La Cour des comptes Michel LASCOMBE Xavier VANDENDRIESSCHE Professeur à l’IEP de Lille Professeur à l’Université de Lille-2 Retour sur la responsabilité du comptable assignataire et du régisseur ou la fin de la jurisprudence « Blémont »... On sait que, depuis la jurisprudence Blémont, le Conseil d’Etat estime (et cette position a été réitérée à plusieurs reprises) que la responsabilité du comptable assignataire reste engagée, alors même que le régisseur a obtenu décharge de responsabilité ou remise gracieuse. Inutile de revenir ici sur les effets néfastes de cette jurisprudence (lesquels ont déjà fait l’objet de nombreux développements dans cette Revue) ; qu’il nous soit simplement permis de nous féliciter qu’une fructueuse collaboration entre la Cour et la Direction générale de la Comptabilité publique ait permis d’aboutir à une modification du décret nº 66-850 du 15 novembre 1966 relatif à la responsabilité personnelle et pécuniaire des régisseurs de manière à exonérer le comptable assignataire, hors le cas de faute, de toute responsabilité à raison de la mise en cause de la responsabilité des régisseurs placés sous son autorité. En effet, le décret nº 2004-737 du 21 juillet 2004 modifiant l’article 12 du décret nº 66-850 du 15 novembre 1966 relatif à la responsabilité personnelle et pécuniaire des régisseurs (1) prévoit désormais : « Les sommes allouées en décharge de responsabilité ou en remise gracieuse aux régisseurs ou celles dont ceux-ci ont été déclarés responsables mais qui ne pourraient pas être recouvrées ne peuvent être mises à la charge du comptable assignataire par le juge des comptes ou par le ministre sauf si le débet est lié à une faute ou une négligence caractérisée commise par le comptable public à l’occasion de son contrôle sur pièces ou sur place. » Résumés de jurisprudence résumés Cour des comptes, 7e Chambre, arrêt nº 36755, 18 juin et 24 juillet 2003, Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse Gestion de fait ; personnes pouvant être déclarées comptables de fait ; comptable patent (nomination irrégulière). ou encore lorsque les agissements reprochés sont le fait des régisseurs dont le comptable est assignataire (CRC Aquitaine, 29 novembre 1990, Association « Comité d’organisation du festival international de musique et d’art dramatique de Bordeaux », Rec. C. comptes 141). Nul ne peut échapper aux rigueurs de la gestion de fait, pas même le comptable public apparemment régulièrement nommé et exerçant ses fonctions en toute transparence. C’est le cas dans l’espèce ci-dessous rapportée, un comptable public ayant été admis à faire valoir ses droits à la retraite ayant été « régulièrement » nommé comptable de l’Agence de l’eau. Cet arrêt permet ainsi de rappeler les hypothèses dans lesquelles un comptable patent peut être attrait dans une procédure de gestion de fait. Le comptable public pourra également être déclaré comptable de fait lorsqu’il s’ingère dans des opérations relevant de la compétence d’un autre comptable patent (C. comptes, 7 mai 1958, Bantas et Moreau, régie départementale des passages d’eau de la Vendée, Rec. C. comptes 69. CE, 4 octobre 2000, Ministre des Finances c/ M. Pair, Rec. CE 385 ; La Revue du Trésor 2001.122, concl. Seban [sol. impl.]. C. comptes, 7 décembre 2000, Communication du procureur général nº 26626, Rec. C. comptes 233 ; RFD adm. 2003.592). C’est le cas par exemple d’un trésorier-payeur général ayant continué d’assurer la gestion comptable d’un syndicat mixte regroupant des communes et un département en contradiction avec les dispositions des articles 54 et 56 de la loi du 2 mars 1982 (CRC Provence-Alpes-Côte d’Azur, 6 avril 1993, SYMIVAL, La Revue du Trésor 1994.118) ou de l’exécution par des comptables d’établissements publics de dépenses engagées par les services de l’Etat, contraire au principe d’autonomie de ces établissements (C. comptes, 21 novembre 1995, référé nº 8030, Rec. C. comptes 289. Voir également, cidessous C. comptes, 7 avril et 7 juin 2004, Lycée Jean-Rostand à Roubaix). On sait tout d’abord que, comme n’importe quelle personne physique ou morale, les comptables patents peuvent être déclarés en gestion de fait : lorsqu’ils y ont participé activement (C. comptes, 12 avril 1949, Bonnell et Cohen-Solal, Commune mixte de Guergour, Rec. C. comptes 25 ; GAJF, 4e éd., nº 41 et jurisprudence citée p. 354. CRC Provence-Alpes-Côte d’Azur, 29 juin 1993, Gestion de fait des associations territoriales d’Arles, La Revue du Trésor 1996.508). Il en va de même s’ils ne pouvaient ignorer les conditions irrégulières de la gestion (CRC BasseNormandie, 25 février 1988, Commune de Cormolain, La Revue du Trésor 1993.703) 38 Il peut encore s’agir d’une personne qui occupe la fonction de comptable public sans y avoir été régulièrement habilitée (C. comptes, 22 mars 1994, Syndicat mixte pour l’aménagement et l’équipement du plateau de Valbonne, La Revue du Trésor 1994.517). Il en va de même lorsque la nomination de l’agent comptable a été annulée par le juge administratif (C. comptes, 24 octobre 2002, Université française du Pacifique, AJDA 2003.1222). La Cour ne se fie pas aux apparences et n’hésite pas à qualifier de comptable de fait un comptable, nonobstant sa nomination par arrêté préfectoral, son installation et sa prestation de serment comme comptable et le versement d’un cautionnement, toutes formalités dont il justifie par pièces régulières, dès lors que c’est sans titre suffisant qu’il s’est immiscé dans le maniement des deniers publics (C. comptes, 15 juin 1982, Institut départemental de sourds-muets et d’aveugles de SaintMédard-les-Soissons, Rec. C. comptes 10. V. aussi C. comptes, 2 juillet 1959, Receveur irrégulier de l’OPHLM de Huningue, Rec. C. comptes 25). Mais la Cour va plus loin encore dans la présente espèce puisqu’elle élargit le périmètre de la gestion de fait, d’abord au trésorier-payeur général, en sa qualité de supérieur hiérarchique et de responsable du contrôle administratif du poste comptable en cause (art. 189 du RGCP). La Cour estime en effet qu’il ne pouvait ignorer la mise à la retraite de l’intéressé et qu’il a (1) JO nº 173 du 28 juillet 2004, p. 13421. 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière ainsi toléré la gestion de fait. La Cour avait déjà jugé que l’approbation par un trésorier-payeur général d’une convention mettant en place une gestion de fait et l’ouverture dans ses écritures d’un compte de fonds particuliers pour retracer les opérations font entrer le trésorier-payeur général dans le périmètre de la gestion de fait dans l’exercice de ses fonctions de contrôleur financier local (C. comptes, 8 février 1996, Association pour la promotion de l’information économique et sociale, La Revue du Trésor 1999.259). Plus largement, on sait que les supérieurs hiérarchiques seront déclarés comptables de fait « de longue main » dès lors qu’ils ont ordonné ou connu et toléré les faits (C. comptes, 8 février 1990, Régisseur d’avance du poste diplomatique d’Accra et ambassadeur de France au Ghana, Rec. C. comptes 28 ; La Revue du Trésor 1995.767. C. comptes, 30 mars 2000, Association du comité social en faveur du personnel communal de Villersles-Nancy, La Revue du Trésor 2001.33). Si les supérieurs ont approuvé, encouragé, facilité voire simplement toléré les irrégularités, ils seront déclarés en gestion de fait lors même qu’ils n’ont pas pris l’initiative de celles-ci (C. comptes, 11 octobre 1961, Laqueuille, Rec. C. comptes 63. C. comptes, 4 juillet 1985, Association Média et vie sociale, Comiti et autres, Rec. C. comptes 105 ; La Revue du Trésor 1992.50. CE, 9 juin 2000, Bergé, La Revue du Trésor 2001.122). Le même raisonnement s’applique en l’espèce aux deux signataires de l’arrêté de nomination du comptable « retraité »... Extrait Attendu que par arrêt susvisé du 13 novembre 2002, la Cour a déclaré provisoirement comptable de fait des deniers de l’agence de l’eau Rhône - Méditerranée Corse M. Vèque, au motif que ce dernier, après avoir occupé régulièrement les fonctions de comptable de l’agence d’abord comme titulaire jusqu’à la date de son admission à la retraite survenue le 21 mars 1993, puis comme intérimaire désigné dans l’intérêt du service par le directeur de la comptabilité publique jusqu’au 5 juillet 1993, a été nommé par un arrêté en date du 6 juillet 1993 agent comptable titulaire de l’agence, fonction qu’il a conservée jusqu’au 5 juillet 1996 à la veille de son remplacement par Mlle Jean ; qu’en effet, l’arrêté du 6 juillet 1993, qui mentionnait lui-même la qualité de trésorier principal « honoraire » de M. Vèque, n’avait pu lui conférer la qualité de comptable public puisque celui-ci avait été admis à faire valoir ses droits à la retraite par limite d’âge, celle-ci ayant eu pour effet de priver M. Vèque de tout lien avec le service ; que M. Vèque se trouvait donc dépourvu de titre légal à manier les deniers de l’agence pendant toute la période allant du 6 juillet 1993 au 5 juillet 1996 ; Attendu que dans sa réponse, M. Vèque avance qu’il ne pouvait mettre en cause la légalité d’un arrêté de nomination publié au Journal officiel ; Mais attendu que la simple publication d’un acte de nomination au Journal officiel, qui peut certes produire certains effets de droit, ne saurait suffire à présumer de sa légalité ni à lui permettre de constituer le titre légal sans lequel un comptable ne peut manier des fonds publics ; Attendu que par l’arrêt susvisé, la Cour a déclaré provisoirement comptables de fait des deniers de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée - Corse MM. Laurent et Pinguet, respectivement directeur de l’eau au ministère chargé de l’Environnement et sous-directeur à la Direction de la Comptabilité publique à l’époque des faits, tous deux signataires de l’arrêté du 6 juillet 1993, au motif qu’ils avaient rendu possible la gestion de fait en désignant irrégulièrement comme comptable une personne qui ne pouvait prétendre à ce titre ; Attendu que dans sa réponse, M. Pinguet indique que la nomination de M. Vèque, pourtant admis à faire valoir ses droits à la retraite par limite d’âge, serait la conséquence du fait que le poste comptable de l’agence ne pouvait désormais plus être occupé en adjonction de service et nécessitait l’emploi d’un comptable à temps plein, emploi qui n’avait pas été prévu dans le budget de l’agence pour l’année 1993 ; Mais attendu que les éléments d’opportunité mis en avant par M. Pinguet dans sa réponse pour justifier le maintien dans ses fonctions puis la nomination de M. Vèque ne sont pas de nature à modifier l’appréciation juridique de la Cour ; Attendu que M. Laurent estime dans sa réponse n’avoir eu aucune influence sur la nomination de M. Vèque, qui était le fruit d’une procédure interne à la Direction de la Comptabilité publique, et fait valoir qu’il n’a, en tout état de cause, pas manipulé les deniers de l’établissement ; Mais attendu qu’en dépit des circonstances administratives alléguées par M. Laurent, celui-ci n’en a pas moins signé l’arrêté de nomination qui a rendu possible la gestion de fait ; que l’absence de manipulation des deniers de sa part ne fait pas obstacle à une déclaration de gestion de fait de longue main ; Attendu que par l’arrêt susvisé, la Cour a déclaré provisoirement comptable de fait des deniers de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée - Corse M. Drapé, trésorierpayeur général de la région Rhône-Alpes et du département du Rhône à l’époque des faits, à ce titre supérieur hiérarchique de M. Vèque et chargé du contrôle administratif du poste comptable de l’agence de l’eau, au motif qu’il n’avait pu ignorer que la mise à la retraite de M. Vèque empêchait que ce dernier pût être régulièrement nommé à un poste comptable qu’il était chargé de contrôler en application de l’article 189 du décret susvisé du 29 décembre 1962 ; qu’en n’émettant aucune réserve à l’encontre de cette nomination, il avait toléré les agissements qui ont permis la gestion de fait ; Attendu que M. Drapé affirme dans sa réponse n’avoir eu aucun pouvoir pour s’opposer à la nomination de M. Vèque, qui était réglementairement de la responsabilité des ministres chargés de l’Environnement et du Budget ; qu’en outre, le contrôle du trésorier-payeur général sur les postes comptables des établissements situés dans son ressort territorial se limitait à la gestion administrative de ces derniers et non à la nomination de leurs titulaires ; Mais attendu que M. Drapé aurait dû signaler au directeur de la comptabilité publique l’impossibilité de nommer M. Vèque au-delà de la limite d’âge, sur laquelle il avait lui-même appelé l’attention 39 de sa hiérarchie peu auparavant en vue de pourvoir à son remplacement à la tête de la trésorerie de Lyon-Municipale ; qu’en s’abstenant de le faire et en transmettant sous son couvert la demande de M. Vèque en date du 25 janvier 1993 sollicitant de la Direction de la Comptabilité publique sa nomination comme comptable de l’agence à compter du 1er juillet 1993, M. Drapé a bien toléré la gestion de fait et que, pour ce motif, il peut être considéré y avoir participé ; Attendu enfin que M. Vèque argue qu’il n’a nullement dissimulé la gestion des fonds en cause, puisqu’il a agi de manière découverte comme comptable patent de l’organisme ; que MM. Pinguet et Laurent mettent aussi en avant, dans leurs réponses respectives, le caractère non occulte des opérations ; Mais attendu que si l’intention de dissimuler des opérations de gestion de fait est une caractéristique fréquente de cette irrégularité, elle n’en est pas un élément constitutif ; que la gestion de fait est constituée à partir du moment où il y a maniement de deniers publics par un manutenteur dépourvu de titre légal ; qu’en l’espèce, l’arrêté de nomination de M. Vèque, survenu plusieurs mois après l’admission de ce dernier à la retraite par limite d’âge, ne constituait qu’une habilitation apparente qui ne pouvait produire des effets vis-à-vis du juge des comptes ; qu’à défaut de titre légal pour manier des deniers publics, M. Vèque doit donc être déclaré comptable de fait, ainsi que ceux qui ont rendu possible cette situation ; Par ces motifs, Ordonne : Statuant définitivement, MM. Vèque, Pinguet, Laurent et Drapé sont déclarés conjointement et solidairement comptables de fait des deniers de l’agence de l’eau Rhône - Méditerranée - Corse pour l’ensemble des opérations exécutées du 6 juillet 1993 au 5 juillet 1996. Cour des comptes, 3e Chambre, arrêt nº 38655, 9 février 2004, Université Paris-IX Dauphine Dépenses ; primes, indemnités, rémunérations accessoires ; enseignement supérieur. Dans l’espèce ci-dessous, la Cour reprend, de manière particulièrement pédagogique, le raisonnement déjà tenu dans son arrêt du 24 avril 2003, Université de Reims (La Revue du Trésor 2004.551) s’agissant des rémunérations complémentaires accordées par les universités aux enseignants chercheurs. Ceux-ci ne peuvent en aucun cas bénéficier de rémunérations fondées sur le décret nº 76-193 du 24 février 1976 fixant le régime de rémunérations pour travaux supplémentaires administratifs et techniques susceptibles d’être versées par les universités aux fonctionnaires et agents de l’Etat qui les exclut expressément de son champ d’application. Les agents comptables des universités liront ainsi avec intérêt le présent arrêt qui reprend l’énumération des diverses primes dont peuvent bénéficier les enseignants chercheurs des universités 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière (prime de charges administratives ; prime de responsabilités pédagogiques ; prime d’encadrement doctoral et de recherche). Ne disposant pas de fondement réglementaire pour le paiement des vacations en cause, le comptable aurait dû suspendre le paiement. En effet, les primes et indemnités doivent être justifiées, d’une part, par la décision octroyant la prime ou l’indemnité et précisant soit expressément, soit par référence à un texte législatif ou réglementaire régissant l’avantage en cause, s’il y a lieu, l’assiette globale de la prime et son montant global, les catégories de bénéficiaires, et ses conditions particulières de versement, l’assiette de la prime individuelle, son montant ou les modalités de détermination de son montant, d’autre part, par un décompte individuel comportant la référence à la décision ainsi que les éléments relatifs à l’assiette de la prime, sa liquidation et son montant (CRC Nord - Pas-deCalais, 8 juillet 1992 et 6 janvier 1993, Commune de Courcelles-lès-Lens, Rec. C. comptes 1993.7). S’agissant de primes ou indemnités versées à des fonctionnaires, le comptable doit s’assurer qu’elles sont bien autorisées par les textes en vigueur (C. comptes, 5 mai 1988, ENS horticole de Versailles, Rec. C. comptes 61). Ont ainsi été considérées comme des pièces insuffisantes une simple décision ministérielle sans qu’un texte législatif ou réglementaire autorise la prime (C. comptes, 5 juillet 1967, Lycée J.-Decour à Paris, Rec. C. comptes 111 ; 9 mars 1998, Ancien payeur général du Trésor, La Revue du Trésor 1998.655) ou des lettres signées par le directeur de cabinet du ministre (C. comptes, 2 février 1989, note du Parquet nº 9061, Rec. C. comptes 186). En l’espèce, le comptable ne pouvait se retrancher derrière une note du Parquet de la Cour (au surplus antérieure au décret du 12 janvier 1990) ou une interprétation conjointe de l’université et du ministère. En effet, dès lors que le texte de référence encadre précisément la prime dont s’agit, il n’est pas possible de l’attribuer plus largement et en particulier d’étendre une prime prévue pour les agents des services informatiques aux simples utilisateurs (C. comptes, 15 mai 2003, Communauté de communes du pays de Laval, La Revue du Trésor 2004.208 ; RFD adm. 2004.208). De même, les primes versées à des agents contractuels sont irrégulières dès lors que le décret les mettant en place ne prévoit pas que ces agents puissent en bénéficier (CRC Rhône-Alpes, 15 mai 2003, CHU de Grenoble, La Revue du Trésor 2004.117). Extrait Sur l’injonction nº 3 de l’arrêt nº 36262 du 24 avril 2003 : Attendu que, par un mandat nº 7112 du 18 juillet 2000 imputé sur le compte 641-42, des vacations administratives d’un montant total de 219 199,23 F (33 416,71 c) ont été payées sur le fondement du décret nº 76-193 du 24 février 1976 fixant le régime de rémunérations pour travaux supplémentaires administratifs et techniques susceptibles d’être versées par les universités aux fonctionnaires et agents de l’Etat ; que ces rémunérations ont été assorties d’un versement de taxe sur les salaires par un mandat nº 7099 du 18 juillet 2000 imputé sur le compte 631 pour un montant de 10 564,57 F (1 610,56 c) ; que le décret nº 76-193 du 24 février 1976, sur lequel sont fondées ces vacations, dispose, dans son article 2, que « les personnels, dont l’indice net de rémunération est inférieur ou égal au plafond mentionné au deuxième alinéa de l’article 3 du décret du 6 octobre 1950 susvisé, peuvent percevoir des indemnités horaires pour travaux supplémentaires suivant les mêmes conditions, plafonds et taux que ceux prévus par ce texte » ; que le même décret ajoute, dans son article 3, que « les personnels, dont l’indice net de rémunération est supérieur au plafond visé à l’article 2 ci-dessus, peuvent percevoir des vacations horaires dont les taux unitaires sont déterminés en application du tableau ci-après » ; que le décret nº 76-193 du 24 février 1976 se réfère donc, pour le paiement des vacations horaires, à un plafond défini par l’article 3 du décret nº 50-1248 du 6 octobre 1950 modifié relatif au nouveau régime des indemnités horaires pour travaux supplémentaires susceptibles d’être accordées aux personnels civils de l’Etat ; que ce décret nº 50-1248 du 6 octobre 1950 modifié est de surcroît visé par le décret nº 76-193 du 24 février 1976 ; que l’article 15 du décret nº 50-1248 du 6 octobre 1950 modifié dispose toutefois que ce décret n’est pas applicable « aux personnels enseignants qui demeurent soumis à une réglementation spéciale » ; que le comptable ne disposait donc pas d’un texte réglementaire pouvant fonder l’attribution de ces vacations horaires pour travaux supplémentaires administratifs à des enseignants ; qu’il a en conséquence été enjoint au comptable de produire dans le délai de deux mois la preuve du reversement dans la caisse de l’université Paris-IX Dauphine de la somme de 35 027,27 c (33 416,71 c + 1 610,56 c) ou, à défaut, toute autre justification susceptible de dégager sa responsabilité ; Attendu que le comptable a répondu qu’il avait lui-même incité l’ordonnateur à utiliser le décret nº 76-193 du 24 février 1976 pour rémunérer les enseignants pour des tâches administratives liées à la pédagogie et qu’il s’était appuyé à cet effet sur des recommandations de la Cour des comptes dont il avait eu connaissance dans ses fonctions antérieures d’agent comptable de l’université Paris-IV - Paris-Sorbonne ; Considérant que le comptable se réfère en l’occurrence à une communication du procureur général de la Cour en date du 16 novembre 1983 qui critiquait le paiement d’allocations forfaitaires mensuelles calculées au taux des heures complémentaires pour rémunérer des tâches telles que la correction de copies, la participation à des réunions et commissions pédagogiques, le contrôle et le suivi des étudiants ; que cette communication dénonçait à bon droit des paiements effectués sous forme d’heures complémentaires pour rémunérer des tâches qui ne relevaient pas de l’enseignement en présence des étudiants ; qu’en outre cette communication, qui n’était pas une décision juridictionnelle, était antérieure aux textes réglementaires fondant le régime indemnitaire des enseignants chercheurs actuellement en vigueur ; 40 Considérant en effet que le décret nº 90-50 du 12 janvier 1990 dispose, en son article 2, qu’une prime de charges administratives peut être attribuée aux enseignants chercheurs qui exercent une responsabilité administrative ; que le décret nº 99-855 du 4 octobre 1999 dispose, en son article premier, qu’une prime de responsabilités pédagogiques est instituée dans les établissements d’enseignement supérieur pour les enseignants qui exercent des responsabilités pédagogiques spécifiques en sus de leurs obligations de service ; que le décret nº 90-51 du 12 janvier 1990 dispose enfin, en son article 2, que des primes d’encadrement doctoral et de recherche peuvent être attribuées pour une période de quatre années universitaires aux enseignants chercheurs qui exercent une activité spécifique en matière de formation à la recherche et par la recherche en plus de leurs obligations statutaires ; qu’en application de ce régime indemnitaire, des primes non cumulables peuvent rémunérer des responsabilités soit administratives, soit pédagogiques, soit de formation dans le domaine de la recherche, lorsqu’elles sont exercées par des enseignants au-delà des obligations de service ; qu’aucune disposition ne précise en revanche que le décret nº 76-193 du 24 février 1976 se surajoute à ce dispositif indemnitaire qui rémunère en outre déjà les responsabilités administratives assurées par les enseignants chercheurs ; que de surcroît le décret nº 50-1248 du 6 octobre 1950, qui fixe le seuil d’attribution des vacations horaires relevant de l’article 3 de ce décret nº 76-193 du 24 février 1976, précise lui-même qu’il ne s’applique pas, de façon explicite, aux enseignants chercheurs ; Considérant au surplus que l’état de liquidation sur le fondement duquel a été payé le mandat nº 7112 du 18 juillet 2000 indique, sous l’intitulé « qualité justifiant de l’attribution des vacations » les mentions : directeur adjoint, directeur des études (2 enseignants), responsable informatique (4 enseignants), responsable de budget, responsable langues, tuteur des relations internationales, responsable de filières (19 enseignants), responsable de diplôme (15 enseignants), responsable de 1er cycle, tuteur de stage (4 enseignants), etc. ; que ces mentions correspondent à des responsabilités pédagogiques permanentes ; que l’indication portée sur l’état de liquidation, selon laquelle la qualité des bénéficiaires justifiait de l’attribution des vacations, était dès lors en tant que telle contradictoire avec l’attribution de vacations horaires relatives à des travaux administratifs et techniques qui devaient nécessairement revêtir un caractère ponctuel ; que le comptable, constatant une contradiction entre les mentions portées sur l’état de liquidation et l’article 3 du décret nº 76-193 du 24 février 1976 sur lequel se fondait le mandat, aurait dû suspendre le paiement ; Considérant que cet état de liquidation montre par ailleurs que, parmi les bénéficiaires, neuf enseignants ont bénéficié de 38 vacations, sept de 6 vacations, quatre de 21 vacations, quatre de 30 vacations... ; que ces répétitions du même nombre de vacations ne peuvent correspondre à des travaux administratifs et techniques qui doivent revêtir un caractère ponctuel et dont la durée est par nature variable ; qu’en outre, par l’effet des taux horaires applicables aux différents indices de rémunération, l’état de liquidation aboutit au total à 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière sept vacations de 8 096,13 F exactement, six de 4 048,06 F, cinq de 1 065,27 F, quatre de 4 108,95 F, trois de 4 474,18 F, etc. ; que ces montants identiques montrent que l’université a entendu rémunérer de façon forfaitaire, sous le couvert de « vacations horaires », des fonctions pédagogiques exercées sur la durée de l’année universitaire ; Attendu qu’en conséquence ni le décret nº 76-193 du 24 février 1976, ni l’état de liquidation ne pouvaient justifier le paiement de vacations horaires pour travaux supplémentaires administratifs à des enseignants. Conclusions nº 7889 du 2 décembre 2003 (extrait) Sur l’injonction nº 3 : Cette injonction visait le paiement à des enseignants de primes fondées sur le décret du 24 février 1976 ; Elle peut paraître sévère d’autant qu’en l’espèce le comptable excipe d’une interprétation ministérielle favorable à sa thèse et même d’une communication, il est vrai fort ancienne, de la Cour laissant entendre que ledit décret pourrait permettre la rémunération de charges administratives ; Il n’en reste pas moins que juridiquement le décret du 24 février 1976 vise le décret nº 50-1248 du 6 octobre 1950 qui définit de manière limitative, en son article 15, les agents susceptibles de bénéficier de vacations horaires pour travaux supplémentaires en excluant explicitement les enseignants ; Or, comme Nous l’avons rappelé dans Nos conclusions nº 7378 du 24 mars 2003 sur l’université de Reims : « La Cour est en effet parfaitement en droit d’exiger d’un comptable qu’il s’assure de la régularité du paiement d’une indemnité en confrontant la situation individuelle des bénéficiaires aux conditions limitatives posées par un décret seulement visé par le texte réglementaire sur la base duquel l’indemnité est versée (Conseil d’Etat, 8 décembre 2000, Mme Kammerer) » ; La juridiction pourrait certes tenir compte des circonstances de l’espèce et notamment, même si elles ne s’imposent pas à elle, des interprétations dont se prévaut le comptable ; Une telle attitude ne serait toutefois guère équitable car elle aboutirait à renoncer à tout reversement à Paris-IX alors qu’ils ont été demandés et obtenus à Reims dans un contexte juridique identique ; Il y aurait donc lieu, à Notre sens, de réfuter les arguments du comptable