septembre 1999, CET Henri-Barbusse à
Bagneux), la Cour pourrait juger qu’il devait
y avoir injonction quantifiée de reversement avant constitution, même provisoire,
d’un débet, et censurer ce vice affectant la
procédure contradictoire ;
Plus substantiellement, relevons que, par la
voie de son successeur, le comptable a
apporté le 3 mai 1999 des réponses à la
demande formulée par le TPG le 4 mars
1999 ; que celles-ci n’ont pas été discutées
et réfutées dans l’arrêté pris bien longtemps après par le TPG, le 28 février 2003,
lequel se borne à affirmer l’insuffisance de
diligences rapides, complètes et adéquates
préalablement à l’admission en non-valeur
desdites créances et à noter « qu’il n’a pas
été fait état d’une impossibilité de procéder
à des poursuites » ; que cette motivation
paraît insuffisante en ce qu’elle n’examine
pas précisément les réponses du comptable et n’explique pas pourquoi les
réserves de celle-ci à l’égard de son prédécesseur sont écartées ;
Concluons à l’annulation de l’arrêté du TPG
pour défaut de motivation et à l’évocation
par la Cour de l’affaire qui est en état d’être
jugée ; signalons à ce titre que cette évocation d’une affaire consécutive à une
annulation, qui résulte comme pour la procédure d’appel des principes généraux
applicables à une juridiction supérieure
saisie d’un recours, ne doit pas être
confondue avec le pouvoir d’évocation
attribué à la Cour en vertu de
l’article R. 131-26 pour évoquer par arrêt un
compte ayant fait l’objet d’une décision
d’apurement administratif dans le délai de
moins d’un an après la prise de cette décision (cf. la rédaction de l’art. en cause :
« lorsqu’un compte a déjà été arrêté, le
droit d’évocation ne peut s’exercer que
pendant un an à dater de la décision définitive rendue par le comptable supérieur » ;
en l’espèce, la décision étant du 23 février
2003, le délai est expiré à ce jour) ;
Constatons que le jugement de l’affaire au
fond conduit à évoquer les moyens élevés
par la requérante à l’appui de son recours
en réformation ;
Que le premier consiste à avancer les
réserves qu’elle avait émises le 29 juillet
1994 sur la gestion de ses prédécesseurs,
après son entrée en fonction le 1er février
1994, réserves qui ont été formulées dans
le délai réglementaire de six mois ; que ces
réserves portent sur l’absence, constatée à
sa prise de service, de toute poursuite en
vue du recouvrement de titres de recettes
dont le montant est plus de quatre fois
supérieur à celui qui a été retenu dans
l’arrêté de débet du TPG, qu’elles
s’appuient dans chaque cas sur le défaut de
biens saisissables connus à ce jour et sur
l’impossibilité de poursuivre les débiteurs
compte tenu du délai écoulé depuis la naissance de leur dette, soit par disparition du
gage sur lequel elle était assise, soit par
déménagement des débiteurs hors du territoire ;
Observons que rien dans le dossier ne
permet de considérer que ces réserves ne
seraient pas justifiées ; qu’il y a dès lors lieu
de les admettre pour la totalité des titres
dont la requérante avait été déclarée débitrice par l’arrêté du TPG ;
Quant au second moyen, sur lequel il ne
sera pas besoin de s’appuyer, notons qu’il
fait précisément état de la mise en œuvre
de diligences, y compris par voies contentieuses, exercées en 1995 au cours du
début de la gestion de la requérante et
ayant conduit à des recouvrements ;
Dans ces conditions, concluons à l’absence
de charge contre Mme Duchemann en
matière de recouvrement de titres dans la
période sous revue et rappelons qu’il y aura
lieu de notifier l’arrêt de la Cour aussi au
TPG afin que celui-ci en tire les conséquences, dans le cadre de la procédure
d’apurement administratif, pour accorder
décharge et quitus de Mme Duchemann au
regard de l’ensemble des opérations retracées dans ses comptes du 1er février 1994
au 31 mai 1997.
Cour des comptes, Chambres réunies,
arrêt nº 39273, 7 avril et 19 mai 2004,
(lecture publique)
Commune de Gourbeyre
Gestion de fait ; nature des recettes ;
recettes destinées à la caisse d’un organisme public ; extraction irrégulière de
fonds publics ; associations transparentes.
Procédure ; prescription décennale (loi du
21 décembre 2001).
Le droit public financier bénéficie, une
fois de plus, de l’apport inestimable de
Mme Michaud-Chevry qui ne semble
ménager ni son temps ni ses efforts pour
permettre au juge de faire progresser la
science financière. En effet, l’intéressée a
d’abord permis au Conseil d’Etat de considérer que l’article L. 131-2 impose à la
Cour des comptes, dans le cadre de la
procédure de gestion de fait, de mettre
les requérants à même d’exercer la
faculté d’être entendus ; à cet effet, la
Cour doit soit avertir le requérant de la
date de la séance à laquelle son recours
sera examiné, soit l’inviter à l’avance à lui
faire connaître s’il a l’intention de présenter des explications verbales pour
qu’en cas de réponse affirmative de sa
part, elle l’avertisse ultérieurement de la
date de la séance (5). En deuxième lieu,
cette affaire a permis à la Cour des
comptes (6) de préciser sa position quant
à la question, aujourd’hui réglée, de la
participation du rapporteur au délibéré et
sur le problème de la clôture de l’instruction et de l’échange des mémoires. Il
convient enfin de rappeler que la même
requérante a permis à la Cour de discipline
budgétaire et financière (7) de faire, pour
la première fois, application des dispositions de l’article L. 313-7 du CJF aux
termes duquel « toute personne mentionnée à l’article L. 312-1, dont les agissements auront entraîné la condamnation
d’une personne morale de droit public ou
d’un organisme de droit privé chargé de
la gestion d’un service public à une
astreinte en raison de l’inexécution totale
ou partielle ou de l’exécution tardive
d’une décision de justice, sera passible
d’une amende dont le minimum ne
pourra être inférieur à 2 000 F et dont le
maximum pourra atteindre le montant du
48
traitement ou salaire brut annuel qui lui
était alloué à la date où la décision de justice aurait dû recevoir exécution ».
Compte tenu d’un tel apport antérieur, le
lecteur sera certainement déçu à la lecture de l’arrêt ci-dessous, le juge n’ayant
guère l’occasion d’innover. Des précisions
importantes sont toutefois apportées en
matière de qualification des deniers
publics.
Le premier problème posé à la Cour
consistait à qualifier juridiquement les
versements opérés au profit du Comité
de gestion des œuvres sociales, les appelants considérant qu’il s’agissait de fonds
privés provenant du reversement volontaire par les élus locaux de leurs indemnités. Mais ce raisonnement ne pouvait
prospérer dans la mesure où les fonds en
cause avaient été imputés sur le compte
« subventions » et que ni leur montant ni
leur périodicité ne correspondaient au
reversement des indemnités des adjoints.
Au surplus, le Parquet note avec raison
que s’il s’était agi de fonds privés, il eût
été inutile que le Conseil municipal délibère sur le montant de ces versements.
Enfin, ces versements auraient dû constituer, pour les élus en cause, des revenus
imposables...
Ces versements constituaient par conséquent de véritables subventions dont le
maire de la commune de Gourbeyre avait
l’entière disposition dès lors que le
Comité de gestion des œuvres sociales
constituait une association transparente,
placée sous la totale dépendance de la
commune et de son maire. Or, on le sait,
lorsque l’ordonnateur délivre des mandats qui lui permettent de conserver
directement ou indirectement la maîtrise
de l’utilisation des fonds sortis de la caisse
publique, il sera déclaré gestionnaire de
fait (C. comptes, 4 août 1944, Lamirand,
Rec. C. comptes 34 ; GAJF, 4e éd., nº 37.
C. comptes, 21 octobre 1965, Mme Gouvart, ancien maire, M. Kermoal, secrétaire
de mairie, M. Lemaire, fournisseur,
Commune de Leffrinckoucke, Rec. C.
comptes 21. C. comptes, 24 février 1966,
Demange, Commune de Bourg-Bruche,
Rec. C. comptes 53).
On notera au surplus qu’il est de jurisprudence constante qu’un organisme
dépourvu de la personnalité juridique n’a
aucune qualité pour recevoir des deniers
publics et ses représentants ne sont pas
habilités pour donner valablement quittance au receveur des subventions reçues
(C. comptes, 28 septembre 1960, Riehl,
Comité des fêtes de Schiltighiem, Rec.
C. comptes 65 ; GAJF, 4e éd., nº 39.
C. comptes, 2 février 1966, Loiseau et
Dudouit, Rec. C. comptes 51. C. comptes,
25 juin 1981, Centre régional pour l’animation et le développement à Orléans,
Rec. C. comptes 170. C. comptes, 7 avril
1999, Commune de Gourbeyre, La Revue
du
Trésor
2000.357 ;
RFD
adm.
2000.1116). En l’espèce, le Comité de gestion des œuvres sociales constituait certes
une association, mais dépourvue de la
personnalité juridique en raison de
l’absence de déclaration en préfecture
(5) CE, 27 octobre 2000, Mme Michaux-Chevry et M. Madinecouty, Rec. CE 475 ; Rec. C. comptes 131 ; La Revue du
Trésor 2001.125 ; RFD. adm. 2001.480.
(6) C. comptes, 19 décembre 2001, Commune de Gourbeyre, Rec. C. comptes 109 ; La Revue du Trésor 2003.218.
(7) CDBF, 20 décembre 2001, Janky c/ Région Guadeloupe
et Mme Michaux-Chevry, La Revue du Trésor 2004.41.
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
prévue par l’article 5 de la loi du 1er juillet
1901. Or, comme le souligne la Cour, les
subventions versées à une association
non déclarée sont irrégulières.
En deuxième lieu, il fallait encore à la Cour
qualifier les sommes perçues à l’occasion
de la délivrance de permis de construire.
Certes, ces prélèvements n’étaient pas
obligatoires, mais ils étaient opérés dans
les locaux de la mairie, après remise d’un
document officiel et établissement d’un
reçu par un agent municipal. La Cour fait
ici application de sa jurisprudence relative
au sentiment du contributeur. En effet, le
caractère public des fonds entraînant la
qualification de gestion de fait peut
résulter du « sentiment » de la personne
qui s’acquitte du paiement, s’agissant par
exemple du versement par des forains au
trésorier d’un comité des fêtes de droits
de place ayant revêtu tous les aspects
d’une recette communale alors même
que le tarif n’en avait pas été régulièrement établi et qu’aucune règle n’avait été
instituée pour le recouvrement et
l’emploi de ces recettes (C. comptes,
8 avril 1935, Trésorier de la commission
des fêtes de Poissy, Rec. C. comptes 32)
ou de la perception illégale de taxes établies par le représentant légal de la collectivité, perçues par un fonctionnaire municipal selon un barème affiché en mairie
sur des personnes qui avaient le sentiment de s’acquitter d’une dette envers la
commune (C. comptes, 20 juin 1952,
Commune de Bouafle, Rec. C. comptes
45 ; GAJF, 4e éd., nº 32. C. comptes,
20 mars 1975, Centre hospitalier
d’Annecy, La Revue du Trésor 1978.433).
On lira enfin avec intérêt l’extrait des
conclusions du Parquet sur l’arrêt provisoire relatif à la mise en œuvre de la prescription décennale issue de la loi du
21 décembre 2001.
Extrait
Entendu à l’audience publique de ce jour
M. Duchadeuil, conseiller maître, en son
rapport, Mme Gisserot, procureur général
de la République en ses conclusions orales
et Me de Guillenchmidt, conseil de
Mme Michaux-Chevry et de M. Madinecouty, la défense ayant eu la parole en dernier ;
Après avoir délibéré hors la présence du
rapporteur et entendu Mme FromentMeurice, conseiller maître, en ses observations ;
En ce qui concerne les fonds extraits de
la caisse communale pour être versés
au CGOS :
Sur la nature des versements :
Attendu que Mme Michaux-Chevry et
M. Madinecouty font valoir en premier lieu,
dans leur mémoire en réponse susvisé, que
« lesdits versements, d’un montant global
de 290 000 F, ne constituent pas des subventions communales mais des fonds
privés provenant du reversement volontaire des indemnités des élus locaux au
CGOS, association qui a été créée par les
élus en 1989, dans le but de venir en aide
aux personnes les plus démunies de la commune » ; qu’à l’appui de leur assertion, les
intéressés rappellent que le caractère de
deniers privés que représentaient les fonds
prélevés sur les indemnités des adjoints
était incontestablement confirmé par la
délégation que ces derniers avaient signée,
le 3 avril 1989 ; que par cette délégation, les
adjoints renonçaient à percevoir personnellement les indemnités légales auxquelles ils
avaient droit et donnaient mandat au
comptable de verser lesdites sommes au
compte ouvert par le CGOS, à la banque
SGBA ;
Attendu toutefois que cette délégation qui
ne permettait de verser directement au
CGOS les indemnités des adjoints, à partir
du compte 666 « indemnités », qu’aux
conditions préalables de liquider les indemnités suivant la quotité retenue par le
Conseil municipal, de déduire les prélèvements obligatoires et d’inscrire ces montants sur un bulletin de salaires, n’a pas eu
de suites ;
Attendu en effet que les fonds versés au
CGOS pour le montant global de 290 000 F
ont fait l’objet de trois mandats nº 1374 du
29 novembre 1989, nº 1048 du 29 octobre
1990 et nº 1030 du 12 septembre 1991,
signés par l’ordonnateur, Mme MichauxChevry, alors maire de la commune de
Gourbeyre, imputés sur le compte 657
« subventions » et portant en objet de la
dépense la mention suivante « Subvention
allouée pour l’année 19.. » ; que la qualification de subventions donnée aux fonds
versés au CGOS est expressément utilisée
dans une délibération du conseil municipal
de Gourbeyre en date du 31 mars 1989
décidant, pour le compte 657 « subventions
aux associations », d’affecter un crédit
global de 110 000 F aux associations et de
« reverser les sommes prélevées sur les
indemnités des adjoints sur le compte des
œuvres sociales de Gourbeyre » ;
Considérant au surplus que la périodicité
des versements au CGOS qui ont été effectués chaque année en une seule fois ne
correspond pas à la périodicité mensuelle
des indemnités et que les montants alloués
(90 000 F, 100 000 F et 100 000 F) sont sans
corrélation directe avec les indemnités
abandonnées par les adjoints ;
Considérant dès lors que les fonds versés
sur le compte des œuvres sociales de Gourbeyre constituaient bien des subventions et
donc des deniers publics et non des fonds
privés ;
Attendu que les intéressés font valoir en
deuxième lieu que la responsabilité de
l’imputation des versements au CGOS sur le
compte 657 « subventions » et non sur le
compte 666 « indemnités » est imputable
au comptable public qui en a fait la
demande au maire de la commune de
Gourbeyre, par bordereau en date du
3 mars 1989, « pour tenir compte des exigences comptables » ;
Considérant que sauf à mettre en œuvre la
procédure de la délégation mentionnée cidessus, aux conditions précitées, la seule
solution régulière de versement des fonds
correspondant aux économies réalisées sur
les indemnités non versées aux élus était
l’allocation de subventions imputées sur le
compte 657, demandée à juste titre par le
comptable, en application des contrôles
qu’il est tenu d’exercer en matière de
dépenses et qui portent notamment sur
l’exacte imputation des dépenses aux chapitres qu’elles concernent ;
Considérant en outre que la déclaration
provisoire de gestion de fait n’est pas
fondée sur l’imputation comptable des
fonds versés au CGOS sur un compte de
49
subventions, demandée par le comptable
public, mais sur l’extraction irrégulière de
ces subventions ;
Sur l’extraction irrégulière des subventions :
Attendu que le conseil municipal de la commune de Gourbeyre a décidé, par délibération du 31 mars 1989, de constituer un
fonds de secours pour venir en aide aux
personnes démunies ; que, pour mettre en
œuvre cette décision, et comme l’ont rappelé les intéressés dans leur mémoire en
défense cité ci-dessus, une association,
dénommée Comité de gestion des œuvres
sociales (CGOS), a été constituée, selon
l’article 4 de ses statuts, « pour la durée du
mandat du maire en place » ; qu’elle a été
domiciliée à la mairie de Gourbeyre et que
Mme Lucette Michaux-Chevry, alors maire
en fonctions, en a été désignée comme
président et M. Fred Madinecouty, alors
secrétaire général de la commune, comme
trésorier ; que ses statuts ont donné au
président les pouvoirs les plus étendus ;
que le compte bancaire de l’association a
été ouvert au nom de « Mme MichauxChevry Lucette, mairie de Gourbeyre, 97113
Gourbeyre », puis au nom de « Mme le Maire
de Gourbeyre, mairie de Gourbeyre, 97113
Gourbeyre » ; qu’ainsi Mme Lucette
Michaux-Chevry avait l’entière disposition
des recettes encaissées par l’association et
notamment des subventions versées par la
commune qui ont conservé entre les mains
des représentants de l’association le caractère de deniers publics ;
Attendu que cette association n’a pas fait
l’objet de la déclaration à la préfecture
prévue par l’article 5 de la loi du 1er juillet
1901 qui prévoit que « toute association qui
voudra obtenir la capacité juridique prévue
par l’article 6 devra être rendue publique
par les soins de ses fondateurs » ; qu’elle
n’avait donc pas la capacité juridique lui
permettant, en particulier, de recevoir des
subventions publiques ; que le mémoire en
réponse susvisé ne conteste pas ce raisonnement de la Cour mais qu’il fait valoir « que
si une association non déclarée n’est normalement pas habilitée à recevoir des subventions, elle peut parfaitement recevoir
des dons d’origine privée car elle a une personnalité juridique réelle » ;
