CORRIGE
Master 1 – F.L.E.
Université Stendhal-Grenoble3/CNED
Session de mai 2008
UE FLE : EC 2MFL TD M2
Intitulé : Linguistique textuelle et Didactique de l’écrit
Enseignant : Jean-Emmanuel LE BRAY
Correcteur: Jean-Emmanuel LE BRAY
Sujet Zone A
Durée de composition : 2 heures
Aucun document autorisé
Sujet
Tant que dura notre marche, Patricia ne fit pas un mouvement, pour ainsi dire, qui ne prît soin de moi.
Elle écartait les fourrés, soulevait les arceaux d’épines, m’avertissait des passages difficiles et au besoin me
frayait un chemin. La suivant, je contournai une colline, un marécage, gravis un piton, m’enfonçai dans une
haute brousse qui semblait impénétrable. Il me fallut souvent avancer sur les genoux, et, de temps à autre,
ramper.
Quand la petite fille, enfin, s’arrêta, nous étions dans un ravin au bord duquel poussaient des haies
compactes et denses comme des murs. Patricia prêta longuement l’oreille, observa la direction du vent puis me
dit de sa voix la plus feutrée :
« Ne bougez pas. Ne respirez plus avant que je ne vous appelle. Faîtes bien attention. C’est terriblement
sérieux. »
Joseph KESSEL, Le lion, Paris, Gallimard, 1958 (extrait)
1. Analysez le réseau coréférentiel de Patricia
2. Peut-on réduire la phrase Patricia prêta longuement l’oreille, observa la direction du vent puis me dit de
sa voix la plus feutrée à la forme Patricia prêta longuement l’oreille, observa la direction du vent sans que
cette réduction modifie le sens du texte qui suit ?
3. Soit les 2 phrases suivantes :
a) L’animal a renversé l’infortuné promeneur dans un jardin public et l’a cruellement mordu.
b) Un septuagénaire a été grièvement blessé par un chien de défense à Grenoble.
Dans quel ordre peut-on avoir les 2 phrases ci-dessus au début d’un article de presse ? Justifiez votre
réponse.
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1. Analysez le réseau coréférentiel de Patricia
(Ph1)Tant que dura notre marche, Patricia ne fit pas un mouvement, pour ainsi dire, qui ne prît soin de moi.
(Ph2) Elle écartait les fourrés, soulevait les arceaux d’épines, m’avertissait des passages
difficiles
et au besoin me frayait un chemin.
(Ph3) La suivant, je contournai une colline, un marécage, gravis un piton, m’enfonçai dans une haute brousse qui
semblait impénétrable.
(Ph4)Il me fallut souvent avancer sur les genoux, et, de temps à autre, ramper.
(Ph5) Quand la petite fille, enfin, s’arrêta, nous étions dans un ravin au bord duquel poussaient
des haies compactes et denses comme des murs.
(Ph6) Patricia prêta longuement l’oreille, observa la direction du vent puis me dit de sa voix la plus feutrée :
(Ph 7-8-9-10) « Ne bougez pas.
Ne respirez plus avant que je ne vous appelle.
Faîtes bien attention. C’est terriblement sérieux. »
Commentaire :
1. Un réseau partagé
Dans cet extrait , nous avons 2 personnages, dont le narrateur. Patricia partage pour
partie son réseau coréférentiel avec ce narrateur.
Phrase 1 : «notre marche » présente un déterminant possessif qui renvoie et à Patricia et
au narrateur.
Phrase 5 : « nous étions » : idem
2. Renvois interphrastiques
En phrase 2, le pronom personnel « elle » en fonction sujet est référant du « Patricia » de
la phrase 1.
En phrase 3, le pronom « la » - féminin singulier - en fonction objet est référant de du
« elle » de la phrase 2. Aucune concurrence ne peut ici être évoquée (référé féminin
singulier ?)
La phrase 4 ne propose aucun renvoi coréférentiel pour le référé soumis à étude.
En phrase 5, « la petite fille » renvoie à son référé le plus proche dans l’amont du texte,
soit « la » en phrase 4.
En phrase 6, nous avons une stricte reprise du référé initial avec « Patricia ». On peut ici
poser une réinitialisation du réseau.
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Le « je » de la phrase 9 est référant du « Patricia » de la phrase 6, dès lors qu’on se
réfère pour la distribution des personnes au verbe déclaratif « dit » de la phrase 6.
3. Renvois intraphrastiques
Les marques de renvois se situent très souvent au niveau des flexions verbales, des
déterminants possessifs. On peut ajouter le déterminant défini de « l’oreille » en phrase 6.
Dans « s’arrêta » en phrase 5, on peut voir une valeur de réfléchi à « s’ » si l’on met en
perspective « arrêter soi-même » à « arrêter quelqu’un » ; on peut aussi opposer un verbe
« arrêter » non pronominal à un verbe « s’arrêter » pronominal.
Les renvois coréférentiels dans l’extrait sont massivement anaphoriques. Exception : le
« notre » en phrase 1 qui est un référant cataphorique.