et de maintenir l’injonction de versement de la somme de 35 027,27 c. Cour des comptes, 2e Chambre, arrêt nº 38665, 18 février 2004, Ecole nationale supérieure d’ingénieurs de constructions aéronautiques (ENSICA) Gestion de fait ; non-lieu à gestion de fait ; cessation des irrégularités ; considérations d’opportunité. L’arrêt ci-dessous rapporté constitue, on l’espère, une espèce isolée. En effet, la Cour prononce ici un non-lieu à gestion de fait alors que tout démontre son existence ; la Cour relève la « bonne volonté » des dirigeants de l’Ecole qui avaient engagé, dès 1999, des démarches de régularisation ; elle souligne la faible importance des sommes en jeu et indique que les faits générateurs de la gestion de fait ont cessé au 31 décembre 2002, soit postérieurement à la déclaration provisoire du 22 février 2002. On sait qu’en principe le reversement des fonds n’a pas pour effet d’exclure la gestion de fait dès lors que la Cour constate qu’il n’est intervenu qu’à la suite, par exemple, d’un contrôle opéré par la Trésorerie générale (C. comptes, 21 février 1963, Dame George, GAJF, 4e éd., p. 287) ou qu’après une injonction adressée par la Cour au comptable patent (C. comptes, 5 février 1971, De Lachomette et Frétet, Conseil supérieur de la chasse, Rec. C. comptes 62). En l’espèce, rien ne permet d’affirmer que les opérations irrégulières auraient cessé sans l’intervention de la Cour... Il est vrai que la juridiction financière avait déjà pu justifier sa décision par le simple défaut d’intérêt pratique de la procédure en particulier lorsque les irrégularités avaient cessé (C. comptes, 26 février 1996, CROUS de La Réunion, Rec. C. comptes 9, concl. contraires du procureur général ; La Revue du Trésor 1996.596. C. comptes, 8 août 1994, Université de Nancy-II, Rec. C. comptes 94. C. comptes, 25 mars 1999, Université Claude-Bernard - Lyon-I (CURAIO), La Revue du Trésor 1999.770 ; RFD adm. 2000.1117. C. comptes, 14 juin 1999, Office de protection contre les rayonnements ionisants, La Revue du Trésor 2000.215 ; RFD adm. 2000.1117). Ce sont parfois des considérations de pure opportunité qui conduisent le juge à prononcer le non-lieu comme par exemple l’état de santé du comptable de fait présumé (C. comptes, 26 janvier 1977, Bibliothèque du Musée de l’homme, La Revue du Trésor 1977.26). Certes, le Conseil d’Etat a estimé que « dans le cas où il y a reversement de la totalité des sommes extraites irrégulièrement avant que n’intervienne la déclaration définitive de la gestion de fait, il y a non-lieu à déclaration de gestion de fait en raison de la régularisation ainsi intervenue » (CE, 23 février 2000, Ministre des Finances c/ Association des conseillers régionaux de Provence-Alpes-Côte d’Azur, Rec. CE 99 ; La Revue du Trésor 2000.459 ; RFD adm. 2000.1117). Il n’en reste pas moins vrai que l’office du juge des comptes, en gestion patente comme en gestion de fait, est d’ordre public et, une fois encore, qu’il ne dispose pas de l’opportunité des poursuites (voir également ci-après, notre note sous l’arrêt nº 39089 des 10 mars et 23 mars 2004, Ecole nationale supérieure des techniques industrielles et des mines [ENSTIM] d’Alès). Extrait Attendu que, antérieurement à la transformation de l’ENSICA en établissement public, la formation continue était confiée par le biais d’une convention à l’« association des amis de I’ENSICA » (AME) ; Attendu que l’article 9 du décret créant l’établissement public ENSICA donne au 41 directeur la mission de diriger l’Ecole, et notamment d’ordonner les recettes et les dépenses ; que l’article 2 de ce même décret confie à l’ENSICA la mission d’organiser des cours de formation continue ; qu’il faisait dès lors obligation à la direction de l’Ecole d’assumer les missions antérieurement dévolues à l’AME ; Attendu que les formations continues, au sens classique, n’ont pas été organisées par l’établissement public ; que I’ENSICA a continué à confier à l’association AME l’organisation de cours de formation continue ; que ce fait apparaît clairement dans les documents de l’association, notamment dans sa plaquette de présentation ; que l’association a poursuivi son activité dans les locaux de l’ENSICA ; que le site internet de l’ENSICA présente l’AME et a créé un lien avec elle ; que le dossier de présentation de l’ENSICA à la commission des titres d’ingénieurs, rédigé en 1998, déclare que « l’offre de formation continue est maîtrisée par l’Ecole, mais prise en charge pour sa commercialisation et sa réalisation proprement dite par l’AME » ; Considérant que l’AME n’a cependant signé aucune convention visant à organiser l’activité de formation continue ; que l’instruction n’a pas fait apparaître que l’AME dispose d’un titre juridique pour recevoir les sommes payées à la suite de la facturation de cours de formation continue au lieu de l’ENSICA, alors qu’il s’agit d’actions de la responsabilité de l’Ecole ; Considérant dès lors que l’AME n’a pas été habilitée à percevoir et à encaisser les revenus de l’activité de formation continue de l’ENSICA ; Considérant que le directeur de l’ENSICA est statutairement président d’honneur de l’association ; Considérant que l’association des amis de l’ENSICA a payé sans titre légal des dépenses qui ne pouvaient être acquittées que par le comptable de l’Ecole, notamment une plaquette de présentation du Mastère Hélicoptère, les frais de stand de l’ENSICA chaque année au Salon du Bourget, des frais de voyages d’études (facture du transporteur, prise en charge du coût de personnes invitées...) ; Considérant que les directeurs successifs de l’ENSICA, MM. Jean-Louis Freson (depuis la création de l’établissement public jusqu’en septembre 2001), Bertrand Michaut (depuis septembre 2001) ont partagé avec l’AME, personne morale, la responsabilité des opérations irrégulières en organisant et en tolérant l’encaissement par l’AME des recettes de formation continue et le paiement par I’AME de dépenses incombant à l’établissement, et ce jusqu’au 31 décembre 2002, date à laquelle l’AME a cessé toute activité de formation ; Considérant, dès lors, que l’AME et MM. Freson et Michaut se sont ingérés sans titre légal dans le recouvrement de recettes et le paiement de dépenses destinées à un organisme public doté d’un poste comptable, au sens de l’alinéa XI de l’article 60 de la loi nº 63-156 du 23 février 1963 susvisée et, qu’en application de cette même loi, ils doivent rendre compte au juge financier de l’emploi des fonds qu’ils ont irrégulièrement détenus ou maniés ; Considérant que les faits relevés dans l’arrêt provisoire du 22 février 2002 constituaient bien l’infraction susvisée ; Considérant toutefois que les dirigeants de l’ENSICA avaient engagé des démarches 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière auprès de la tutelle de l’établissement public pour faire cesser dès 1999 les faits générateurs de la gestion de fait et en particulier pour pallier l’absence d’habilitation écrite de l’ENSICA autorisant l’AME à percevoir des recettes de formation continue ; Considérant que l’instruction a mis en lumière la faible importance des sommes en cause (reversement de l’ENSICA à l’AME) qui serait globalement inférieure à 3 000 c sur toute la période ; Considérant que l’instruction a également établi que les faits générateurs de la gestion de fait avaient cessé au 31 décembre 2002 ; l’AME ne déploie, depuis cette date, aucune activité de formation continue ; Par ces motifs, Statuant définitivement, Dit qu’il n’y a pas lieu à déclaration de gestion de fait dans les affaires ci-dessus développées et relatives à l’ENSICA et l’AME et que de ce fait, l’injonction et les réserves prononcées dans l’arrêt nº 32071 du 22 février 2002 sont levées. Cour des comptes, 1re Chambre, arrêt nº 38744, 19 février 2004, Trésorier-payeur général de la Côte-d’Or Dépenses ; primes, indemnités, rémunérations accessoires. Circonstances atténuantes ou exonératoires ; approbation par les autorités supérieures. La lecture de l’arrêt ci-dessous (2) se suffit à elle-même, tant la solution retenue par la Cour est l’expression de sa jurisprudence constante. On relèvera toutefois que le comptable indiquait, en substance, qu’il n’avait fait qu’obéir aux ordres de sa hiérarchie. En effet, alors même que le montant de la prime attribuée excédait le plafond réglementaire, la prime avait été attribuée par décision du ministère de l’Equipement, visée par le contrôle financier central et appuyée d’une lettre de la Direction du Budget et de la secrétaire d’Etat au Budget. C’est très logiquement que la Cour écarte ces « documents » comme ne pouvant constituer le fondement légal du paiement. Or, l’on sait que si les ministres et le directeur de la Comptabilité publique sont en droit d’interpréter la réglementation à l’usage des comptables, cette interprétation ne peut s’imposer au juge des comptes (C. comptes, 20 octobre 1994, Centre départemental de gestion de la Fonction publique de la Seine-Maritime, La Revue du Trésor 1995.280. C. comptes, 2 mars 1995, Commune de La Ferté-SaintSamson, La Revue du Trésor 1995.546. C. comptes, 4 mai 1995, Commune de Canteleu, Rec. C. comptes 37, concl. du procureur général ; La Revue du Trésor 1995.545. C. comptes, 12 octobre 1995, Commune du Cateau-Cambrésis, La Revue du Trésor 1996.28. C. comptes, 1er octobre 1997, Lycée Yves-Thépot à Quimper, La Revue du Trésor 1998.165). En clair, si le ministère des Finances veut pouvoir attribuer la prime à un montant supérieur à ce que prévoient les textes, qu’il fasse modifier ceux-ci... Extrait Injonction nº 1 de l’arrêt nº 31 210 du 5 décembre 2001 : Attendu qu’au cours de l’exercice 1997, le comptable avait payé une prime de rendement pour la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1997 au bénéfice de M. Pierre Debeusscher, inspecteur général de l’équipement en poste à la Direction départementale de l’équipement de la Côte-d’Or, pour un montant de 17 020,17 c ; Attendu que l’article 47 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique dispose que les opérations de dépenses sont appuyées de pièces justificatives prévues dans des nomenclatures établies par le ministre des Finances ; Que la nomenclature, alors en vigueur, des pièces justificatives de l’Etat diffusée par circulaire nº CD 1326 du 12 avril 1995 du ministère du Budget a prévu dans sa partie annexe que pour les indemnités de rendement, les pièces sont « la décision d’attribution » et « l’état liquidatif et nominatif faisant référence au texte institutif de l’indemnité et à l’arrêté fixant les taux en vigueur » ; Attendu que l’article 2 du décret nº 45-1753 du 6 août 1945 dispose que les primes de rendement « essentiellement variables et personnelles sont attribuées [...] dans la limite de maxima fixés pour chaque catégorie d’agent et ne pouvant excéder, en aucun cas, 18 % du traitement le plus élevé du grade » ; Attendu que le décret nº 50-196 du 6 février 1950 a étendu les dispositions du décret nº 45-1753 du 6 août 1945 relatif aux primes de rendement aux corps d’administration centrale ; que l’arrêté d’application du 4 juillet 1974 rend les dispositions prévues par le décret nº 50-196 du 6 février 1950 applicables aux inspecteurs généraux de l’équipement ; Que le traitement le plus élevé afférent au grade d’inspecteur général de l’équipement est fixé par rapport à l’indice hors échelle C, 3e chevron ; que M. Debeusscher était dans cette situation et qu’il percevait la prime de rendement instituée par le décret du 6 août 1945 ; que le traitement brut établi en référence à l’échelle C, sur une base annuelle, s’établissait à 57 378,87 c ; que dans ces conditions le plafond réglementaire de 18 % s’établissait, sur une base annuelle, à 10 328,20 c ; Que M. Debeusscher a perçu pour l’année 1997, au titre de la prime de rendement, un montant de 17 020,17 c, soit un dépassement de 6 691,97 c ; Attendu que, par l’injonction nº 1 de l’arrêt susvisé, la Cour avait enjoint à M. Dejean d’apporter la preuve du reversement de la somme de 6 691,97 c ou toute justification à décharge ; Attendu, qu’en réponse, les ayants droit du comptable indiquent que la prime de rendement a été payée à M. Debeusscher au vu des décisions d’attribution émanant du ministère de l’Equipement, visées du contrôleur financier central et conformément aux termes d’une lettre du 18 décembre 1973 de la Direction du Budget qui prévoit pour cette prime un taux plafond de 33 % du traitement le plus élevé du grade ; Qu’ils font valoir qu’une lettre de la secrétaire d’Etat au Budget en date du 6 mai 2002 confirme les bases des versements effectués en 1997 et demande de 42 maintenir le régime indemnitaire au bénéfice des inspecteurs généraux de l’équipement ; Attendu que ces documents ne constituent pas le support législatif ou réglementaire publié dans les formes légales, postérieurement à l’arrêté du 30 juillet 1974 et antérieurement au paiement, justifiant celui-ci et qu’ils ne sont donc pas de nature à dégager la responsabilité du comptable ; Considérant qu’en vertu des articles 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique, le comptable payeur est tenu de s’assurer avant paiement, au titre du contrôle de la validité de la créance, de l’exactitude des calculs de liquidation ; Considérant qu’en l’espèce le contrôle de l’exactitude des calculs de liquidation consistait à vérifier que l’indemnité accordée et payée à M. Debeusscher respectait le plafond réglementaire prévu par le décret nº 45-1753 du 6 août 1945 ; que le comptable n’a pas exercé ledit contrôle. Cour des comptes, 2e Chambre, arrêt nº 39089, 10 mars et 23 mars 2004, Ecole nationale supérieure des techniques industrielles et des mines (ENSTIM) d’Alès (3) Gestion de fait ; non-confirmation de la déclaration provisoire ; absence de rétablissement des formes budgétaires et comptables ; éléments de nature exceptionnelle ; considérations d’équité. Défaut de titre légal Comme on le sait, l’intervention d’associations dans la gestion d’activités de service public n’est nullement proscrite par principe par le droit public financier. Elle suppose seulement que l’association en cause dispose d’un titre légal l’habilitant à recouvrer les recettes et à exécuter les dépenses de l’organisme public (C. comptes, 24 octobre 1991, Commune d’Antony, La Revue du Trésor 1992.136. C. comptes, 9 juillet 1992, Compagnie des eaux de l’ozone, Syndicat intercommunal des eaux de Damazan-Buzet, Rec. C. comptes 71 ; La Revue du Trésor 1992.815. C. comptes, 19 juin 1985, 2 octobre 1985, Cephyten, La Revue du Trésor 1986.261). Ainsi, il n’y a pas gestion de fait s’agissant d’une association qui organise des enseignements complémentaires, mais avec un personnel qu’elle rémunère, l’occupation des locaux de l’établissement public ayant fait l’objet d’une convention qui assure en contrepartie la gratuité de ces enseignements pour les élèves en cours de scolarité (C. comptes, 12 mars 1992, Association des anciens élèves de l’ENPC, RF fin. publ. 1993, nº 43, p. 146. C. comptes, 11 septembre 1996, ENSTA, Rec. C. comptes 84, concl. du procureur général). C’est donc bien le défaut de titre légal qui entraîne l’irrégularité des opérations et la déclaration de gestion de fait. C’est le cas par exemple s’agissant de l’encaissement (2) V. aussi C. comptes, 5 février 2004, Trésorier-payeur général du Rhône, arrêt nº 38718. (3) V. aussi, aux mêmes dates, arrêts nº 39091 (Ecole nationale supérieure des techniques industrielles et des mines de Douai-Armines), 39093 (Ecole nationale supérieure des techniques industrielles et des mines de Nantes) et 39095 (Ecole nationale supérieure des techniques industrielles et des mines d’Albi-Carmaux). 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière d’une subvention destinée à rémunérer un cycle de formation en contrepartie de prestations fournies principalement par l’université sans qu’une convention ait été conclue entre l’association et l’université (CE, 12 juin 1991, Epoux Sitbon et Association pour la recherche de nouvelles méthodes pédagogiques, La Revue du Trésor 1991.641). Il va de soi toutefois que la seule présence d’un « titre » ne peut valoir nécessairement « titre légal » au sens de la jurisprudence financière. Ainsi, la présence d’une convention n’aura pas pour effet d’exclure une déclaration de gestion de fait si les dépenses en cause ne pouvaient légalement être payées que par l’agent comptable de l’organisme public (C. comptes, 12 juin 1986 et 14 avril 1988, Société des électriciens, électroniciens et radioélectriciens et MM. Poitevin, Directeur du Centre national d’études des Télécommunications, et Bloch, Directeur de l’Information, de la Coopération et des échanges techniques, Rec. C. comptes 222) ou si la convention a un objet manifestement étranger aux buts poursuivis par l’organisme (C. comptes, 30 juin 1988, Bertile et Ethève, Commune de Saint-Philippe, Rec. C. comptes 164). En l’espèce, nulle convention ne liait l’association Armines à l’Ecole des mines d’Alès ; seule pouvait être invoquée une convention de 1972 entre ladite association et l’Etat, les comptables de fait présumés soutenant que l’Ecole s’était vue transférer les droits et obligations de l’Etat en application d’un décret du 8 octobre 1991. La Cour relève toutefois que cette convention est insuffisamment précise pour constituer un titre légal et qu’elle n’a pas été approuvée par le conseil d’administration de l’Ecole, une fois celle-ci érigée en établissement public. Quoi qu’il en soit, en aucun cas cette convention n’autorisait l’association Armines à percevoir, en lieu et place de l’Ecole, les recettes de formation continue, objet du litige. Cette solution doit être approuvée car la gestion de missions de service public (en l’espèce, la formation continue), en dehors des règles et procédures prévues, doit faire l’objet d’une approbation expresse par l’organisme public en cause comportant une claire répartition des missions, des moyens mis en œuvre et des conditions financières qui en sont la conséquence. « Non-confirmation » de la déclaration provisoire On le sait, la mission légale du juge des comptes, dont la compétence est d’ordre public, est d’apurer les comptes retraçant l’emploi des fonds publics, qu’il s’agisse de gestions patentes ou de maniements irréguliers (C. comptes, 30 septembre 1992, Nucci et autres, Carrefour du développement, Rec. C. comptes 101 ; GAJF, 4e éd., nº 1 ; La Revue du Trésor 1993.218). En tout état de cause, un non-lieu à gestion de fait devrait être exclu dès lors que, comme dans la présente affaire, le Parquet et la Cour constatent que les éléments constitutifs d’une gestion de fait sont réunis ; la procédure doit dès lors être menée à son terme, sauf pour le juge des comptes à méconnaître son « office ». En effet, « sa compétence étant d’ordre public, la Cour des comptes doit assujettir à sa juridiction, par une déclaration de gestion de fait, les personnes qui se sont ingérées, sans titre légal, dans la détention ou le maniement de deniers publics ou de deniers privés réglementés dès lors que les faits en cause ne sont pas couverts par la prescription trentenaire » (concl. sur C. comptes, 26 novembre 1981, Commune de Neuf-Marché, La Revue du Trésor 1985.389). La juridiction financière ne dispose pas du choix de « l’opportunité des poursuites » dans la mesure où sa mission lui est confiée par la loi et qu’elle ne peut donc y déroger, quelles que soient les circonstances. Par conséquent, la Cour, ainsi saisie d’opérations dont le caractère de gestion de fait est incontestable, ne peut que prononcer ladite gestion de fait. La doctrine la plus autorisée estime d’ailleurs que « la Cour commet une irrégularité de procédure lorsqu’elle fait état, pour la déclaration de gestion de fait, d’éléments concernant l’apurement du compte, par exemple le peu d’importance de la gestion, ou la difficulté d’établir un compte pour refuser de déclarer la gestion de fait... » (P. de Mirimonde, « La Cour des comptes », 1947, p. 197). En l’espèce, ce sont de pures considérations d’opportunité (les « éléments exceptionnels » évoqués par la Cour) qui justifient la non-confirmation de la déclaration provisoire de gestion de fait. La Cour note en particulier que le compte produit fait apparaître un surplus de dépenses par rapport aux recettes, surplus pris en charge par l’association. En d’autres termes, l’activité de l’association a contribué à l’amélioration de la situation financière de l’Ecole. Cette affaire n’est pas sans rappeler l’arrêt Université ClaudeBernard Lyon-I, Association Collège universitaire Rhône-Alpes d’implantologie orale (CURAIO) du 25 mars 1999 (La Revue du Trésor 1999.770). En l’espèce, le défaut d’intérêt pratique reposait sur le fait que les recettes qui avaient été encaissées par le CURAIO au titre des frais d’inscription avaient été utilisées pour équiper l’université en matériel informatique et audiovisuel et pour acquérir de la documentation ; en clair, comme l’indiquait la Cour elle-même, les dépenses ainsi réalisées l’avaient été au bénéfice de l’université. Comme nous l’écrivions alors, « cette position nous paraît hautement condamnable, d’autant que la Cour a déjà eu l’occasion de préciser que l’existence d’un avantage au profit de l’organisme public ne faisait pas perdre aux deniers en cause leur caractère de deniers publics (C. comptes, 6 mai 1980, Gaubert et Valentini, Rec. C. comptes 122. C. comptes, 15 avril 1992, 12 juillet 1995, SOFREMER, La Revue du Trésor 1996.419. C. comptes, 26 février 1996, CROUS de la Réunion, Rec. C. comptes 9 ; concl. contraires du procureur général ; La Revue du Trésor 1996.596). [...] Faut-il conclure du présent arrêt que toute gestion de fait se traduisant par un " enrichissement " de l’organisme public doit faire l’objet d’une décision de non-lieu ? L’irrégularité des opérations serait-elle ainsi gommée par la seule prise en compte de leur " rentabilité " ? L’enjeu n’est pas théorique car la plupart des gestions de fait ne comportent aucune dimension frauduleuse et reposent soit sur la méconnaissance des règles de la comptabilité publique, soit sur 43 la volonté de les contourner dans un but de simplicité et de rapidité. Si la notion de " bénéfice " pour l’organisme public entre désormais en ligne de compte, cela signifie que l’objet même de la procédure de gestion de fait a changé : il ne s’agirait plus de rétablir la légalité budgétaire en assujettissant le comptable de fait aux mêmes obligations que le comptable patent, mais de sanctionner le comptable de fait qui n’aurait pas pris la précaution d’affecter tout ou partie des résultats de l’opération à l’organisme public en cause ». Considérations d’équité On notera également que la Cour retient, dans la présente espèce, une interprétation pour le moins innovante de la notion de considérations d’équité. On sait en effet que, hors le cas de mauvaise foi ou d’infidélité du comptable de fait, le juge peut suppléer par des considérations d’équité à l’insuffisance des justifications produites. Le juge sera d’autant plus conduit à utiliser cette procédure que la gestion de fait n’est pas entachée d’appropriation personnelle (C. comptes, 23 avril 1998, Maire de Tarascon et Association Tarascon-dialogue, Tarasconpassion, Tarascon-action, La Revue du Trésor 1999.102). En fonction des circonstances de l’espèce, le juge pourra même se contenter d’une déclaration sur l’honneur (C. comptes, 21 novembre 1990, Centre de perfectionnement par correspondance de Rabat, La Revue du Trésor 1994.202). Or, dans le présent arrêt, la Cour note que doivent être prises en compte, en sus des considérations de droit, des considérations d’équité tenant à la connaissance acquise par les autorités hiérarchiques des comptables de fait présumés du caractère irrégulier des opérations. A notre connaissance, ces « considérations d’équité » n’étaient jusqu’à présent intervenues qu’en matière de contrôle du compte des opérations de gestion de fait, et non s’agissant de la confirmation d’une déclaration provisoire. Faut-il y voir un nouvel infléchissement de la jurisprudence, le juge souhaitant se laisser une plus grande marge de manœuvre dans l’appréciation des circonstances de fait ? Nous ne le pensons pas, tant la Cour insiste sur le caractère « exceptionnel » de la situation des gestionnaires de l’Ecole des mines d’Alès. Cette méthode jurisprudentielle n’est toutefois pas à encourager car elle contribue à discréditer la procédure de gestion de fait. Les futurs gestionnaires de fait présumés savent désormais qu’en présence de circonstances « exceptionnelles » (excédent de dépenses sur les recettes, approbation, voire organisation du système par les autorités hiérarchiques), la procédure peut s’arrêter au stade de la déclaration provisoire. Au surplus, on a beaucoup de mal à comprendre pourquoi la Cour a renoncé à prononcer une déclaration définitive de gestion de fait. Faut-il rappeler, une fois encore, que cette procédure ne présente aucun caractère « infamant » mais vise seulement au rétablissement des formes budgétaires et comptables ? Or, la Cour le reconnaît ellemême, un tel rétablissement n’a pu être constaté en l’espèce. Dès lors que la Cour était en possession du compte des opérations et de la reconnaissance d’utilité 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière publique des dépenses, rien ne l’empêchait de déclarer définitivement la gestion de fait et de procéder à son apurement, rien ne l’obligeant à prononcer une amende pour gestion de fait. Cette solution eût été plus conforme à la jurisprudence traditionnelle de la Cour des comptes et à sa mission légale de jugement des comptes, patents ou de fait. Voici donc une nouvelle illustration du caractère « objectif » du contrôle exercé par le juge des comptes... (La Revue du Trésor 2003.35). Extrait Arrêt provisoire nº 34628 13 novembre 2002 (extrait) du Statuant provisoirement en audience publique, Attendu que l’arrêt du 16 mai 2001 a déclaré conjointement et solidairement comptables de fait des deniers de l’ENSTIM d’Alès MM. Cotte et Pugnère, chacun pour la période où il a exercé ses fonctions de directeur de l’Ecole et l’association Armines, en raison du recouvrement par cette association des recettes de formation continue qui auraient dû être encaissées par l’ENSTIM d’Alès ; Sur la régularité des opérations de formation continue effectuées par Armines : Considérant que les intéressés rappellent dans leurs mémoires en défense l’historique de l’association Armines et soulignent tout l’intérêt de la création de cette association pour le domaine de la recherche et les écoles des mines ; que la Cour n’entend pas contester ces éléments mais qu’il lui appartient au cas présent, en tant que juge des comptes, d’apprécier la régularité du maniement des deniers publics de l’Ecole ; que l’apport de l’association Armines au secteur de la recherche, s’il est un élément important de contexte, est donc sans effet sur l’arrêt à rendre ; Attendu que les intéressés contestent leur qualification de comptables de fait ; Considérant qu’ils font valoir, en premier lieu, que la convention passée le 21 juin 1972 entre l’Etat et Armines s’applique à l’Ecole des mines d’Alès ; qu’en effet, l’article 26-1 du décret du 8 octobre 1991 susvisé prévoit que les droits et obligations de l’Etat afférents à l’Ecole nationale supérieure des techniques industrielles et des mines d’Alès sont transférés à l’établissement ; que la validité de cette convention serait prouvée par les divers