Considérant qu’il a été établi précédemment que les fonds versés au CGOS étaient
des subventions publiques et non des dons
privés ; que l’article 6, alinéa 1, de la loi du
1er juillet 1901 précitée dispose que « toute
association régulièrement déclarée peut,
sans aucune autorisation spéciale, ester en
justice, recevoir des dons manuels ainsi
que des dons d’établissements d’utilité
publique, acquérir à titre onéreux, posséder et administrer, en dehors des subventions de l’Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs
établissements publics : 1º les cotisations
de ses membres (...) ; 2º le local destiné à
l’administration de l’association et à la réunion de ses membres ; 3º les immeubles
strictement nécessaires à l’accomplissement du but qu’elle se propose » ; qu’il ressort des dispositions combinées des articles 5 et 6 de la loi de 1901 précitée que
les subventions publiques versées au profit
d’une association non déclarée sont irrégulières, comme l’a admis le mémoire en
défense susvisé ; qu’en conséquence, les
fonds publics ainsi versés dans des conditions irrégulières ont conservé leur
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
caractère de deniers publics entre les
mains des représentants de l’association
bénéficiaire ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède
que les subventions de la commune de
Gourbeyre d’un montant total de 290 000 F
(44 210,21 c) ont été irrégulièrement
extraites de la caisse communale ;
En ce qui concerne les participations
perçues à l’occasion de la délivrance
des permis de construire :
Attendu que, dans son arrêt de déclaration
provisoire de gestion defait, la Cour, constatant par ailleurs que des redevances et participations versées par des personnes privées avaient été collectées par des agents
de la mairie et avaient donné lieu à l’établissement de récépissés comportant comme
mention « œuvres sociales de Gourbeyre »,
a considéré que les personnes qui les avaient
réglées ne pouvaient qu’être conduites à
estimer que les versements, effectués entre
les mains d’un agent public et à la mairie,
étaient destinés à la caisse communale ; que
la somme de 124 500 F (18 979,90 c) représentant le produit de ces différentes redevances et participations a été directement
versée à l’association, alors que, représentant des fonds publics, elle aurait dû être
encaissée par le comptable public ;
Attendu que le mémoire en défense fait
valoir en premier lieu que les versements
volontaires au CGOS ne sont pas des recettes
publiques, au sens de l’article 22 du règlement général sur la comptabilité publique,
dès lors qu’ils ne résultent d’aucune disposition législative, réglementaire, juridictionnelle ou même contractuelle ;
Considérant cependant que les recettes
publiques intègrent, parmi les « autres produits » visés par l’article 22 précité, les dons
et les legs que les collectivités locales sont
autorisées à encaisser en application des
articles L. 2122-21, L. 2122-22 et L. 2242-1
du Code général des collectivités territoriales ; qu’elles comprennent donc les versements en cause considérés par
Mme Michaux-Chevry et M. Madinecouty
comme des participations volontaires ;
Attendu que ces derniers soutiennent également que ces participations constituaient
des concours facultatifs et non des redevances, comme la Cour l’aurait à tort considéré ;
Considérant que l’emploi des termes
« redevances et participations » fait par la
Cour est sans incidences sur le fondement
de l’arrêt qui retient comme élément
constitutif de la gestion de fait non l’éventuelle irrégularité de redevances mais les
conditions dans lesquelles sont intervenus
les versements, en leur donnant toutes les
apparences de recettes destinées à un
organisme public, au sens de l’article 60-XI
de la loi du 23 février 1963 susvisée ;
Attendu que Mme Michaux-Chevry et
M. Madinecouty allèguent enfin à cet égard,
qu’aucun élément ne permet d’établir, en
l’espèce, que l’intention des parties versantes était de gratifier la commune ;
Considérant que si, en l’espèce, l’intention
des parties versantes de destiner les fonds
à la commune de Gourbeyre ne s’est pas
manifestée explicitement, les conditions
dans lesquelles sont intervenus les versements établissent que les personnes qui
ont réglé ces participations ne pouvaient
qu’être conduites à estimer que leur
concours était destiné à la caisse
communale ; qu’il résulte des pièces du
dossier et de l’instruction que les donateurs
n’ont manifesté ni l’intention de voir
employer leurs dons en marge de la comptabilité de la commune ni celle de verser
ces fonds à l’association CGOS ;
Considérant en effet qu’il résulte du dossier
que des paiements ont eu lieu dans les
locaux de la mairie, ont été effectués entre
les mains d’un agent public de la mairie et
non entre celles du trésorier de l’association et que les reçus portaient la mention
du service d’urbanisme de la mairie ; que,
comme l’a reconnu la présidente du CGOS
lors de l’instruction, les reçus de ces règlements remis par un autre agent de la mairie
portaient un timbre intitulé « pour les
œuvres sociales de Gourbeyre » et non
« pour l’association CGOS » ; et qu’enfin, de
façon générale, les chèques étaient libellés
à l’ordre « des œuvres sociales de Gourbeyre » et en aucun cas à celui de l’association CGOS ; qu’au demeurant, les donateurs
ne disposaient d’aucun élément leur permettant de connaître le nom de cette association qui n’était pas déclarée, qui n’était
pas citée dans les délibérations de la commune et dont l’intitulé ne figurait sur aucun
document remis aux donateurs ;
Considérant, dans ces conditions, que les
donateurs ne peuvent qu’être présumés
avoir fait libéralité à la commune et que
l’encaissement de leurs participations sans
titre légal par le CGOS est constitutif d’une
ingérence dans le recouvrement de
recettes destinées à la commune ;
Considérant que Mme Michaux-Chevry et
M. Madinecouty, en tant respectivement
que président et que trésorier de l’association, ont ainsi encaissé, détenu et manié,
sous leur seule responsabilité et aux lieu et
place du comptable public, des sommes qui
avaient la nature de fonds publics ; qu’il y a
lieu, en conséquence, de conférer un
caractère définitif à la déclaration de gestion de fait.
Conclusions nº 7018
du 21 octobre 2002
rendues sur l’arrêt provisoire nº 35080
du 20 décembre 2002
(extrait)
Sur l’éventuelle prescription des faits :
Depuis l’entrée en vigueur de la loi
nº 2001-1248 du 21 décembre 2001 relative
aux chambres régionales des comptes et à
la Cour des comptes, l’article L. 131-2 du
CJF est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’action en déclaration de gestion de fait
est prescrite pour les actes constitutifs de
gestion de fait commis plus de dix ans avant
la date à laquelle la Cour des comptes en
est saisie ou s’en saisit d’office » ;
Sur la base d’une analyse développée dans
Nos conclusions nº 6417 du 9 janvier 2002
sur un rapport relatif à des faits présumés
constitutifs de gestion de fait de deniers de
l’université Claude-Bernard Lyon-I largement citées par M. le Rapporteur, et plus
récemment dans les conclusions précitées
nº 6969 du 3 octobre 2002 auxquelles Nous
renvoyons, Nous avons été conduits à
estimer que la prescription de dix ans est
applicable, dès publication de la loi, aux
déclarations de gestion de fait, même si
celles-ci concernent des faits dont tout ou
partie est antérieur à la loi ;
Cette conception qui paraît manifestement
en adéquation avec les intentions du
50
législateur a été adoptée par la Cour des
comptes, 5e Chambre, dans un arrêt du
13 février 2002 rendu sur une gestion de
fait de deniers de l’Etat (« Fonds pauvreté
et fonds d’action sociale EDF-GDF gérés
pour le compte de la Direction générale de
l’action sociale par la Fondation de
France ») : « ... cette disposition législative,
qui constitue une règle de procédure,
s’applique d’office aux actes constitutifs de
gestion de fait même commis à une date
antérieure à sa promulgation » ;
Elle est confortée par l’arrêt (non encore
notifié) des chambres réunies rendu le
9 octobre 2002 dans l’affaire du lycée JeanRostand ;
La question soulevée par les modalités
d’interruption de la prescription a trouvé
un début de réponse avec l’arrêt du
13 février 2002 qui juge, qu’en l’espèce, le
premier acte interruptif de la prescription
est l’arrêt prononçant à titre provisoire la
déclaration de gestion de fait ;
Cette solution s’applique toutefois au cas
où la juridiction financière se saisit d’office
d’actes constitutifs de gestion de fait et où
aucun acte traduisant cette autosaisine
n’est intervenu avant la déclaration provisoire de gestion de fait ;
Dans le cas, en revanche, où la juridiction
financière est saisie par un réquisitoire de
son Ministère public, c’est ce réquisitoire
qui, à Notre avis, interrompt la prescription
(cf. en ce sens, Nos conclusions précitées
du 9 janvier 2002 et du 3 octobre 2002 suivies dans ce dernier cas par les chambres
réunies, dans un arrêt non encore notifié).
Il nous semble incontestable qu’en l’espèce
le réquisitoire du 22 mars 1995 qui a saisi la
juridiction financière, c’est-à-dire aussi bien
la chambre régionale compétente en premier ressort que la Cour aujourd’hui compétente dans le cadre d’évocation faisant
suite à un appel, a valablement interrompu
la prescription instituée postérieurement
par la loi du 21 décembre 2001 ;
Cet acte interruptif couvre l’ensemble des
faits susceptibles d’être englobés dans le
périmètre de la gestion de fait, qui ne distingue pas entre les opérations explicitement mentionnées dans le réquisitoire
(encaissement par le comité de gestion des
œuvres sociales [CGOS] de Gourbeyre de
redevances perçues à l’occasion de la délivrance de permis de construire) et celles
mises à jour par l’instruction du rapporteur
de la chambre régionale (perception irrégulière par le CGOS, association non déclarée,
de subventions communales) ;
En effet, dans les deux cas, il s’agit de
deniers de la commune de Gourbeyre, le
but poursuivi est de procurer des ressources financières au CGOS et d’utiliser les
fonds ainsi recueillis en dehors des règles
de la comptabilité publique et les dépenses
ainsi réalisées ne peuvent être distinguées
suivant l’origine des recettes ; en outre, les
personnes en cause sont les mêmes pour
l’ensemble des opérations, à savoir
Mme Michaux-Chevry et M. Madinecouty ;
En conséquence, la Cour est en mesure de
considérer qu’aucun des faits présumés
constitutifs de gestion de fait dont la
chambre régionale des comptes a été saisie
ne serait prescrit, ces faits étant survenus
entre 1989 et 1995 et le réquisitoire du
Ministère public ayant interrompu la prescription décennale le 22 mars 1995.
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
Conclusions nº 123
du 16 février 2004
(extrait)
Considérant que la Cour des comptes, siégeant toutes chambres réunies après cassation et renvoi par le Conseil d’Etat, a, dans
sa séance du 19 décembre 2001, statué de
nouveau sur les appels formés par
Mme Lucette Michaux-Chevry et M. Fred
Madinecouty contre le jugement du 11 juin
1998 de la chambre régionale des comptes
les déclarant définitivement comptables de
fait de deniers de la commune de Gourbeyre ;
Qu’elle a décidé d’annuler ledit jugement
en soulevant d’office un moyen tiré du
caractère irrégulier de la composition de la
formation qui l’a rendu, d’évoquer l’affaire
et de procéder à une instruction complémentaire ;
Que, par arrêt du 20 décembre 2002, siégeant toutes chambres réunies à l’issue de
cette instruction complémentaire, la Cour
des comptes a déclaré provisoirement
comptables de fait des deniers de la commune de Gourbeyre, conjointement et solidairement, Mme Michaux-Chevry et
M. Madinecouty, respectivement président
et trésorier de l’association Comité de gestion des œuvres sociales (CGOS) de Gourbeyre ;
(...)
Sur les opérations en cause :
La réponse des gestionnaires de fait
n’apporte pas réellement d’éléments nouveaux au regard de ceux que Nous avons
déjà longuement examinés dans Nos
conclusions nº 6228 du 8 octobre 2001
pour les rejeter ou pour considérer qu’ils
étaient sans incidence sur l’existence d’une
gestion de fait ;
En ce qui concerne les fonds extraits de la
caisse communale pour être versés au
CGOS, il ressort clairement de l’article 6,
alinéa premier de la loi du 1er juillet 1901
qu’une association non déclarée telle que
le CGOS n’a pas la capacité juridique de recevoir des subventions publiques. Suivant une
jurisprudence de la Cour constante sur ce
point depuis l’arrêt Riehl et Krauskopf,
Commune de Schieltigheim du 28 septembre 1960 jusqu’à l’arrêt du 17 septembre 1999, Jeunesse et patrimoine international, les fonds publics versés dans de
telles conditions irrégulières conservent
leur caractère de deniers publics entre les
mains des représentants de l’association
bénéficiaire, ceux-ci n’ayant aucun titre
légal à les encaisser, à les employer et à
donner valablement quittance au comptable public de leur versement. Ce point
n’est d’ailleurs pas véritablement contesté
par les comptables de fait ;
Il convient donc surtout d’écarter l’argument suivant lequel les sommes versées ne
constitueraient pas des subventions mais
des contributions volontaires au CGOS
financées par l’abandon par les élus municipaux d’une fraction de leurs indemnités et
donc des deniers privés. S’il est exact que
ces élus ont renoncé au bénéfice d’une
partie des indemnités auxquelles ils auraient
pu prétendre, il n’en reste pas moins que
les versements effectués au profit du CGOS
par le receveur municipal l’ont été au vu de
mandats signés de Mme Michaux-Chevry
comportant l’intitulé « subvention »,
imputés sur le compte 657 « subventions »
et dont le montant n’est pas directement
corrélé à celui des indemnités abandonnées
par les élus. On notera de surcroît que la
périodicité de ces versements ne correspond pas à celle des indemnités, et que s’il
s’était agi de fonds privés, il aurait été inutile
que le Conseil municipal délibère sur le
montant de ces versements, les élus
auraient simplement donné instruction au
comptable public pour que leurs indemnités soient virées au compte du CGOS et
non à leur compte personnel, le mandatement des indemnités aurait été imputé au
compte 666 « indemnités des élus » et non
au compte 657, et les sommes en cause
auraient, pour les élus concernés, constitué
des revenus imposables ;
En ce qui concerne les sommes perçues
à l’occasion de la délivrance des permis
de construire, même si l’on admet que ces
contributions n’étaient pas obligatoires, il
résulte d’une jurisprudence bien établie de
la Cour, rappelée par M. le Rapporteur, que
le critère prédominant à prendre en
compte est l’intention des parties versantes, ou, si cette intention n’est pas
manifeste, les conditions dans lesquelles
intervient le versement. Or, le dossier fait
ressortir que les personnes qui ont réglé
ces contributions ne pouvaient qu’être
conduites à penser que leur versement
était destiné à la caisse communale,
compte tenu notamment des circonstances de fait qui entouraient cette opération : paiement dans les locaux de la mairie,
après remise d’un document officiel et
avec établissement d’un reçu par un agent
d’un service municipal agissant dans le
cadre de ses fonctions. Il n’est, en outre,
pas contesté que ni ces reçus, ni la délibération instituant la redevance ne mentionnaient l’existence du CGOS et qu’aucune
convention passée entre la commune et
cet organisme n’a habilité ce dernier à percevoir le produit de la redevance ;
Dans ces conditions, les contributions perçues avaient toutes les apparences d’une
« recette destinée ou affectée à un organisme public » au sens de l’article 60-XI de
la loi du 23 février 1963, et leur encaissement sans titre légal par le CGOS est
constitutif d’une gestion de fait indépendamment du caractère obligatoire ou non
des versements ;
En effet, si ces recettes doivent être tenues
pour des dons et non pour des redevances,
elles n’entreraient pas moins dans les
« autres produits autorisés par les lois et
règlements en vigueur » au sens de
l’article 22 du décret nº 62-1587 du
29 décembre 1962 portant règlement
général sur la comptabilité publique, dans
la mesure où le Code général des collectivités territoriales (art. L. 2122-21, L. 2122-22
et L. 2242-1) habilite les communes à recevoir des dons et legs. Rien n’empêcherait
donc d’y voir des recettes destinées à une
caisse publique ;
La Cour Nous paraîtrait donc fondée à
conférer un caractère définitif à la déclaration de gestion de fait ;
Sur la suite de la procédure :
Si la Cour était conduite à rendre définitives
les dispositions de son arrêt provisoire du
20 décembre 2002 en ce qui concerne la
déclaration de gestion de fait, aucune
contradiction relative au périmètre de cette
dernière ou aux personnes en cause n’existerait
avec
les
jugements
passés
51
définitivement en force de chose jugée des
18 janvier, 21 mars et 8 août 2000 par lesquels la chambre régionale des comptes de
Guadeloupe a fixé la ligne de compte de
cette gestion de fait, infligé des amendes à
Mme Michaux-Chevry et M. Madinecouty,
puis au vu des versements effectués, les a
déclarés quittes et libérés de leur gestion ;
Il n’y aurait donc pas matière à recourir au
règlement de juges évoqué dans Nos
conclusions précitées du 8 octobre 2001, et
la procédure se trouverait close.