2. Peut-on réduire la phrase Patricia prêta longuement l’oreille, observa la direction du
vent puis me dit de sa voix la plus feutrée à la forme Patricia prêta longuement l’oreille,
observa la direction du vent sans que cette réduction modifie le sens du texte qui suit ?
Comparons le texte ainsi modifié avec l’original
(originel) Quand la petite fille,
enfin, s’arrêta, nous étions dans un ravin
au bord duquel poussaient des haies
compactes et denses comme des murs.
Patricia prêta longuement l’oreille,
observa la direction du vent puis me dit de
sa voix la plus feutrée :
« Ne bougez pas. Ne respirez plus
avant que je ne vous appelle. Faîtes bien
attention. C’est terriblement sérieux. »
(modifié) Quand la petite fille, enfin, s’arrêta, nous étions dans
un ravin au bord duquel poussaient des haies compactes et denses
comme des murs. Patricia prêta longuement l’oreille, observa la
direction du vent:
« Ne bougez pas. Ne respirez plus avant que je ne vous
appelle. Faîtes bien attention. C’est terriblement sérieux. »
La question porte sur «le texte qui suit », ne s’interroge donc pas sur la perte
d’information liée à la suppression de la référence à la « voix feutrée » de la petite fille. « Le
texte qui suit », c’est le passage au discours. Avec le texte modifié, nous gardons le signe de
ponctuation (les deux points : ) dont nous nous servons pour annoncer une citation ou un
discours, un discoursil est essentiel de savoir qui parle via la première personne, de savoir
à qui celui qui parle s’adresse via la seconde personne, de repérer les tours de parole. Les
outils que la langue met en œuvre à cet effet sont les signes de ponctuation et typographiques
(les deux points, les guillemets, les tirets et les retours à la ligne), sont aussi des expressions
linguistiques avec les verbes déclaratifs et les incises.
Avec la modification, malgré la suppression du verbe déclaratif, l’attribution du discours
aux personnages adéquats reste possible, quand bien même le roman de Kessel a un narrateur
qui est aussi l’un des personnages de l’histoire (cf. le « notre » de « notre marche », le « je »
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de « je contournai », par exemple, dans l’extrait proposé). Dans le passage au discours, le
« je » est celui de la petite fille qui s’adresse au personnage-narrateur.
Deux arguments :
a)syntaxe : « Patricia » est le sujet de la première qui se termine par les :
b) inférence : Usuellement, en français, on ne s’adresse pas à une petite fille en la vouvoyant,
mais une petite fille dit « vous » à un adulte non familier.
(Je prends un exemple pour appuyer mon propos :
Soit
Marcel accompagne Ginette au marché : « as-tu pensé à prendre ton chéquier ? »
Qui parle à votre avis ? Votre réponse est-elle motivée par la syntaxe ou une éventuelle
inférence ?)
Conclusion : Par défaut, quand nous n’avons pas une distribution explicite des tours de parole,
et avant de faire appel à une inférence, nous devons prendre en compte la syntaxe.
3. Soit les 2 phrases suivantes :
a) L’animal a renversé l’infortuné promeneur dans un jardin public et l’a cruellement
mordu.
b) Un septuagénaire a été grièvement blessé par un chien de défense à Grenoble.
Dans quel ordre peut-on avoir les 2 phrases ci-dessus au début d’un article de presse ?
Justifiez votre réponse.
Au début d’un article, a fortiori dans la première phrase, on doit prévoir des procédures
de référence, qui servent à poser, à introduire un sujet, un référent. Ce n’est qu’à partir de ces
références que pourront se développer des réseaux de coréférence.
« La première phrase d’un texte est caractéristique parce qu’elle n’est précédée
d’aucune. »
de La Palice
Nous pouvons distinguer les procédures de référence et de coréférence en nous
appuyant sur les marques linguistiques. C’est notamment ce que nous observons avec les
déterminants des substantifs, notamment les articles.
UN septuagénaire (référé) … puis L’infortuné promeneur (référant)
UN chien de défense (référé) … puis L’animal (référant)
Grenoble est un nom propre qui présente un caractère d’évidence pour le lecteur
français (procédure de référence donc !)
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Nous avons là suffisamment d’arguments pour ordonner l’ordre des phrases.
Il est possible de compléter la réponse à ce type de question est s’appuyant sur des
arguments rhétoriques. Il est ainsi habituel dans une coupure de presse, dans la rédaction d’un
fait divers, d’avoir une première phrase qui résume l’histoire, d’où une éventuelle
concurrence de cette première phrase avec le titre.
La presse utilise parfois des procédés stylistiques qui semblent contrarier la règle posée
(distribution référence/coréférence). C’est notamment le cas pour certains faits divers traités
comme des faits de société, avec une volonté d’ironie. C’est plus au niveau du titre que de la
première phrase que l’on peut observer ces faits. Je pense à un exemple :
L’exhibitionniste fait une chute mortelle
En tentant d’échapper aux gendarmes, il est tombé des rochers de la
pointe de Guilben, à Paimpol.
Un homme de 41 ans est décédé, jeudi, à la suite d’une chute, le
week-end dernier, dans des rochers, à la pointe de Guilben, à Paimpol
(Côtes-d’Armor)…
Allez, bonnes vacances !
…/…
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