avenants dont elle a fait l’objet depuis lors ; qu’enfin, cette convention vise explicitement, en son article premier, la formation à la recherche ; Considérant qu’ils considèrent que l’applicabilité de la convention de 1972 à l’ENSTIM d’Alès serait démontrée par la lettre adressée par la direction des affaires juridiques du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, le 23 novembre 1999, au conseil général des mines, lettre qui indique que le régime des relations entre Armines et les écoles d’Albi-Carmaux et Nantes pouvait s’aligner sur celui des autres écoles des mines ; que dès lors, ce serait régulièrement, sur le fondement juridique de cette convention, que l’association Armines aurait exercé ses activités à Alès ; Considérant toutefois, comme le mentionne l’arrêt du 16 mai 2001, que le décret précité dispose que l’ENSTIM d’Alès a reçu parmi ses missions principales la conduite d’actions de formation permanente des cadres techniques et administratifs dont ceux du ministère de l’Industrie ; que parmi les ressources de l’Ecole figurent celles provenant des activités de formation continue ; Considérant que la convention du 21 juin 1972 liant Armines à l’Etat ne fixe pas clairement les droits et obligations des parties et n’a pas été approuvée par le conseil d’administration de l’Ecole lorsque celle-ci a été érigée en établissement public ; qu’elle se borne à définir le cadre général d’une collaboration avec l’association qui, même si elle évoque les activités de formation à la recherche, n’autorise pas Armines à percevoir en lieu et place de l’ENSTIM d’Alès les recettes de la formation continue ; Considérant que la convention de 1972, à supposer même qu’elle soit applicable à l’ENSTIM d’Alès, et même si elle fait allusion aux activités de formation à la recherche, ne prévoit pas qu’Armines pouvait encaisser les recettes de formation permanente de l’ENSTIM d’Alès en lieu et place du comptable de l’Ecole ; qu’elle ne contient pas de dispositions prévoyant les conditions dans lesquelles Armines pouvait prendre en charge les opérations de formation continue ; que la lettre du 23 novembre 1999 précitée indique d’ailleurs que « le fait que les décrets qui les (les écoles) instituent en établissements publics prévoient que les droits et obligations de l’Etat afférents aux anciennes écoles sont transférés aux nouveaux établissements ne suffit pas à régler le problème » ; que c’est donc sans être habilitée que l’association a perçu les recettes de formation continue qui auraient dû être perçues par le comptable de l’ENSTIM d’Alès ; Considérant que les intéressés font valoir, en second lieu, que la Cour n’a pas, lors de ces contrôles antérieurs, contesté la validité de la convention de 1972 ni dénoncé les opérations irrégulières et ne pourrait en conséquence le faire aujourd’hui ; que toutefois, le fait que la Cour n’ait pas précédemment fait d’observations, à une date d’ailleurs antérieure à la création de l’établissement public de l’ENSTIM d’Alès, est sans effet sur la capacité du juge financier à déclarer aujourd’hui la gestion de fait ; Considérant que les intéressés font valoir, en troisième lieu, que les recettes perçues par Armines pour les opérations de formation continue sont la contrepartie d’une activité réelle de l’association, réalisée avec ses moyens propres, lesquels seraient des deniers privés ; que le fait que les activités d’Armines soient retracées, comme le note la Cour, dans les rapports d’activité de l’Ecole ne serait pas significatif de la confusion des rôles entre l’association et l’Ecole mais témoignerait de la simple collaboration entre les deux institutions ; que le personnel employé pour les opérations de formation continue est recruté par Armines et soumis aux 44 dispositions applicables à l’association ; que la formation permanente entre d’ailleurs dans l’objet social de l’association mais ne serait qu’une activité accessoire de l’Ecole ; que dès lors, la gestion de fait ne serait pas avérée ; Considérant que s’il n’est pas dénié qu’Armines a consacré des moyens à la formation continue, cette activité constitue toutefois une activité principale de l’Ecole et non comme le soutiennent les intéressés, une mission accessoire de celle-ci ; qu’en effet, l’article 2 du décret du 8 octobre 1991 définit les « missions principales » de l’Ecole comme étant la formation initiale et continue d’ingénieurs (1er al.) et la formation permanente des cadres (2e al.) ; que les personnes rémunérées par Armines exercent leurs activités dans les locaux de l’Ecole et sont portées sur les listes des personnels de cet établissement ; qu’elles ont été recrutées par la direction de l’établissement, avec des qualifications équivalentes à celles de ses autres agents, que l’Ecole prend également les mesures concernant leur carrière ; que dès lors, c’est irrégulièrement que les activités de formation dévolues à l’Ecole ont été exercées par Armines ; (...) Sur les responsabilités des directeurs successifs de l’Ecole dans les opérations irrégulières : Attendu qu’aux termes de l’arrêt du 16 mai 2001, MM. Cotte et Pugnère « ont participé aux opérations irrégulières en organisant et tolérant l’encaissement par l’association Armines des recettes tirées de son activité de formation et en utilisant les fonds ainsi mis en place irrégulièrement auprès de cette association pour payer diverses dépenses » ; Attendu que dans leur mémoire en défense, MM. Cotte et Pugnère font valoir, d’une part, qu’ils n’ont pas organisé les opérations irrégulières, lesquelles préexistaient à leur entrée en fonctions, et qu’ils n’ont jamais réglé des dépenses au moyen des fonds de l’association ; Qu’ils allèguent, d’autre part, qu’ils ne peuvent être accusés d’avoir toléré la gestion de fait dès lors qu’ils n’étaient pas conscients d’une irrégularité dans le maniement des deniers publics qui durait depuis longtemps sans jamais avoir été dénoncée, y compris par la Cour des comptes elle-même ; Qu’en outre, à supposer même qu’ils aient eu conscience de l’irrégularité, ils ne disposaient pas, à leur niveau qui était celui de la seule Ecole d’Alès, des moyens d’y mettre fin, moyens qui relevaient de l’Etat et non des Ecoles des mines ; Attendu toutefois qu’il est patent que les directeurs des Ecoles des mines étaient largement informés des irrégularités nées de la gestion par Armines des opérations de formation ; que la preuve en est apportée par les pièces produites par les intéressés en réponse à l’arrêt du 16 mai 2001, notamment par les lettres aux directeurs des Ecoles des mines adressées le 26 avril 1993 par le directeur de l’administration générale du ministère chargé de l’Industrie et le conseil général des mines et le 10 août 1994 par le conseil général des mines, lettres qui évoquent, dès cette époque, des solutions alternatives à la gestion par Armines des opérations de formation continue ; 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière Considérant que, dans ces conditions, les directeurs successifs de l’ENSTIM d’Alès, M. Maurice Cotte et M. Henri Pugnère, ont toléré l’encaissement par l’association Armines des recettes tirées des activités de formation continue ; que dès lors, ils sont objectivement gestionnaires de fait des deniers de l’Ecole des mines d’Alès, conjointement et solidairement avec Armines ; Que l’atténuation de leur responsabilité, qui pourrait résulter des circonstances de l’espèce invoquées dans les mémoires en défense, telles que l’antériorité des irrégularités par rapport à leur entrée en fonctions, le signalement insuffisant de l’irrégularité des opérations, les difficultés de la refonte des relations entre les écoles et Armines, sera examinée par la Cour lorsqu’elle statuera sur le principe et le montant d’une éventuelle amende ; Attendu que l’arrêt du 13 novembre 2002 a déclaré provisoirement comptables de fait des deniers de l’ENSTIM d’Alès, M. Cotte et Pugnère, chacun en ce qui le concerne, conjointement et solidairement avec l’association Armines, en raison du recouvrement par cette association de recettes de formation continue qui auraient dû être, encaissées par l’Ecole ; Attendu qu’en réponse à l’arrêt de la Cour, les intéressés ont produit le compte des opérations exécutées entre le 1er janvier 1992 et le 31 décembre 2001, qui était demandé ; Considérant que la régularisation d’une gestion de fait ne peut être obtenue que par la restitution des fonds irrégulièrement maniés, par la réintégration des opérations dans les comptes du comptable patent, ou par l’habilitation rétroactive des gestionnaires de fait ; Considérant toutefois qu’en l’espèce plusieurs éléments sont de nature exceptionnelle ; Considérant tout d’abord que le compte produit fait apparaître un surplus de dépenses par rapport aux recettes, surplus pris en charge par l’association Armines ; Considérant ensuite que les dépenses du compte, constituées notamment des salaires et charges sociales des personnels sous statut Armines mis à la disposition de l’ENSTIM, se rapportent bien aux programmes de formation professionnelle de l’Ecole ; que le compte produit n’appelle pas d’observations de la part du juge des comptes ; Considérant que le conseil d’administration de l’Ecole a reconnu l’utilité publique desdites dépenses ; Considérant de plus que les personnes mises en cause par l’arrêt du 13 novembre 2002 n’avaient pas la responsabilité exclusive des opérations irrégulières, lesquelles étaient parfaitement connues des administrations de tutelle et du conseil général des mines ; que des considérations d’équité doivent donc être prises en compte, en sus des considérations de droit ; Considérant en dernier lieu qu’à la suite de l’arrêt du 13 novembre 2002, les responsables de l’ENSTIM d’Alès ont activement participé à l’élaboration d’une convention avec Armines, signée le 27 mai 2002, convention qui définit le cadre juridique du partenariat entre l’Ecole et l’association et qui a été précisée par un avenant permettant à l’association de percevoir les recettes des contrats ; que sur cette base, des conventions annuelles d’application déterminent depuis lors les programmes communs, les moyens partagés pour les réaliser et fixent les procédures et modalités des comptes rendus d’exécution des contrats ; organisé ou laissé organiser des opérations de formation continue entrant dans la mission de l’ENSTIM par l’association Armines, en l’absence de titre légal résultant notamment d’une convention, s’ingérant ainsi dans la perception et le maniement de fonds destinés à la caisse d’un établissement public administratif ; Considérant que si ces différents éléments ne permettent pas le rétablissement des formes budgétaires et comptables réglementaires des opérations, les circonstances très particulières de l’espèce, qui viennent d’être rappelées, conduisent le juge des comptes à ne pas confirmer la déclaration provisoire de gestion de fait, sans préjudice de l’appréciation qu’il pourra porter sur la mise en œuvre de la convention précitée du 27 mai 2002. Les intéressés n’ont fourni aucun élément de nature à contester le caractère de deniers publics des recettes de l’activité de formation permanente, ni à justifier d’un titre en fonction duquel l’association aurait été habilitée à recouvrer les recettes provenant d’une activité qui constitue une des missions principales de l’Ecole, ni à établir qu’il y aurait eu un versement par Armines à l’ENSTIM d’une partie ou de la totalité du coût des locaux, des équipements et du personnel utilisés par l’association pour réaliser ses actions de formation continue ; Conclusions nº 174 du 9 mars 2004 (extrait) Sur la procédure : Par arrêt nº 34628 du 13 novembre 2002, la Cour, statuant provisoirement, a déclaré conjointement et solidairement comptables de fait de deniers de l’Ecole nationale des mines et des techniques industrielles d’Alès, d’une part, l’association Armines et, d’autre part, M. Maurice Cotte et M. Henry Pugnère, directeurs successifs de l’Ecole, pour avoir perçu des recettes et payé des dépenses au lieu et place de l’agent comptable de l’établissement au titre d’opérations de formation continue réalisées entre le 1er janvier 1992 et le 31 décembre 2001 ; Dans sa décision, la Cour a enjoint aux personnes mises en cause de produire, premièrement, un compte dûment certifié et signé par chacun d’eux, retraçant, tant en recettes qu’en dépenses, la totalité des opérations effectuées au moyen des fonds publics en cause, deuxièmement, toutes justifications de la nature et de la matérialité des dépenses alléguées, avec le cas échéant, une délibération du conseil d’administration de l’Ecole reconnaissant leur utilité publique, ainsi que la preuve du reversement dans la caisse de l’ENSTIM d’Alès de sommes qui demeuraient détenues par eux ; Dans leur réponse en date du 28 mai 2003, les personnes en cause ont produit un compte en recettes et en dépenses relatif aux opérations de formation continue pour la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 2001, une délibération du conseil d’administration de l’Ecole en date du 20 mai 2003 reconnaissant l’utilité publique des dépenses effectuées pour les opérations de formation continue, un récapitulatif avec le détail des recettes correspondant ainsi que les photocopies des factures émises pour asseoir leur recouvrement, un récapitulatif avec le détail des dépenses ainsi que les photocopies des factures acquittées et une liste des personnels d’Armines affectés à l’organisation et à l’exécution des opérations de formation continue avec les éléments nécessaires au calcul des charges sociales ; Sur l’existence d’opérations constitutives de gestion de fait : L’instruction diligentée confirme que l’association Armines, ainsi que les directeurs successifs de l’ENSTIM d’Alès, MM. Maurice Cotte et Henry Pugnère, ont 45 La Cour a jugé, à de multiples reprises, que des contrats de recherche, réalisés pour le compte de tiers dans les locaux des universités avec les moyens en personnel et en matériel de celles-ci, « ne pouvaient être valablement conclus que par les présidents des universités contractant au nom de ces dernières et que les sommes stipulées en paiement ne pouvaient être encaissées que par des agents comptables des établissements publics » (C. comptes, 21 décembre 1977, Association pour le développement des recherches à Grenoble ; 1er mars 1978, Centre d’études de physique théorique et nucléaire Cephyten ; 23 janvier 1980, Association pour le développement de l’informatique dans les sciences humaines ; 2 décembre 1981, Association pour le développement des facultés de sciences de l’université de Paris ou encore 1er décembre 1982, Association Marc-Bloch) ; Elle pourrait donc considérer que la convention passée, entre l’Etat et Armines le 21 juin 1972, ne saurait engager l’ENSTIM qui n’a été créée que postérieurement ; que, d’ailleurs, dans une lettre du 23 novembre 1999, la direction des affaires juridiques du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie a indiqué qu’il « ne paraît guère envisageable de se référer à la convention de 1972 dont il vient d’être établi qu’elle était en partie inadaptée pour résoudre les problèmes juridiques que pourraient soulever les autorités ou organismes concernés par les relations entre l’Ecole des mines d’Albi-Carmaux et Armines » ; qu’en conséquence, c’est en toute connaissance de cause que les intéressés ont poursuivi les opérations irrégulières ; La Cour pourrait aussi rappeler, ainsi qu’elle avait pu le mentionner dans son arrêt provisoire, qu’à supposer même que la convention passée le 7 juin 2002 entre l’ENSTIM et Armines permette d’exécuter régulièrement les opérations de formation continue, elle ne saurait avoir des effets que pour l’avenir sans couvrir les irrégularités antérieures ; Il ressort certes de la jurisprudence du Conseil d’Etat que, dans le cas où il y a reversement de la totalité des sommes extraites irrégulièrement avant que n’intervienne la déclaration définitive de la gestion de fait, il y a non-lieu à déclaration de gestion de fait en raison de la régularisation intervenue (voir en ce sens, Conseil d’Etat, 23 février 2000, Association des conseillers 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière régionaux de Provence-Alpes-Côte d’Azur Association amicale du personnel de la région PACA) ; Elle pourrait cependant constater, en l’espèce, que si des dispositions ont été prises pour réintégrer pour l’avenir aux comptes successifs les opérations de formation continue en recettes et en dépenses, elles ne sauraient être regardées comme étant de nature à constituer un reversement de la totalité des sommes extraites irrégulièrement ; La Cour pourrait rappeler également que, même si les intéressés ont produit une délibération du conseil d’administration de l’Ecole en date du 25 novembre 2003 reconnaissant l’utilité publique des dépenses effectuées pour les opérations de formation continue, le juge des comptes n’en demeure pas moins compétent pour apprécier la régularité desdites dépenses (voir, en ce sens, Cour des comptes, 14 octobre 2003, Ch. réunies, Commune de Levallois-Perret : « la reconnaissance par un conseil municipal de l’utilité publique des dépenses laisse entière la compétence du juge des comptes pour rejeter du compte des opérations irrégulières ») ; Sur la suite de la procédure : En ce qui concerne la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 2001 : La Cour pourrait confirmer la déclaration de gestion de fait pour l’association Armines entre le 1er janvier 1992 et le 31 décembre 2001 et pour les directeurs de l’ENSTIM chacun dans les limites de sa gestion (M. Maurice Cotte du 1er janvier 1992 au 16 mars 1994 et M. Henry Pugnère du 17 mars 1994 au 31 décembre 2001) ; En ce qui concerne la période du 1er janvier au 30 juin 2002 : En toute rigueur, la Cour devrait à titre provisoire étendre la gestion de fait aux opérations réalisées au cours du premier semestre 2002 les éléments constitutifs d’une poursuite de la gestion de fait étant incontestablement réunis ; toutefois, elle pourrait s’en abstenir, dans la mesure où un régime transitoire tendant à une régularisation a été mis en œuvre en 2002 ; En ce qui concerne la période courant depuis le 1er juillet 2002 : En l’espèce, la Cour pourrait relever qu’une convention a été préparée, sous l’égide du Conseil général des mines et sous l’autorité du secrétaire général du ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, dont la dernière version permettrait de régler, conformément à la jurisprudence de la Cour, les relations entre l’association Armines et les écoles en confiant à Armines la réalisation de certaines opérations de formation continue pour le compte de l’Ecole ; Elle pourrait rappeler que sa jurisprudence a déjà admis, dans un cas de figure similaire, que l’établissement public puisse ne pas percevoir la totalité du produit des contrats de recherche mais en abandonner contractuellement une partie à l’association constituée auprès de lui (C. comptes, 19 juin et 2 octobre 1985, Cephyten, arrêt de déclaration définitive de gestion de fait constatant que les opérations irrégulières ont pris fin avec l’entrée en vigueur d’une convention conclue entre cette association et l’université de Paris-XI). Il conviendrait, en tout état de cause, de souligner qu’une convention a été signée entre l’ENSTIM d’Alès et Armines le 7 juin 2002 avec une entrée en vigueur le 1er juillet 2002 ; En particulier, il ressort de l’avenant nº 1 relatif à la rédaction de l’article 4-1, quatrième alinéa, de la convention que « les parties conviennent qu’Armines est titulaire des contrats dont les projets sont l’objet et perçoit en conséquence les recettes correspondantes ». En outre, la convention susvisée organise de façon complète et équilibrée les relations entre l’établissement public et l’association conférant par là même un titre légal à cette dernière au sens des dispositions de l’article 60-XI de la loi de finances nº 636156 du 23 février 1963 ; En conséquence, la Cour pourrait décider, pour cette période, de ne pas déclarer de gestion de fait ; Nous tenons, cependant à la disposition de la Cour pour inviter les signataires de la convention à améliorer son dispositif ainsi que la nécessité en a été soulignée par le directeur des affaires juridiques du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie dans une note en date du 14 février 2002 adressée au Conseil général des mines selon laquelle « l’interprétation du mode de fonctionnement des Ecoles des mines et d’Armines autour de la notion de centre commun, mise à jour par le projet de convention, s’accommode malaisément de l’objectif de clarté qui doit inspirer la gestion d’établissements publics ainsi que leur collaboration avec leurs partenaires ». Cour des comptes, 4e Chambre, arrêt nº 38985, 25 mars 2004, Agence de développement rural et d’aménagement foncier (ADRAF) de Nouvelle-Calédonie Constitution en débet ; compétence respective de l’Administration et du juge des comptes ; arrêté conservatoire de débet. Procédure ; caractère contradictoire. Le Code des juridictions financières organise une répartition des compétences entre le juge des comptes et l’administration financière s’agissant de l’apurement des comptes des comptables publics. Ce sont les articles R. 131-26, D. 131-27 et suivants et D. 144-1 et suivants qui aménagent la procédure des arrêtés conservatoires de débet tandis que ce sont les articles D. 231-18 à 231-31 qui régissent les arrêtés de charge provisoire. La différence entre ces deux types d’apurement administratif réside tout d’abord dans la compétence juridictionnelle finale : les arrêtés conservatoires de débet relèvent de la compétence de la Cour des comptes tandis que les arrêtés de charge provisoire sont justiciables de la chambre régionale territorialement compétente. Mais il convient également de signaler que les pouvoirs de l’autorité administrative sont substantiellement différents. En effet, l’article D. 231-25 prévoit ainsi que les arrêtés de charge provisoire fixent les soldes du compte et énoncent, sous forme d’attendus, les observations pouvant entraîner la mise en jeu de la responsabilité du comptable. L’arrêté doit être accompagné du ou des comptes de gestion apurés et des réponses apportées par 46 le comptable aux observations et injonctions du TPG ou du receveur particulier des finances. En revanche, l’article D. 131-32 dispose que les arrêtés conservatoires de débet fixent le montant du débet à titre conservatoire. On comprend mieux pourquoi la Cour et le Parquet prennent soin de requalifier ici ce que le TPG avait faussement qualifié d’arrêté de charge provisoire en arrêté conservatoire de débet, même si l’on ne peut que regretter la complexité résultant de cette dualité de procédures. Quoi qu’il en soit, les arrêtés conservatoires de débet peuvent faire l’objet, auprès de la Cour des comptes, d’une demande de réformation, notamment par le comptable intéressé (art. D. 131-35 du CJF). C’est cette procédure que la comptable concernée a ici mise en œuvre, se fondant, à titre principal, sur la violation du principe du contradictoire. En effet, les arrêtés conservatoires doivent être précédés successivement d’observations puis d’injonctions (C. comptes, 25 janvier 1990, Lycée agricole de Sainte-Livradesur-Lot, Rec. C. comptes 16). La procédure contradictoire n’est ainsi pas respectée si les arrêtés conservatoires de débet n’ont pas été précédés d’une injonction ferme (C. comptes, 27 septembre 1988, Centre hospitalier de Nemours, Rec. C. comptes 104. C. comptes, 13 juin 1991, Commune de Coupvray, Rec. C. comptes 57. C. comptes, 5 octobre 1995, Collège JeanPerrin à Vitry-sur-Seine, La Revue du Trésor 1996.99). Il y a également absence de caractère contradictoire lorsque les injonctions sont insuffisamment motivées (C. comptes, 25 janvier 1990, Lycée agricole de SainteLivrade-sur-Lot, préc.), lorsque le TPG ne fait pas connaître au comptable le détail des charges qui lui sont imputées (C. comptes, 13 février 1992, Lycée agricole de Nérac, Rec. C. comptes 10 ; La Revue du Trésor 1997.367), lorsqu’il n’y a pas de concordance entre le montant figurant dans les injonctions et ceux retenus dans les arrêtés ou lorsque les injonctions sont formulées de façon ambiguë (C. comptes, 19 janvier 1989, TPG de l’Hérault, Rec. C. comptes 5) ou encore lorsque les pièces ou les calculs sur lesquels sont fondées les injonctions ne sont pas communiqués (C. comptes, 24 mars 1993, Collège de Capesterre-Belle-Eau, La Revue du Trésor 1993.629. C. comptes, 27 mars 1995, LEP et collège République de Cayenne, Rec. C. comptes 7 ; La Revue du Trésor 1995.765). Dans le cas où la Cour conclut à l’absence de caractère contradictoire, la constitution en débet, même seulement conservatoire, est jugée prématurée et nulle (C. comptes, 13 juin 1991, Commune de Coupvray, La Revue du Trésor 1991.849 ; RF fin. publ. 1992.170). Dès lors, la Cour, comme en l’espèce, infirme l’arrêté conservatoire de débet (C. comptes, 4 février 1988, Commune de Senlis, Rec. C. comptes 15. C. comptes, 11 décembre 1991, LEP Jean-Monnet à Lille, Rec. C. comptes 111). Dans une telle hypothèse, la logique consiste pour la Cour à évoquer directement l’affaire, comme le préconise le Parquet dans la présente espèce. Ce n’est toutefois pas, curieusement, la solution retenue par la Haute Juridiction financière qui se contente d’infirmer l’arrêté conservatoire. 