Cour des comptes, Chambres réunies,
arrêt nº 39328, 7 avril et 7 juin 2004,
(lecture publique)
Lycée Jean-Rostand à Roubaix
Gestion de fait ; périmètre ; comptable
patent.
Comme nous l’indiquions dans notre note
sous l’arrêt du 16 mai 2002, Lycée Las
Cases de Lavaur (La Revue du Trésor
2003.383), « depuis longtemps déjà, la
Cour et son Parquet dénoncent l’utilisation faite par l’Etat des établissements
publics locaux d’enseignement (EPLE)
pour effectuer la gestion de crédits
d’Etat. On peut par exemple renvoyer aux
Lettres du procureur général nos 4383
et 4384 du 22 septembre 1994 (Rec.
C. comptes 258) qui dénonçaient l’utilisation des EPLE par les rectorats comme
support d’action de formation et d’insertion faisant de la sorte exécuter par des
établissements publics des dépenses dont
les services de l’Etat conservaient la totale
maîtrise. La question devait du reste faire
l’objet d’une insertion au rapport public
du 27 novembre 1997 (p. 48 à 51 ; Rec.
C. comptes 339). Ces interventions furent
vaines ; ces pratiques contraires au principe de spécialité des établissements
publics (voir sur cette question, M. Lascombe, « Le juge financier et les établissements publics », in Mélanges Pierre Sandevoir, L’Harmattan, 2000, p. 61) se sont
poursuivies. Il convenait donc que le juge
des comptes sanctionne ce qu’il n’était
parvenu à empêcher dans le cadre de ses
« communications ».
L’affaire ci-dessous rapportée est une
nouvelle illustration de cette « confusion
des genres ». En l’occurrence, le ministère
de l’Education nationale avait délégué certains crédits au lycée Jean-Rostand dans
le cadre de la mise en place du plan « informatique pour tous ». Mais, une partie de
ces crédits avait été utilisée par le rectorat
pour acquérir des matériels à son propre
bénéfice. Alors que la Cour avait tout
d’abord décidé (arrêt du 20 novembre
1997) qu’il n’y avait pas lieu à gestion de
fait, le Conseil d’Etat (arrêt du 4 octobre
2000) a considéré que la prise en charge
par le comptable d’un EPLE sur des crédits
de l’Etat, de dépenses étrangères à leur
objet et effectuées au profit de services
de l’Etat, constitue une extraction irrégulière de deniers de l’Etat. Le Conseil d’Etat
devait, en outre, préciser qu’un comptable patent peut être déclaré comptable
de fait s’il s’est immiscé dans la gestion
d’un autre poste comptable (voir cidessus nos obs. sur l’arrêt no 36-755 des
18 juin et 24 juillet 2003, Agence de l’eau
Rhône-Méditerranée Corse).
Pour le surplus, nous nous permettons de
renvoyer aux conclusions très éclairantes
du Parquet rendues sur l’arrêt provisoire
du 9 octobre 2002.
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
Extrait
Arrêt provisoire nº 34978 du 9 octobre
2002
Considérant qu’à l’occasion du contrôle
des comptes du lycée Jean-Rostand de
Roubaix pour les exercices 1991 à 1993, la
chambre régionale des comptes du
Nord - Pas-de-Calais a examiné la gestion
du centre académique de ressources informatiques et télématiques pédagogiques
rattaché à cet établissement scolaire ; que
des opérations présumées constitutives de
gestion de fait des deniers de l’Etat ont été
portées, par le commissaire du Gouvernement auprès de la chambre régionale, à la
connaissance du procureur général de la
République qui en a saisi la Cour par le
réquisitoire susvisé du 25 mars 1997 ;
Considérant
que
par
arrêt
du
20 novembre 1997, la Cour des comptes,
statuant à titre définitif, a dit qu’il n’y avait
pas lieu à gestion de fait en ce qui
concerne les opérations effectuées par le
centre académique sur les crédits délégués au lycée par le ministère de l’Education nationale ; que le comptable n’était
pas sorti de son mandat légal en traitant,
dans le cadre des comptes du lycée et
sous sa responsabilité, les opérations
financées sur les crédits délégués et qu’il
devait suspendre le paiement dès lors que
la créance n’était pas valide, notamment
parce que la justification du service fait
n’était pas certifiée par l’ordonnateur du
lycée Jean-Rostand ;
Considérant que par arrêt du 4 octobre
2000, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de
la Cour en tant qu’il disait n’y avoir pas lieu
à gestion de fait, considérant qu’il appartenait uniquement à la Cour des comptes
de connaître du maniement irrégulier des
deniers de l’Etat constitutif d’une gestion
de fait ;
les dépenses d’acquisition des matériels
informatiques ainsi que les logiciels
d’accompagnement et des équipements
technologiques de communication télématique ou audiovisuelle et, en fonctionnement, les dépenses afférentes à leur
maintenance ; que la circulaire nº 85-207
du 5 juin 1985 disposait que les centres
de ressources informatiques pouvaient
être organisés « à partir de personnels et
d’établissements de l’académie » ; que la
note de service nº 85-227 du 21 juin 1985
précisait également que des établissements pouvaient assurer le support logistique des centres de ressources ; qu’en
l’espèce le centre de ressources de l’académie a été rattaché au lycée Jean-Rostand de Roubaix, le proviseur de cet établissement étant le responsable du centre
et l’ordonnateur de ses dépenses, l’agent
comptable du lycée étant l’agent comptable du centre de ressources ;
Considérant que le rectorat a délégué au
centre de ressources, en application de
l’arrêté du 22 septembre 1986, des crédits
inscrits au budget de l’Education nationale
au chapitre 36-70, article 20, et destinés à
la maintenance des matériels informatiques pédagogiques des établissements
publics locaux d’enseignement de l’académie ; que le centre de ressources a également reçu du rectorat, en application
d’un arrêté du 21 décembre 1989 modifiant l’arrêté précité du 22 septembre
1986 et étendant les missions du centre
de ressources, des crédits inscrits au chapitre 56-37 et destinés à l’acquisition de
matériels informatiques pédagogiques
utilisés dans les établissements scolaires
de l’académie ; qu’il a enfin reçu, en application de conventions datées des
27 novembre 1991, 27 novembre 1992,
26 novembre 1993, 28 novembre 1994 et
25 novembre 1995, des crédits inscrits au
chapitre 37-70 et destinés notamment à
la formation de personnels enseignants à
l’utilisation de matériels informatiques,
télématiques et audiovisuels à usage
pédagogique ;
Considérant que par un arrêté du 22 septembre 1986 qui vise la circulaire nº 85-207
du 5 juin 1985 et la note de service
nº 85-227 du 21 juin 1985 du ministère de
l’Education nationale relatives à la mise en
place du plan « informatique pour tous »,
le recteur de l’académie de Lille a créé le
centre académique de ressources informatiques et télématiques pédagogiques ;
qu’il lui a confié « la mission d’assurer le
maintien en bon état de fonctionnement
du parc académique de matériels informatiques et télématiques à usage pédagogique, le suivi de la politique de logiciels
de l’académie et la formation progressive,
dans les établissements, d’hommes ressources (techniciens ou enseignants) » ;
que ces missions entraient dans le champ
prévu par la loi nº 83-663 du 22 juillet 1983
complétant la loi nº 83-8 du 7 janvier 1983
relative à la répartition des compétences
entre les communes, les départements,
les régions et l’Etat et le décret nº 85-269
du 25 février 1985 fixant la liste des
dépenses pédagogiques à la charge de
l’Etat ;
Qu’il en est ainsi pour l’achat d’appareils
et de mobiliers pour lesquels les factures
précisent qu’ils ont été livrés au rectorat : (...)
Considérant qu’en application des dispositions de l’article 14 de la loi nº 83-663 du
22 juillet 1983, désormais codifiées aux
articles L. 213-2 et L. 214-6 du Code de
l’éducation et des articles premier et 2 du
décret nº 85-269 du 25 février 1985 pris
en application de l’article 14 précité, les
dépenses pédagogiques des collèges et
lycées restant à la charge de l’Etat comprennent notamment, en investissement,
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’une partie des fonds versés par
le ministère au centre de ressources
informatiques et télématiques pédagogiques a été utilisée à des fins étrangères
à leur objet au profit des services du
rectorat ou d’organismes académiques,
les responsables administratifs et financiers du centre s’étant, en la circonstance,
cantonnés dans un rôle d’exécution
Considérant qu’une partie de ces fonds a
été employée toutefois sur instruction du
rectorat à d’autres fins que celle entrant
dans la mission du centre de ressources
informatiques, le rectorat conservant en
la circonstance l’entière maîtrise des crédits délégués notamment par les conventions signées entre le secrétaire général
de l’académie, par délégation du recteur,
et le proviseur du lycée Jean-Rostand ;
Considérant qu’il résulte en effet de l’instruction que des matériels acquis au
moyen de ces crédits et des prestations
financées par le même moyen ont, en
réalité, bénéficié au rectorat ou à ses services ;
52
d’engagements effectués au rectorat ;
que des deniers de l’Etat ont été irrégulièrement extraits du Trésor Public ;
qu’ainsi tous ceux qui, sans être comptables de l’Etat, se sont ingérés dans
l’emploi de ces crédits se sont constitués
comptables de fait des deniers de l’Etat ;
Considérant qu’il résulte des pièces
recueillies au cours de l’instruction que
Mme Anne-Marie Lesage, secrétaire générale de l’académie de décembre 1988 à
janvier 1996, qui présidait le comité de
gestion du centre de ressources, a décidé
de l’utilisation des crédits délégués au
centre de ressources en fonction notamment de certains besoins de fonctionnement du rectorat ; que, sous son autorité,
une division du rectorat a transmis au proviseur du lycée Jean-Rostand les offres de
prix ou engagements de commandes correspondants pour l’établissement de
bons de commande et les factures correspondantes pour mise en paiement
dans les meilleurs délais ;
Considérant que M. Claude Pair, puis
M. André Varinard, nommés recteurs par
décrets du 26 juillet 1989 et du 24 juin
1993 respectivement, sans intervenir
directement dans les décisions d’utilisation des crédits délégués au lycée JeanRostand, ont été informés de l’utilisation
étrangère à leur objet faite de certains de
ces crédits, ainsi que cela a été reconnu
au cours de l’instruction ;
Considérant que Mme Françoise Petit,
proviseur du lycée Jean-Rostand depuis le
1er septembre 1990, exécutait les commandes passées par les services du rectorat en émettant les bons de commande
et en ordonnançant les dépenses correspondantes ;
Considérant que M. Jean-Pierre Codron,
agent comptable du lycée depuis le 8 janvier 1990, chargé des opérations du
centre de ressources informatiques, a
payé des dépenses des services de l’Etat
ainsi qu’il ressortait des pièces produites
au soutien des propositions de paiement ;
que ces dépenses, comme telles, auraient
dû être payées par le trésorier-payeur
général ; qu’en s’ingérant ainsi dans le
service de ce comptable, il s’est constitué
comptable de fait ;
Considérant
qu’aux
termes
de
l’article L. 131-2 susvisé du Code des
juridictions financières, modifié par la
loi nº 2001-1248 du 21 décembre 2001,
« l’action en déclaration de gestion de fait
est prescrite pour les actes constitutifs de
gestion de fait commis plus de dix ans
avant la date à laquelle la Cour des comptes
est saisie ou s’en saisit d’office » ; que cette
règle de procédure s’applique aux actes
constitutifs de gestion de fait même
commis à une date antérieure à la promulgation de cette disposition législative ; mais
que les faits décrits ci-dessus ont tous été
commis postérieurement au 25 mars 1987.
Vu le réquisitoire nº 1997-20 du 25 mars
1997 par lequel le procureur général de la
République l’a saisie de faits présumés
constitutifs d’une gestion de fait des
deniers de l’Etat au lycée Jean-Rostand à
Roubaix (Nord) ;
Vu l’arrêt nº 18066 du 20 novembre 1997
par lequel la Cour des comptes a dit n’y
avoir pas lieu à gestion de fait en ce
qui concerne les opérations effectuées
par le centre académique de ressources
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
informatiques et télématiques pédagogiques sur les crédits délégués au lycée JeanRostand au titre des chapitres 36-70, 37-70
et 56-37 du budget du ministère de l’Education nationale ;
Vu l’arrêt du Conseil d’Etat du 4 octobre
2000 annulant l’arrêt de la Cour des
comptes du 20 novembre 1997 en ces dispositions et renvoyant l’affaire devant la
Cour des comptes ;
Vu l’arrêt nº 34978 du 9 octobre 2002 par
lequel la Cour, statuant toutes chambres
réunies, a déclaré à titre provisoire comptables de fait des deniers de l’Etat
Mme Lesage, secrétaire générale de l’académie de Lille, Mme Petit, proviseur du
lycée Jean-Rostand, ordonnateur du centre
de ressources informatiques rattaché au
lycée, et M. Codron, agent comptable du
lycée, chargé des opérations du centre de
ressources, conjointement et solidairement, à raison de dépenses étrangères à
l’objet des crédits délégués au centre de
ressources informatiques, ainsi que, solidairement avec les précédents, chacun pour
la période qui le concerne, M. Pair, recteur
de l’académie jusqu’au 23 juin 1993, et
M. Varinard, qui lui a succédé dans ses fonctions à compter du 24 juin 1993 ;
Considérant que Mmes Lesage et Petit,
MM. Codron, Pair et Varinard, sans
contester au préalable leur qualité de
comptables de fait des deniers de l’Etat,
ont produit un compte des opérations irrégulières ; qu’il y a lieu de rendre la déclaration de gestion de fait définitive ;
Conclusions nº 6969 du 3 octobre 2002
(extrait)
Sur le fond :
Sur le sens de la décision du juge de cassation :
Rappelons que le pourvoi en cassation avait
tendu à faire censurer la position de la Cour,
qui avait considéré qu’il lui était loisible de
ne pas engager une procédure de gestion
de fait, dès lors que les opérations litigieuses se trouvaient retracées dans une
comptabilité publique ; que cette affaire
mettait notamment en jeu la possibilité de
déclarer comptable de fait un comptable
patent qui aurait retracé dans ses comptes
des opérations qui relevaient en fait d’un
autre poste comptable ;
Observons que la réponse apportée par le
Conseil d’Etat à ces interrogations apparaît
dépourvue d’ambiguïté, puisque l’arrêt
énonce que « la juridiction compétente
pour connaître d’actes constitutifs d’une
gestion de fait est celle qui a normalement
compétence pour connaître de l’emploi
des crédits qui ont fait l’objet de cette gestion de fait ; qu’ainsi, dès lors que des crédits ont été irrégulièrement extraits des
caisses de l’Etat, seule la Cour des comptes
est compétente pour statuer sur ces irrégularités et en tirer, vis-à-vis des personnes
en cause, les conséquences nécessaires,
alors même que celles-ci auraient la qualité
de comptable patent d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public
local » ;
[...] « Un comptable public peut être
déclaré comptable de fait, notamment
dans le cas où il aurait manié, dans des
conditions irrégulières, les fonds relevant
d’un poste comptable autre que le sien » ;
[...] « Que, saisie de ces faits [portés à sa
connaissance par le Ministère public], la
Cour des comptes a constaté que le comptable du lycée Jean-Rostand avait pris en
charge, notamment sur les crédits de l’Etat
des chapitres 36-70 et 37-70, des dépenses
étrangères à leur objet et effectuées au
profit des services rectoraux ; que, cependant, la Cour des comptes a estimé qu’il
appartenait à la chambre régionale des
comptes d’enjoindre au comptable de
reverser les sommes payées à tort et qu’il
n’y avait pas lieu à déclaration de gestion
de fait » ;
[...] « Il appartenait uniquement à la Cour
des comptes de connaître de l’emploi de
crédits de l’Etat constitutif d’une gestion
de fait » ;
Estimons que ces motifs, qui conduisent à
un dispositif d’annulation de l’arrêt « en
tant qu’il dit n’y avoir lieu à déclaration de
gestion de fait » et éclairés par les conclusions du commissaire du Gouvernement
Seban, contiennent les principes suivants :
– la répartition des compétences entre la
Cour et les chambres régionales ou territoriales, telle qu’elle est fixée par la loi, ne
saurait être remise en cause par la circonstance que les opérations irrégulières sont
décrites dans les comptes d’un autre organisme public ;
– un comptable patent peut être déclaré
comptable de fait s’il s’est immiscé dans la
gestion d’un autre poste comptable ;
– la prise en charge, par un comptable
d’établissement public local d’enseignement et sur des crédits de l’Etat, de
dépenses étrangères à leur objet et effectuées au profit de services de l’Etat,
constitue une extraction irrégulière de
deniers publics de ce dernier ;
Que, sans doute, la dernière de ces propositions n’est-elle pas exprimée littéralement
par le juge de cassation, alors qu’elle l’est
dans les conclusions de M. Seban (8), mais
que l’on discernerait mal les motifs qui
auraient pu conduire le Conseil d’Etat à
casser un arrêt de non-lieu à déclaration de
gestion de fait s’il avait considéré que les
éléments constitutifs d’une gestion de fait
n’étaient pas en l’espèce réunis ; que l’existence d’une gestion de fait n’était au
demeurant pas contestée par l’arrêt de la
Cour pris à la suite de Notre réquisitoire ;
Relevons qu’il ne saurait être utilement soutenu, à l’appui de la thèse inverse, que la
Haute Juridiction administrative ne s’est pas
prononcée sur la solution imaginée en premier ressort par la Cour, et qui consistait à
renvoyer l’affaire au jugement des comptes
du lycée par la chambre régionale des
comptes ; que le juge de cassation n’était et
ne pouvait être saisi que de la décision définitive de non-lieu rendue par la Cour ; qu’il
ne lui appartenait dès lors pas de se prononcer sur le sort à réserver à un comptable
patent qui, comme en l’espèce, accepte de
payer des dépenses pour lesquelles la justification du service fait n’émane pas de
l’ordonnateur et qui peut engager à ce titre
sa responsabilité personnelle et pécuniaire
dans le cadre de l’apurement de ses
comptes (CC, form. interch. d’appel, 16 mai
2002, lycée Las Cases de Lavaur) ;
Sur le périmètre de la gestion de fait :
Observons que l’arrêt du Conseil d’Etat
contient une incertitude liée à une discordance apparente entre les motifs et le
53
dispositif ; que le dispositif annule la décision de non-lieu de la Cour en ce qui
concerne les dépenses effectuées sur les
crédits délégués au titre des chapitres 36-70, 37-70 et 56-37 ; que les motifs
relevaient que la Cour avait renvoyé à tort
au jugement des comptes du lycée, alors
qu’elle avait constaté que le comptable
avait pris en charge, « notamment sur les
crédits de l’Etat des chapitres 36-70 et
37-70, des dépenses étrangères à leur objet
et effectuées au profit des services rectoraux » ;
N’en déduisons néanmoins pas l’existence
d’une contradiction, le dispositif de l’arrêt
de cassation se bornant à annuler le dispositif de l’arrêt attaqué, en en reprenant littéralement les termes ;
Pensons que la Cour n’est tenue de se
conformer qu’aux motifs qui constituent le
soutien nécessaire du dispositif de l’arrêt
de renvoi, ce qui l’autoriserait à ne retenir
au titre de la gestion de fait qu’une partie
des opérations financées à partir des chapitres 36-70, 37-70 et 56-37 ;
Que la Cour pourrait, comme Nous l’y invitions dans Nos conclusions nº 3353 du
19 novembre 1997 sur le premier arrêt,
fonder la gestion de fait sur la combinaison
de deux critères qui sont le versement
d’une subvention destinée à financer une
dépense étrangère à la vocation du bénéficiaire apparent et l’absence d’autonomie
de l’attributaire dans l’utilisation des fonds ;
Que cette approche aurait le mérite de
combiner le motif de cassation, fondé sur
l’objet de la dépense, avec la jurisprudence
financière classique sur les subventions fallacieuses ; qu’elle ne saurait encourir le
reproche d’exiger du comptable patent
une analyse de la légalité des dépenses,
alors qu’elle se bornerait à exiger de celui-ci
de veiller à la conformité de la dépense aux
compétences de l’établissement dont il
tient les comptes, contrôle qu’il revient à
tout ordonnateur et à tout comptable
d’exercer, sous peine pour ce dernier, s’il
était établi qu’il ne pouvait ignorer que les
opérations étaient étrangères à son poste
comptable, d’être regardé par le juge des
comptes comme s’étant dépouillé de son
titre légal (CC, 3e Ch., 15, 19 et 22 février
1996, Ecole des hautes études en sciences
sociales) ;
Qu’il y aura en toute hypothèse lieu, pour la
Cour, de déterminer les opérations incluses
dans la gestion de fait dès le stade de la
déclaration provisoire ; qu’à défaut, les
comptables de fait pourraient être tentés
d’adresser à la Cour la totalité des opérations
déjà décrites dans les comptes du lycée, à
charge pour le rapporteur d’identifier ultérieurement les dépenses irrégulières ;
Renvoyons à Nos conclusions précitées du
19 novembre 1997, qui prenaient position
sur ce point dans les termes suivants :
« S’agissant, ensuite, des opérations en
cause, il Nous paraît y avoir lieu de les distinguer en fonction de leur nature
(dépenses/recettes) et, au sein de la première catégorie, selon l’origine des crédits
budgétaires employés ;
« En premier lieu, au cours des exercices
1988 à 1994 ont été attribuées au centre
(8) « Bien plus, il [le comptable] s’expose à être mis deux
fois en débet. Devant la chambre régionale des comptes,
il va l’être presque à coup sûr, dès lors que, comme le
relève la Cour des comptes, « la justification du service fait
n’était pas certifiée par l’ordonnateur du lycée Jean-Rostand », mais provenait des services rectoraux, au profit
desquels les dépenses avaient été engagées : c’est d’ailleurs la raison même pour laquelle il y a gestion de fait ».
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
de ressources, conformément à l’arrêté du
22 septembre 1986, des subventions
annuelles prélevées sur des crédits délégués au rectorat sur le chapitre 36-70,
article 20. Les lettres de notification des
subventions concernées précisent explicitement que les crédits correspondant
étaient exclusivement destinés à la maintenance de matériels informatiques
implantés dans les collèges, lycées et lycées
professionnels (obs. nº 5, p. 92) ; les subventions versées totaliseraient 39 331 MF ;
« De 1986 à 1992 inclus, ces subventions ont
été comptabilisées dans les comptes de
l’EPLE en ressources affectées, les sommes
correspondantes étant encaissées en
classe 4 et n’étant constatées en recettes
budgétaires qu’au fur et à mesure et à
hauteur des dépenses réalisées, les crédits
disponibles étant stockés en classe 4. A
compter de 1993, elles ont été enregistrées
directement en recettes budgétaires sur
émission de titres de recettes ;
« Une partie de ces crédits qui reste à quantifier paraît avoir été employée conformément à sa destination à la maintenance des
matériels pédagogiques des EPLE de l’académie de Lille ;
« II semble que si le comité de gestion
– dont on peut considérer qu’il exprime,
par sa composition, la volonté des services
académiques – avait bien compétence pour
décider de maintenir ou non telle ou telle
génération de matériel, la gestion courante
des interventions d’entretien et de réparation du parc informatique pédagogique
installé dans les salles de classes des EPLE
s’effectuait en revanche sous la responsabilité effective du chef d’établissement,
sans relation de dépendance avec les services académiques, les agents du centre de
ressources centralisant les demandes téléphoniques de prestations, décidant de la
prise en charge de celles-ci. De même, les
dépenses exposées pour les besoins de
cette activité (prestations de maind’œuvre, sous-traitance, fournitures de
pièces de rechange...) n’ont pas été déterminées par le rectorat et ont été engagées
par l’ordonnateur de l’EPLE, lequel en avait
l’essentiel de la maîtrise et se trouvait en
mesure de certifier le service fait, en
connaissance de cause ;
« Aussi critiquable que soit le dispositif mis
en place par le rectorat en vue d’utiliser le
lycée Rostand comme support d’opérations de maintenance informatique pédagogique incombant à l’Etat, celles d’entre
elles qui s’inscrivent en conformité avec
l’objet des crédits délégués à cet objet à
l’EPLE ne Nous paraissent pas constitutives
de gestion de fait en dépenses dans la
stricte mesure où le transfert des activités
en cause s’est accompagné d’un transfert
effectif de responsabilité et d’une autonomie de gestion au directeur de l’établissement ;
« En effet, pour que l’attribution et l’emploi
d’une subvention donnent lieu à gestion de
fait, il ne suffit pas que l’opération qu’elle
sert à financer ne relève pas du champ
normal de l’activité de l’organisme subventionné ; il faut encore que la prise en charge
des dépenses concernées, incombant à la
collectivité publique dispensatrice, soit
décidée par cette dernière et exigée en
contrepartie de la subvention, l’attributaire
ne disposant plus d’une réelle autonomie
dans l’utilisation des fonds ;
« En revanche, seraient constitutives de
gestion de fait des deniers de l’Etat celles
des dépenses financées sur les crédits dont
il s’agit qui apparaissent étrangères à leur
affectation et plus largement à l’objet de
l’EPLE et qui ont été exposées sur instructions des services rectoraux au profit du
rectorat ou d’organismes académiques,
tels que le GRETA, l’IUFM de Lille, le centre
régional de documentation pédagogique
(CRDP) de Lille (maintenance d’informatique de gestion), le centre d’innovation
pour les technologies éducatives (CITE), la
mission académique à la formation des personnels enseignants (MAFPEN) [achats de
matériels et logiciels informatiques, travaux
d’aménagement de locaux, matériel
bureautique et vidéo, abonnements téléphoniques...] ;
« Les responsables du rectorat ont euxmêmes admis que les ordres de prise en
charge et les commandes étaient établis
par leurs services, adressées au proviseur
pour formalisation et envoi aux fournisseurs et prestataires, le matériel, les fournitures ou prestations, ensuite, directement livrées ou exécutées auprès de leur
bénéficiaire ;
« Il apparaît que, dans ces conditions, les
services académiques ont gardé l’entière
maîtrise des crédits correspondants, délégués à l’EPLE dont l’ordonnateur n’a exercé
à l’égard des opérations considérées, qui
relevaient de la responsabilité de l’Etat,
qu’une compétence purement formelle ;
« En second lieu, en vertu de cinq conventions annuelles susvisées (1991 à 1995), passées avec le proviseur du lycée Rostand en
sa qualité de responsable du centre de ressources, le recteur a, sous la signature de
son secrétaire général, accordé audit
centre une subvention destinée à assurer
son fonctionnement ainsi que l’animation
pédagogique et la formation des personnels, les dépenses prévues devant être
ordonnancées par le chef d’établissement ;
les subventions concernées, qui totaliseraient 21 539 774 F, ont été prélevées sur
les crédits du chapitre 37-70, article 30, destinés à la formation des personnels enseignants ; comme dans le cas précédent elles
ont été comptabilisées en ressources affectées jusqu’en 1992 inclus puis, à partir de
1993, enregistrées directement en recettes
budgétaires ;
« Dans les faits, les crédits concernés ont
été largement utilisés pour financer des
dépenses de fonctionnement courant des
services académiques, des travaux d’aménagement de locaux du rectorat, des
achats d’équipements informatique ou
bureautique académiques ;
« Le pilotage des dépenses, quel qu’en eut
été l’objet, était opéré au niveau de la division nº 9 du rectorat (vie éducative, formation des personnels et affaires générales...),
laquelle préparait les éléments de commandes destinés à être formalisées par le
chef d’établissement et centralisait les factures avant de les adresser à l’intéressé avec
la justification du service fait ;
« Pour les mêmes raisons que ci-dessus,
l’ensemble de ces opérations Nous paraît
constitutif de gestion de fait en dépenses
des deniers de l’Etat ;
« En troisième lieu, en s’autorisant de
l’arrêté d’extension du 21 décembre 1989,
le recteur a attribué au centre de ressources, au cours de la période 1990-1994,
des subventions annuelles prélevées sur les
crédits délégués sur le chapitre 56-37,
réservé à l’acquisition de matériel pédagogique, pour un total cumulé estimé à
72 MF ;
54
« Le rectorat (service de la direction nº 5 :
programmation, études et prospectives)
adressait au chef d’établissement les commandes d’achat d’équipements à effectuer
auprès de l’UGAP, le plus souvent, avec indication des EPLE auxquels ils devaient être
livrés ; le bon de livraison et la certification
du service fait, signés des responsables
compétents de l’établissement destinataire, étaient retournés au proviseur du
lycée Rostand ; ce dernier, au vu des documents, faisait procéder au paiement de la
facture qui lui était directement adressée
par le fournisseur ;
« Jusqu’en 1992, l’agent comptable du
lycée Jean-Rostand enregistrait les subventions allouées au crédit d’un compte de
tiers (recettes à transférer) qu’il débitait du
montant des factures du fournisseur, en
considération du fait que les opérations
que ces ressources étaient destinées à
financer étaient exécutées pour le compte
d’autres organismes (en l’occurrence
l’Etat) ; à partir de 1993, les recettes concernées ont été budgétisées et les factures
ont été imputées en compte de charges
(fournitures diverses), en méconnaissance
flagrante de leur objet réel ;
« Bien que le chef de l’établissement de rattachement soit juridiquement l’ordonnateur, les divers engagements des dépenses
en cause qui incombent à l’Etat ont été pris
par le seul rectorat ; l’agent comptable de
l’EPLE-support était privé des moyens de
procéder au contrôle des dépenses dont le
véritable ordonnateur était le recteur de
l’académie de Lille et qui, de ce fait,
devaient revenir à son comptable assignataire, le trésorier-payeur général du département du Nord ;
« L’intégralité des opérations en cause Nous
semble constitutive de gestion de fait des
deniers de l’Etat en dépenses » ;
(...)
Sur les personnes à déclarer comptables de fait :
S’agissant d’un mécanisme proche de la
subvention fallacieuse, rappelons que le
juge des comptes appelle en principe à
compter devant lui « non seulement les
personnes qui ont exécuté les opérations
irrégulières en y prenant une part active,
mais aussi celles qui ont pris la responsabilité de les ordonner ou de les couvrir de
leur autorité » (CC, 1re Ch., 28 octobre 1982,
Association française d’action touristique,
Rec., p. 259) ; que cette responsabilité est
entendue largement, le juge retenant non
seulement l’ordonnateur de la dépense,
mais aussi les dirigeants de l’organisme
attributaire, qui ne pouvaient ignorer le
caractère fictif de l’opération (9) ;
(...)