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière Extrait Vu la requête de Mme Annie Duchemann, comptable de l’Agence de développement rural et d’aménagement foncier (ADRAF) de Nouvelle-Calédonie, reçue le 2 juin 2003 par le trésorier-payeur général de NouvelleCalédonie, demandant la réformation de l’arrêté de charge provisoire prononcé le 28 février 2003 par ce dernier, qui lui a été notifié le 7 mars suivant et l’a déclaré débitrice d’une somme de 92 949,43 c ; Vu le réquisitoire en date du 3 septembre 2003 par lequel le procureur général de la République l’a saisie de la requête précitée, ensemble les pièces et documents joints ; Vu le Code des juridictions financières ; Vu la loi nº 88-1028 du 9 novembre 1988, portant dispositions statutaires et préparatoires à l’autodétermination de la NouvelleCalédonie en 1988 ayant notamment conféré à l’ADRAF le statut d’établissement public national ; Vu les conclusions du procureur général de la République, en date du 12 mars 2004 ; Après avoir entendu M. Boulot, conseiller maître, en son rapport et M. Chabrol, conseiller maître, en ses observations ; Sur la forme : Attendu que l’article D.131-35 du Code des juridictions financières habilite les comptables à demander la réformation des décisions d’apurement prises par les comptables supérieurs ; Attendu que le trésorier-payeur général de Nouvelle-Calédonie, agissant en tant que comptable supérieur, a prononcé un arrêté de charge provisoire à l’encontre de Mme Duchemann, comptable de l’ADRAF, pour un montant de 92 949,43 c, correspondant à des restes non recouvrés ; Mais attendu que l’ADRAF est un établissement public de l’Etat ; que le trésorierpayeur général de Nouvelle-Calédonie, agissant en tant que comptable supérieur, doit certes en apurer les comptes mais que, conformément aux dispositions de l’article D. 131-32 du Code des juridictions financières, il ne peut mettre en jeu la responsabilité de son comptable qu’en prenant à son encontre un arrêté fixant le montant d’un débet à titre conservatoire, et non un arrêté de charge provisoire qui, selon les dispositions de l’article L. 231-25 du même code, ne peut être prononcé qu’à l’encontre des comptables relevant des chambres régionales et territoriales des comptes ; que l’arrêté de charge provisoire du 28 février 2003 doit donc être requalifié en arrêté conservatoire de débet ; Sur le fond : Attendu qu’aucune injonction n’a été formulée à l’encontre de Mme Duchemann pour lui demander le reversement de la somme de 92 949,43 c ; qu’en prenant l’arrêté susmentionné du 28 février 2003, le trésorier-payeur général de NouvelleCalédonie n’a donc pas satisfait aux conditions permettant d’assurer le caractère contradictoire de la procédure ; que ce seul motif est suffisant pour conduire à l’infirmation dudit arrêté ; Attendu, en outre, que les réponses faites par Mme Duchemann à la demande formulée par le comptable supérieur le 4 mars 1999 n’ont été ni discutées, ni réfutées dans cet arrêté du 28 février 2003, pris ainsi près de quatre ans plus tard par le comptable supérieur ; Attendu que, de surcroît, les réserves formulées par la requérante le 29 juillet 1994, dans les délais réglementaires, n’ont pas été discutées alors que rien ne permet de considérer qu’elles ne seraient pas justifiées ; qu’il y a lieu dès lors de les admettre pour leur totalité ; Attendu, enfin, que la comptable fait état de diligences précises, y compris par voie contentieuse, qu’elle a exercées en 1995 au début de sa gestion et qui ont conduit à des recouvrements ; Par ces motifs, Statuant définitivement, Ordonne : L’arrêté de charge provisoire du trésorierpayeur général de Nouvelle-Calédonie, du 28 février 2003, est requalifié en arrêté conservatoire de débet. Cet arrêté, ainsi requalifié, est infirmé. Conclusions nº 185 du 12 mars 2004 (extrait) Considérant que, par lettre du 17 juin 2003, reçue au Parquet général le 8 juillet 2003, le trésorier-payeur général de NouvelleCalédonie a transmis au secrétaire général de la Cour des comptes l’arrêté dit de charges provisoires qu’il a prononcé le 28 février 2003 sur la gestion de 1996 et 1997 de Mme Annie Duchemann, agent comptable de l’Agence de développement rural et d’aménagement foncier (ADRAF) de Nouvelle-Calédonie, pour un montant de 92 949,43 c (11 091 818 F CFP), l’a informé simultanément du recours en réformation contre cet arrêté entrepris le 22 mai 2003 par la comptable, et lui a annoncé l’envoi de l’intégralité des pièces des comptes financiers pour les exercices concernés ; Que, par bordereau du 8 juillet 2003, le chef du service du greffe central et des archives de la Cour des comptes Nous a transmis pour attribution copie de la télécopie par laquelle Mme Duchemann a adressé au secrétaire général de la Cour son recours en réformation de l’arrêté susmentionné, en faisant valoir qu’il s’agissait non d’un arrêté de charges provisoires mais d’un arrêté conservatoire de débet prononcé par le trésorier-payeur général dans le cadre des articles D. 131-27, 28 et 32 du Code des juridictions financières, dès lors que l’ADRAF, établissement public de l’Etat dont les comptes sont apurés par le trésorier-payeur général, relève de la compétence de la Cour et non d’une chambre régionale ou territoriale des comptes ; Que, selon Nous, compte tenu du statut de cet établissement public créé par l’article 94 de la loi nº 88-1028 du 9 novembre 1988 et de la répartition des compétences de jugement et d’apurement de ses comptes entre la Cour et le trésorier-payeur général définie par les articles L. 131-5 et D. 131-28 du Code des juridictions financières, il y a effectivement lieu de requalifier la décision prise par le trésorier-payeur général en arrêté conservatoire de débet, notifié le 7 mars 2003 à la comptable, et pris en application de l’article D. 131-32 du Code des juridictions financières, qui doit être transmis à la Cour avec « la comptabilité et tous documents nécessaires » afin que celle-ci « statue à titre définitif » ; 47 Que, par ailleurs, aux termes des articles D. 131-35 et 36 du même code, « les comptables (...) peuvent demander à la Cour des comptes la réformation des décisions d’apurement prises par les comptables supérieurs dans un délai de quatre mois à dater de la notification de la décision » et que « ces recours doivent être remis ou adressés sous pli recommandé au comptable supérieur qui en accuse réception. Une copie de ce recours est adressée par le requérant au secrétaire général de la Cour des comptes » ; Que, par réquisitoire nº 2003-26 du 3 septembre 2003, Nous avons saisi la Cour de ce recours sur lequel il lui appartient de statuer ; (...) Rappelons que la saisie de la Cour par lettre du TPG du 17 juin 2003 transmettant sa décision administrative et, parallèlement, le dépôt d’un recours en réformation par le comptable contre ladite décision, sont deux procédures qui ne sont pas exclusives et qu’il peut être statué sur la suite à leur donner dans le même arrêt (cf. CC, 31 octobre 1979, Commune de PetitCanal (4)) ; Constatons la recevabilité de la requête qui répond aux conditions de forme et de délai requises par les articles D. 131-35 et 36 du Code des juridictions financières ; Pour les raisons précédemment exposées, concluons à la requalification de l’acte attaqué en arrêté conservatoire de débet ; Ajoutons que cet acte comporte le visa de textes abrogés, notamment par codification, et qu’il ne vise pas le Code des juridictions financières ni en particulier ses dispositions portant sur les pouvoirs d’apurement d’un comptable supérieur à l’égard des comptables subordonnés, ce qu’il conviendra de relever ; Notons que les pouvoirs de mise en débet par le TPG ne peuvent être exercés qu’aux termes d’une procédure contradictoire déterminée par l’article D. 131-32 du Code des juridictions financières : « les TPG et autres comptables supérieurs chargés de l’apurement administratif peuvent enjoindre aux comptables dont ils apurent les comptes de produire, dans le délai d’un mois, les pièces justificatives qui feraient défaut. Ils prennent sur les comptes qui leur sont soumis des décisions administratives établissant que les comptables sont quittes ou en débet, et dans ce dernier cas, leurs arrêtés fixent le montant du débet à titre conservatoire » ; Que, par bordereau du 4 mars 1999, le TPG, vérifiant les soldes des comptes 411 et 463, avait indiqué au comptable qu’il « convient d’expliquer la raison pour laquelle la majorité des titres ne fait l’objet d’aucune tentative de recouvrement », en précisant que les « réponses et justifications devront me parvenir dans le délai d’un mois » ; que cette formulation, bien que ne comportant pas le terme d’injonction, pourrait être considérée comme telle dès lors qu’elle fixe avec précision la nature des explications demandées et le délai imparti ; que le recours à une injonction de « versement » assortie d’un montant et préalable à la constatation d’un débet, qui n’est rendu obligatoire par aucun texte et ne résulte en tout cas pas de l’article D. 131-32 précité, a paru superflu au TPG dès lors que celui-ci se plaçait, certes à tort, dans la logique d’un (4) Rec. C. comptes 229. 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière arrêté provisoire de charges ; que, par ailleurs, l’arrêté « conservatoire » de débet n’est pas une décision définitive à charge, dans la mesure où elle est précisément seulement conservatoire et qu’elle sera soumise en tout état de cause à la Cour pour que celle-ci prenne une décision définitive (art. D. 131-32 précité) ; que, néanmoins, si elle s’en tient à sa jurisprudence (CC, 23 septembre 1999, CET Henri-Barbusse à Bagneux), la Cour pourrait juger qu’il devait y avoir injonction quantifiée de reversement avant constitution, même provisoire, d’un débet, et censurer ce vice affectant la procédure contradictoire ; Plus substantiellement, relevons que, par la voie de son successeur, le comptable a apporté le 3 mai 1999 des réponses à la demande formulée par le TPG le 4 mars 1999 ; que celles-ci n’ont pas été discutées et réfutées dans l’arrêté pris bien longtemps après par le TPG, le 28 février 2003, lequel se borne à affirmer l’insuffisance de diligences rapides, complètes et adéquates préalablement à l’admission en non-valeur desdites créances et à noter « qu’il n’a pas été fait état d’une impossibilité de procéder à des poursuites » ; que cette motivation paraît insuffisante en ce qu’elle n’examine pas précisément les réponses du comptable et n’explique pas pourquoi les réserves de celle-ci à l’égard de son prédécesseur sont écartées ; Concluons à l’annulation de l’arrêté du TPG pour défaut de motivation et à l’évocation par la Cour de l’affaire qui est en état d’être jugée ; signalons à ce titre que cette évocation d’une affaire consécutive à une annulation, qui résulte comme pour la procédure d’appel des principes généraux applicables à une juridiction supérieure saisie d’un recours, ne doit pas être confondue avec le pouvoir d’évocation attribué à la Cour en vertu de l’article R. 131-26 pour évoquer par arrêt un compte ayant fait l’objet d’une décision d’apurement administratif dans le délai de moins d’un an après la prise de cette décision (cf. la rédaction de l’art. en cause : « lorsqu’un compte a déjà été arrêté, le droit d’évocation ne peut s’exercer que pendant un an à dater de la décision définitive rendue par le comptable supérieur » ; en l’espèce, la décision étant du 23 février 2003, le délai est expiré à ce jour) ; Constatons que le jugement de l’affaire au fond conduit à évoquer les moyens élevés par la requérante à l’appui de son recours en réformation ; Que le premier consiste à avancer les réserves qu’elle avait émises le 29 juillet 1994 sur la gestion de ses prédécesseurs, après son entrée en fonction le 1er février 1994, réserves qui ont été formulées dans le délai réglementaire de six mois ; que ces réserves portent sur l’absence, constatée à sa prise de service, de toute poursuite en vue du recouvrement de titres de recettes dont le montant est plus de quatre fois supérieur à celui qui a été retenu dans l’arrêté de débet du TPG, qu’elles s’appuient dans chaque cas sur le défaut de biens saisissables connus à ce jour et sur l’impossibilité de poursuivre les débiteurs compte tenu du délai écoulé depuis la naissance de leur dette, soit par disparition du gage sur lequel elle était assise, soit par déménagement des débiteurs hors du territoire ; Observons que rien dans le dossier ne permet de considérer que ces réserves ne seraient pas justifiées ; qu’il y a dès lors lieu de les admettre pour la totalité des titres dont la requérante avait été déclarée débitrice par l’arrêté du TPG ; Quant au second moyen, sur lequel il ne sera pas besoin de s’appuyer, notons qu’il fait précisément état de la mise en œuvre de diligences, y compris par voies contentieuses, exercées en 1995 au cours du début de la gestion de la requérante et ayant conduit à des recouvrements ; Dans ces conditions, concluons à l’absence de charge contre Mme Duchemann en matière de recouvrement de titres dans la période sous revue et rappelons qu’il y aura lieu de notifier l’arrêt de la Cour aussi au TPG afin que celui-ci en tire les conséquences, dans le cadre de la procédure d’apurement administratif, pour accorder décharge et quitus de Mme Duchemann au regard de l’ensemble des opérations retracées dans ses comptes du 1er février 1994 au 31 mai 1997. Cour des comptes, Chambres réunies, arrêt nº 39273, 7 avril et 19 mai 2004, (lecture publique) Commune de Gourbeyre Gestion de fait ; nature des recettes ; recettes destinées à la caisse d’un organisme public ; extraction irrégulière de fonds publics ; associations transparentes. Procédure ; prescription décennale (loi du 21 décembre 2001). Le droit public financier bénéficie, une fois de plus, de l’apport inestimable de Mme Michaud-Chevry qui ne semble ménager ni son temps ni ses efforts pour permettre au juge de faire progresser la science financière. En effet, l’intéressée a d’abord permis au Conseil d’Etat de considérer que l’article L. 131-2 impose à la Cour des comptes, dans le cadre de la procédure de gestion de fait, de mettre les requérants à même d’exercer la faculté d’être entendus ; à cet effet, la Cour doit soit avertir le requérant de la date de la séance à laquelle son recours sera examiné, soit l’inviter à l’avance à lui faire connaître s’il a l’intention de présenter des explications verbales pour qu’en cas de réponse affirmative de sa part, elle l’avertisse ultérieurement de la date de la séance (5). En deuxième lieu, cette affaire a permis à la Cour des comptes (6) de préciser sa position quant à la question, aujourd’hui réglée, de la participation du rapporteur au délibéré et sur le problème de la clôture de l’instruction et de l’échange des mémoires. Il convient enfin de rappeler que la même requérante a permis à la Cour de discipline budgétaire et financière (7) de faire, pour la première fois, application des dispositions de l’article L. 313-7 du CJF aux termes duquel « toute personne mentionnée à l’article L. 312-1, dont les agissements auront entraîné la condamnation d’une personne morale de droit public ou d’un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public à une astreinte en raison de l’inexécution totale ou partielle ou de l’exécution tardive d’une décision de justice, sera passible d’une amende dont le minimum ne pourra être inférieur à 2 000 F et dont le maximum pourra atteindre le montant du 48 traitement ou salaire brut annuel qui lui était alloué à la date où la décision de justice aurait dû recevoir exécution ». Compte tenu d’un tel apport antérieur, le lecteur sera certainement déçu à la lecture de l’arrêt ci-dessous, le juge n’ayant guère l’occasion d’innover. Des précisions importantes sont toutefois apportées en matière de qualification des deniers publics. Le premier problème posé à la Cour consistait à qualifier juridiquement les versements opérés au profit du Comité de gestion des œuvres sociales, les appelants considérant qu’il s’agissait de fonds privés provenant du reversement volontaire par les élus locaux de leurs indemnités. Mais ce raisonnement ne pouvait prospérer dans la mesure où les fonds en cause avaient été imputés sur le compte « subventions » et que ni leur montant ni leur périodicité ne correspondaient au reversement des indemnités des adjoints. Au surplus, le Parquet note avec raison que s’il s’était agi de fonds privés, il eût été inutile que le Conseil municipal délibère sur le montant de ces versements. Enfin, ces versements auraient dû constituer, pour les élus en cause, des revenus imposables... Ces versements constituaient par conséquent de véritables subventions dont le maire de la commune de Gourbeyre avait l’entière disposition dès lors que le Comité de gestion des œuvres sociales constituait une association transparente, placée sous la totale dépendance de la commune et de son maire. Or, on le sait, lorsque l’ordonnateur délivre des mandats qui lui permettent de conserver directement ou indirectement la maîtrise de l’utilisation des fonds sortis de la caisse publique, il sera déclaré gestionnaire de fait (C. comptes, 4 août 1944, Lamirand, Rec. C. comptes 34 ; GAJF, 4e éd., nº 37. C. comptes, 21 octobre 1965, Mme Gouvart, ancien maire, M. Kermoal, secrétaire de mairie, M. Lemaire, fournisseur, Commune de Leffrinckoucke, Rec. C. comptes 21. C. comptes, 24 février 1966, Demange, Commune de Bourg-Bruche, Rec. C. comptes 53). On notera au surplus qu’il est de jurisprudence constante qu’un organisme dépourvu de la personnalité juridique n’a aucune qualité pour recevoir des deniers publics et ses représentants ne sont pas habilités pour donner valablement quittance au receveur des subventions reçues (C. comptes, 28 septembre 1960, Riehl, Comité des fêtes de Schiltighiem, Rec. C. comptes 65 ; GAJF, 4e éd., nº 39. C. comptes, 2 février 1966, Loiseau et Dudouit, Rec. C. comptes 51. C. comptes, 25 juin 1981, Centre régional pour l’animation et le développement à Orléans, Rec. C. comptes 170. C. comptes, 7 avril 1999, Commune de Gourbeyre, La Revue du Trésor 2000.357 ; RFD adm. 2000.1116). En l’espèce, le Comité de gestion des œuvres sociales constituait certes une association, mais dépourvue de la personnalité juridique en raison de l’absence de déclaration en préfecture (5) CE, 27 octobre 2000, Mme Michaux-Chevry et M. Madinecouty, Rec. CE 475 ; Rec. C. comptes 131 ; La Revue du Trésor 2001.125 ; RFD. adm. 2001.480. (6) C. comptes, 19 décembre 2001, Commune de Gourbeyre, Rec. C. comptes 109 ; La Revue du Trésor 2003.218. (7) CDBF, 20 décembre 2001, Janky c/ Région Guadeloupe et Mme Michaux-Chevry, La Revue du Trésor 2004.41. 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière prévue par l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901. Or, comme le souligne la Cour, les subventions versées à une association non déclarée sont irrégulières. En deuxième lieu, il fallait encore à la Cour qualifier les sommes perçues à l’occasion de la délivrance de permis de construire. Certes, ces prélèvements n’étaient pas obligatoires, mais ils étaient opérés dans les locaux de la mairie, après remise d’un document officiel et établissement d’un reçu par un agent municipal. La Cour fait ici application de sa jurisprudence relative au sentiment du contributeur. En effet, le caractère public des fonds entraînant la qualification de gestion de fait peut résulter du « sentiment » de la personne qui s’acquitte du paiement, s’agissant par exemple du versement par des forains au trésorier d’un comité des fêtes de droits de place ayant revêtu tous les aspects d’une recette communale alors même que le tarif n’en avait pas été régulièrement établi et qu’aucune règle n’avait été instituée pour le recouvrement et l’emploi de ces recettes (C. comptes, 8 avril 1935, Trésorier de la commission des fêtes de Poissy, Rec. C. comptes 32) ou de la perception illégale de taxes établies par le représentant légal de la collectivité, perçues par un fonctionnaire municipal selon un barème affiché en mairie sur des personnes qui avaient le sentiment de s’acquitter d’une dette envers la commune (C. comptes, 20 juin 1952, Commune de Bouafle, Rec. C. comptes 45 ; GAJF, 4e éd., nº 32. C. comptes, 20 mars 1975, Centre hospitalier d’Annecy, La Revue du Trésor 1978.433). On lira enfin avec intérêt l’extrait des conclusions du Parquet sur l’arrêt provisoire relatif à la mise en œuvre de la prescription décennale issue de la loi du 21 décembre 2001. Extrait Entendu à l’audience publique de ce jour M. Duchadeuil, conseiller maître, en son rapport, Mme Gisserot, procureur général de la République en ses conclusions orales et Me de Guillenchmidt, conseil de Mme Michaux-Chevry et de M. Madinecouty, la défense ayant eu la parole en dernier ; Après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et entendu Mme FromentMeurice, conseiller maître, en ses observations ; En ce qui concerne les fonds extraits de la caisse communale pour être versés au CGOS : Sur la nature des versements : Attendu que Mme Michaux-Chevry et M. Madinecouty font valoir en premier lieu, dans leur mémoire en réponse susvisé, que « lesdits versements, d’un montant global de 290 000 F, ne constituent pas des subventions communales mais des fonds privés provenant du reversement volontaire des indemnités des élus locaux au CGOS, association qui a été créée par les élus en 1989, dans le but de venir en aide aux personnes les plus démunies de la commune » ; qu’à l’appui de leur assertion, les intéressés rappellent que le caractère de deniers privés que représentaient les fonds prélevés sur les indemnités des adjoints était incontestablement confirmé par la délégation que ces derniers avaient signée, le 3 avril 1989 ; que par cette délégation, les adjoints renonçaient à percevoir personnellement les indemnités légales auxquelles ils avaient droit et donnaient mandat au comptable de verser lesdites sommes au compte ouvert par le CGOS, à la banque SGBA ; Attendu toutefois que cette délégation qui ne permettait de verser directement au CGOS les indemnités des adjoints, à partir du compte 666 « indemnités », qu’aux conditions préalables de liquider les indemnités suivant la quotité retenue par le Conseil municipal, de déduire les prélèvements obligatoires et d’inscrire ces montants sur un bulletin de salaires, n’a pas eu de suites ; Attendu en effet que les fonds versés au CGOS pour le montant global de 290 000 F ont fait l’objet de trois mandats nº 1374 du 29 novembre 1989, nº 1048 du 29 octobre 1990 et nº 1030 du 12 septembre 1991, signés par l’ordonnateur, Mme MichauxChevry, alors maire de la commune de Gourbeyre, imputés sur le compte 657 « subventions » et portant en objet de la dépense la mention suivante « Subvention allouée pour l’année 19.. » ; que la qualification de subventions donnée aux fonds versés au CGOS est expressément utilisée dans une délibération du conseil municipal de Gourbeyre en date du 31 mars 1989 décidant, pour le compte 657 « subventions aux associations », d’affecter un crédit global de 110 000 F aux associations et de « reverser les sommes prélevées sur les indemnités des adjoints sur le compte des œuvres sociales de Gourbeyre » ; Considérant au surplus que la périodicité des versements au CGOS qui ont été effectués chaque année en une seule fois ne correspond pas à la périodicité mensuelle des indemnités et que les montants alloués (90 000 F, 100 000 F et 100 000 F) sont sans corrélation directe avec les indemnités abandonnées par les adjoints ; Considérant dès lors que les fonds versés sur le compte des œuvres sociales de Gourbeyre constituaient bien des subventions et donc des deniers publics et non des fonds privés ; Attendu que les intéressés font valoir en deuxième lieu que la responsabilité de l’imputation des versements au CGOS sur le compte 657 « subventions » et non sur le compte 666 « indemnités » est imputable au comptable public qui en a fait la demande au maire de la commune de Gourbeyre, par bordereau en date du 3 mars 1989, « pour tenir compte des exigences comptables » ; Considérant que sauf à mettre en œuvre la procédure de la délégation mentionnée cidessus, aux conditions précitées, la seule solution régulière de versement des fonds correspondant aux économies réalisées sur les indemnités non versées aux élus était l’allocation de subventions imputées sur le compte 657, demandée à juste titre par le comptable, en application des contrôles qu’il est tenu d’exercer en matière de dépenses et qui portent notamment sur l’exacte imputation des dépenses aux chapitres qu’elles concernent ; Considérant en outre que la déclaration provisoire de gestion de fait n’est pas fondée sur l’imputation comptable des fonds versés au CGOS sur un compte de 49 subventions, demandée par le comptable public, mais sur l’extraction irrégulière de ces subventions ; Sur l’extraction irrégulière des subventions : Attendu que le conseil municipal de la commune de Gourbeyre a décidé, par délibération du 31 mars 1989, de constituer un fonds de secours pour venir en aide aux personnes démunies ; que, pour mettre en œuvre cette décision, et comme l’ont rappelé les intéressés dans leur mémoire en défense cité ci-dessus, une association, dénommée Comité de gestion des œuvres sociales (CGOS), a été constituée, selon l’article 4 de ses statuts, « pour la durée du mandat du maire en place » ; qu’elle a été domiciliée à la mairie de Gourbeyre et que Mme Lucette Michaux-Chevry, alors maire en fonctions, en a été désignée comme président et M. Fred Madinecouty, alors secrétaire général de la commune, comme trésorier ; que ses statuts ont donné au président les pouvoirs les plus étendus ; que le compte bancaire de l’association a été ouvert au nom de « Mme MichauxChevry Lucette, mairie de Gourbeyre, 97113 Gourbeyre », puis au nom de « Mme le Maire de Gourbeyre, mairie de Gourbeyre, 97113 Gourbeyre » ; qu’ainsi Mme Lucette Michaux-Chevry avait l’entière disposition des recettes encaissées par l’association et notamment des subventions versées par la commune qui ont conservé entre les mains des représentants de l’association le caractère de deniers publics ; Attendu que cette association n’a pas fait l’objet de la déclaration à la préfecture prévue par l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 qui prévoit que « toute association qui voudra obtenir la capacité juridique prévue par l’article 6 devra être rendue publique par les soins de ses fondateurs » ; qu’elle n’avait donc pas la capacité juridique lui permettant, en particulier, de recevoir des subventions publiques ; que le mémoire en réponse susvisé ne conteste pas ce raisonnement de la Cour mais qu’il fait valoir « que si une association non déclarée n’est normalement pas habilitée à recevoir des subventions, elle peut parfaitement recevoir des dons d’origine privée car elle a une personnalité juridique réelle » ; Considérant qu’il a été établi précédemment que les fonds versés au CGOS étaient des subventions publiques et non des dons privés ; que l’article 6, alinéa 1, de la loi du 1er juillet 1901 précitée dispose que « toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, ester en justice, recevoir des dons manuels ainsi que des dons d’établissements d’utilité publique, acquérir à titre onéreux, posséder et administrer, en dehors des subventions de l’Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics : 1º les cotisations de ses membres (...) ; 2º le local destiné à l’administration de l’association et à la réunion de ses membres ; 3º les immeubles strictement nécessaires à l’accomplissement du but qu’elle se propose » ; qu’il ressort des dispositions combinées des articles 5 et 6 de la loi de 1901 précitée que les subventions publiques versées au profit d’une association non déclarée sont irrégulières, comme l’a admis le mémoire en défense susvisé ; qu’en conséquence, les fonds publics ainsi versés dans des conditions irrégulières ont conservé leur 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière caractère de deniers publics entre les mains des représentants de l’association bénéficiaire ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les subventions de la commune de Gourbeyre d’un montant total de 290 000 F (44 210,21 c) ont été irrégulièrement extraites de la caisse communale ; En ce qui concerne les participations perçues à l’occasion de la délivrance des permis de construire : Attendu que, dans son arrêt de déclaration provisoire de gestion defait, la Cour, constatant par ailleurs que des redevances et participations versées par des personnes privées avaient été collectées par des agents de la mairie et avaient donné lieu à l’établissement de récépissés comportant comme mention « œuvres sociales de Gourbeyre », a considéré que les personnes qui les avaient réglées ne pouvaient qu’être conduites à estimer que les versements, effectués entre les mains d’un agent public et à la mairie, étaient destinés à la caisse communale ; que la somme de 124 500 F (18 979,90 c) représentant le produit de ces différentes redevances et participations a été directement versée à l’association, alors que, représentant des fonds publics, elle aurait dû être encaissée par le comptable public ; Attendu que le mémoire en défense fait valoir en premier lieu que les versements volontaires au CGOS ne sont pas des recettes publiques, au sens de l’article 22 du règlement général sur la comptabilité publique, dès lors qu’ils ne résultent d’aucune