S’agissant de l’éventuelle implication dans
la procédure de l’agent comptable du lycée
Jean-Rostand, relevons que celui-ci s’est
trouvé manier de brève main des deniers
dont il ne pouvait ignorer qu’ils étaient
demeurés des deniers de l’Etat et qu’il s’est
en conséquence dépouillé de son titre
légal ; qu’au demeurant, les termes mêmes
de l’arrêt de cassation paraissent imposer à
la Cour de déclarer comptable de fait
M. Codron sur l’ensemble de la période ;
que la circonstance que ce dernier ait reçu
décharge de sa gestion jusqu’à l’exercice
1990 fait obstacle à ce que la chambre
(9) J.-P. Gastinel, « Mandat fictif et subvention fallacieuse »,
RFD, septembre 1995.
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
régionale mette ultérieurement en jeu sa
responsabilité au titre de ces exercices,
mais ne saurait empêcher la Cour de
l’attraire dans une procédure de gestion de
fait des deniers de l’Etat, laquelle relève
d’une instance distincte et se voit appliquer
des règles différentes pour la justification
des dépenses ;
Sur la possibilité pour la Cour de donner
une suite juridictionnelle à l’affaire :
Rappelons que la mise en cause de l’impartialité de la juridiction constitue un moyen
d’ordre public (CE, Ass., 6 avril 2001,
SA Entreprise Razel frères) ; qu’il incombe
en conséquence à la Cour d’apprécier si
une prise de position antérieure, dans le
cadre de ses attributions administratives,
serait de nature à l’empêcher de statuer
ultérieurement au contentieux sur l’affaire
qui lui a été renvoyée ;
Que le rapport public 1997 de la Cour des
comptes contient une insertion consacrée
à « l’utilisation des lycées et collèges pour
la gestion irrégulière de certains crédits
d’Etat » et, après avoir décrit longuement
les conditions dans lesquelles les rectorats
pouvaient avoir recours à des établissements publics locaux d’enseignement pour
exécuter des opérations qui relevaient du
ministère de l’Education nationale (p. 47 à
53), conclut que « ces errements peuvent
entraîner selon les cas la mise en cause de
la responsabilité des agents comptables des
EPLE concernés ou l’ouverture de procédures de gestion de fait » ;
Constatons qu’un rapprochement peut
être fait entre la description de ces irrégularités et la situation du lycée JeanRostand ; que cet exemple n’est cependant
pas cité dans l’insertion, alors que celle-ci
énumère différents établissements en
cause ; que la rédaction de la Cour, qui
ouvrait une alternative entre l’engagement
de la responsabilité du comptable et la procédure de gestion de fait, annonçait un
éventail de possibilités plus qu’elle ne traduisait un « préjugement » ; qu’au demeurant il y aurait en l’espèce quelque paradoxe
à prétendre que la Cour se serait préalablement disqualifiée alors même qu’elle a précédemment pris une décision de non-lieu
ultérieurement censurée par le juge de cassation ; que ce dernier se serait vraisemblablement abstenu de renvoyer devant la
Cour l’affaire s’il avait estimé que la juridiction était structurellement disqualifiée
pour en juger.
Cour des comptes, 3e Chambre,
arrêt nº 39282, 8 avril 2004,
Opéra national de Paris
Détournements de fonds. Juge des
comptes et action civile devant le juge
pénal.
Les agents du poste, quel que soit leur
grade, ne sont que les subordonnés du
comptable et les opérations qu’ils font
sont censées être faites par le comptable
chef de poste (C. comptes, 9 mars 1956,
Blisson, Rec. C. comptes 78). Le comptable ne peut donc s’exonérer en faisant
valoir que le paiement litigieux a été
effectué suite à un détournement de
fonds réalisé par un agent du poste
comptable (C. comptes, 30 août 1940,
Commune de Soissons, Rec. C. comptes
65). Bien plus, lorsque les détournements
ont été facilités par l’organisation
défectueuse du service, cela constitue
une circonstance aggravante pour le
comptable (C. comptes, 10 avril 1975,
Crédit municipal de Lyon, Rev. adm.
1975.601). En l’espèce, le comptable voit
par conséquent sa responsabilité engagée
en raison d’un détournement de fonds de
plus de 6 MF.
La question se posait toutefois du montant du débet qu’il convenait d’infliger au
comptable dans la mesure où l’Opéra de
Paris a obtenu partiellement satisfaction,
les banques ayant été condamnées à
verser une partie de la somme due. Dans
l’affaire Mme Barthélémy, la Haute
Assemblée avait confirmé l’arrêt de la
Cour des comptes s’agissant d’une
indemnité qui avait été injustement
versée, l’ordonnateur ayant ultérieurement émis un titre exécutoire permettant
d’opérer des retenues sur le salaire du
bénéficiaire. Le Conseil d’Etat avait considéré que les sommes ainsi encaissées ne
sont détenues qu’à titre précaire par la
personne publique puisqu’un tribunal de
grande instance a ordonné leur restitution. Il n’était dès lors pas possible
d’estimer qu’il y avait eu exécution même
partielle de l’injonction de reversement.
En effet, les recouvrements doivent être
acquis à titre définitif au profit de l’organisme public concerné. C’est le même raisonnement qui est ici repris par la Cour :
dès lors que les banques en cause ont
interjeté appel, les sommes en cause ne
sont détenues qu’à titre précaire par
l’Opéra de Paris et le comptable doit par
conséquent être mis en débet pour la
totalité des sommes détournées. Reste
que si le juge d’appel confirme la solution
rendue en première instance, les sommes
en cause viendront logiquement en
déduction du montant du débet.
Extrait
1. Constitution en débet :
Attendu que l’injonction unique de l’arrêt
du 27 mai 1999 demandait à M. Delarche de
produire, dans le délai de deux mois à
compter de la notification dudit arrêt, la
preuve du reversement dans la caisse de
l’Opéra national de Paris de la somme de
934 132,29 c, ou toute autre justification à
décharge ;
Attendu que M. Delarche n’a fourni aucune
réponse à la Cour ; qu’ainsi il n’a pas satisfait
aux dispositions de l’arrêt susvisé ;
Attendu qu’en application du paragraphe VII de l’article 60 de la loi susvisée
« le comptable public, dont la responsabilité
est engagée ou mise en jeu et qui n’a pas
versé la somme prévue au paragraphe VI
ci-dessus, peut être constitué en débet par
arrêt du juge des comptes » ;
Attendu que, aux termes du paragraphe VIII
de l’article 60 de la loi susvisée, « les débets
portent intérêt au taux légal à compter de
la date du fait générateur ou, si cette date
ne peut être fixée avec précision, à
compter de leur découverte » ; qu’en
l’espèce, cette date est le 18 février 1993,
date du dépôt de la plainte de l’Opéra
national de Paris auprès du doyen des juges
d’instruction du tribunal de grande instance de Paris ;
Attendu que l’Opéra national de Paris a
perçu la somme de 436 100,21 c, conformément à l’exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Marseille
du 15 juillet 2002 ;
55
L’injonction formulée dans l’arrêt en date
du 27 mai 1999 est levée ;
M. Delarche est constitué débiteur de l’établissement public de l’Opéra national de
Paris pour la somme de 934 132,29 c augmentée des intérêts de droit à compter du
18 février 1993 étant entendu que les
indemnités qui seraient définitivement
acquises à l’établissement pourraient être
imputées sur le montant dudit débet.
Conclusions nº 193 du 17 mars 2004
(extrait)
Sur l’injonction unique :
Par arrêt du 27 mai 1999, la Cour a enjoint
à M. Delarche le versement de la somme de
6 127 506,17 F (934 132,29 c) correspondant au montant de détournements
commis au sein de l’agence comptable
entre octobre 1992 et janvier 1993 à l’aide
d’un chéquier volé, M. Delarche n’a pas
répondu à l’injonction ;
Il résulte toutefois d’un jugement du tribunal de commerce de Marseille du
15 juillet 2002 communiqué par le comptable en fonction que l’Opéra a eu partiellement satisfaction dans son action
engagée à l’encontre des établissements
financiers en cause dans cette affaire, en
obtenant des indemnités d’un montant
total de 436 100,21 c des banques où
étaient ouverts les comptes sur lesquels
ont été encaissés les chèques volés, mais
échouant, du fait de ses propres responsabilités liées aux dysfonctionnements de ses
services comptables, dans sa tentative de
mettre en cause le banquier tiré ;
Les indemnités perçues par l’Opéra au titre
de l’exécution provisoire du jugement du
tribunal de commerce ne sauraient pour
autant être considérées comme définitivement acquises, les banques condamnées
ayant fait appel ;
Dans ces conditions, les sommes obtenues
paraissent détenues de manière précaire
par l’Opéra, et l’injonction ne peut être
tenue pour satisfaite, même partiellement
(Conseil d’Etat, 23 février 2000, Mme Barthélémy) ;
La Cour serait ainsi fondée à constituer
M. Delarche débiteur de la somme de
934 132,29 c augmentée des intérêts de
droit calculés à compter de la date de la
plainte déposée par l’Opéra auprès du
doyen des juges d’instruction du tribunal
de grande instance de Paris (18 février
1993), étant entendu que les indemnités
qui seraient définitivement acquises à l’établissement pourraient ultérieurement être
imputées sur le montant du débet par le
comptable chargé de son recouvrement.
Cour des comptes, 7e Chambre,
arrêt nº 39298, 8 avril 2004,
Port autonome du Havre
Dépenses ; pièces justificatives ; marchés
publics. Responsabilité du comptable
public ; circonstances atténuantes ou exonératoires (absence).
Le mandataire d’une collectivité est tenu
de se conformer aux règles qui s’appliquent aux opérations de même nature
lorsqu’elles sont réalisées directement par
ladite collectivité et en particulier aux
règles de la comptabilité publique
(C. comptes, 6 juin 1989, Rapport public,
Rec. C. comptes 233 et 235. C. comptes,
20 juin 2001, Port autonome de Rouen,
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
La Revue du Trésor 2002.377 ; RFD adm.
2003.597). En particulier, l’application du
seuil des marchés est applicable alors
même que le marché est pris en charge
par un mandataire de la collectivité
publique, que ce mandataire soit une personne publique (CRC Lorraine, 12 mars
1997, 23 septembre 1997, 31 mars 1998,
Commune de Remiremont, La Revue du
Trésor 1998. 660. C. comptes, 25 mai
2000, Commune de Remiremont, La
Revue du Trésor 1998. 660) ou privée (CRC
Alsace, 26 février 1998, Commune
d’Obernai, La Revue du Trésor 1998.658.
C. comptes, 30 juin 1994, Syndicat mixte
pour le développement de la Thiérache,
La Revue du Trésor 1994.689).
Comme le note le Parquet, « dans un premier cas, le comptable affirme qu’une
convention du 31 mars 2000 passée pour
des prestations publicitaires avec la compagnie britannique de ferries P&O, en
application d’une décision du conseil de
direction prise sur délégation du conseil
d’administration, fournissait un fondement juridique suffisant dont il ne pouvait
contester la légalité interne, et qu’il ne
s’agissait, en outre, pas d’une prestation
commandée à un fournisseur mais d’un
partenariat avec la compagnie P&O dans
la réalisation d’une action commune de
promotion ; que, la convention confiant à
P&O un mandat pour effectuer cette
campagne publicitaire, les dépenses versées en exécution de cette convention de
mandat doivent suivre les règles applicables au mandat, et en particulier les dispositions du Code des marchés publics
concernant le paiement des avances et
des acomptes ; que, en cas de méconnaissance de celles-ci par le comptable, la
Cour est fondée à formuler les injonctions
de reversement correspondantes ».
Les dépenses présentant un caractère
d’imprévisibilité ne sont pas prises en
compte dans la détermination du seuil
des marchés publics (C. comptes,
2 octobre 1996, Commune de Le Barp, La
Revue du Trésor 1997.108 a contrario).
Mais le caractère urgent et imprévisible de
la commande ne dispense pas l’ordonnateur de passer un marché de régularisation et le comptable d’en exiger la production avant paiement (C. comptes,
7 avril 1999, Syndicat intercommunal
d’adduction d’eau potable du HautChâtelleraudais, La Revue du Trésor
1999.720 ; RFD adm. 2000.1126). Constitue par exemple une dépense imprévisible la remise en état d’une route suite à
des inondations (CRC Corse, 30 novembre
1995, Commune de Cargèse, La Revue du
Trésor 1996.517). L’imprévisibilité ne se
présume pas et doit être justifiée au
moment du paiement (CRC Pays de Loire,
3 février 1998, Commune de Saumur, La
Revue du Trésor 1998.263). Elle peut être
prouvée par des faits ou des actes (CRC
Provence-Alpes-Côte d’Azur, 27 avril
1999, Commune de Peymeinade, RFD
adm. 2000.1126). Il appartient au comptable de produire les justifications permettant d’établir que les commandes
revêtaient un caractère imprévisible lié à
des circonstances fortuites (C. comptes,
12 février 1999, Services industriels de
l’armement, La Revue du Trésor 2002.30).
En l’espèce, figurait, parmi les différents
arguments avancés par le comptable pour
sa défense, le fait que des accidents mortels étaient survenus au port autonome
du Havre les 13 mai 1998 et 27 avril 2000,
ayant conduit l’ordonnateur à invoquer
systématiquement l’urgence pour lever
les doutes sur les risques de défaillance
des portiques. Cet argument ne convainc
pas la Cour qui engage ainsi la responsabilité du comptable en cause.
Extrait
Constitutions en débet :
Injonction nº 1 - Paiements d’avances à
la compagnie maritime P&O European
Ferries (Portsmouth) Limited par
M. Hallez :
Attendu que par l’injonction nº 1 de l’arrêt
susvisé, la Cour, au motif qu’il avait effectué
en 2000 quatre versements au profit de la
compagnie maritime P&O European Ferries
(Portsmouth) Limited, au vu d’une convention en date du 31 mars 2000 par laquelle
le port autonome du Havre s’était engagé
à participer à une campagne de publicité
commune avec ladite compagnie, a enjoint
à M. Hallez de produire le marché sur la base
duquel ces versements avaient été effectués ou, à défaut, d’apporter la preuve du
reversement de cette somme dans la caisse
de l’établissement ou toute autre justification à décharge ;
Attendu que, dans sa réponse, le comptable a fait valoir, d’une part, que la décision
prise par l’ordonnateur était régulière en la
forme et s’imposait au comptable en ce
qu’elle a été prise par l’organe de direction
de l’établissement public ; d’autre part, que
la passation d’un marché n’était pas possible, dans la mesure où il s’agissait de la
réalisation d’une action commune avec un
partenaire privé et non de l’achat de prestations, la compagnie P&O étant ainsi en
partie constituée mandataire du port autonome pour la mise en œuvre de la campagne de promotion ; enfin, que la combinaison des dispositions de l’ancien Code
des marchés publics (art. 123) et de celles
adoptées en 1999 pour les ports autonomes maritimes, notamment en matière
de seuils, justifiait qu’il n’était pas nécessaire pour le port de passer de marché ;
Attendu que la décision de l’ordonnateur
en date du 25 février 2000 prise par
l’organe de direction de l’établissement
public, certes régulière en la forme, s’est
traduite par la signature d’une convention
de mandat, produite à l’appui des versements, par laquelle le port autonome a
confié à la compagnie P&O, pour la partie
le concernant, l’organisation de la campagne de promotion commune ;
Attendu que ce mandat ne pouvait avoir
pour effet d’exonérer l’établissement
public des règles de la commande publique
qui lui sont applicables ;
Attendu que le port autonome du Havre est
soumis au Code des marchés publics, aux
termes de la délibération de son conseil
d’administration approuvée par décision
interministérielle du 24 juin 1977, modifiée
en 1979 ;
Attendu que, parmi les factures produites
a posteriori, celles concernant les prestations de service délivrées par le journal Le
Monde ont dépassé le seuil des marchés en
vigueur jusqu’au 30 juin 2000, soit
300 000 F TTC, les quatre paiements effectués entre le 10 mars et le 11 juin s’élevant
à 376 690,96 F TTC (57 426,17 c) ;
Attendu que plusieurs factures produites
en justification des dépenses réalisées par
la compagnie maritime, pour un montant
total de 462 779 F TTC (70 550,20 c), ont été
56
payées avant l’entrée en vigueur de la
convention de mandat signée le 30 mars
2000 et ne devaient pas être acceptées par
l’agent comptable du port autonome ;
Attendu qu’aux termes de l’ancien Code
des marchés publics, art. 154, les avances
n’étaient autorisées que dans les cas de
marchés supérieurs à 300 000 F TTC
(45 734,71 c), dans la limite de 5 % du montant du marché ;
Considérant que les quatre versements cidessus référencés ne répondent pas à la
définition d’avances, en raison de l’absence
de marché et du fait qu’ils ont couvert
100 % de l’opération ;
Considérant que ces quatre paiements ont
été effectués en l’absence de service fait et
étaient donc irréguliers ;
Attendu qu’ainsi M. Haliez se trouve dans le
cas prévu par le paragraphe VII de l’article 60 de la loi susvisée du 23 février 1963 ;
qu’il y a donc lieu de le constituer débiteur
du port autonome du Havre pour la somme
de 145 863,22 c (956 800 F) ; (...)
Injonction nº 4 – Paiements par
M. Haliez de factures de location d’échafaudages en l’absence de marché :
Attendu que par l’injonction nº 4 de l’arrêt
susvisé, la Cour, au motif qu’il a payé à
l’entreprise de location d’échafaudage
Wanner, en 2000, des factures dont le
montant cumulé excédait le seuil d’obligation d’un marché, a enjoint à M. Haliez de
produire le marché correspondant auxdits
paiements ou, à défaut, d’apporter la
preuve du reversement dans la caisse de
l’établissement
de
la
somme
de
166 744,29 c (1 093 770,84 F) ou toute
autre justification à décharge ;
Attendu que, dans sa réponse, le comptable fait valoir :
– en premier lieu, que l’absence de marché
en 2000 est liée au fait que le précédent
marché avait expiré à la fin de l’année 1999
et que la signature d’un nouveau marché
n’a pu intervenir qu’à la fin du mois de
novembre 2000, un premier appel d’offres
s’étant révélé infructueux ;
– en deuxième lieu, que les accidents mortels survenus au port autonome du Havre
les 13 mai 1998 et 27 avril 2000, ont conduit
l’ordonnateur à invoquer systématiquement l’urgence pour lever les doutes sur
les risques de défaillance des portiques,
avant qu’un nouveau marché entre en
vigueur ;
– en troisième lieu, que le nouveau progiciel de gestion intégrée SAP, installé au port
en 1999, ne comportait pas de système
permettant de signaler avant paiement le
franchissement d’un seuil réglementaire,
carence signalée par l’agent comptable à
l’ordonnateur mais qui n’a pas pu trouver,
aujourd’hui encore, de réponse technique
adaptée aux règles des marchés ;
– en quatrième lieu, que les règles de seuil
ont été modifiées le 1er juillet 2000, ce qui
a compliqué la surveillance et doit aussi être
pris en considération dans le calcul des
dépassements ;
– en cinquième lieu, que certaines factures
référencées dans l’arrêt ont été annulées
et n’ont donc pas donné lieu à paiement et
que d’autres ont été payées en 2001 ;
Attendu que l’agent comptable précise, en
réponse à la Cour, que les montants référencés dans l’arrêt susvisé sont des montants hors taxe ;
Attendu cependant qu’il n’est pas contesté
que les paiements susvisés ont été réalisés
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
en l’absence de marché, au-delà du seuil de
700 000 F TTC (106 714,31 c) par opération,
applicable à partir du 1er juillet 2000 aux
termes de l’article 113-18 du Code des
ports maritimes, modifié par le décret
nº 1999-782 du 9 septembre 1999 et
qu’aucune des circonstances avancées par
l’agent comptable et qui pourraient être
prises en considération par le ministre à
l’appui d’une demande de remise gracieuse, n’est de nature à pallier l’absence
de production de cette pièce justificative au
juge des comptes.
Cour des comptes, 4e Chambre,
arrêt nº 39291, 22 avril 2004,
Conseil départemental
de l’aide juridique de Paris
Dépenses ; pièces justificatives ; contrat.
Circonstances atténuantes ou exonératoires (non) ; disponibilité des crédits.
En l’espèce, une convention de 1999 prévoyait le remboursement par le Conseil
départemental de l’aide juridique de Paris
des permanences d’avocats au sein de la
Maison du droit et de la justice du
XIVe arrondissement ; aucun autre document contractuel n’avait fixé une enveloppe financière différente ou modifié le
taux horaire fixé par la convention de
1999. Il appartenait par conséquent à la
comptable en cause de faire application
des dispositions de la convention de 1999.
Les paiements intervenus au-delà du
maximum prévu engagent par conséquent très logiquement la responsabilité
pécuniaire de la comptable. En effet, il va
de soi que l’existence de crédits disponibles n’est pas une cause exonératoire de
responsabilité.
On relèvera enfin que le Parquet avait,
dans ses conclusions, stigmatisé l’existence d’autres irrégularités, non reprises
dans l’arrêt :
« – l’absence de transmission au contrôle
d’Etat de nombreuses subventions et
avenants de subventions, qui aurait pu
conduire le comptable à rejeter les paiements pour défaut d’intervention des
contrôles réglementaires préalables et
absence du caractère exécutoire des
documents contractuels (10) (...) ; même
si l’intervention du contrôle d’Etat n’est
souvent matérialisée que par un simple
retour des conventions transmises « sans
observation » et non par l’apposition formelle de son visa, le défaut de toute
transmission pourrait constituer une irrégularité susceptible d’être relevée par le
comptable ; si la Cour n’en tire pas de
suite juridictionnelle à charge, une injonction pour l’avenir s’impose au minimum ;
– l’absence de visa du contrôleur d’Etat
sur le budget de 1988 a privé celui-ci de
tout caractère exécutoire et affecte en
principe la régularité de l’ensemble des
paiements ; étant observé qu’une suite
juridictionnelle n’aurait guère de sens et
que le dysfonctionnement ne s’est pas
produit ultérieurement, une communication de Notre parquet au receveur
général des finances, en charge du
contrôle d’Etat, paraît souhaitable (...) ».
Extrait
1º Constitution en débet :
Injonction unique
Attendu qu’au cours de l’exercice 2000, la
comptable a réglé à la caisse des règlements
pécuniaires des avocats (CARPA) du barreau
de Paris une somme de 17 988,62 c, au vu
d’une convention du 27 décembre 1999 qui
prévoyait un montant de dépenses limité à
3 860,92 c ; qu’en conséquence, il a été
enjoint à Mme Jarry soit de produire un
document contractuel autorisant la prise en
charge de dépenses au profit de la CARPA
pour un montant supérieur à celui figurant
dans la convention initiale, soit d’apporter
la preuve du versement dans la caisse du
CDAJ de la somme de 15 705,04 c, correspondant au paiement de l’intégralité des
mandats émis en dépassement de la
somme figurant à la convention ou toute
autre justification à décharge ;
Attendu que, dans sa réponse, la comptable fait valoir, en premier lieu, que le
budget de l’exercice 2000 avait inscrit au
compte 6226 des crédits suffisants pour
couvrir les dépenses en cause ;
Attendu cependant que la responsabilité de
la comptable a été engagée non à raison de
l’absence de crédits ou de la mauvaise
imputation de la dépense, mais pour insuffisance de pièce justificative ;
Attendu que la comptable produit, en
deuxième lieu, une convention du
23 octobre 2000 dont elle affirme qu’elle
aurait « régularisé les payements jusqu’à
concurrence de 250 000 F » ;
Attendu néanmoins que ladite convention,
conclue entre le groupement d’intérêt
public, l’ordre des avocats et la CARPA a
pour objet le remboursement, par le
conseil départemental de l’aide juridique de
Paris, des « dépenses avancées pour la mise
en œuvre par le barreau d’une permanence
de consultations juridiques tenues par des
avocats spécialisés du barreau de Paris en
direction
des
victimes
d’infractions
pénales » ; que cet acte était étranger à
l’objet des prestations en cause, qui consistaient dans la prise en charge de permanences d’avocats au sein de la maison de
justice et du droit du XIVe arrondissement
de Paris et qui avaient donné lieu à la passation d’une convention distincte, le
27 décembre 1999, entre le conseil départemental et la CARPA.
Cour des comptes, 2e Chambre,
arrêt nº 39451, 28 avril et 9 juin 2004,
Gestion de fait
des deniers de l’Ecole des ingénieurs
des études et techniques d’armement
(ENSIETA)
Gestion de fait ; non-lieu à gestion de fait ;
régularisation ; titre légal [interprétation].
Le droit public financier, pas plus que la
jurisprudence du juge des comptes, ne
s’oppose, par principe, à l’intervention
d’associations dans la mise en œuvre de
missions de service public (v. ci-dessus
nos obs. sur l’arrêt no 39-089 des 10 et
23 mars 2004, ENSTIM d’Alès).
L’association des élèves de l’ENSIETA, dont
rien n’indique qu’elle constituerait une
association transparente, était bien liée
avec l’Ecole par une convention qui indiquait que l’Ecole s’engageait à aider financièrement le BDE « dans toutes ses activités de soutien aux élèves », les
principales d’entre elles étant « le gala de
prestige annuel, le tournoi sportif des
grandes écoles militaires, la course de
l’EDHEC et le tournoi de printemps ». La
convention ne mentionnait donc aucun
soutien financier de l’Ecole en vue du
57
financement du voyage de fin d’études
alors que cet objet représentait manifestement l’essentiel des subventions reçues
par l’association. Comme l’indiquait le
Parquet dans ses conclusions sur l’arrêt
provisoire « la Direction de l’école a d’ailleurs confirmé qu’elle avait ainsi entendu
faciliter l’organisation de ces voyages en
s’affranchissant des règles de la dépense
publique, dont les contraintes contrarieraient de bonnes relations avec la profession des voyagistes ».
Or, les personnes qui, par convention,
reçoivent compétence pour encaisser des
recettes et/ou réaliser des dépenses peuvent être constituées en gestion de fait
dès lors que les dépenses en cause ne
pouvaient légalement être payées que par
l’agent comptable de l’organisme public
(C. comptes, 12 juin 1986, Société des
électriciens, électroniciens et radioélectriciens et MM. Poitevin, directeur du centre
national d’études des télécommunications, et Bloch, directeur de l’information,
de la coopération et des échanges techniques, Rec. C. comptes 222). L’existence
d’une convention n’est pas suffisante
pour éviter la qualification d’association
para-administrative ni le risque que tout
ou partie de ses membres soit déclarés
comptables de fait ; le juge des comptes
se forge son opinion en fonction de la
teneur de la convention (C. comptes,
1er février 1997, Rapport public particulier
sur
les
musées
nationaux,
Rec.
C. comptes 251) et peut dès lors conclure
que la convention ne constituait pas un
titre légal régulier (C. comptes, 5 juin
1997, Lettre du président nº 16101, Rec.
C. comptes 287. CRC Provence-AlpesCôte d’Azur, 21 mai 1997, Note du parquet nº 7135, Rec. C. comptes 278).
L’arrêt définitif ne va toutefois pas
confirmer la déclaration de gestion de
fait, en retenant deux arguments complémentaires : tout d’abord, la cessation des
irrégularités. La Cour constate en effet
qu’il a été mis fin aux pratiques contestables de gestion des voyages de fin
d’études. On sait que la cessation des
irrégularités constitue une condition
nécessaire du non-lieu à gestion de fait
(CRC Alsace, 28 novembre 1986, Amicale
du personnel municipal de la ville de
Thann, La Revue du Trésor 1997.683. V.
aussi CRC Aquitaine, 16 février 1996, Lycée
technique Albert Claveille-GRETA de Dordogne, La Revue du Trésor 1999.264. CRC
Provence-Alpes-Côte d’Azur, 4 mai 2000,
Association Toulon-Communication, RFD
adm. 2001.466). On rappellera par ailleurs que le Conseil d’Etat a considéré que
« dans le cas où il y a reversement de la
totalité des sommes extraites irrégulièrement avant que n’intervienne la déclaration définitive de la gestion de fait, il y a
non-lieu à déclaration de gestion de fait
en raison de la régularisation ainsi intervenue » (CE, 23 février 2000, Ministre des
finances c/ Association des conseillers
régionaux
de
Provence-Alpes-Côte
d’Azur, Rec. CE 99 ; La Revue du Trésor
2000.459 ; RFD adm. 2000.1117).
Reste que cette motivation tirée de la
régularisation semble surabondante dans
la mesure où la Cour considère finalement, dans l’arrêt définitif, que la convention entre l’Ecole et l’association
(10) Le fondement réglementaire du visa du contrôleur
d’Etat mériterait d’être rappelé.
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
n’énumérait pas, de façon limitative, les
actions menées par l’association et subventionnées par la personne publique.
Elle indique ainsi, contrairement à l’arrêt
provisoire, que l’organisation et la gestion
des voyages de fin d’études pouvait parfaitement entrer dans le cadre de cette
convention. Si l’on suit cette partie du raisonnement de la Haute Juridiction,
aucune régularisation n’est possible dans
la mesure où, ab initio, il n’existait aucune
détention sans titre de deniers publics.
Attendu que la convention du 16 juin 1995
passée entre l’ENSIETA et l’association du
bureau des élèves, en son article premier,
énumère, seulement à titre indicatif, une
liste des principales actions susceptibles
d’être
conduites
par
l’association
dénommée bureau des élèves ; que cette
liste ne saurait être considérée comme limitative ; qu’en conséquence l’organisation
et la gestion des voyages de fin d’études
pouvaient entrer dans le cadre de cette
convention ;
On est en réalité ici en présence d’une
nouvelle illustration de la fonction pédagogique du juge des comptes : la déclaration de gestion de fait aurait pu être
confirmée si le juge avait retenu, au stade
de l’arrêt définitif, son interprétation restrictive de la convention. Il ne l’a pas jugé
nécessaire, précisément dans la mesure
où il avait été mis fin au désordre qui
caractérisait le fonctionnement (notamment du point de vue comptable). En
d’autres termes, une déclaration définitive de gestion de fait n’aurait pas présenté d’intérêt pratique.
Par ces motifs,
Extrait
Arrêt provisoire nº 33351 du 24 juin
2002
Attendu que la convention du 16 juin 1995
ci-dessus visée prévoit que l’ENSIETA
« s’engage à aider financièrement le BDE
dans toutes ses activités de soutien aux
élèves (...) ; que les principales d’entre
elles sont le gala de prestige annuel, le
tournoi sportif des grandes écoles militaires, la course de l’EDHEC, le tournoi de
printemps » ;
Attendu que le voyage de fin d’études
n’est pas cité parmi ces activités principales ; que pourtant, en l’absence de dispositions conventionnelles, l’ENSIETA a
réglé à l’association, de 1996 à 2000, sur le
compte ouvert à la Société générale (...)
« BDE-ENSIETA-voyage de fin d’études », les
sommes qui s’élèveraient aux totaux du
tableau 1 pour que l’association organise
le voyage de fin d’études ; que ce compte
bancaire a été clôturé en mai 2000 ;
Attendu que ces sommes ont été utilisées
pour régler, en dehors des dispositions de
la convention précitée du 16 juin 1995 les
dépenses du voyage de fin d’études qui
auraient dû être payées par l’Ecole ;
Attendu que dès lors, l’association, qui
n’avait pas la qualité de comptable public,
a reçu et manié des fonds qui auraient dû
l’être par le comptable public de l’ENSIETA ;
Attendu en outre que les conditions de
paiement des dépenses imputées sur ces
fonds sont opaques ; que, selon les indications données par le président de
l’association à la Cour dans sa lettre du
18 février 2002, aucune archive ou justification des opérations n’auraient pu être
retrouvées ;
Arrêt définitif nº 39451 :
Considérant qu’il ressort des explications
recueillies à l’audience qu’il a été mis fin aux
pratiques contestables de gestion des
voyages de fin d’études ; que ces pratiques
résultaient en grande partie des difficultés
de gestion que rencontrait I’ENSIETA, qui à
l’époque venait d’être dotée d’un statut
d’établissement public sans que les moyens
matériels nécessaires lui soient alloués ;
Statuant définitivement,
Décide ce qui suit :
Il n’y a pas lieu de confirmer la déclaration
provisoire de gestion de fait de MM. (...) et
de l’association du bureau des élèves de
l’ENSIETA.
Cour des comptes,
Formation interchambres d’appel,
arrêt nº 38534,
10 février et 25 mars 2004,
Lycée Arago à Villeneuve-Saint-Georges
Appel [confirmation du jugement] ; appel
du comptable de fait ; défaut d’intérêt à
agir.