disposition législative, réglementaire, juridictionnelle ou même contractuelle ; Considérant cependant que les recettes publiques intègrent, parmi les « autres produits » visés par l’article 22 précité, les dons et les legs que les collectivités locales sont autorisées à encaisser en application des articles L. 2122-21, L. 2122-22 et L. 2242-1 du Code général des collectivités territoriales ; qu’elles comprennent donc les versements en cause considérés par Mme Michaux-Chevry et M. Madinecouty comme des participations volontaires ; Attendu que ces derniers soutiennent également que ces participations constituaient des concours facultatifs et non des redevances, comme la Cour l’aurait à tort considéré ; Considérant que l’emploi des termes « redevances et participations » fait par la Cour est sans incidences sur le fondement de l’arrêt qui retient comme élément constitutif de la gestion de fait non l’éventuelle irrégularité de redevances mais les conditions dans lesquelles sont intervenus les versements, en leur donnant toutes les apparences de recettes destinées à un organisme public, au sens de l’article 60-XI de la loi du 23 février 1963 susvisée ; Attendu que Mme Michaux-Chevry et M. Madinecouty allèguent enfin à cet égard, qu’aucun élément ne permet d’établir, en l’espèce, que l’intention des parties versantes était de gratifier la commune ; Considérant que si, en l’espèce, l’intention des parties versantes de destiner les fonds à la commune de Gourbeyre ne s’est pas manifestée explicitement, les conditions dans lesquelles sont intervenus les versements établissent que les personnes qui ont réglé ces participations ne pouvaient qu’être conduites à estimer que leur concours était destiné à la caisse communale ; qu’il résulte des pièces du dossier et de l’instruction que les donateurs n’ont manifesté ni l’intention de voir employer leurs dons en marge de la comptabilité de la commune ni celle de verser ces fonds à l’association CGOS ; Considérant en effet qu’il résulte du dossier que des paiements ont eu lieu dans les locaux de la mairie, ont été effectués entre les mains d’un agent public de la mairie et non entre celles du trésorier de l’association et que les reçus portaient la mention du service d’urbanisme de la mairie ; que, comme l’a reconnu la présidente du CGOS lors de l’instruction, les reçus de ces règlements remis par un autre agent de la mairie portaient un timbre intitulé « pour les œuvres sociales de Gourbeyre » et non « pour l’association CGOS » ; et qu’enfin, de façon générale, les chèques étaient libellés à l’ordre « des œuvres sociales de Gourbeyre » et en aucun cas à celui de l’association CGOS ; qu’au demeurant, les donateurs ne disposaient d’aucun élément leur permettant de connaître le nom de cette association qui n’était pas déclarée, qui n’était pas citée dans les délibérations de la commune et dont l’intitulé ne figurait sur aucun document remis aux donateurs ; Considérant, dans ces conditions, que les donateurs ne peuvent qu’être présumés avoir fait libéralité à la commune et que l’encaissement de leurs participations sans titre légal par le CGOS est constitutif d’une ingérence dans le recouvrement de recettes destinées à la commune ; Considérant que Mme Michaux-Chevry et M. Madinecouty, en tant respectivement que président et que trésorier de l’association, ont ainsi encaissé, détenu et manié, sous leur seule responsabilité et aux lieu et place du comptable public, des sommes qui avaient la nature de fonds publics ; qu’il y a lieu, en conséquence, de conférer un caractère définitif à la déclaration de gestion de fait. Conclusions nº 7018 du 21 octobre 2002 rendues sur l’arrêt provisoire nº 35080 du 20 décembre 2002 (extrait) Sur l’éventuelle prescription des faits : Depuis l’entrée en vigueur de la loi nº 2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes, l’article L. 131-2 du CJF est complété par un alinéa ainsi rédigé : « L’action en déclaration de gestion de fait est prescrite pour les actes constitutifs de gestion de fait commis plus de dix ans avant la date à laquelle la Cour des comptes en est saisie ou s’en saisit d’office » ; Sur la base d’une analyse développée dans Nos conclusions nº 6417 du 9 janvier 2002 sur un rapport relatif à des faits présumés constitutifs de gestion de fait de deniers de l’université Claude-Bernard Lyon-I largement citées par M. le Rapporteur, et plus récemment dans les conclusions précitées nº 6969 du 3 octobre 2002 auxquelles Nous renvoyons, Nous avons été conduits à estimer que la prescription de dix ans est applicable, dès publication de la loi, aux déclarations de gestion de fait, même si celles-ci concernent des faits dont tout ou partie est antérieur à la loi ; Cette conception qui paraît manifestement en adéquation avec les intentions du 50 législateur a été adoptée par la Cour des comptes, 5e Chambre, dans un arrêt du 13 février 2002 rendu sur une gestion de fait de deniers de l’Etat (« Fonds pauvreté et fonds d’action sociale EDF-GDF gérés pour le compte de la Direction générale de l’action sociale par la Fondation de France ») : « ... cette disposition législative, qui constitue une règle de procédure, s’applique d’office aux actes constitutifs de gestion de fait même commis à une date antérieure à sa promulgation » ; Elle est confortée par l’arrêt (non encore notifié) des chambres réunies rendu le 9 octobre 2002 dans l’affaire du lycée JeanRostand ; La question soulevée par les modalités d’interruption de la prescription a trouvé un début de réponse avec l’arrêt du 13 février 2002 qui juge, qu’en l’espèce, le premier acte interruptif de la prescription est l’arrêt prononçant à titre provisoire la déclaration de gestion de fait ; Cette solution s’applique toutefois au cas où la juridiction financière se saisit d’office d’actes constitutifs de gestion de fait et où aucun acte traduisant cette autosaisine n’est intervenu avant la déclaration provisoire de gestion de fait ; Dans le cas, en revanche, où la juridiction financière est saisie par un réquisitoire de son Ministère public, c’est ce réquisitoire qui, à Notre avis, interrompt la prescription (cf. en ce sens, Nos conclusions précitées du 9 janvier 2002 et du 3 octobre 2002 suivies dans ce dernier cas par les chambres réunies, dans un arrêt non encore notifié). Il nous semble incontestable qu’en l’espèce le réquisitoire du 22 mars 1995 qui a saisi la juridiction financière, c’est-à-dire aussi bien la chambre régionale compétente en premier ressort que la Cour aujourd’hui compétente dans le cadre d’évocation faisant suite à un appel, a valablement interrompu la prescription instituée postérieurement par la loi du 21 décembre 2001 ; Cet acte interruptif couvre l’ensemble des faits susceptibles d’être englobés dans le périmètre de la gestion de fait, qui ne distingue pas entre les opérations explicitement mentionnées dans le réquisitoire (encaissement par le comité de gestion des œuvres sociales [CGOS] de Gourbeyre de redevances perçues à l’occasion de la délivrance de permis de construire) et celles mises à jour par l’instruction du rapporteur de la chambre régionale (perception irrégulière par le CGOS, association non déclarée, de subventions communales) ; En effet, dans les deux cas, il s’agit de deniers de la commune de Gourbeyre, le but poursuivi est de procurer des ressources financières au CGOS et d’utiliser les fonds ainsi recueillis en dehors des règles de la comptabilité publique et les dépenses ainsi réalisées ne peuvent être distinguées suivant l’origine des recettes ; en outre, les personnes en cause sont les mêmes pour l’ensemble des opérations, à savoir Mme Michaux-Chevry et M. Madinecouty ; En conséquence, la Cour est en mesure de considérer qu’aucun des faits présumés constitutifs de gestion de fait dont la chambre régionale des comptes a été saisie ne serait prescrit, ces faits étant survenus entre 1989 et 1995 et le réquisitoire du Ministère public ayant interrompu la prescription décennale le 22 mars 1995. 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière Conclusions nº 123 du 16 février 2004 (extrait) Considérant que la Cour des comptes, siégeant toutes chambres réunies après cassation et renvoi par le Conseil d’Etat, a, dans sa séance du 19 décembre 2001, statué de nouveau sur les appels formés par Mme Lucette Michaux-Chevry et M. Fred Madinecouty contre le jugement du 11 juin 1998 de la chambre régionale des comptes les déclarant définitivement comptables de fait de deniers de la commune de Gourbeyre ; Qu’elle a décidé d’annuler ledit jugement en soulevant d’office un moyen tiré du caractère irrégulier de la composition de la formation qui l’a rendu, d’évoquer l’affaire et de procéder à une instruction complémentaire ; Que, par arrêt du 20 décembre 2002, siégeant toutes chambres réunies à l’issue de cette instruction complémentaire, la Cour des comptes a déclaré provisoirement comptables de fait des deniers de la commune de Gourbeyre, conjointement et solidairement, Mme Michaux-Chevry et M. Madinecouty, respectivement président et trésorier de l’association Comité de gestion des œuvres sociales (CGOS) de Gourbeyre ; (...) Sur les opérations en cause : La réponse des gestionnaires de fait n’apporte pas réellement d’éléments nouveaux au regard de ceux que Nous avons déjà longuement examinés dans Nos conclusions nº 6228 du 8 octobre 2001 pour les rejeter ou pour considérer qu’ils étaient sans incidence sur l’existence d’une gestion de fait ; En ce qui concerne les fonds extraits de la caisse communale pour être versés au CGOS, il ressort clairement de l’article 6, alinéa premier de la loi du 1er juillet 1901 qu’une association non déclarée telle que le CGOS n’a pas la capacité juridique de recevoir des subventions publiques. Suivant une jurisprudence de la Cour constante sur ce point depuis l’arrêt Riehl et Krauskopf, Commune de Schieltigheim du 28 septembre 1960 jusqu’à l’arrêt du 17 septembre 1999, Jeunesse et patrimoine international, les fonds publics versés dans de telles conditions irrégulières conservent leur caractère de deniers publics entre les mains des représentants de l’association bénéficiaire, ceux-ci n’ayant aucun titre légal à les encaisser, à les employer et à donner valablement quittance au comptable public de leur versement. Ce point n’est d’ailleurs pas véritablement contesté par les comptables de fait ; Il convient donc surtout d’écarter l’argument suivant lequel les sommes versées ne constitueraient pas des subventions mais des contributions volontaires au CGOS financées par l’abandon par les élus municipaux d’une fraction de leurs indemnités et donc des deniers privés. S’il est exact que ces élus ont renoncé au bénéfice d’une partie des indemnités auxquelles ils auraient pu prétendre, il n’en reste pas moins que les versements effectués au profit du CGOS par le receveur municipal l’ont été au vu de mandats signés de Mme Michaux-Chevry comportant l’intitulé « subvention », imputés sur le compte 657 « subventions » et dont le montant n’est pas directement corrélé à celui des indemnités abandonnées par les élus. On notera de surcroît que la périodicité de ces versements ne correspond pas à celle des indemnités, et que s’il s’était agi de fonds privés, il aurait été inutile que le Conseil municipal délibère sur le montant de ces versements, les élus auraient simplement donné instruction au comptable public pour que leurs indemnités soient virées au compte du CGOS et non à leur compte personnel, le mandatement des indemnités aurait été imputé au compte 666 « indemnités des élus » et non au compte 657, et les sommes en cause auraient, pour les élus concernés, constitué des revenus imposables ; En ce qui concerne les sommes perçues à l’occasion de la délivrance des permis de construire, même si l’on admet que ces contributions n’étaient pas obligatoires, il résulte d’une jurisprudence bien établie de la Cour, rappelée par M. le Rapporteur, que le critère prédominant à prendre en compte est l’intention des parties versantes, ou, si cette intention n’est pas manifeste, les conditions dans lesquelles intervient le versement. Or, le dossier fait ressortir que les personnes qui ont réglé ces contributions ne pouvaient qu’être conduites à penser que leur versement était destiné à la caisse communale, compte tenu notamment des circonstances de fait qui entouraient cette opération : paiement dans les locaux de la mairie, après remise d’un document officiel et avec établissement d’un reçu par un agent d’un service municipal agissant dans le cadre de ses fonctions. Il n’est, en outre, pas contesté que ni ces reçus, ni la délibération instituant la redevance ne mentionnaient l’existence du CGOS et qu’aucune convention passée entre la commune et cet organisme n’a habilité ce dernier à percevoir le produit de la redevance ; Dans ces conditions, les contributions perçues avaient toutes les apparences d’une « recette destinée ou affectée à un organisme public » au sens de l’article 60-XI de la loi du 23 février 1963, et leur encaissement sans titre légal par le CGOS est constitutif d’une gestion de fait indépendamment du caractère obligatoire ou non des versements ; En effet, si ces recettes doivent être tenues pour des dons et non pour des redevances, elles n’entreraient pas moins dans les « autres produits autorisés par les lois et règlements en vigueur » au sens de l’article 22 du décret nº 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, dans la mesure où le Code général des collectivités territoriales (art. L. 2122-21, L. 2122-22 et L. 2242-1) habilite les communes à recevoir des dons et legs. Rien n’empêcherait donc d’y voir des recettes destinées à une caisse publique ; La Cour Nous paraîtrait donc fondée à conférer un caractère définitif à la déclaration de gestion de fait ; Sur la suite de la procédure : Si la Cour était conduite à rendre définitives les dispositions de son arrêt provisoire du 20 décembre 2002 en ce qui concerne la déclaration de gestion de fait, aucune contradiction relative au périmètre de cette dernière ou aux personnes en cause n’existerait avec les jugements passés 51 définitivement en force de chose jugée des 18 janvier, 21 mars et 8 août 2000 par lesquels la chambre régionale des comptes de Guadeloupe a fixé la ligne de compte de cette gestion de fait, infligé des amendes à Mme Michaux-Chevry et M. Madinecouty, puis au vu des versements effectués, les a déclarés quittes et libérés de leur gestion ; Il n’y aurait donc pas matière à recourir au règlement de juges évoqué dans Nos conclusions précitées du 8 octobre 2001, et la procédure se trouverait close. Cour des comptes, Chambres réunies, arrêt nº 39328, 7 avril et 7 juin 2004, (lecture publique) Lycée Jean-Rostand à Roubaix Gestion de fait ; périmètre ; comptable patent. Comme nous l’indiquions dans notre note sous l’arrêt du 16 mai 2002, Lycée Las Cases de Lavaur (La Revue du Trésor 2003.383), « depuis longtemps déjà, la Cour et son Parquet dénoncent l’utilisation faite par l’Etat des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) pour effectuer la gestion de crédits d’Etat. On peut par exemple renvoyer aux Lettres du procureur général nos 4383 et 4384 du 22 septembre 1994 (Rec. C. comptes 258) qui dénonçaient l’utilisation des EPLE par les rectorats comme support d’action de formation et d’insertion faisant de la sorte exécuter par des établissements publics des dépenses dont les services de l’Etat conservaient la totale maîtrise. La question devait du reste faire l’objet d’une insertion au rapport public du 27 novembre 1997 (p. 48 à 51 ; Rec. C. comptes 339). Ces interventions furent vaines ; ces pratiques contraires au principe de spécialité des établissements publics (voir sur cette question, M. Lascombe, « Le juge financier et les établissements publics », in Mélanges Pierre Sandevoir, L’Harmattan, 2000, p. 61) se sont poursuivies. Il convenait donc que le juge des comptes sanctionne ce qu’il n’était parvenu à empêcher dans le cadre de ses « communications ». L’affaire ci-dessous rapportée est une nouvelle illustration de cette « confusion des genres ». En l’occurrence, le ministère de l’Education nationale avait délégué certains crédits au lycée Jean-Rostand dans le cadre de la mise en place du plan « informatique pour tous ». Mais, une partie de ces crédits avait été utilisée par le rectorat pour acquérir des matériels à son propre bénéfice. Alors que la Cour avait tout d’abord décidé (arrêt du 20 novembre 1997) qu’il n’y avait pas lieu à gestion de fait, le Conseil d’Etat (arrêt du 4 octobre 2000) a considéré que la prise en charge par le comptable d’un EPLE sur des crédits de l’Etat, de dépenses étrangères à leur objet et effectuées au profit de services de l’Etat, constitue une extraction irrégulière de deniers de l’Etat. Le Conseil d’Etat devait, en outre, préciser qu’un comptable patent peut être déclaré comptable de fait s’il s’est immiscé dans la gestion d’un autre poste comptable (voir cidessus nos obs. sur l’arrêt no 36-755 des 18 juin et 24 juillet 2003, Agence de l’eau Rhône-Méditerranée Corse). Pour le surplus, nous nous permettons de renvoyer aux conclusions très éclairantes du Parquet rendues sur l’arrêt provisoire du 9 octobre 2002. 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière Extrait Arrêt provisoire nº 34978 du 9 octobre 2002 Considérant qu’à l’occasion du contrôle des comptes du lycée Jean-Rostand de Roubaix pour les exercices 1991 à 1993, la chambre régionale des comptes du Nord - Pas-de-Calais a examiné la gestion du centre académique de ressources informatiques et télématiques pédagogiques rattaché à cet établissement scolaire ; que des opérations présumées constitutives de gestion de fait des deniers de l’Etat ont été portées, par le commissaire du Gouvernement auprès de la chambre régionale, à la connaissance du procureur général de la République qui en a saisi la Cour par le réquisitoire susvisé du 25 mars 1997 ; Considérant que par arrêt du 20 novembre 1997, la Cour des comptes, statuant à titre définitif, a dit qu’il n’y avait pas lieu à gestion de fait en ce qui concerne les opérations effectuées par le centre académique sur les crédits délégués au lycée par le ministère de l’Education nationale ; que le comptable n’était pas sorti de son mandat légal en traitant, dans le cadre des comptes du lycée et sous sa responsabilité, les opérations financées sur les crédits délégués et qu’il devait suspendre le paiement dès lors que la créance n’était pas valide, notamment parce que la justification du service fait n’était pas certifiée par l’ordonnateur du lycée Jean-Rostand ; Considérant que par arrêt du 4 octobre 2000, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la Cour en tant qu’il disait n’y avoir pas lieu à gestion de fait, considérant qu’il appartenait uniquement à la Cour des comptes de connaître du maniement irrégulier des deniers de l’Etat constitutif d’une gestion de fait ; les dépenses d’acquisition des matériels informatiques ainsi que les logiciels d’accompagnement et des équipements technologiques de communication télématique ou audiovisuelle et, en fonctionnement, les dépenses afférentes à leur maintenance ; que la circulaire nº 85-207 du 5 juin 1985 disposait que les centres de ressources informatiques pouvaient être organisés « à partir de personnels et d’établissements de l’académie » ; que la note de service nº 85-227 du 21 juin 1985 précisait également que des établissements pouvaient assurer le support logistique des centres de ressources ; qu’en l’espèce le centre de ressources de l’académie a été rattaché au lycée Jean-Rostand de Roubaix, le proviseur de cet établissement étant le responsable du centre et l’ordonnateur de ses dépenses, l’agent comptable du lycée étant l’agent comptable du centre de ressources ; Considérant que le rectorat a délégué au centre de ressources, en application de l’arrêté du 22 septembre 1986, des crédits inscrits au budget de l’Education nationale au chapitre 36-70, article 20, et destinés à la maintenance des matériels informatiques pédagogiques des établissements publics locaux d’enseignement de l’académie ; que le centre de ressources a également reçu du rectorat, en application d’un arrêté du 21 décembre 1989 modifiant l’arrêté précité du 22 septembre 1986 et étendant les missions du centre de ressources, des crédits inscrits au chapitre 56-37 et destinés à l’acquisition de matériels informatiques pédagogiques utilisés dans les établissements scolaires de l’académie ; qu’il a enfin reçu, en application de conventions datées des 27 novembre 1991, 27 novembre 1992, 26 novembre 1993, 28 novembre 1994 et 25 novembre 1995, des crédits inscrits au chapitre 37-70 et destinés notamment à la formation de personnels enseignants à l’utilisation de matériels informatiques, télématiques et audiovisuels à usage pédagogique ; Considérant que par un arrêté du 22 septembre 1986 qui vise la circulaire nº 85-207 du 5 juin 1985 et la note de service nº 85-227 du 21 juin 1985 du ministère de l’Education nationale relatives à la mise en place du plan « informatique pour tous », le recteur de l’académie de Lille a créé le centre académique de ressources informatiques et télématiques pédagogiques ; qu’il lui a confié « la mission d’assurer le maintien en bon état de fonctionnement du parc académique de matériels informatiques et télématiques à usage pédagogique, le suivi de la politique de logiciels de l’académie et la formation progressive, dans les établissements, d’hommes ressources (techniciens ou enseignants) » ; que ces missions entraient dans le champ prévu par la loi nº 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi nº 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat et le décret nº 85-269 du 25 février 1985 fixant la liste des dépenses pédagogiques à la charge de l’Etat ; Qu’il en est ainsi pour l’achat d’appareils et de mobiliers pour lesquels les factures précisent qu’ils ont été livrés au rectorat : (...) Considérant qu’en application des dispositions de l’article 14 de la loi nº 83-663 du 22 juillet 1983, désormais codifiées aux articles L. 213-2 et L. 214-6 du Code de l’éducation et des articles premier et 2 du décret nº 85-269 du 25 février 1985 pris en application de l’article 14 précité, les dépenses pédagogiques des collèges et lycées restant à la charge de l’Etat comprennent notamment, en investissement, Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’une partie des fonds versés par le ministère au centre de ressources informatiques et télématiques pédagogiques a été utilisée à des fins étrangères à leur objet au profit des services du rectorat ou d’organismes académiques, les responsables administratifs et financiers du centre s’étant, en la circonstance, cantonnés dans un rôle d’exécution Considérant qu’une partie de ces fonds a été employée toutefois sur instruction du rectorat à d’autres fins que celle entrant dans la mission du centre de ressources informatiques, le rectorat conservant en la circonstance l’entière maîtrise des crédits délégués notamment par les conventions signées entre le secrétaire général de l’académie, par délégation du recteur, et le proviseur du lycée Jean-Rostand ; Considérant qu’il résulte en effet de l’instruction que des matériels acquis au moyen de ces crédits et des prestations financées par le même moyen ont, en réalité, bénéficié au rectorat ou à ses services ; 52 d’engagements effectués au rectorat ; que des deniers de l’Etat ont été irrégulièrement extraits du Trésor Public ; qu’ainsi tous ceux qui, sans être comptables de l’Etat, se sont ingérés dans l’emploi de ces crédits se sont constitués comptables de fait des deniers de l’Etat ; Considérant qu’il résulte des pièces recueillies au cours de l’instruction que Mme Anne-Marie Lesage, secrétaire générale de l’académie de décembre 1988 à janvier 1996, qui présidait le comité de gestion du centre de ressources, a décidé de l’utilisation des crédits délégués au centre de ressources en fonction notamment de certains besoins de fonctionnement du rectorat ; que, sous son autorité, une division du rectorat a transmis au proviseur du lycée Jean-Rostand les offres de prix ou engagements de commandes correspondants pour l’établissement de bons de commande et les factures correspondantes pour mise en paiement dans les meilleurs délais ; Considérant que M. Claude Pair, puis M. André Varinard, nommés recteurs par décrets du 26 juillet 1989 et du 24 juin 1993 respectivement, sans intervenir directement dans les décisions d’utilisation des crédits délégués au lycée JeanRostand, ont été informés de l’utilisation étrangère à leur objet faite de certains de ces crédits, ainsi que cela a été reconnu au cours de l’instruction ; Considérant que Mme Françoise Petit, proviseur du lycée Jean-Rostand depuis le 1er septembre 1990, exécutait les commandes passées par les services du rectorat en émettant les bons de commande et en ordonnançant les dépenses correspondantes ; Considérant que M. Jean-Pierre Codron, agent comptable du lycée depuis le 8 janvier 1990, chargé des opérations du centre de ressources informatiques, a payé des dépenses des services de l’Etat ainsi qu’il ressortait des pièces produites au soutien des propositions de paiement ; que ces dépenses, comme telles, auraient dû être payées par le trésorier-payeur général ; qu’en s’ingérant ainsi dans le service de ce comptable, il s’est constitué comptable de fait ; Considérant qu’aux termes de l’article L. 131-2 susvisé du Code des juridictions financières, modifié par la loi nº 2001-1248 du 21 décembre 2001, « l’action en déclaration de gestion de fait est prescrite pour les actes constitutifs de gestion de fait commis plus de dix ans avant la date à laquelle la Cour des comptes est saisie ou s’en saisit d’office » ; que cette règle de procédure s’applique aux actes constitutifs de gestion de fait même commis à une date antérieure à la promulgation de cette disposition législative ; mais que les faits décrits ci-dessus ont tous été commis postérieurement au 25 mars 1987. Vu le réquisitoire nº 1997-20 du 25 mars 1997 par lequel le procureur général de la République l’a saisie de faits présumés constitutifs d’une gestion de fait des deniers de l’Etat au lycée Jean-Rostand à Roubaix (Nord) ; Vu l’arrêt nº 18066 du 20 novembre 1997 par lequel la Cour des comptes a dit n’y avoir pas lieu à gestion de fait en ce qui concerne les opérations effectuées par le centre académique de ressources 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière informatiques et télématiques pédagogiques sur les crédits délégués au lycée JeanRostand au titre des chapitres 36-70, 37-70 et 56-37 du budget du ministère de l’Education nationale ; Vu l’arrêt du Conseil d’Etat du 4 octobre 2000 annulant l’arrêt de la Cour des comptes du 20 novembre 1997 en ces dispositions et renvoyant l’affaire devant la Cour des comptes ; Vu l’arrêt nº 34978 du 9 octobre 2002 par lequel la Cour, statuant toutes chambres réunies, a déclaré à titre provisoire comptables de fait des deniers de l’Etat Mme Lesage, secrétaire générale de l’académie de Lille, Mme Petit, proviseur du lycée Jean-Rostand, ordonnateur du centre de ressources informatiques rattaché au lycée, et M. Codron, agent comptable du lycée, chargé des opérations du centre de ressources, conjointement et solidairement, à raison de dépenses étrangères à l’objet des crédits délégués au centre de ressources informatiques, ainsi que, solidairement avec les précédents, chacun pour la période qui le concerne, M. Pair, recteur de l’académie jusqu’au 23 juin 1993, et M. Varinard, qui lui a succédé dans ses fonctions à compter du 24 juin 1993 ; Considérant que Mmes Lesage et Petit, MM. Codron, Pair et Varinard, sans contester au préalable leur qualité de comptables de fait des deniers de l’Etat, ont produit un compte des opérations irrégulières ; qu’il y a lieu de rendre la déclaration de gestion de fait définitive ; Conclusions nº 6969 du 3 octobre 2002 (extrait) Sur le fond : Sur le sens de la décision du juge de cassation : Rappelons que le pourvoi en cassation avait tendu à faire censurer la position de la Cour, qui avait considéré qu’il lui était loisible de ne pas engager une procédure de gestion de fait, dès lors que les opérations litigieuses se trouvaient retracées dans une comptabilité publique ; que cette affaire mettait notamment en jeu la possibilité de déclarer comptable de fait un comptable patent qui aurait retracé dans ses comptes des opérations qui relevaient en fait d’un autre poste comptable ; Observons que la réponse apportée par le Conseil d’Etat à ces interrogations apparaît dépourvue d’ambiguïté, puisque l’arrêt énonce que « la juridiction compétente pour connaître d’actes constitutifs d’une gestion de fait est celle qui a normalement compétence pour connaître de l’emploi des crédits qui ont fait l’objet de cette gestion de fait ; qu’ainsi, dès lors que des crédits ont été irrégulièrement extraits des caisses de l’Etat, seule la Cour des comptes est compétente pour statuer sur ces irrégularités et en tirer, vis-à-vis des personnes en cause, les conséquences nécessaires, alors même que celles-ci auraient la qualité de comptable patent d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public local » ; [...] « Un comptable public peut être déclaré comptable de fait, notamment dans le cas où il aurait manié, dans des conditions irrégulières, les fonds relevant d’un poste comptable autre que le sien » ; [...] « Que, saisie de ces faits [portés à sa connaissance par le Ministère public], la Cour des comptes a constaté que le comptable du lycée Jean-Rostand avait pris en charge, notamment sur les crédits de l’Etat des chapitres 36-70 et 37-70, des dépenses étrangères à leur objet et effectuées au profit des services rectoraux ; que, cependant, la Cour des comptes a estimé qu’il appartenait à la chambre régionale des comptes d’enjoindre au comptable de reverser les sommes payées à tort et qu’il n’y avait pas lieu à déclaration de gestion de fait » ; [...] « Il appartenait uniquement à la Cour des comptes de connaître de l’emploi de crédits de l’Etat constitutif d’une gestion de fait » ; Estimons que ces motifs, qui conduisent à un dispositif d’annulation de l’arrêt « en tant qu’il dit n’y avoir lieu à déclaration de gestion de fait » et éclairés par les conclusions du commissaire du Gouvernement Seban, contiennent les principes suivants : – la répartition des compétences entre la Cour et les chambres régionales ou territoriales, telle qu’elle est fixée par la loi, ne saurait être remise en cause par la circonstance que les opérations irrégulières sont décrites dans les comptes d’un autre organisme public ; – un comptable patent peut être déclaré comptable de fait s’il s’est immiscé dans la gestion d’un autre poste comptable ; – la prise en charge, par un comptable d’établissement public local d’enseignement et sur des crédits de l’Etat, de dépenses étrangères à leur objet et effectuées au profit de services de l’Etat, constitue une extraction irrégulière de deniers publics de ce dernier ; Que, sans doute, la dernière de ces propositions n’est-elle pas exprimée littéralement par le juge de cassation, alors qu’elle l’est dans les conclusions de M. Seban (8), mais que l’on discernerait mal les motifs qui auraient pu conduire le Conseil d’Etat à casser un arrêt de non-lieu à déclaration de gestion de fait s’il avait considéré que les éléments constitutifs d’une gestion de fait n’étaient pas en l’espèce réunis ; que l’existence d’une gestion de fait n’était au demeurant pas contestée par l’arrêt de la Cour pris à la suite de Notre réquisitoire ; Relevons qu’il ne saurait être utilement soutenu, à l’appui de la thèse inverse, que la Haute Juridiction administrative ne s’est pas prononcée sur la solution imaginée en premier ressort par la Cour, et qui consistait à renvoyer l’affaire au jugement des comptes du lycée par la chambre régionale des comptes ; que le juge de cassation n’était et ne pouvait être saisi que de la décision définitive de non-lieu rendue par la Cour ; qu’il ne lui appartenait dès lors pas de se prononcer sur le sort à réserver à un comptable patent qui, comme en l’espèce, accepte de payer des dépenses pour lesquelles la justification du service fait n’émane pas de l’ordonnateur et qui peut engager à ce titre sa responsabilité personnelle et pécuniaire dans le cadre de l’apurement de ses comptes (CC, form. interch. d’appel, 16 mai 2002, lycée Las Cases de Lavaur) ; Sur le périmètre de la gestion de fait : Observons que l’arrêt du Conseil d’Etat contient une incertitude liée à une discordance apparente entre les motifs et le 53 dispositif ; que le dispositif annule la décision de non-lieu de la Cour en ce qui concerne les dépenses effectuées sur les crédits délégués au titre des chapitres 36-70, 37-70 et 56-37 ; que les motifs relevaient que la Cour avait renvoyé à tort au jugement des comptes du lycée, alors qu’elle avait constaté que le comptable avait pris en charge, « notamment sur les crédits de l’Etat des chapitres 36-70 et 37-70, des dépenses étrangères à leur objet et effectuées au profit des services rectoraux » ; N’en déduisons néanmoins pas l’existence d’une contradiction, le dispositif de l’arrêt de cassation se bornant à annuler le dispositif de l’arrêt attaqué, en en reprenant littéralement les termes ; Pensons que la Cour n’est tenue de se conformer qu’aux motifs qui constituent le soutien nécessaire du dispositif de l’arrêt de renvoi, ce qui l’autoriserait à ne retenir au titre de la gestion de fait qu’une partie des opérations financées à partir des chapitres 36-70, 37-70 et 56-37 ; Que la Cour pourrait, comme Nous l’y invitions dans Nos conclusions nº 3353 du 19 novembre 1997 sur le premier arrêt, fonder la gestion de fait sur la combinaison de deux critères qui sont le versement d’une subvention destinée à financer une dépense étrangère à la vocation du bénéficiaire apparent et l’absence d’autonomie de l’attributaire dans l’utilisation des fonds ; Que cette approche aurait le mérite de combiner le motif de cassation, fondé sur l’objet de la dépense, avec la jurisprudence financière classique sur les subventions fallacieuses ; qu’elle ne saurait encourir le reproche d’exiger du comptable patent une analyse de la légalité des dépenses, alors qu’elle se bornerait à exiger de celui-ci de veiller à la conformité de la dépense aux compétences de l’établissement dont il tient les comptes, contrôle qu’il revient à tout ordonnateur et à tout comptable d’exercer, sous peine pour ce dernier, s’il était établi qu’il ne pouvait ignorer que les opérations étaient étrangères à son poste comptable, d’être regardé par le juge des comptes comme s’étant dépouillé de son titre légal (CC, 3e Ch., 15, 19 et 22 février 1996, Ecole des hautes études en sciences sociales) ; Qu’il y aura en toute hypothèse lieu, pour la Cour, de déterminer les opérations incluses dans la gestion de fait dès le stade de la déclaration provisoire ; qu’à défaut, les comptables de fait pourraient être tentés d’adresser à la Cour la totalité des opérations déjà décrites dans les comptes du lycée, à charge pour le rapporteur d’identifier ultérieurement les dépenses irrégulières ; Renvoyons à Nos conclusions précitées du 19 novembre 1997, qui prenaient position sur ce point dans les termes suivants : « S’agissant, ensuite, des opérations en cause, il Nous paraît y avoir lieu de les distinguer en fonction de leur nature (dépenses/recettes) et, au sein de la première catégorie, selon l’origine des crédits budgétaires employés ; « En premier lieu, au cours des exercices 1988 à 1994 ont été attribuées au centre (8) « Bien plus, il [le comptable] s’expose à être mis deux fois en débet. Devant la chambre régionale des comptes, il va l’être presque à coup sûr, dès lors que, comme le relève la Cour des comptes, « la justification du service fait n’était pas certifiée par l’ordonnateur du lycée Jean-Rostand », mais provenait des services rectoraux, au profit desquels les dépenses avaient été engagées : c’est d’ailleurs la raison même pour laquelle il y a gestion de fait ». 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière de ressources, conformément à l’arrêté du 22 septembre 1986, des subventions annuelles prélevées sur des crédits délégués au rectorat sur le chapitre 36-70, article 20. Les lettres de notification des subventions concernées précisent explicitement que les crédits correspondant étaient exclusivement destinés à la maintenance de matériels informatiques implantés dans les collèges, lycées et lycées professionnels (obs. nº 5, p. 92) ; les subventions versées totaliseraient 39 331 MF ; « De 1986 à 1992 inclus, ces subventions ont été comptabilisées dans les comptes de l’EPLE en ressources affectées, les sommes correspondantes étant encaissées en classe 4 et n’étant constatées en recettes budgétaires qu’au fur et à mesure et à hauteur des dépenses réalisées, les crédits disponibles étant stockés en classe 4. A compter de 1993, elles ont été enregistrées directement en recettes budgétaires sur émission de titres de recettes ; « Une partie de ces crédits qui reste à quantifier paraît avoir été employée conformément à sa destination à la maintenance des matériels pédagogiques des EPLE de l’académie de Lille ; « II semble que si le comité de gestion – dont on peut considérer qu’il exprime, par sa composition, la volonté des services académiques – avait bien compétence pour décider de maintenir ou non telle ou telle génération de matériel, la gestion courante des interventions d’entretien et de réparation du parc informatique pédagogique installé dans les salles de classes des EPLE s’effectuait en revanche sous la responsabilité effective du chef d’établissement, sans relation de dépendance avec les services académiques, les agents du centre de ressources centralisant les demandes téléphoniques de prestations, décidant de la prise en charge de celles-ci. De même, les dépenses exposées pour les besoins de cette activité (prestations de maind’œuvre, sous-traitance, fournitures de pièces de rechange...) n’ont pas été déterminées par le rectorat et ont été engagées par l’ordonnateur de l’EPLE, lequel en avait l’essentiel de la maîtrise et se trouvait en mesure de certifier le service fait, en connaissance de cause ; « Aussi critiquable que soit le dispositif mis en place par le rectorat en vue d’utiliser le lycée Rostand comme support d’opérations de maintenance informatique pédagogique incombant à l’Etat, celles d’entre elles qui s’inscrivent en conformité avec l’objet des crédits délégués à cet objet à l’EPLE ne Nous paraissent pas constitutives de gestion de fait en dépenses dans la stricte mesure où le transfert des activités en cause s’est accompagné d’un transfert effectif de responsabilité et d’une autonomie de gestion au directeur de l’établissement ; « En effet, pour que l’attribution et l’emploi d’une subvention donnent lieu à gestion de fait, il ne suffit pas que l’opération qu’elle sert à financer ne relève pas du champ normal de l’activité de l’organisme subventionné ; il faut encore que la prise en charge des dépenses concernées, incombant à la collectivité publique dispensatrice, soit décidée par cette dernière et exigée en contrepartie de la subvention, l’attributaire ne disposant plus d’une réelle autonomie dans l’utilisation des fonds ; « En revanche, seraient constitutives de gestion de fait des deniers de l’Etat celles des dépenses financées sur les crédits dont il s’agit qui apparaissent étrangères à leur affectation et plus largement à l’objet de l’EPLE et qui ont été exposées sur instructions des services rectoraux au profit du rectorat ou d’organismes académiques, tels que le GRETA, l’IUFM de Lille, le centre régional de documentation pédagogique (CRDP) de Lille (maintenance d’informatique de gestion), le centre d’innovation pour les technologies éducatives (CITE), la mission académique à la formation des personnels enseignants (MAFPEN) [achats de matériels et logiciels informatiques, travaux d’aménagement de locaux, matériel bureautique et vidéo, abonnements téléphoniques...] ; « Les responsables du rectorat ont euxmêmes admis que les ordres de prise en charge et les commandes étaient établis par leurs services, adressées au proviseur pour formalisation et envoi aux fournisseurs et prestataires, le matériel, les fournitures ou prestations, ensuite, directement livrées ou exécutées auprès de leur bénéficiaire ; « Il apparaît que, dans ces conditions, les services académiques ont gardé l’entière maîtrise des crédits correspondants, délégués à l’EPLE dont l’ordonnateur n’a exercé à l’égard des opérations considérées, qui relevaient de la responsabilité de l’Etat, qu’une compétence purement formelle ; « En second lieu, en vertu de cinq conventions annuelles susvisées (1991 à 1995), passées avec le proviseur du lycée Rostand en sa qualité de responsable du centre de ressources, le recteur a, sous la signature de son secrétaire général, accordé audit centre une subvention destinée à assurer son fonctionnement ainsi que l’animation pédagogique et la formation des personnels, les dépenses prévues devant être ordonnancées par le chef d’établissement ; les subventions concernées, qui totaliseraient 21 539 774 F, ont été prélevées sur les crédits du chapitre 37-70, article 30, destinés à la formation des personnels enseignants ; comme dans le cas précédent elles ont été comptabilisées en ressources affectées jusqu’en 1992 inclus puis, à partir de 1993, enregistrées directement en recettes budgétaires ; « Dans les faits, les crédits concernés ont été largement utilisés pour financer des dépenses de fonctionnement courant des services académiques, des travaux d’aménagement de locaux du rectorat, des achats d’équipements informatique ou bureautique académiques ; « Le pilotage des dépenses, quel qu’en eut été l’objet, était opéré au niveau de la division nº 9 du rectorat (vie éducative, formation des personnels et affaires générales...), laquelle préparait les éléments de commandes destinés à être formalisées par le chef d’établissement et centralisait les factures avant de les adresser à l’intéressé avec la justification du service fait ; « Pour les mêmes raisons que ci-dessus, l’ensemble de ces opérations Nous paraît constitutif de gestion de fait en dépenses des deniers de l’Etat ; « En troisième lieu, en s’autorisant de l’arrêté d’extension du 21 décembre 1989, le recteur a attribué au centre de ressources, au cours de la période 1990-1994, des subventions annuelles prélevées sur les crédits délégués sur le chapitre 56-37, réservé à l’acquisition de matériel pédagogique, pour un total cumulé estimé à 72 MF ; 54 « Le rectorat (service de la direction nº 5 : programmation, études et prospectives) adressait au chef d’établissement les commandes d’achat d’équipements à effectuer auprès de l’UGAP, le plus souvent, avec indication des EPLE auxquels ils devaient être livrés ; le bon de livraison et la certification du service fait, signés des responsables compétents de l’établissement destinataire, étaient retournés au proviseur du lycée Rostand ; ce dernier, au vu des documents, faisait procéder au paiement de la facture qui lui était directement adressée par le fournisseur ; « Jusqu’en 1992, l’agent comptable du lycée Jean-Rostand enregistrait les subventions allouées au crédit d’un compte de tiers (recettes à transférer) qu’il débitait du montant des factures du fournisseur, en considération du fait que les opérations que ces ressources étaient destinées à financer étaient exécutées pour le compte d’autres organismes (en l’occurrence l’Etat) ; à partir de 1993, les recettes concernées ont été budgétisées et les factures ont été imputées en compte de charges (fournitures diverses), en méconnaissance flagrante de leur objet réel ; « Bien que le chef de l’établissement de rattachement soit juridiquement l’ordonnateur, les divers engagements des dépenses en cause qui incombent à l’Etat ont été pris par le seul rectorat ; l’agent comptable de l’EPLE-support était privé des moyens de procéder au contrôle des dépenses dont le véritable ordonnateur était le recteur de l’académie de Lille et qui, de ce fait, devaient revenir à son comptable assignataire, le trésorier-payeur général du département du Nord ; « L’intégralité des opérations en cause Nous semble constitutive de gestion de fait des deniers de l’Etat en dépenses » ; (...) Sur les personnes à déclarer comptables de fait : S’agissant d’un mécanisme proche de la subvention fallacieuse, rappelons que le juge des comptes appelle en principe à compter devant lui « non seulement les personnes qui ont exécuté les opérations irrégulières en y prenant une part active, mais aussi celles qui ont pris la responsabilité de les ordonner ou de les couvrir de leur autorité » (CC, 1re Ch., 28 octobre 1982, Association française d’action touristique, Rec., p. 259) ; que cette responsabilité est entendue largement, le juge retenant non seulement l’ordonnateur de la dépense, mais aussi les dirigeants de l’organisme attributaire, qui ne pouvaient ignorer le caractère fictif de l’opération (9) ; (...) S’agissant de l’éventuelle implication dans la procédure de l’agent comptable du lycée Jean-Rostand, relevons que celui-ci s’est trouvé manier de brève main des deniers dont il ne pouvait ignorer qu’ils étaient demeurés des deniers de l’Etat et qu’il s’est en conséquence dépouillé de son titre légal ; qu’au demeurant, les termes mêmes de l’arrêt de cassation paraissent imposer à la Cour de déclarer comptable de fait M. Codron sur l’ensemble de la période ; que la circonstance que ce dernier ait reçu décharge de sa gestion jusqu’à l’exercice 1990 fait obstacle à ce que la chambre (9) J.-P. Gastinel, « Mandat fictif et subvention fallacieuse », RFD, septembre 1995. 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière régionale mette ultérieurement en jeu sa responsabilité au titre de ces exercices, mais ne saurait empêcher la Cour de l’attraire dans une procédure de gestion de fait des deniers de l’Etat, laquelle relève d’une instance distincte et se voit appliquer des règles différentes pour la justification des dépenses ; Sur la possibilité pour la Cour de donner une suite juridictionnelle à l’affaire : Rappelons que la mise en cause de l’impartialité de la juridiction constitue un moyen d’ordre public (CE, Ass., 6 avril 2001, SA Entreprise Razel frères) ; qu’il incombe en conséquence à la Cour d’apprécier si une prise de position antérieure, dans le cadre de ses attributions administratives, serait de nature à l’empêcher de statuer ultérieurement au contentieux sur l’affaire qui lui a été renvoyée ; Que le rapport public 1997 de la Cour des comptes contient une insertion consacrée à « l’utilisation des lycées et collèges pour la gestion irrégulière de certains crédits d’Etat » et, après avoir décrit longuement les conditions dans lesquelles les rectorats pouvaient avoir recours à des établissements publics locaux d’enseignement pour exécuter des opérations qui relevaient du ministère de l’Education nationale (p. 47 à 53), conclut que « ces errements peuvent entraîner selon les cas la mise en cause de la responsabilité des agents comptables des EPLE concernés ou l’ouverture de procédures de gestion de fait » ; Constatons qu’un rapprochement peut être fait entre la description de ces irrégularités et la situation du lycée JeanRostand ; que cet exemple n’est cependant pas cité dans l’insertion, alors que celle-ci énumère différents établissements en cause ; que la rédaction de la Cour, qui ouvrait une alternative entre l’engagement de la responsabilité du comptable et la procédure de gestion de fait, annonçait un éventail de possibilités plus qu’elle ne traduisait un « préjugement » ; qu’au demeurant il y aurait en l’espèce quelque paradoxe à prétendre que la Cour se serait préalablement disqualifiée alors même qu’elle a précédemment pris une décision de non-lieu ultérieurement censurée par le juge de cassation ; que ce dernier se serait vraisemblablement abstenu de renvoyer devant la Cour l’affaire s’il avait estimé que la juridiction était structurellement disqualifiée pour en juger. Cour des comptes, 3e Chambre, arrêt nº 39282, 8 avril 2004, Opéra national de Paris Détournements de fonds. Juge des comptes et action civile devant le juge pénal. Les agents du poste, quel que soit leur grade, ne sont que les subordonnés du comptable et les opérations qu’ils font sont censées être faites par le comptable chef de poste (C. comptes, 9 mars 1956, Blisson, Rec. C. comptes 78). Le comptable ne peut donc s’exonérer en faisant valoir que le paiement litigieux a été effectué suite à un détournement de fonds réalisé par un agent du poste comptable (C. comptes, 30 août 1940, Commune de Soissons, Rec. C. comptes 65). Bien plus, lorsque les détournements ont été facilités par l’organisation défectueuse du service, cela constitue une circonstance aggravante pour le comptable (C. comptes, 10 avril 1975, Crédit municipal de Lyon, Rev. adm. 1975.601). En l’espèce, le comptable voit par conséquent sa responsabilité engagée en raison d’un détournement de fonds de plus de 6 MF. La question se posait toutefois du montant du débet qu’il convenait d’infliger au comptable dans la mesure où l’Opéra de Paris a obtenu partiellement satisfaction, les banques ayant été condamnées à verser une partie de la somme due. Dans l’affaire Mme Barthélémy, la Haute Assemblée avait confirmé l’arrêt de la Cour des comptes s’agissant d’une indemnité qui avait été injustement versée, l’ordonnateur ayant ultérieurement émis un titre exécutoire permettant d’opérer des retenues sur le salaire du bénéficiaire. Le Conseil d’Etat avait considéré que les sommes ainsi encaissées ne sont détenues qu’à titre précaire par la personne publique puisqu’un tribunal de grande instance a ordonné leur restitution. Il n’était dès lors pas possible d’estimer qu’il y avait eu exécution même partielle de l’injonction de reversement. En effet, les recouvrements doivent être acquis à titre définitif au profit de l’organisme public concerné. C’est le même raisonnement qui est ici repris par la Cour : dès lors que les banques en cause ont interjeté appel, les sommes en cause ne sont détenues qu’à titre précaire par l’Opéra de Paris et le comptable doit par conséquent être mis en débet pour la totalité des sommes détournées. Reste que si le juge d’appel confirme la solution rendue en première instance, les sommes en cause viendront logiquement en déduction du montant du débet. Extrait 1. Constitution en débet : Attendu que l’injonction unique de l’arrêt du 27 mai 1999 demandait à M. Delarche de produire, dans le délai de deux mois à compter de la notification dudit arrêt, la preuve du reversement dans la caisse de l’Opéra national de Paris de la somme de 934 132,29 c, ou toute autre justification à décharge ; Attendu que M. Delarche n’a fourni aucune réponse à la Cour ; qu’ainsi il n’a pas satisfait aux dispositions de l’arrêt susvisé ; Attendu qu’en application du paragraphe VII de l’article 60 de la loi susvisée « le comptable public, dont la responsabilité est engagée ou mise en jeu et qui n’a pas versé la somme prévue au paragraphe VI ci-dessus, peut être constitué en débet par arrêt du juge des comptes » ; Attendu que, aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi susvisée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter de la date du fait générateur ou, si cette date ne peut être fixée avec précision, à compter de leur découverte » ; qu’en l’espèce, cette date est le 18 février 1993, date du dépôt de la plainte de l’Opéra national de Paris auprès du doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Paris ; Attendu que l’Opéra national de Paris a perçu la somme de 436 100,21 c, conformément à l’exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Marseille du 15 juillet 2002 ; 55 L’injonction formulée dans l’arrêt en date du 27 mai 1999 est levée ; M. Delarche est constitué débiteur de l’établissement public de l’Opéra national de Paris pour la somme de 934 132,29 c augmentée des intérêts de droit à compter du 18 février 1993 étant entendu que les indemnités qui seraient définitivement acquises à l’établissement pourraient être imputées sur le montant dudit débet. Conclusions nº 193 du 17 mars 2004 (extrait) Sur l’injonction unique : Par arrêt du 27 mai 1999, la Cour a enjoint à M. Delarche le versement de la somme de 6 127 506,17 F (934 132,29 c) correspondant au montant de détournements commis au sein de l’agence comptable entre octobre 1992 et janvier 1993 à l’aide d’un chéquier volé, M. Delarche n’a pas répondu à l’injonction ; Il résulte toutefois d’un jugement du tribunal de commerce de Marseille du 15 juillet 2002 communiqué par le comptable en fonction que l’Opéra a eu partiellement satisfaction dans son action engagée à l’encontre des établissements financiers en cause dans cette affaire, en obtenant des indemnités d’un montant total de 436 100,21 c des banques où étaient ouverts les comptes sur lesquels ont été encaissés les chèques volés, mais échouant, du fait de ses propres responsabilités liées aux dysfonctionnements de ses services comptables, dans sa tentative de mettre en cause le banquier tiré ; Les indemnités perçues par l’Opéra au titre de l’exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce ne sauraient pour autant être considérées comme définitivement acquises, les banques condamnées ayant fait appel ; Dans ces conditions, les sommes obtenues paraissent détenues de manière précaire par l’Opéra, et l’injonction ne peut être tenue pour satisfaite, même partiellement (Conseil d’Etat, 23 février 2000, Mme Barthélémy) ; La Cour serait ainsi fondée à constituer M. Delarche débiteur de la somme de 934 132,29 c augmentée des intérêts de droit calculés à compter de la date de la plainte déposée par l’Opéra auprès du doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Paris (18 février 1993), étant entendu que les indemnités qui seraient définitivement acquises à l’établissement pourraient ultérieurement être imputées sur le montant du débet par le comptable chargé de son recouvrement. Cour des comptes, 7e Chambre, arrêt nº 39298, 8 avril 2004, Port autonome du Havre Dépenses ; pièces justificatives ; marchés publics. Responsabilité du comptable public ; circonstances atténuantes ou exonératoires (absence). Le mandataire d’une collectivité est tenu de se conformer aux règles qui s’appliquent aux opérations de même nature lorsqu’elles sont réalisées directement par ladite collectivité et en particulier aux règles de la comptabilité publique (C. comptes, 6 juin 1989, Rapport public, Rec. C. comptes 233 et 235. C. comptes, 20 juin 2001, Port autonome de Rouen, 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière La Revue du Trésor 2002.377 ; RFD adm. 2003.597). En particulier, l’application du seuil des marchés est applicable alors même que le marché est pris en charge par un mandataire de la collectivité publique, que ce mandataire soit une personne publique (CRC Lorraine, 12 mars 1997, 23 septembre 1997, 31 mars 1998, Commune de Remiremont, La Revue du Trésor 1998. 