Au-delà des questions touchant au délai
d’appel et à l’exposé des moyens et
conclusions du requérant, reprenant ici
des solutions particulièrement classiques
de la jurisprudence, l’arrêt ci-dessous rapporté mérite l’attention s’agissant de
l’appréciation de l’intérêt à agir de l’appelant. En l’espèce, la Cour considère que le
comptable de fait n’avait pas intérêt à
contester, par la voie de l’appel, les dispositions définitives d’un jugement levant
des injonctions (production du compte et
de la délibération reconnaissant l’utilité
publique des opérations). En effet, le
comptable n’est recevable à interjeter
que dans la mesure où la disposition du
jugement entrepris ne lui est pas favorable. La Cour applique ici le principe selon
lequel l’appel ne peut nuire à l’appelant
(CE, 6 janvier 1995, Gouazé, AJDA
1995.163). Ainsi, le comptable ne peut
faire appel d’un jugement levant une
injonction (C. comptes 22 mars 1990,
OPHLM de Caen, Rec. C. comptes 103) ou
lui donnant décharge ou quitus.
On relèvera enfin, ce qui pourra étonner
le lecteur attentif des arrêts de la Cour
coutumière de l’imperium brevitas, le
caractère relativement surabondant des
motifs ici retenus. Alors que la Haute Juridiction aurait pu se contenter de déclarer
l’appel irrecevable sur le seul fondement
de la forclusion, elle prend soin d’y ajouter
l’absence de conclusions et le défaut
d’intérêt à agir. Le comptable n’est manifestement pas incité à se pourvoir en cassation...
Extrait
Vu la requête enregistrée au greffe de la
chambre régionale des comptes d’Ile-deFrance le 2 juillet 2001, par laquelle
M. Destas, ancien proviseur du lycée Arago
à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne),
déclaré à titre définitif gestionnaire de fait
du foyer socio-éducatif par jugement du
27 septembre 1995 de ladite chambre, fait
appel du jugement en date du 11 janvier
2001 par lequel la Chambre, statuant
58
définitivement, a levé les injonctions tendant à la production d’un compte et d’une
délibération du conseil d’administration du
lycée et statuant provisoirement, a fixé la
ligne de compte et enjoint aux gestionnaires de fait de justifier de la part du reliquat non reversée par eux ; (...)
Sur la recevabilité :
Attendu qu’aux termes de l’article R. 243-5
du Code des juridictions financières, l’appel
doit être formé dans les deux mois à
compter de la notification du jugement, la
date à prendre en compte pour apprécier
le respect du délai étant, selon les termes
de l’article R. 243-6 du même code, celle de
l’enregistrement de la requête au greffe de
la Chambre ;
Attendu que la requête de M. Destas a été
enregistrée au greffe de la chambre d’Ilede-France le 2 juillet 2001 ; que le jugement
du 11 janvier 2001 dont il est élevé appel lui
a été notifié le 28 avril 2001, comme
l’atteste l’avis de réception postal ; que le
délai réglementaire expirait le 29 juin 2001 ;
qu’en conséquence, la requête de M. Destas
est, à ce premier titre, irrecevable ;
Attendu au surplus, que l’article R. 243-4 du
Code des juridictions financières précise
que la requête doit contenir à peine de nullité l’exposé des faits et moyens ainsi que
les conclusions du requérant ;
Attendu que la requête en appel ne comporte pas l’exposé des moyens ni les
conclusions du requérant ; que, dès lors,
elle est, pour ce deuxième motif, irrecevable ;
Attendu enfin, que si M. Destas, déclaré
comptable de fait à titre définitif par le
jugement en date du 27 septembre 1995,
avait qualité pour élever appel, son intérêt
pour agir n’était pas établi ; qu’en effet, les
dispositions définitives du jugement
attaqué, seules susceptibles de faire l’objet
d’un appel, levaient les injonctions de production d’un compte et d’une délibération
du conseil d’administration du lycée ; qu’en
conséquence, elles ne lui faisaient pas
grief ;
Attendu qu’il résulte de ce qui précède que
la requête de M. Destas est irrecevable.
Cour des comptes,
Formation interchambres d’appel,
arrêt nº 38627,
10 février et 25 mars 2004,
Ecole nationale de chimie,
physique et biologie de Paris
(ENCPB) (11)
Amende pour retard (production des
comptes) ; qualification de l’amende ; circonstances atténuantes.
Les difficultés de qualification juridique de l’amende
La qualification juridique des amendes
pour retard pose toujours, au juge et au
commentateur, des difficultés certaines.
En effet, si une jurisprudence ancienne en
fait de véritables peines (C. comptes,
19 octobre 1897, 9 novembre 1897, Trésorier de la fabrique de Saint-Amand-enPuisaye, Rec. C. comptes 90. C. comptes,
29 janvier 1925, Conseil de Préfecture de
la Savoie, Rec. C. comptes 25), ne pouvant
dès lors sanctionner que des retards
accomplis et non des retards éventuels
(11) Voir aussi, aux mêmes dates, arrêt nº 38629.
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
(mêmes arrêts), elles ne peuvent faire
l’objet de sursis, ne sont pas inscrites au
casier judiciaire et ne peuvent, comme le
rappelle le présent arrêt, faire l’objet
d’amnistie (C. comptes, 15 décembre
1971, Rosnel-Chillon, percepteur de
Capesterre, Rec. C. comptes 10). Par ailleurs, la Cour se refuse, contrairement à
l’avis du procureur général, à mettre en
œuvre le principe d’application immédiate
de la loi pénale plus douce (C. comptes,
2 mars 1995, Caisses des écoles de Paris,
La Revue du Trésor 1995.453. C. comptes,
4 mai 1995, Associations territoriales
d’Arles, La Revue du Trésor 1995.544).
La Cour refuse ainsi à reconnaître aux
amendes un caractère pénal mais leur
confère seulement un caractère répressif
(C. comptes, 16 février 1995, 20 avril 1995,
Université de Bordeaux I, La Revue du
Trésor 1995.770, concl. Ministère public).
Il en résulte que les dispositions relatives
à l’amende doivent être interprétées
strictement. Dès lors, ne peuvent être
condamnés à l’amende que les comptables pour lesquels un délai pour la reddition des comptes est prévu, ce qui n’est
pas le cas pour les établissements culturels à l’étranger (C. comptes, 19 janvier
1995, Institut français de recherche en
Afrique, Rec. C. comptes 3 ; La Revue du
Trésor 1995.460).
Il a été jugé encore que les amendes pour
retard sont des pénalités personnelles ; si
elles sont prononcées à raison du retard
à répondre à des injonctions portant sur
la gestion de plusieurs comptables successifs, chacun n’est punissable que pour
les injonctions qui le concernent (C.
comptes, 13 février 1992, Lycée du
Lamentin, Rec. C. comptes 9 ; La Revue du
Trésor 1992.572 ; RF fin. publ. 1993, nº 43,
p. 147). Par ailleurs, la condamnation par
la Cour à une amende pour retard est
indépendante des sanctions disciplinaires
(C. comptes, 1er août 1995, note du Parquet, Rec. C. comptes 257).
Le juriste reste donc sur sa faim. S’il
connaît le régime juridique de l’amende
pour retard (notamment en raison de
l’applicabilité des stipulations de l’article 6
de la Convention EDH), il ne lui reste,
s’agissant de la qualification de celle-ci,
que le recours à la notion de sanction sui
generis.
Les circonstances atténuantes
Le juge dispose d’une grande liberté
d’appréciation des circonstances et détermine si celles-ci justifient une exonération
totale ou partielle de l’amende. Ainsi, la
cour ne prononcera pas d’amende
lorsque, le comptable étant en retraite et
de santé fragile, il n’est pas en mesure de
répondre aux injonctions et que, connaissant cet état de fait, l’Administration ne
prend aucune mesure pour suppléer
cette défaillance et en particulier n’a pas
désigné de commis d’office (C. comptes,
28 juin 1989, LEP Charles-Baudelaire à
Evry, Rec. C. comptes 68 ; La Revue du
Trésor 1990.227). De même, justifie une
diminution du montant de l’amende provisoire pour retard à répondre aux injonctions, le comptable qui fait état de la disparition des données informatiques des
encaissements suite au vol d’un ordinateur et la dégradation de son état de
santé (C. comptes, 1er et 30 mars 2004,
Ecole nationale de voile, arrêt nº 38906.
V. aussi C. comptes, 10 février et
25 mars 2004, Collèges Hippolyte-Rémy
et Madame de La Fayette à Coulommiers et autres, arrêt nº 38536).
La Cour tient compte également des difficultés inhérentes au poste comptable luimême. C’est le cas en particulier de l’alourdissement de la charge d’activité du poste
comptable ou de l’insuffisance du personnel en fonction (C. comptes, 10 mai
1989, Collège Daniel-Fery à Limeil-Brevannes, Rec. C. comptes 134 ; La Revue du
Trésor 1989.602. C. comptes, 7 mars 1990,
Lycée Alain au Vesinet et collège JeanMoulin à Croissy, Rec. C. comptes 36. C.
comptes, 17 février 1992, Centre national
de la cinématographie, La Revue du Trésor
1992.571 ; RF fin. publ. 1993, nº 43, p. 147).
Comme en l’espèce, la Cour peut se
fonder sur les contraintes issues du déménagement du poste comptable (CRC Ilede-France, 21 décembre 1995, Commune
et OPHLM de Saint-Denis, La Revue du
Trésor 1996.341) ou sur les difficultés
posées par l’informatisation de la comptabilité ou par la gestion du poste (C.
comptes, 27 mars 1995, Conseil national
du crédit, La Revue du Trésor 1995.771).
On notera enfin que la Cour a précisé que
les délais accordés par le Ministère public
pour le calcul de la durée des retards ont
pour seule incidence de différer le
moment où le Ministère public, qui est
maître des poursuites, décide de prendre
un réquisitoire en vue de l’infliction de
l’amende ; ces délais ne sauraient avoir
pour effet de modifier la date réglementaire de production des comptes, seule
opposable au juge des comptes (C.
comptes, 10 février et 25 mars 2004,
Collège Hutinel à Gretz-Armainvilliers
et autres, arrêt nº 38538).
Extrait
Sur le fond :
Attendu que le requérant soutient en premier lieu que le retard dans la production
des comptes constituerait une faute couverte par la loi d’amnistie nº 2002-1062 du
6 août 2002 ; que cette loi vise d’une part
les délits pour lesquels une peine d’amende
est encourue (art. 2, 2º de cette loi), et
d’autre part, les faits commis avant le
17 mai 2002 en tant qu’ils constituent des
fautes passibles de sanctions disciplinaires
ou professionnelles (art. 11, al. 1er) ;
Attendu que si les amendes infligées par les
juridictions financières ont un caractère
répressif, elles ne sont pas de nature pénale
et les infractions qu’elles sanctionnent ne
constituent pas des délits ; qu’elles ne sont
pas davantage des sanctions disciplinaires
ou professionnelles, ces dernières étant
entourées de garanties spécifiques et relevant de la compétence d’autres autorités ;
qu’à défaut de mention explicite concernant les amendes prononcées par la Cour
des comptes, les lois d’amnistie ne leur sont
donc pas applicables ; que ce premier
moyen doit en conséquence être rejeté ;
Attendu que le requérant invoque ensuite
des circonstances susceptibles de l’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité
dans la non-production du compte de
1997 ; qu’il avance d’abord l’insuffisance du
personnel affecté au poste comptable qu’il
dirigeait ;
59
Mais attendu que cet argument avait déjà
été présenté devant les premiers juges, qui
en ont tenu compte, en ramenant le taux
mensuel de l’amende de 22 à 18 c ; que,
sauf erreur de droit ou de fait non établie
en l’espèce, lorsqu’un argument dont a
déjà tenu compte la juridiction de premier
ressort pour modérer le taux d’amende est
invoqué devant le juge d’appel, celui-ci ne
saurait le retenir une seconde fois ; que ce
moyen doit donc être rejeté ;
Attendu que le requérant fait valoir enfin
l’existence de difficultés qui ont affecté le
bon fonctionnement du poste comptable
entre 1995 et 2000 ; qu’en particulier, des
travaux effectués sur le bâtiment ont rendu
nécessaire deux déménagements du poste
comptable et ont engendré de nombreuses coupures électriques affectant le
fonctionnement de la tenue informatisée
de la comptabilité ; que, par surcroît, le
requérant a connu durant cette période
des problèmes de santé, attestés par la production d’un certificat médical qui n’avait
pas été présenté aux premiers juges ; que
ce moyen peut être admis pour atténuer le
montant de l’amende ;
Considérant qu’il sera fait une juste appréciation de ces dernières circonstances en
ramenant le taux de l’amende de 18 c à 11 c
par mois de retard, soit au total 99 c pour
neuf mois de retard dans la production du
compte de l’exercice 1997.
Conclusions nº 7769
du 30 septembre 2003
(extrait)
Sur la recevabilité de l’appel :
L’appel est dirigé contre des dispositions à
caractère définitif, le comptable a qualité et
intérêt à agir et sa requête répond aux
conditions réglementaires de forme et de
délai ;
L’unique difficulté provient de ce que la
requête n’est pas signée par M. Paulin et
que le dossier d’appel ne comporte pas
trace du mandat que ce dernier aurait
donné à la société d’avocats Molas et associés pour signer cette requête et le représenter dans cette affaire ;
La Cour a toutefois déjà admis la recevabilité
d’un appel signé seulement par l’avocat de
l’appelant dans des cas où le mandat n’était
pas apparent (12) ;
Au demeurant, l’existence d’un mandat
écrit ne paraît pas pouvoir être exigée,
compte tenu des règles spécifiques qui
concernent les avocats :
– règles légales, avec l’article 416 du nouveau code de procédure civile (« quiconque
entend représenter ou assister une partie
doit justifier qu’il en a reçu le mandat ou la
mission. L’avocat ou l’avoué est toutefois
dispensé d’en justifier ») ;
– règles jurisprudentielles (CE, 29 mai 1991,
Gras et 13 décembre 1991, Syndicat des
commerçants non sédentaires de la
Savoie) ;
– règles coutumières (« l’avocat doit être
cru sur sa robe ») ;
L’appel Nous paraît donc recevable ;
(12) Cf. Cour des comptes, 4 mai 1995, Nice Communication et Nos conclusions nº 1627 du 28 février 1995 et
nº 1703 du 5 avril 1995.
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
Sur la procédure suivie devant la
chambre régionale :
En vertu du premier alinéa de l’article
R. 212-19 du Code des juridictions financières, le Ministère public près les chambres
régionales des comptes « veille à la production des comptes dans les délais réglementaires et, en cas de retard, requiert l’application de l’amende prévue par la loi » ;
Suivant
une
jurisprudence
jusqu’ici
constante de la Cour et des chambres
régionales des comptes, le réquisitoire du
Ministère public saisit la juridiction du fait
qu’un comptable n’a pas produit un ou des
comptes dans le délai réglementaire. Si, à
la date où elle statue, la juridiction constate
que le compte n’est toujours pas produit,
elle peut fixer le montant de l’amende en
prenant en considération la durée totale du
retard, sans être limitée à la seule durée
relevée à la date du réquisitoire. Dès lors, il
lui est également loisible, sans qu’intervienne un nouveau réquisitoire, de sanctionner la carence prolongée du comptable
par des décisions successives, sans attendre
pour statuer que le compte soit finalement
produit afin de calculer le montant de
l’amende en fonction de la totalité du
retard ;
Dans quelques cas exceptionnels, la jurisprudence de la Cour des comptes donne
des exemples de multiples arrêts faisant
suite à un unique réquisitoire initial et sanctionnant des périodes successives de retard
dans la production du ou des mêmes
comptes (13) ;
Un réquisitoire distinct est en revanche
nécessaire pour saisir la juridiction de
retards constatés dans la production d’un
compte différent de celui ou de ceux visés
par le premier réquisitoire ;
Au cas d’espèce, c’est donc à bon droit que,
saisie par un réquisitoire du Ministère public
du 21 janvier 2000 du retard constaté dans
la production du compte 1997 de l’Ecole, la
chambre régionale des comptes a pu tout
d’abord sanctionner un retard s’étendant
du 1er janvier 1999 au 31 mars 2000 par
jugement définitif du 13 septembre 2001,
puis la poursuite de ce retard jusqu’au
31 décembre 2000, par jugement définitif
du 3 juillet 2002, sans être dans le second
cas saisie d’un nouveau réquisitoire ;
Sur le fond :
L’appelant se prévaut tout d’abord de la loi
d’amnistie nº 2002-1062 du 6 août 2002 qui
vise, d’une part, les délits pour lesquels une
peine d’amende est encourue (art. 2, 2º) et
d’autre part, les faits commis avant le
17 mai 2002 qui constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles (art. 11, al. 1er) ;
Certes, les amendes infligées par les juridictions financières ont un caractère répressif
qui a conduit le Conseil d’Etat à juger que
les stipulations de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés fondamentales
leur étaient applicables (CE, 30 octobre
1998, Lorenzi ; 16 novembre 1998, SARL
Deltana et M. Perrin). Pour le même motif,
la Cour des comptes ou son Parquet
général ont considéré que ces amendes
avaient un caractère personnel ou encore
qu’elles pouvaient relever d’une application
in mitius de la loi nouvelle (14) ;
Pour autant, lesdites amendes n’ont pas à
proprement parler un caractère pénal et les
infractions qu’elles sanctionnent ne constituent pas des « délits ». A défaut de mention
explicite les concernant, les lois d’amnistie
ne leur sont donc pas applicables (CE,
21 juillet 1970, Consorts Darrac s’agissant
des amendes pour gestion de fait (15) ;
30 juin 1961, Mazer s’agissant des amendes prononcées par la Cour de discipline
budgétaire et financière ; C. comptes,
15 décembre 1971, Réunion de Capesterre,
Rec. p. 10, pour des amendes pour retard
dans la production des comptes) ;
Les amendes prononcées par les juridictions financières, et au cas particulier
l’amende pour retard dans la production
des comptes, ne sont pas davantage des
sanctions disciplinaires ou professionnelles,
ces dernières étant entourées de garanties
spécifiques et relevant des compétences
d’autres autorités. Les deux types de sanctions sont d’ailleurs cumulables, y compris
dans le cas de la Cour de discipline budgétaire et financière dont l’appellation évoque
de manière ambiguë le domaine disciplinaire (cf. art. L. 314-18 du Code des juridictions financières « Les poursuites devant la
Cour (CDBF) ne font pas obstacle à l’exercice de l’action pénale et de l’action disciplinaire ») ;
Le moyen devrait donc être rejeté au motif
que l’amende pour retard dans la production des comptes ne constitue ni un délit,
ni une sanction à caractère disciplinaire ou
professionnel, et n’entre donc pas dans le
champ d’application de la loi d’amnistie du
6 août 2002 ;
Le requérant évoque ensuite des circonstances susceptibles de l’exonérer de tout
ou partie de sa responsabilité dans la nonproduction du compte ;
Il reprend en les développant et en les complétant les arguments déjà présentés
devant la chambre régionale des comptes
et met notamment en avant l’effectif
insuffisant de son poste comptable, la
surcharge de travail à laquelle il a dû faire
face, son comportement irréprochable et
son dévouement au service public ;
Dans le jugement attaqué, la chambre
régionale des comptes, tout en regrettant
que le comptable et l’ordonnateur n’aient
pas fourni de preuve matérielle des éléments à décharge allégués dans leurs courriers respectifs du 29 octobre 2000 et du
6 mai 2001, a toutefois accepté « de
prendre en compte les difficultés avancées
par M. Paulin dans l’exercice de ses fonctions » pour ramener le taux mensuel de
l’amende infligée de 22 à 18 c ;
Rien ne permet de déduire de cette motivation que la production de documents
plus explicites, telles les fiches de notation
fournies au juge d’appel, aurait entraîné
une réduction plus sensible du quantum de
l’amende ;
Par ailleurs, en visant « les difficultés avancées par M. Paulin dans l’exercice de ses
fonctions », la chambre régionale ne réduit
pas les circonstances atténuantes invoquées par le comptable au seul souseffectif du poste, mais fait référence à
l’ensemble de la charge de travail de celui-ci
et notamment aux « contraintes quotidiennes de gestion » liées à ses fonctions
de gestionnaire de l’établissement rappelées dans le deuxième attendu ;
60
Il paraît donc un peu artificiel d’opposer le
sous-effectif du poste qui aurait déjà été
pris en considération dans la fixation du
quantum, et la surcharge de travail qui ne
l’aurait pas été, les deux choses étant au
demeurant très liées ;
De surcroît, le cumul des fonctions de
comptable et de gestionnaire est quasiment de règle dans les établissements
publics locaux d’enseignement, celui des
fonctions de comptable et de chef des
services financiers très fréquent dans
l’enseignement supérieur : la situation de
M. Paulin n’est donc en rien exceptionnelle
sur ce plan ;
Quant à l’attitude irréprochable de
M. Paulin, elle doit tout de même être relativisée : un comptable public qui, quatre
années successives, ne parvient pas à produire les comptes d’un établissement provoquant la nomination d’un commis
d’office, ne saurait être qualifié d’irréprochable ;
En définitive, le seul élément véritablement
nouveau de nature à modérer davantage le
quantum de l’amende Nous paraît être
l’état de santé de M. Paulin. En effet, un
certificat médical produit à l’appui de la
requête atteste que celui-ci a souffert de
1998 à 2000 d’une affection qui peut avoir
diminué sa capacité de travail. Cette circonstance n’avait été mentionnée en première instance ni dans la lettre du
29 octobre 2000 de M. Paulin, ni dans la
lettre du 6 avril 2001 du directeur de l’établissement, et il est peu probable qu’elle ait
été évoquée lors de l’audience publique
tenue le 31 mai 2002, car elle n’apparaît pas
dans le jugement du 3 juillet 2002 ;
La Cour a déjà admis de tenir compte d’un
certificat médical pouvant en partie justifier
la 2e production tardive d’un compte (C.
comptes, 31 janvier 1905, Syndicat de la
2e section des Waeteringues du département du Nord, Rec. p. 7 ; 14 janvier 1965,
Commune et bureau de bienfaisance de
Senlis, Rec. p. 7 ; 2 juin 1982, Lycée JeanLurçat à Martigues, Rec. p. 317) ;
En l’espèce, elle pourrait donc infirmer le
jugement de la chambre régionale qui n’a
pas été en mesure de tenir compte de l’état
de santé de M. Paulin et fixer le quantum
de l’amende à 11 c par mois de retard (la
moitié du taux maximum), soit une amende
de 99 c (9 mois de retard) (16).
(13) Cour des comptes, 18 juin 2001, lycée d’enseignement professionnel de Montsoult (ultime arrêt d’une
affaire ayant duré plus de vingt ans).
(14) Cf. Nos conclusions nº 6911 du 11 septembre 2002
(Commune d’Huez-en-Oisans) relatives aux nouvelles
règles de prescription issues de la loi nº 2001-1248 du
21 décembre 2001.
(15) L’arrêt du Conseil d’Etat du 6 janvier 1995 Nucci qui
confirme l’arrêt de la Cour du 30 septembre 1992,
concerne non pas l’amende pour gestion de fait mais la
déclaration de gestion de fait.
(16) Le rapport évoque (page 14) la possibilité, dans la
lignée de l’arrêt de la Cour du 11 novembre 1988 Commune de Morsang-sur-Orge, de mentionner dans l’arrêt
à intervenir la faculté pour le comptable de solliciter la
remise gracieuse de l’amende qui lui serait infligée. Une
telle mention, qui risquerait d’être perçue comme incitative, pourrait désormais sembler paradoxale dans la
mesure où, dans une lettre du 29 novembre 1999
adressée au ministre de l’économie, des finances et de
l’industrie, la Cour des comptes a suggéré, au nombre des
aménagements qu’il conviendrait d’introduire dans le
régime de responsabilité personnelle et pécuniaire des
comptables publics, l’exclusion totale des remises gracieuses pour les amendes au motif qu’à la différence des
débets, le juge des comptes se trouve en mesure de
prendre en considération dans sa décision le comportement du comptable et d’éventuelles circonstances atténuantes.
85e année - nº 1 - janvier 2005
chronique financière
Cour des comptes,
Formation interchambres d’appel,
arrêt nº 38684,
10 février et 25 mars 2004,
Lycée professionnel de Domène (Isère)
Appel ; appel du comptable de fait [infirmation du jugement]. Procédure ; caractère contradictoire ; notification des jugements.
L’arrêt ci-dessous rapporté répond à une
question restée jusque-là, à notre
connaissance, inédite : à quelles autorités
ou personnes morales doit être notifié un
jugement portant déclaration provisoire
de gestion de fait concernant les deniers
d’un établissement public local d’enseignement dissout au moment de l’instance ? Comme le note le Parquet dans
ses conclusions, la question n’était pas
simple en raison de l’imbrication dans
l’exercice des compétences en matière
éducative. On sait en effet que, depuis la
loi du 2 mars 1982 (art. L. 214-6 du Code
de l’éducation), la région a la charge des
lycées sous réserve des compétences de
l’Etat (dépenses pédagogiques à la charge
de l’Etat, dépenses de personnel). Mais, la
région n’est propriétaire que des locaux
dont elle a assuré la construction et la
reconstruction (art. L. 214-7), ce qui
n’était pas le cas en l’espèce. Par ailleurs,
le rectorat avait organisé la reprise des
formations jusque-là assurées par l’établissement dissout, par trois autres lycées
professionnels. La chambre régionale
aurait du choisir la sécurité et notifier son
jugement provisoire à l’ensemble des personnes potentiellement concernées (en
substance, le rectorat, la Région et les
trois établissements successeurs). En se
contentant de notifier le jugement aux
comptables de fait présumés et de transmettre la requête en appel à la Région, la
chambre régionale a ainsi violé le principe
du contradictoire.
La Cour relève par ailleurs une contradiction implicite dans le jugement entrepris :
la chambre régionale enjoint aux comptables de fait présumés de produire une
reconnaissance de l’utilité publique des
dépenses émanant du conseil d’administration du lycée Guynemer de Grenoble,
successeur du lycée de Domène. Toutefois, elle omet de notifier le jugement
audit lycée Guynemer, alors que le solde
des comptes du lycée de Domène à la clôture du dernier exercice lui avait été transféré.
Extrait
Sur la régularité de la procédure :
Attendu qu’en application de l’article 7 du
décret nº 89-863 du 27 octobre 1989 alors
en vigueur, « le jugement rendu par la
chambre régionale des comptes est
adressé au représentant de la collectivité ou
de l’établissement intéressé par le secrétaire général de la Chambre », disposition
reprise par l’article D. 246-7 du Code des
juridictions financières ;
Attendu que lorsque la chambre régionale
des comptes a rendu, le 2 mars 2000, le
jugement de déclaration provisoire de gestion de fait des deniers du lycée professionnel de Domène, celui-ci n’existait plus
depuis le 3 octobre 1996, date de l’arrêté
du préfet de l’Isère prononçant la dissolution de l’établissement ; que cet arrêté n’a
pas précisé les modalités de liquidation du
lycée ni les conditions de dévolution de ses
droits et obligations à une ou plusieurs
autres personnes morales ; que, toutefois,
le solde des comptes du lycée de Domène
à la clôture du dernier exercice a été transféré dans les comptes tenus par l’agent
comptable du lycée Guynemer de Grenoble ;
Attendu que si le jugement provisoire précité visait « la décision du comité technique
paritaire administratif du rectorat de Grenoble en date du 15 décembre 1995 par
laquelle le lycée professionnel de Domène
est fermé à effet de la rentrée 1996 et les
formations sont transférées au lycée Guynemer de Grenoble » et enjoignait aux personnes déclarées provisoirement comptables de fait de « produire une délibération
exécutoire du conseil d’administration du
lycée Guynemer de Grenoble, successeur
du lycée professionnel de Domène... reconnaissant l’utilité publique des dépenses », il
n’a été notifié qu’aux personnes déclarées
comptables de fait et au Ministère public ;
qu’ainsi, il n’a pas été adressé au représentant de l’établissement présumé successeur, en méconnaissance de l’article 7 du
décret nº 89-863 susvisé ;
Considérant, dès lors, que l’ordonnateur du
lycée Guynemer de Grenoble n’a pas été
mis en mesure de faire valoir ses observations éventuelles pour sauvegarder les
droits de l’établissement dans une instance
de gestion de fait des deniers dont celui-ci
devait hériter ; que le principe du contradictoire dont le respect est d’ordre public
a donc été méconnu, en l’absence de notification du jugement provisoire au représentant du lycée Guynemer de Grenoble ;
que ce défaut de notification constitue, en
l’espèce, un vice substantiel de l’ensemble
de la procédure suivie qui entache la régularité du jugement provisoire en date du
2 mars 2000 et celle du jugement définitif
dont il est fait appel ;
Considérant en conséquence et sans qu’il
soit besoin de soulever d’office d’autres
moyens, que les jugements de la chambre
régionale des comptes de Rhône-Alpes
rendus les 2 mars 2000 et 26 avril 2001 doivent être annulés ;
Attendu que le juge d’appel, lorsqu’il
annule des jugements irréguliers, peut user
du droit d’évocation pour statuer sur les
faits de la cause ;
Considérant toutefois que, dans les circonstances de l’espèce et au vu des pièces
produites en cause d’appel qui ne permettent pas d’établir en l’état, les responsabilités effectives et respectives des différents
protagonistes de l’affaire, il convient de
renvoyer à la chambre régionale des
comptes le soin de reprendre la procédure
contradictoire et de statuer à nouveau.
Conclusions nº 7296 du 12 février 2003
(extrait)
S’agissant du jugement attaqué du 26 avril
2001, relevons de même qu’il n’a été notifié
qu’aux deux personnes retenues à titre
définitif dans la gestion de fait, dont
Mme Faure, et aux comptables de fait provisoires exonérés de responsabilité, mais à
aucune personne morale héritière du lycée
dissout ;
61
Observons que des doutes subsistent
quant à l’identité de cette personne morale
héritière ; qu’en effet, il ressort d’une lettre
du directeur des affaires juridiques du
ministère chargé de l’Education nationale
du 10 décembre 2002 obtenue par la Cour
lors de l’instruction du présent appel que
le transfert des droits et obligations du
lycée de Domène pouvait concerner :
– le lycée Guynemer mais aussi deux autres
lycées professionnels, qui ont été tous trois
désignés pour reprendre l’organisation des
formations dispensées par le lycée fermé,
par décisions du recteur prises conformément aux articles L. 211-1, 211-2 et 421-1
du Code de l’éducation ;
– la région Rhône-Alpes pour les biens
mobiliers puisque, en vertu de l’article
L. 421-19 du Code de l’éducation, « lors de
la dissolution d’un établissement public
local d’enseignement, l’ensemble de son
patrimoine est dévolu à la collectivité territoriale de rattachement » ;
– et même l’Etat pour les biens immobiliers, dès lors que selon les articles L. 214-8
du Code de l’éducation et L. 1321-3 du
Code général des collectivités territoriales,
« en cas de désaffectation totale des biens,
la collectivité propriétaire recouvre l’ensemble de ses droits et obligations sur les
biens désaffectés », moyennant quoi les
locaux du lycée ont été rétrocédés de la
Région à l’Etat qui a décidé, par arrêté préfectoral du 26 février 1998, de les affecter
au rectorat de Grenoble ;
De fait, constatons que la requête en appel
a fait l’objet, en application de l’article
R. 243-8 du Code des juridictions financières, d’une notification par le Ministère
public à la région Rhône-Alpes, par lettre
du 6 novembre 2001 dans laquelle le commissaire du Gouvernement précise que
« comme il n’existe aucun acte ayant prévu
les modalités de transfert des droits et obligations de cet établissement à une personne morale nommément désignée, c’est
la région Rhône-Alpes qui en sa qualité de
collectivité territoriale de rattachement se
trouve désormais investie des droits et obligations du lycée fermé s’il en existe encore.
Or tel est le cas du fait même de l’instance
en gestion de fait » ; qu’à cette occasion, le
Ministère public communique également à
la Région ledit jugement définitif en précisant : « en tant que personne morale ayant
succédé dans les droits et obligations du
lycée professionnel de Domène, la région
Rhône-Alpes a la faculté de faire appel des
jugements définitifs rendus au cours de
l’instance ouverte », ce qui peut être considéré comme une notification tardive du
jugement attaqué à la faveur de l’appel
interjeté contre lui ;
En déduisons que, si la région Rhône-Alpes
et le lycée Guynemer, et le cas échéant
l’Etat, voire deux autres lycées professionnels, pouvaient être considérés comme
intéressés à la succession des droits et obligations du lycée de Domène, il y avait lieu,
dans le cadre de la procédure contradictoire dont le respect est d’ordre public, de
leur permettre de répondre au jugement
provisoire pour sauvegarder leurs droits ;
que le défaut de notification dudit jugement à leur égard constitue un vice substantiel de procédure qui leur fait grief et
est de nature à entacher la régularité du
jugement définitif qui a suivi.
85e année - nº 1 - janvier 2005
Téléchargement