660. C. comptes, 25 mai 2000, Commune de Remiremont, La Revue du Trésor 1998. 660) ou privée (CRC Alsace, 26 février 1998, Commune d’Obernai, La Revue du Trésor 1998.658. C. comptes, 30 juin 1994, Syndicat mixte pour le développement de la Thiérache, La Revue du Trésor 1994.689). Comme le note le Parquet, « dans un premier cas, le comptable affirme qu’une convention du 31 mars 2000 passée pour des prestations publicitaires avec la compagnie britannique de ferries P&O, en application d’une décision du conseil de direction prise sur délégation du conseil d’administration, fournissait un fondement juridique suffisant dont il ne pouvait contester la légalité interne, et qu’il ne s’agissait, en outre, pas d’une prestation commandée à un fournisseur mais d’un partenariat avec la compagnie P&O dans la réalisation d’une action commune de promotion ; que, la convention confiant à P&O un mandat pour effectuer cette campagne publicitaire, les dépenses versées en exécution de cette convention de mandat doivent suivre les règles applicables au mandat, et en particulier les dispositions du Code des marchés publics concernant le paiement des avances et des acomptes ; que, en cas de méconnaissance de celles-ci par le comptable, la Cour est fondée à formuler les injonctions de reversement correspondantes ». Les dépenses présentant un caractère d’imprévisibilité ne sont pas prises en compte dans la détermination du seuil des marchés publics (C. comptes, 2 octobre 1996, Commune de Le Barp, La Revue du Trésor 1997.108 a contrario). Mais le caractère urgent et imprévisible de la commande ne dispense pas l’ordonnateur de passer un marché de régularisation et le comptable d’en exiger la production avant paiement (C. comptes, 7 avril 1999, Syndicat intercommunal d’adduction d’eau potable du HautChâtelleraudais, La Revue du Trésor 1999.720 ; RFD adm. 2000.1126). Constitue par exemple une dépense imprévisible la remise en état d’une route suite à des inondations (CRC Corse, 30 novembre 1995, Commune de Cargèse, La Revue du Trésor 1996.517). L’imprévisibilité ne se présume pas et doit être justifiée au moment du paiement (CRC Pays de Loire, 3 février 1998, Commune de Saumur, La Revue du Trésor 1998.263). Elle peut être prouvée par des faits ou des actes (CRC Provence-Alpes-Côte d’Azur, 27 avril 1999, Commune de Peymeinade, RFD adm. 2000.1126). Il appartient au comptable de produire les justifications permettant d’établir que les commandes revêtaient un caractère imprévisible lié à des circonstances fortuites (C. comptes, 12 février 1999, Services industriels de l’armement, La Revue du Trésor 2002.30). En l’espèce, figurait, parmi les différents arguments avancés par le comptable pour sa défense, le fait que des accidents mortels étaient survenus au port autonome du Havre les 13 mai 1998 et 27 avril 2000, ayant conduit l’ordonnateur à invoquer systématiquement l’urgence pour lever les doutes sur les risques de défaillance des portiques. Cet argument ne convainc pas la Cour qui engage ainsi la responsabilité du comptable en cause. Extrait Constitutions en débet : Injonction nº 1 - Paiements d’avances à la compagnie maritime P&O European Ferries (Portsmouth) Limited par M. Hallez : Attendu que par l’injonction nº 1 de l’arrêt susvisé, la Cour, au motif qu’il avait effectué en 2000 quatre versements au profit de la compagnie maritime P&O European Ferries (Portsmouth) Limited, au vu d’une convention en date du 31 mars 2000 par laquelle le port autonome du Havre s’était engagé à participer à une campagne de publicité commune avec ladite compagnie, a enjoint à M. Hallez de produire le marché sur la base duquel ces versements avaient été effectués ou, à défaut, d’apporter la preuve du reversement de cette somme dans la caisse de l’établissement ou toute autre justification à décharge ; Attendu que, dans sa réponse, le comptable a fait valoir, d’une part, que la décision prise par l’ordonnateur était régulière en la forme et s’imposait au comptable en ce qu’elle a été prise par l’organe de direction de l’établissement public ; d’autre part, que la passation d’un marché n’était pas possible, dans la mesure où il s’agissait de la réalisation d’une action commune avec un partenaire privé et non de l’achat de prestations, la compagnie P&O étant ainsi en partie constituée mandataire du port autonome pour la mise en œuvre de la campagne de promotion ; enfin, que la combinaison des dispositions de l’ancien Code des marchés publics (art. 123) et de celles adoptées en 1999 pour les ports autonomes maritimes, notamment en matière de seuils, justifiait qu’il n’était pas nécessaire pour le port de passer de marché ; Attendu que la décision de l’ordonnateur en date du 25 février 2000 prise par l’organe de direction de l’établissement public, certes régulière en la forme, s’est traduite par la signature d’une convention de mandat, produite à l’appui des versements, par laquelle le port autonome a confié à la compagnie P&O, pour la partie le concernant, l’organisation de la campagne de promotion commune ; Attendu que ce mandat ne pouvait avoir pour effet d’exonérer l’établissement public des règles de la commande publique qui lui sont applicables ; Attendu que le port autonome du Havre est soumis au Code des marchés publics, aux termes de la délibération de son conseil d’administration approuvée par décision interministérielle du 24 juin 1977, modifiée en 1979 ; Attendu que, parmi les factures produites a posteriori, celles concernant les prestations de service délivrées par le journal Le Monde ont dépassé le seuil des marchés en vigueur jusqu’au 30 juin 2000, soit 300 000 F TTC, les quatre paiements effectués entre le 10 mars et le 11 juin s’élevant à 376 690,96 F TTC (57 426,17 c) ; Attendu que plusieurs factures produites en justification des dépenses réalisées par la compagnie maritime, pour un montant total de 462 779 F TTC (70 550,20 c), ont été 56 payées avant l’entrée en vigueur de la convention de mandat signée le 30 mars 2000 et ne devaient pas être acceptées par l’agent comptable du port autonome ; Attendu qu’aux termes de l’ancien Code des marchés publics, art. 154, les avances n’étaient autorisées que dans les cas de marchés supérieurs à 300 000 F TTC (45 734,71 c), dans la limite de 5 % du montant du marché ; Considérant que les quatre versements cidessus référencés ne répondent pas à la définition d’avances, en raison de l’absence de marché et du fait qu’ils ont couvert 100 % de l’opération ; Considérant que ces quatre paiements ont été effectués en l’absence de service fait et étaient donc irréguliers ; Attendu qu’ainsi M. Haliez se trouve dans le cas prévu par le paragraphe VII de l’article 60 de la loi susvisée du 23 février 1963 ; qu’il y a donc lieu de le constituer débiteur du port autonome du Havre pour la somme de 145 863,22 c (956 800 F) ; (...) Injonction nº 4 – Paiements par M. Haliez de factures de location d’échafaudages en l’absence de marché : Attendu que par l’injonction nº 4 de l’arrêt susvisé, la Cour, au motif qu’il a payé à l’entreprise de location d’échafaudage Wanner, en 2000, des factures dont le montant cumulé excédait le seuil d’obligation d’un marché, a enjoint à M. Haliez de produire le marché correspondant auxdits paiements ou, à défaut, d’apporter la preuve du reversement dans la caisse de l’établissement de la somme de 166 744,29 c (1 093 770,84 F) ou toute autre justification à décharge ; Attendu que, dans sa réponse, le comptable fait valoir : – en premier lieu, que l’absence de marché en 2000 est liée au fait que le précédent marché avait expiré à la fin de l’année 1999 et que la signature d’un nouveau marché n’a pu intervenir qu’à la fin du mois de novembre 2000, un premier appel d’offres s’étant révélé infructueux ; – en deuxième lieu, que les accidents mortels survenus au port autonome du Havre les 13 mai 1998 et 27 avril 2000, ont conduit l’ordonnateur à invoquer systématiquement l’urgence pour lever les doutes sur les risques de défaillance des portiques, avant qu’un nouveau marché entre en vigueur ; – en troisième lieu, que le nouveau progiciel de gestion intégrée SAP, installé au port en 1999, ne comportait pas de système permettant de signaler avant paiement le franchissement d’un seuil réglementaire, carence signalée par l’agent comptable à l’ordonnateur mais qui n’a pas pu trouver, aujourd’hui encore, de réponse technique adaptée aux règles des marchés ; – en quatrième lieu, que les règles de seuil ont été modifiées le 1er juillet 2000, ce qui a compliqué la surveillance et doit aussi être pris en considération dans le calcul des dépassements ; – en cinquième lieu, que certaines factures référencées dans l’arrêt ont été annulées et n’ont donc pas donné lieu à paiement et que d’autres ont été payées en 2001 ; Attendu que l’agent comptable précise, en réponse à la Cour, que les montants référencés dans l’arrêt susvisé sont des montants hors taxe ; Attendu cependant qu’il n’est pas contesté que les paiements susvisés ont été réalisés 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière en l’absence de marché, au-delà du seuil de 700 000 F TTC (106 714,31 c) par opération, applicable à partir du 1er juillet 2000 aux termes de l’article 113-18 du Code des ports maritimes, modifié par le décret nº 1999-782 du 9 septembre 1999 et qu’aucune des circonstances avancées par l’agent comptable et qui pourraient être prises en considération par le ministre à l’appui d’une demande de remise gracieuse, n’est de nature à pallier l’absence de production de cette pièce justificative au juge des comptes. Cour des comptes, 4e Chambre, arrêt nº 39291, 22 avril 2004, Conseil départemental de l’aide juridique de Paris Dépenses ; pièces justificatives ; contrat. Circonstances atténuantes ou exonératoires (non) ; disponibilité des crédits. En l’espèce, une convention de 1999 prévoyait le remboursement par le Conseil départemental de l’aide juridique de Paris des permanences d’avocats au sein de la Maison du droit et de la justice du XIVe arrondissement ; aucun autre document contractuel n’avait fixé une enveloppe financière différente ou modifié le taux horaire fixé par la convention de 1999. Il appartenait par conséquent à la comptable en cause de faire application des dispositions de la convention de 1999. Les paiements intervenus au-delà du maximum prévu engagent par conséquent très logiquement la responsabilité pécuniaire de la comptable. En effet, il va de soi que l’existence de crédits disponibles n’est pas une cause exonératoire de responsabilité. On relèvera enfin que le Parquet avait, dans ses conclusions, stigmatisé l’existence d’autres irrégularités, non reprises dans l’arrêt : « – l’absence de transmission au contrôle d’Etat de nombreuses subventions et avenants de subventions, qui aurait pu conduire le comptable à rejeter les paiements pour défaut d’intervention des contrôles réglementaires préalables et absence du caractère exécutoire des documents contractuels (10) (...) ; même si l’intervention du contrôle d’Etat n’est souvent matérialisée que par un simple retour des conventions transmises « sans observation » et non par l’apposition formelle de son visa, le défaut de toute transmission pourrait constituer une irrégularité susceptible d’être relevée par le comptable ; si la Cour n’en tire pas de suite juridictionnelle à charge, une injonction pour l’avenir s’impose au minimum ; – l’absence de visa du contrôleur d’Etat sur le budget de 1988 a privé celui-ci de tout caractère exécutoire et affecte en principe la régularité de l’ensemble des paiements ; étant observé qu’une suite juridictionnelle n’aurait guère de sens et que le dysfonctionnement ne s’est pas produit ultérieurement, une communication de Notre parquet au receveur général des finances, en charge du contrôle d’Etat, paraît souhaitable (...) ». Extrait 1º Constitution en débet : Injonction unique Attendu qu’au cours de l’exercice 2000, la comptable a réglé à la caisse des règlements pécuniaires des avocats (CARPA) du barreau de Paris une somme de 17 988,62 c, au vu d’une convention du 27 décembre 1999 qui prévoyait un montant de dépenses limité à 3 860,92 c ; qu’en conséquence, il a été enjoint à Mme Jarry soit de produire un document contractuel autorisant la prise en charge de dépenses au profit de la CARPA pour un montant supérieur à celui figurant dans la convention initiale, soit d’apporter la preuve du versement dans la caisse du CDAJ de la somme de 15 705,04 c, correspondant au paiement de l’intégralité des mandats émis en dépassement de la somme figurant à la convention ou toute autre justification à décharge ; Attendu que, dans sa réponse, la comptable fait valoir, en premier lieu, que le budget de l’exercice 2000 avait inscrit au compte 6226 des crédits suffisants pour couvrir les dépenses en cause ; Attendu cependant que la responsabilité de la comptable a été engagée non à raison de l’absence de crédits ou de la mauvaise imputation de la dépense, mais pour insuffisance de pièce justificative ; Attendu que la comptable produit, en deuxième lieu, une convention du 23 octobre 2000 dont elle affirme qu’elle aurait « régularisé les payements jusqu’à concurrence de 250 000 F » ; Attendu néanmoins que ladite convention, conclue entre le groupement d’intérêt public, l’ordre des avocats et la CARPA a pour objet le remboursement, par le conseil départemental de l’aide juridique de Paris, des « dépenses avancées pour la mise en œuvre par le barreau d’une permanence de consultations juridiques tenues par des avocats spécialisés du barreau de Paris en direction des victimes d’infractions pénales » ; que cet acte était étranger à l’objet des prestations en cause, qui consistaient dans la prise en charge de permanences d’avocats au sein de la maison de justice et du droit du XIVe arrondissement de Paris et qui avaient donné lieu à la passation d’une convention distincte, le 27 décembre 1999, entre le conseil départemental et la CARPA. Cour des comptes, 2e Chambre, arrêt nº 39451, 28 avril et 9 juin 2004, Gestion de fait des deniers de l’Ecole des ingénieurs des études et techniques d’armement (ENSIETA) Gestion de fait ; non-lieu à gestion de fait ; régularisation ; titre légal [interprétation]. Le droit public financier, pas plus que la jurisprudence du juge des comptes, ne s’oppose, par principe, à l’intervention d’associations dans la mise en œuvre de missions de service public (v. ci-dessus nos obs. sur l’arrêt no 39-089 des 10 et 23 mars 2004, ENSTIM d’Alès). L’association des élèves de l’ENSIETA, dont rien n’indique qu’elle constituerait une association transparente, était bien liée avec l’Ecole par une convention qui indiquait que l’Ecole s’engageait à aider financièrement le BDE « dans toutes ses activités de soutien aux élèves », les principales d’entre elles étant « le gala de prestige annuel, le tournoi sportif des grandes écoles militaires, la course de l’EDHEC et le tournoi de printemps ». La convention ne mentionnait donc aucun soutien financier de l’Ecole en vue du 57 financement du voyage de fin d’études alors que cet objet représentait manifestement l’essentiel des subventions reçues par l’association. Comme l’indiquait le Parquet dans ses conclusions sur l’arrêt provisoire « la Direction de l’école a d’ailleurs confirmé qu’elle avait ainsi entendu faciliter l’organisation de ces voyages en s’affranchissant des règles de la dépense publique, dont les contraintes contrarieraient de bonnes relations avec la profession des voyagistes ». Or, les personnes qui, par convention, reçoivent compétence pour encaisser des recettes et/ou réaliser des dépenses peuvent être constituées en gestion de fait dès lors que les dépenses en cause ne pouvaient légalement être payées que par l’agent comptable de l’organisme public (C. comptes, 12 juin 1986, Société des électriciens, électroniciens et radioélectriciens et MM. Poitevin, directeur du centre national d’études des télécommunications, et Bloch, directeur de l’information, de la coopération et des échanges techniques, Rec. C. comptes 222). L’existence d’une convention n’est pas suffisante pour éviter la qualification d’association para-administrative ni le risque que tout ou partie de ses membres soit déclarés comptables de fait ; le juge des comptes se forge son opinion en fonction de la teneur de la convention (C. comptes, 1er février 1997, Rapport public particulier sur les musées nationaux, Rec. C. comptes 251) et peut dès lors conclure que la convention ne constituait pas un titre légal régulier (C. comptes, 5 juin 1997, Lettre du président nº 16101, Rec. C. comptes 287. CRC Provence-AlpesCôte d’Azur, 21 mai 1997, Note du parquet nº 7135, Rec. C. comptes 278). L’arrêt définitif ne va toutefois pas confirmer la déclaration de gestion de fait, en retenant deux arguments complémentaires : tout d’abord, la cessation des irrégularités. La Cour constate en effet qu’il a été mis fin aux pratiques contestables de gestion des voyages de fin d’études. On sait que la cessation des irrégularités constitue une condition nécessaire du non-lieu à gestion de fait (CRC Alsace, 28 novembre 1986, Amicale du personnel municipal de la ville de Thann, La Revue du Trésor 1997.683. V. aussi CRC Aquitaine, 16 février 1996, Lycée technique Albert Claveille-GRETA de Dordogne, La Revue du Trésor 1999.264. CRC Provence-Alpes-Côte d’Azur, 4 mai 2000, Association Toulon-Communication, RFD adm. 2001.466). On rappellera par ailleurs que le Conseil d’Etat a considéré que « dans le cas où il y a reversement de la totalité des sommes extraites irrégulièrement avant que n’intervienne la déclaration définitive de la gestion de fait, il y a non-lieu à déclaration de gestion de fait en raison de la régularisation ainsi intervenue » (CE, 23 février 2000, Ministre des finances c/ Association des conseillers régionaux de Provence-Alpes-Côte d’Azur, Rec. CE 99 ; La Revue du Trésor 2000.459 ; RFD adm. 2000.1117). Reste que cette motivation tirée de la régularisation semble surabondante dans la mesure où la Cour considère finalement, dans l’arrêt définitif, que la convention entre l’Ecole et l’association (10) Le fondement réglementaire du visa du contrôleur d’Etat mériterait d’être rappelé. 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière n’énumérait pas, de façon limitative, les actions menées par l’association et subventionnées par la personne publique. Elle indique ainsi, contrairement à l’arrêt provisoire, que l’organisation et la gestion des voyages de fin d’études pouvait parfaitement entrer dans le cadre de cette convention. Si l’on suit cette partie du raisonnement de la Haute Juridiction, aucune régularisation n’est possible dans la mesure où, ab initio, il n’existait aucune détention sans titre de deniers publics. Attendu que la convention du 16 juin 1995 passée entre l’ENSIETA et l’association du bureau des élèves, en son article premier, énumère, seulement à titre indicatif, une liste des principales actions susceptibles d’être conduites par l’association dénommée bureau des élèves ; que cette liste ne saurait être considérée comme limitative ; qu’en conséquence l’organisation et la gestion des voyages de fin d’études pouvaient entrer dans le cadre de cette convention ; On est en réalité ici en présence d’une nouvelle illustration de la fonction pédagogique du juge des comptes : la déclaration de gestion de fait aurait pu être confirmée si le juge avait retenu, au stade de l’arrêt définitif, son interprétation restrictive de la convention. Il ne l’a pas jugé nécessaire, précisément dans la mesure où il avait été mis fin au désordre qui caractérisait le fonctionnement (notamment du point de vue comptable). En d’autres termes, une déclaration définitive de gestion de fait n’aurait pas présenté d’intérêt pratique. Par ces motifs, Extrait Arrêt provisoire nº 33351 du 24 juin 2002 Attendu que la convention du 16 juin 1995 ci-dessus visée prévoit que l’ENSIETA « s’engage à aider financièrement le BDE dans toutes ses activités de soutien aux élèves (...) ; que les principales d’entre elles sont le gala de prestige annuel, le tournoi sportif des grandes écoles militaires, la course de l’EDHEC, le tournoi de printemps » ; Attendu que le voyage de fin d’études n’est pas cité parmi ces activités principales ; que pourtant, en l’absence de dispositions conventionnelles, l’ENSIETA a réglé à l’association, de 1996 à 2000, sur le compte ouvert à la Société générale (...) « BDE-ENSIETA-voyage de fin d’études », les sommes qui s’élèveraient aux totaux du tableau 1 pour que l’association organise le voyage de fin d’études ; que ce compte bancaire a été clôturé en mai 2000 ; Attendu que ces sommes ont été utilisées pour régler, en dehors des dispositions de la convention précitée du 16 juin 1995 les dépenses du voyage de fin d’études qui auraient dû être payées par l’Ecole ; Attendu que dès lors, l’association, qui n’avait pas la qualité de comptable public, a reçu et manié des fonds qui auraient dû l’être par le comptable public de l’ENSIETA ; Attendu en outre que les conditions de paiement des dépenses imputées sur ces fonds sont opaques ; que, selon les indications données par le président de l’association à la Cour dans sa lettre du 18 février 2002, aucune archive ou justification des opérations n’auraient pu être retrouvées ; Arrêt définitif nº 39451 : Considérant qu’il ressort des explications recueillies à l’audience qu’il a été mis fin aux pratiques contestables de gestion des voyages de fin d’études ; que ces pratiques résultaient en grande partie des difficultés de gestion que rencontrait I’ENSIETA, qui à l’époque venait d’être dotée d’un statut d’établissement public sans que les moyens matériels nécessaires lui soient alloués ; Statuant définitivement, Décide ce qui suit : Il n’y a pas lieu de confirmer la déclaration provisoire de gestion de fait de MM. (...) et de l’association du bureau des élèves de l’ENSIETA. Cour des comptes, Formation interchambres d’appel, arrêt nº 38534, 10 février et 25 mars 2004, Lycée Arago à Villeneuve-Saint-Georges Appel [confirmation du jugement] ; appel du comptable de fait ; défaut d’intérêt à agir. Au-delà des questions touchant au délai d’appel et à l’exposé des moyens et conclusions du requérant, reprenant ici des solutions particulièrement classiques de la jurisprudence, l’arrêt ci-dessous rapporté mérite l’attention s’agissant de l’appréciation de l’intérêt à agir de l’appelant. En l’espèce, la Cour considère que le comptable de fait n’avait pas intérêt à contester, par la voie de l’appel, les dispositions définitives d’un jugement levant des injonctions (production du compte et de la délibération reconnaissant l’utilité publique des opérations). En effet, le comptable n’est recevable à interjeter que dans la mesure où la disposition du jugement entrepris ne lui est pas favorable. La Cour applique ici le principe selon lequel l’appel ne peut nuire à l’appelant (CE, 6 janvier 1995, Gouazé, AJDA 1995.163). Ainsi, le comptable ne peut faire appel d’un jugement levant une injonction (C. comptes 22 mars 1990, OPHLM de Caen, Rec. C. comptes 103) ou lui donnant décharge ou quitus. On relèvera enfin, ce qui pourra étonner le lecteur attentif des arrêts de la Cour coutumière de l’imperium brevitas, le caractère relativement surabondant des motifs ici retenus. Alors que la Haute Juridiction aurait pu se contenter de déclarer l’appel irrecevable sur le seul fondement de la forclusion, elle prend soin d’y ajouter l’absence de conclusions et le défaut d’intérêt à agir. Le comptable n’est manifestement pas incité à se pourvoir en cassation... Extrait Vu la requête enregistrée au greffe de la chambre régionale des comptes d’Ile-deFrance le 2 juillet 2001, par laquelle M. Destas, ancien proviseur du lycée Arago à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), déclaré à titre définitif gestionnaire de fait du foyer socio-éducatif par jugement du 27 septembre 1995 de ladite chambre, fait appel du jugement en date du 11 janvier 2001 par lequel la Chambre, statuant 58 définitivement, a levé les injonctions tendant à la production d’un compte et d’une délibération du conseil d’administration du lycée et statuant provisoirement, a fixé la ligne de compte et enjoint aux gestionnaires de fait de justifier de la part du reliquat non reversée par eux ; (...) Sur la recevabilité : Attendu qu’aux termes de l’article R. 243-5 du Code des juridictions financières, l’appel doit être formé dans les deux mois à compter de la notification du jugement, la date à prendre en compte pour apprécier le respect du délai étant, selon les termes de l’article R. 243-6 du même code, celle de l’enregistrement de la requête au greffe de la Chambre ; Attendu que la requête de M. Destas a été enregistrée au greffe de la chambre d’Ilede-France le 2 juillet 2001 ; que le jugement du 11 janvier 2001 dont il est élevé appel lui a été notifié le 28 avril 2001, comme l’atteste l’avis de réception postal ; que le délai réglementaire expirait le 29 juin 2001 ; qu’en conséquence, la requête de M. Destas est, à ce premier titre, irrecevable ; Attendu au surplus, que l’article R. 243-4 du Code des juridictions financières précise que la requête doit contenir à peine de nullité l’exposé des faits et moyens ainsi que les conclusions du requérant ; Attendu que la requête en appel ne comporte pas l’exposé des moyens ni les conclusions du requérant ; que, dès lors, elle est, pour ce deuxième motif, irrecevable ; Attendu enfin, que si M. Destas, déclaré comptable de fait à titre définitif par le jugement en date du 27 septembre 1995, avait qualité pour élever appel, son intérêt pour agir n’était pas établi ; qu’en effet, les dispositions définitives du jugement attaqué, seules susceptibles de faire l’objet d’un appel, levaient les injonctions de production d’un compte et d’une délibération du conseil d’administration du lycée ; qu’en conséquence, elles ne lui faisaient pas grief ; Attendu qu’il résulte de ce qui précède que la requête de M. Destas est irrecevable. Cour des comptes, Formation interchambres d’appel, arrêt nº 38627, 10 février et 25 mars 2004, Ecole nationale de chimie, physique et biologie de Paris (ENCPB) (11) Amende pour retard (production des comptes) ; qualification de l’amende ; circonstances atténuantes. Les difficultés de qualification juridique de l’amende La qualification juridique des amendes pour retard pose toujours, au juge et au commentateur, des difficultés certaines. En effet, si une jurisprudence ancienne en fait de véritables peines (C. comptes, 19 octobre 1897, 9 novembre 1897, Trésorier de la fabrique de Saint-Amand-enPuisaye, Rec. C. comptes 90. C. comptes, 29 janvier 1925, Conseil de Préfecture de la Savoie, Rec. C. comptes 25), ne pouvant dès lors sanctionner que des retards accomplis et non des retards éventuels (11) Voir aussi, aux mêmes dates, arrêt nº 38629. 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière (mêmes arrêts), elles ne peuvent faire l’objet de sursis, ne sont pas inscrites au casier judiciaire et ne peuvent, comme le rappelle le présent arrêt, faire l’objet d’amnistie (C. comptes, 15 décembre 1971, Rosnel-Chillon, percepteur de Capesterre, Rec. C. comptes 10). Par ailleurs, la Cour se refuse, contrairement à l’avis du procureur général, à mettre en œuvre le principe d’application immédiate de la loi pénale plus douce (C. comptes, 2 mars 1995, Caisses des écoles de Paris, La Revue du Trésor 1995.453. C. comptes, 4 mai 1995, Associations territoriales d’Arles, La Revue du Trésor 1995.544). La Cour refuse ainsi à reconnaître aux amendes un caractère pénal mais leur confère seulement un caractère répressif (C. comptes, 16 février 1995, 20 avril 1995, Université de Bordeaux I, La Revue du Trésor 1995.770, concl. Ministère public). Il en résulte que les dispositions relatives à l’amende doivent être interprétées strictement. Dès lors, ne peuvent être condamnés à l’amende que les comptables pour lesquels un délai pour la reddition des comptes est prévu, ce qui n’est pas le cas pour les établissements culturels à l’étranger (C. comptes, 19 janvier 1995, Institut français de recherche en Afrique, Rec. C. comptes 3 ; La Revue du Trésor 1995.460). Il a été jugé encore que les amendes pour retard sont des pénalités personnelles ; si elles sont prononcées à raison du retard à répondre à des injonctions portant sur la gestion de plusieurs comptables successifs, chacun n’est punissable que pour les injonctions qui le concernent (C. comptes, 13 février 1992, Lycée du Lamentin, Rec. C. comptes 9 ; La Revue du Trésor 1992.572 ; RF fin. publ. 1993, nº 43, p. 147). Par ailleurs, la condamnation par la Cour à une amende pour retard est indépendante des sanctions disciplinaires (C. comptes, 1er août 1995, note du Parquet, Rec. C. comptes 257). Le juriste reste donc sur sa faim. S’il connaît le régime juridique de l’amende pour retard (notamment en raison de l’applicabilité des stipulations de l’article 6 de la Convention EDH), il ne lui reste, s’agissant de la qualification de celle-ci, que le recours à la notion de sanction sui generis. Les circonstances atténuantes Le juge dispose d’une grande liberté d’appréciation des circonstances et détermine si celles-ci justifient une exonération totale ou partielle de l’amende. Ainsi, la cour ne prononcera pas d’amende lorsque, le comptable étant en retraite et de santé fragile, il n’est pas en mesure de répondre aux injonctions et que, connaissant cet état de fait, l’Administration ne prend aucune mesure pour suppléer cette défaillance et en particulier n’a pas désigné de commis d’office (C. comptes, 28 juin 1989, LEP Charles-Baudelaire à Evry, Rec. C. comptes 68 ; La Revue du Trésor 1990.227). De même, justifie une diminution du montant de l’amende provisoire pour retard à répondre aux injonctions, le comptable qui fait état de la disparition des données informatiques des encaissements suite au vol d’un ordinateur et la dégradation de son état de santé (C. comptes, 1er et 30 mars 2004, Ecole nationale de voile, arrêt nº 38906. V. aussi C. comptes, 10 février et 25 mars 2004, Collèges Hippolyte-Rémy et Madame de La Fayette à Coulommiers et autres, arrêt nº 38536). La Cour tient compte également des difficultés inhérentes au poste comptable luimême. C’est le cas en particulier de l’alourdissement de la charge d’activité du poste comptable ou de l’insuffisance du personnel en fonction (C. comptes, 10 mai 1989, Collège Daniel-Fery à Limeil-Brevannes, Rec. C. comptes 134 ; La Revue du Trésor 1989.602. C. comptes, 7 mars 1990, Lycée Alain au Vesinet et collège JeanMoulin à Croissy, Rec. C. comptes 36. C. comptes, 17 février 1992, Centre national de la cinématographie, La Revue du Trésor 1992.571 ; RF fin. publ. 1993, nº 43, p. 147). Comme en l’espèce, la Cour peut se fonder sur les contraintes issues du déménagement du poste comptable (CRC Ilede-France, 21 décembre 1995, Commune et OPHLM de Saint-Denis, La Revue du Trésor 1996.341) ou sur les difficultés posées par l’informatisation de la comptabilité ou par la gestion du poste (C. comptes, 27 mars 1995, Conseil national du crédit, La Revue du Trésor 1995.771). On notera enfin que la Cour a précisé que les délais accordés par le Ministère public pour le calcul de la durée des retards ont pour seule incidence de différer le moment où le Ministère public, qui est maître des poursuites, décide de prendre un réquisitoire en vue de l’infliction de l’amende ; ces délais ne sauraient avoir pour effet de modifier la date réglementaire de production des comptes, seule opposable au juge des comptes (C. comptes, 10 février et 25 mars 2004, Collège Hutinel à Gretz-Armainvilliers et autres, arrêt nº 38538). Extrait Sur le fond : Attendu que le requérant soutient en premier lieu que le retard dans la production des comptes constituerait une faute couverte par la loi d’amnistie nº 2002-1062 du 6 août 2002 ; que cette loi vise d’une part les délits pour lesquels une peine d’amende est encourue (art. 2, 2º de cette loi), et d’autre part, les faits commis avant le 17 mai 2002 en tant qu’ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles (art. 11, al. 1er) ; Attendu que si les amendes infligées par les juridictions financières ont un caractère répressif, elles ne sont pas de nature pénale et les infractions qu’elles sanctionnent ne constituent pas des délits ; qu’elles ne sont pas davantage des sanctions disciplinaires ou professionnelles, ces dernières étant entourées de garanties spécifiques et relevant de la compétence d’autres autorités ; qu’à défaut de mention explicite concernant les amendes prononcées par la Cour des comptes, les lois d’amnistie ne leur sont donc pas applicables ; que ce premier moyen doit en conséquence être rejeté ; Attendu que le requérant invoque ensuite des circonstances susceptibles de l’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité dans la non-production du compte de 1997 ; qu’il avance d’abord l’insuffisance du personnel affecté au poste comptable qu’il dirigeait ; 59 Mais attendu que cet argument avait déjà été présenté devant les premiers juges, qui en ont tenu compte, en ramenant le taux mensuel de l’amende de 22 à 18 c ; que, sauf erreur de droit ou de fait non établie en l’espèce, lorsqu’un argument dont a déjà tenu compte la juridiction de premier ressort pour modérer le taux d’amende est invoqué devant le juge d’appel, celui-ci ne saurait le retenir une seconde fois ; que ce moyen doit donc être rejeté ; Attendu que le requérant fait valoir enfin l’existence de difficultés qui ont affecté le bon fonctionnement du poste comptable entre 1995 et 2000 ; qu’en particulier, des travaux effectués sur le bâtiment ont rendu nécessaire deux déménagements du poste comptable et ont engendré de nombreuses coupures électriques affectant le fonctionnement de la tenue informatisée de la comptabilité ; que, par surcroît, le requérant a connu durant cette période des problèmes de santé, attestés par la production d’un certificat médical qui n’avait pas été présenté aux premiers juges ; que ce moyen peut être admis pour atténuer le montant de l’amende ; Considérant qu’il sera fait une juste appréciation de ces dernières circonstances en ramenant le taux de l’amende de 18 c à 11 c par mois de retard, soit au total 99 c pour neuf mois de retard dans la production du compte de l’exercice 1997. Conclusions nº 7769 du 30 septembre 2003 (extrait) Sur la recevabilité de l’appel : L’appel est dirigé contre des dispositions à caractère définitif, le comptable a qualité et intérêt à agir et sa requête répond aux conditions réglementaires de forme et de délai ; L’unique difficulté provient de ce que la requête n’est pas signée par M. Paulin et que le dossier d’appel ne comporte pas trace du mandat que ce dernier aurait donné à la société d’avocats Molas et associés pour signer cette requête et le représenter dans cette affaire ; La Cour a toutefois déjà admis la recevabilité d’un appel signé seulement par l’avocat de l’appelant dans des cas où le mandat n’était pas apparent (12) ; Au demeurant, l’existence d’un mandat écrit ne paraît pas pouvoir être exigée, compte tenu des règles spécifiques qui concernent les avocats : – règles légales, avec l’article 416 du nouveau code de procédure civile (« quiconque entend représenter ou assister une partie doit justifier qu’il en a reçu le mandat ou la mission. L’avocat ou l’avoué est toutefois dispensé d’en justifier ») ; – règles jurisprudentielles (CE, 29 mai 1991, Gras et 13 décembre 1991, Syndicat des commerçants non sédentaires de la Savoie) ; – règles coutumières (« l’avocat doit être cru sur sa robe ») ; L’appel Nous paraît donc recevable ; (12) Cf. Cour des comptes, 4 mai 1995, Nice Communication et Nos conclusions nº 1627 du 28 février 1995 et nº 1703 du 5 avril 1995. 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière Sur la procédure suivie devant la chambre régionale : En vertu du premier alinéa de l’article R. 212-19 du Code des juridictions financières, le Ministère public près les chambres régionales des comptes « veille à la production des comptes dans les délais réglementaires et, en cas de retard, requiert l’application de l’amende prévue par la loi » ; Suivant une jurisprudence jusqu’ici constante de la Cour et des chambres régionales des comptes, le réquisitoire du Ministère public saisit la juridiction du fait qu’un comptable n’a pas produit un ou des comptes dans le délai réglementaire. Si, à la date où elle statue, la juridiction constate que le compte n’est toujours pas produit, elle peut fixer le montant de l’amende en prenant en considération la durée totale du retard, sans être limitée à la seule durée relevée à la date du réquisitoire. Dès lors, il lui est également loisible, sans qu’intervienne un nouveau réquisitoire, de sanctionner la carence prolongée du comptable par des décisions successives, sans attendre pour statuer que le compte soit finalement produit afin de calculer le montant de l’amende en fonction de la totalité du retard ; Dans quelques cas exceptionnels, la jurisprudence de la Cour des comptes donne des exemples de multiples arrêts faisant suite à un unique réquisitoire initial et sanctionnant des périodes successives de retard dans la production du ou des mêmes comptes (13) ; Un réquisitoire distinct est en revanche nécessaire pour saisir la juridiction de retards constatés dans la production d’un compte différent de celui ou de ceux visés par le premier réquisitoire ; Au cas d’espèce, c’est donc à bon droit que, saisie par un réquisitoire du Ministère public du 21 janvier 2000 du retard constaté dans la production du compte 1997 de l’Ecole, la chambre régionale des comptes a pu tout d’abord sanctionner un retard s’étendant du 1er janvier 1999 au 31 mars 2000 par jugement définitif du 13 septembre 2001, puis la poursuite de ce retard jusqu’au 31 décembre 2000, par jugement définitif du 3 juillet 2002, sans être dans le second cas saisie d’un nouveau réquisitoire ; Sur le fond : L’appelant se prévaut tout d’abord de la loi d’amnistie nº 2002-1062 du 6 août 2002 qui vise, d’une part, les délits pour lesquels une peine d’amende est encourue (art. 2, 2º) et d’autre part, les faits commis avant le 17 mai 2002 qui constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles (art. 11, al. 1er) ; Certes, les amendes infligées par les juridictions financières ont un caractère répressif qui a conduit le Conseil d’Etat à juger que les stipulations de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales leur étaient applicables (CE, 30 octobre 1998, Lorenzi ; 16 novembre 1998, SARL Deltana et M. Perrin). Pour le même motif, la Cour des comptes ou son Parquet général ont considéré que ces amendes avaient un caractère personnel ou encore qu’elles pouvaient relever d’une application in mitius de la loi nouvelle (14) ; Pour autant, lesdites amendes n’ont pas à proprement parler un caractère pénal et les infractions qu’elles sanctionnent ne constituent pas des « délits ». A défaut de mention explicite les concernant, les lois d’amnistie ne leur sont donc pas applicables (CE, 21 juillet 1970, Consorts Darrac s’agissant des amendes pour gestion de fait (15) ; 30 juin 1961, Mazer s’agissant des amendes prononcées par la Cour de discipline budgétaire et financière ; C. comptes, 15 décembre 1971, Réunion de Capesterre, Rec. p. 10, pour des amendes pour retard dans la production des comptes) ; Les amendes prononcées par les juridictions financières, et au cas particulier l’amende pour retard dans la production des comptes, ne sont pas davantage des sanctions disciplinaires ou professionnelles, ces dernières étant entourées de garanties spécifiques et relevant des compétences d’autres autorités. Les deux types de sanctions sont d’ailleurs cumulables, y compris dans le cas de la Cour de discipline budgétaire et financière dont l’appellation évoque de manière ambiguë le domaine disciplinaire (cf. art. L. 314-18 du Code des juridictions financières « Les poursuites devant la Cour (CDBF) ne font pas obstacle à l’exercice de l’action pénale et de l’action disciplinaire ») ; Le moyen devrait donc être rejeté au motif que l’amende pour retard dans la production des comptes ne constitue ni un délit, ni une sanction à caractère disciplinaire ou professionnel, et n’entre donc pas dans le champ d’application de la loi d’amnistie du 6 août 2002 ; Le requérant évoque ensuite des circonstances susceptibles de l’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité dans la nonproduction du compte ; Il reprend en les développant et en les complétant les arguments déjà présentés devant la chambre régionale des comptes et met notamment en avant l’effectif insuffisant de son poste comptable, la surcharge de travail à laquelle il a dû faire face, son comportement irréprochable et son dévouement au service public ; Dans le jugement attaqué, la chambre régionale des comptes, tout en regrettant que le comptable et l’ordonnateur n’aient pas fourni de preuve matérielle des éléments à décharge allégués dans leurs courriers respectifs du 29 octobre 2000 et du 6 mai 2001, a toutefois accepté « de prendre en compte les difficultés avancées par M. Paulin dans l’exercice de ses fonctions » pour ramener le taux mensuel de l’amende infligée de 22 à 18 c ; Rien ne permet de déduire de cette motivation que la production de documents plus explicites, telles les fiches de notation fournies au juge d’appel, aurait entraîné une réduction plus sensible du quantum de l’amende ; Par ailleurs, en visant « les difficultés avancées par M. Paulin dans l’exercice de ses fonctions », la chambre régionale ne réduit pas les circonstances atténuantes invoquées par le comptable au seul souseffectif du poste, mais fait référence à l’ensemble de la charge de travail de celui-ci et notamment aux « contraintes quotidiennes de gestion » liées à ses fonctions de gestionnaire de l’établissement rappelées dans le deuxième attendu ; 60 Il paraît donc un peu artificiel d’opposer le sous-effectif du poste qui aurait déjà été pris en considération dans la fixation du quantum, et la surcharge de travail qui ne l’aurait pas été, les deux choses étant au demeurant très liées ; De surcroît, le cumul des fonctions de comptable et de gestionnaire est quasiment de règle dans les établissements publics locaux d’enseignement, celui des fonctions de comptable et de chef des services financiers très fréquent dans l’enseignement supérieur : la situation de M. Paulin n’est donc en rien exceptionnelle sur ce plan ; Quant à l’attitude irréprochable de M. Paulin, elle doit tout de même être relativisée : un comptable public qui, quatre années successives, ne parvient pas à produire les comptes d’un établissement provoquant la nomination d’un commis d’office, ne saurait être qualifié d’irréprochable ; En définitive, le seul élément véritablement nouveau de nature à modérer davantage le quantum de l’amende Nous paraît être l’état de santé de M. Paulin. En effet, un certificat médical produit à l’appui de la requête atteste que celui-ci a souffert de 1998 à 2000 d’une affection qui peut avoir diminué sa capacité de travail. Cette circonstance n’avait été mentionnée en première instance ni dans la lettre du 29 octobre 2000 de M. Paulin, ni dans la lettre du 6 avril 2001 du directeur de l’établissement, et il est peu probable qu’elle ait été évoquée lors de l’audience publique tenue le 31 mai 2002, car elle n’apparaît pas dans le jugement du 3 juillet 2002 ; La Cour a déjà admis de tenir compte d’un certificat médical pouvant en partie justifier la 2e production tardive d’un compte (C. comptes, 31 janvier 1905, Syndicat de la 2e section des Waeteringues du département du Nord, Rec. p. 7 ; 14 janvier 1965, Commune et bureau de bienfaisance de Senlis, Rec. p. 7 ; 2 juin 1982, Lycée JeanLurçat à Martigues, Rec. p. 317) ; En l’espèce, elle pourrait donc infirmer le jugement de la chambre régionale qui n’a pas été en mesure de tenir compte de l’état de santé de M. Paulin et fixer le quantum de l’amende à 11 c par mois de retard (la moitié du taux maximum), soit une amende de 99 c (9 mois de retard) (16). (13) Cour des comptes, 18 juin 2001, lycée d’enseignement professionnel de Montsoult (ultime arrêt d’une affaire ayant duré plus de vingt ans). (14) Cf. Nos conclusions nº 6911 du 11 septembre 2002 (Commune d’Huez-en-Oisans) relatives aux nouvelles règles de prescription issues de la loi nº 2001-1248 du 21 décembre 2001. (15) L’arrêt du Conseil d’Etat du 6 janvier 1995 Nucci qui confirme l’arrêt de la Cour du 30 septembre 1992, concerne non pas l’amende pour gestion de fait mais la déclaration de gestion de fait. (16) Le rapport évoque (page 14) la possibilité, dans la lignée de l’arrêt de la Cour du 11 novembre 1988 Commune de Morsang-sur-Orge, de mentionner dans l’arrêt à intervenir la faculté pour le comptable de solliciter la remise gracieuse de l’amende qui lui serait infligée. Une telle mention, qui risquerait d’être perçue comme incitative, pourrait désormais sembler paradoxale dans la mesure où, dans une lettre du 29 novembre 1999 adressée au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, la Cour des comptes a suggéré, au nombre des aménagements qu’il conviendrait d’introduire dans le régime de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics, l’exclusion totale des remises gracieuses pour les amendes au motif qu’à la différence des débets, le juge des comptes se trouve en mesure de prendre en considération dans sa décision le comportement du comptable et d’éventuelles circonstances atténuantes. 85e année - nº 1 - janvier 2005 chronique financière Cour des comptes, Formation interchambres d’appel, arrêt nº 38684, 10 février et 25 mars 2004, Lycée professionnel de Domène (Isère) Appel ; appel du comptable de fait [infirmation du jugement]. Procédure ; caractère contradictoire ; notification des jugements. L’arrêt ci-dessous rapporté répond à une question restée jusque-là, à notre connaissance, inédite : à quelles autorités ou personnes morales doit être notifié un jugement portant déclaration provisoire de gestion de fait concernant les deniers d’un établissement public local d’enseignement dissout au moment de l’instance ? Comme le note le Parquet dans ses conclusions, la question n’était pas simple en raison de l’imbrication dans l’exercice des compétences en matière éducative. On sait en effet que, depuis la loi du 2 mars 1982 (art. L. 214-6 du Code de l’éducation), la région a la charge des lycées sous réserve des compétences de l’Etat (dépenses pédagogiques à la charge de l’Etat, dépenses de personnel). Mais, la région n’est propriétaire que des locaux dont elle a assuré la construction et la reconstruction (art. L. 214-7), ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Par ailleurs, le rectorat avait organisé la reprise des formations jusque-là assurées par l’établissement dissout, par trois autres lycées professionnels. La chambre régionale aurait du choisir la sécurité et notifier son jugement provisoire à l’ensemble des personnes potentiellement concernées (en substance, le rectorat, la Région et les trois établissements successeurs). En se contentant de notifier le jugement aux comptables de fait présumés et de transmettre la requête en appel à la Région, la chambre régionale a ainsi violé le principe du contradictoire. La Cour relève par ailleurs une contradiction implicite dans le jugement entrepris : la chambre régionale enjoint aux comptables de fait présumés de produire une reconnaissance de l’utilité publique des dépenses émanant du conseil d’administration du lycée Guynemer de Grenoble, successeur du lycée de Domène. Toutefois, elle omet de notifier le jugement audit lycée Guynemer, alors que le solde des comptes du lycée de Domène à la clôture du dernier exercice lui avait été transféré. Extrait Sur la régularité de la procédure : Attendu qu’en application de l’article 7 du décret nº 89-863 du 27 octobre 1989 alors en vigueur, « le jugement rendu par la chambre régionale des comptes est adressé au représentant de la collectivité ou de l’établissement intéressé par le secrétaire général de la Chambre », disposition reprise par l’article D. 246-7 du Code des juridictions financières ; Attendu que lorsque la chambre régionale des comptes a rendu, le 2 mars 2000, le jugement de déclaration provisoire de gestion de fait des deniers du lycée professionnel de Domène, celui-ci n’existait plus depuis le 3 octobre 1996, date de l’arrêté du préfet de l’Isère prononçant la dissolution de l’établissement ; que cet arrêté n’a pas précisé les modalités de liquidation du lycée ni les conditions de dévolution de ses droits et obligations à une ou plusieurs autres personnes morales ; que, toutefois, le solde des comptes du lycée de Domène à la clôture du dernier exercice a été transféré dans les comptes tenus par l’agent comptable du lycée Guynemer de Grenoble ; Attendu que si le jugement provisoire précité visait « la décision du comité technique paritaire administratif du rectorat de Grenoble en date du 15 décembre 1995 par laquelle le lycée professionnel de Domène est fermé à effet de la rentrée 1996 et les formations sont transférées au lycée Guynemer de Grenoble » et enjoignait aux personnes déclarées provisoirement comptables de fait de « produire une délibération exécutoire du conseil d’administration du lycée Guynemer de Grenoble, successeur du lycée professionnel de Domène... reconnaissant l’utilité publique des dépenses », il n’a été notifié qu’aux personnes déclarées comptables de fait et au Ministère public ; qu’ainsi, il n’a pas été adressé au représentant de l’établissement présumé successeur, en méconnaissance de l’article 7 du décret nº 89-863 susvisé ; Considérant, dès lors, que l’ordonnateur du lycée Guynemer de Grenoble n’a pas été mis en mesure de faire valoir ses observations éventuelles pour sauvegarder les droits de l’établissement dans une instance de gestion de fait des deniers dont celui-ci devait hériter ; que le principe du contradictoire dont le respect est d’ordre public a donc été méconnu, en l’absence de notification du jugement provisoire au représentant du lycée Guynemer de Grenoble ; que ce défaut de notification constitue, en l’espèce, un vice substantiel de l’ensemble de la procédure suivie qui entache la régularité du jugement provisoire en date du 2 mars 2000 et celle du jugement définitif dont il est fait appel ; Considérant en conséquence et sans qu’il soit besoin de soulever d’office d’autres moyens, que les jugements de la chambre régionale des comptes de Rhône-Alpes rendus les 2 mars 2000 et 26 avril 2001 doivent être annulés ; Attendu que le juge d’appel, lorsqu’il annule des jugements irréguliers, peut user du droit d’évocation pour statuer sur les faits de la cause ; Considérant toutefois que, dans les circonstances de l’espèce et au vu des pièces produites en cause d’appel qui ne permettent pas d’établir en l’état, les responsabilités effectives et respectives des différents protagonistes de l’affaire, il convient de renvoyer à la chambre régionale des comptes le soin de reprendre la procédure contradictoire et de statuer à nouveau. Conclusions nº 7296 du 12 février 2003 (extrait) S’agissant du jugement attaqué du 26 avril 2001, relevons de même qu’il n’a été notifié qu’aux deux personnes retenues à titre définitif dans la gestion de fait, dont Mme Faure, et aux comptables de fait provisoires exonérés de responsabilité, mais à aucune personne morale héritière du lycée dissout ; 61 Observons que des doutes subsistent quant à l’identité de cette personne morale héritière ; qu’en effet, il ressort d’une lettre du directeur des affaires juridiques du ministère chargé de l’Education nationale du 10 décembre 2002 obtenue par la Cour lors de l’instruction du présent appel que le transfert des droits et obligations du lycée de Domène pouvait concerner : – le lycée Guynemer mais aussi deux autres lycées professionnels, qui ont été tous trois désignés pour reprendre l’organisation des formations dispensées par le lycée fermé, par décisions du recteur prises conformément aux articles L. 211-1, 211-2 et 421-1 du Code de l’éducation ; – la région Rhône-Alpes pour les biens mobiliers puisque, en vertu de l’article L. 421-19 du Code de l’éducation, « lors de la dissolution d’un établissement public local d’enseignement, l’ensemble de son patrimoine est dévolu à la collectivité territoriale de rattachement » ; – et même l’Etat pour les biens immobiliers, dès lors que selon les articles L. 214-8 du Code de l’éducation et L. 1321-3 du Code général des collectivités territoriales, « en cas de désaffectation totale des biens, la collectivité propriétaire recouvre l’ensemble de ses droits et obligations sur les biens désaffectés », moyennant quoi les locaux du lycée ont été rétrocédés de la Région à l’Etat qui a décidé, par arrêté préfectoral du 26 février 1998, de les affecter au rectorat de Grenoble ; De fait, constatons que la requête en appel a fait l’objet, en application de l’article R. 243-8 du Code des juridictions financières, d’une notification par le Ministère public à la région Rhône-Alpes, par lettre du 6 novembre 2001 dans laquelle le commissaire du Gouvernement précise que « comme il n’existe aucun acte ayant prévu les modalités de transfert des droits et obligations de cet établissement à une personne morale nommément désignée, c’est la région Rhône-Alpes qui en sa qualité de collectivité territoriale de rattachement se trouve désormais investie des droits et obligations du lycée fermé s’il en existe encore. Or tel est le cas du fait même de l’instance en gestion de fait » ; qu’à cette occasion, le Ministère public communique également à la Région ledit jugement définitif en précisant : « en tant que personne morale ayant succédé dans les droits et obligations du lycée professionnel de Domène, la région Rhône-Alpes a la faculté de faire appel des jugements définitifs rendus au cours de l’instance ouverte », ce qui peut être considéré comme une notification tardive du jugement attaqué à la faveur de l’appel interjeté contre lui ; En déduisons que, si la région Rhône-Alpes et le lycée Guynemer, et le cas échéant l’Etat, voire deux autres lycées professionnels, pouvaient être considérés comme intéressés à la succession des droits et obligations du lycée de Domène, il y avait lieu, dans le cadre de la procédure contradictoire dont le respect est d’ordre public, de leur permettre de répondre au jugement provisoire pour sauvegarder leurs droits ; que le défaut de notification dudit jugement à leur égard constitue un vice substantiel de procédure qui leur fait grief et est de nature à entacher la régularité du jugement définitif qui a suivi. 85e année - nº 1 - janvier 2005