c’estavanttoutcomme«manièredevivre»etnoncommepursavoirthéoriquequelaphilosophie
del’antiquitéatracésaroute.Arrêtonsnousunmomentsursapensée
2 :
«Beaucoupdemescontemporainsconsidèrentquelaphilosophieestundiscours,plusexactement
undiscourssurundiscours,unpointc’esttout.Personnellement,j’aiuneautreconception.»
Laphilosophiecomme«exercicesspirituels»
Comme nous venons de le dire P. Hadot accorde une forte priorité à la philosophie en tant
qu’
exercicesspirituels
destinésàs’approprierun«styledevie»proprementphilosophique,c'està
dire capable de transformer la façon de vivre et de voir les choses. Contrairement aux traités
systématiques qui paraissent aux XVIIe et XVIIIe siècle, qui proposent la construction de beaux
édificesconceptuelsquideviennentdesfinseneuxmêmes,laphilosophiedesanciensestoraleet
seproposederépondreauxquestionsconcrètesquiseposentconcernantlavieordinaire,laplupart
dutempssouslaformedudialogueavecdesdisciples,danslesdifférentesécolesdephilosophie.
Lorsqu’il yaexposé, il s’agit moinsd’unethéorie systématique que d’uneméthodepour s’orienter
danslapenséeetdanslavie,apprendreaudiscipleàvivreuneviespirituelle;nonpasinformersur
unefaçondepenser,mais
former
(VictorGoldschmidt),enrépétantetrevenantsurcequiestditde
façon à permettre à l’interlocuteur de s’approprier le savoir. Il est instructif d’observer que nous
sommesenprésenced’unemodèleinitiatiquedetransmissioncomparableauxécolesbouddhistes
outaoïstes,oumêmeclassiquementreligieuses(ilnefautpasoublieràcesujetqueP.Hadotaété
ordonné prêtre dans sa jeunesse). Les exercices spirituels ne s’ajoutent pas au discours
philosophique,ilssontsachairmême:laphilosophie,c’estl’exerciceeffectif,concret,vécudeses
différentespartiesquisontparexemple,pourlestoïcisme,lalogique,lamorale,etlaphysique(en
faitl’étudeducosmos):critiquerlesreprésentations,lesimagesquiviennentdumonde,nepasse
précipiter pour dire que telle chose qui arrive est un mal ou un bien (voilà un exercice qui serait
précieux aujourd’hui!), vivre concrètement l’éthique dans la vie avec les autres hommes, voir les
choses «d’en haut», du point de vue du cosmos et de la nature, et non de manière
anthropomorphique, prendre conscience que l’on est une partie du tout (conscience cosmique»),
contempler l’univers dans sa splendeur, comme dans ses choses les plus humbles, percevoir les
chosescommeétranges…etc.SuivantencelaMerleauPontypourquilaphilosophieconsisteavant
tout à «rapprendre à voir le monde», qui surgit alors devant nos yeux pour la première fois,
Bergson qui pense qu’elle doit permettre de substituer à une perception utilitaire une perception
désintéresséedumondeentantquemonde,laphilosophieest pourP.Hadotaussiuneaffairede
changementderegard.Les«exercicesspirituels»porterontavanttoutsurcetteperception.
Des«attitudesphilosophiques»propresàchaqueécole
Chaque école philosophique se caractérise par des comportements et des traits particuliers. Pour
illustrerl’impactpratiquesurlaviepersonnelledesprincipauxcourants,nouspouvonsdresseravec
P. Hadot le portraitrobot de ces différents «types»: Les Cyniques, illustrés habituellement par
Diogène dans son tonneau, refusent les conventions, revendiquent un retour à un état de non
civilisation, sont impudiques (image connue de la masturbation en public), vivent de très peu et
mendient. L’attitude philosophique des platoniciens peut se résumer en trois points: le souci
d’exercer une influence politique (dirigée selon les normes de l’idéal platonicien); la volonté de
discuter, dans la tradition socratique; l’intellectualisme (même si cette thèse est discutée, en
particulier par Sylvie Queval dont on peut se reporter à la précédente conférence à l’UP de
Narbonne):«
l’essentielduplatonisme,ditP.Hadot,c’estlemouvementdeséparationdel’âmeet
ducorps,ledétachementducorps
».Alafindel’antiquité,lesnéoplatonicienspensentquelavie
estavanttoutuneviedepensée,lavieselonl’esprit;àtraverscetexempled’ailleurs,nouspouvons
déjàinterroger,interrogationquiserareprisedansladiscussiondelapartiesuivante,lapertinence
d’une telle opposition tranchée entre discours théorique et vie philosophique…. L’attitude
philosophique des épicuriens se caractérise par l’ascèse des désirs (contrairement à l’image
courante,maisnousavonsdéjàeul’occasiondelepréciser…),puisqueseulslesdésirsnaturelset
nécessairesont«droitdecité»(manger,boire,dormir).Ilsexcluentgénéralementl’actionpolitique,
les affaires de la cité. Ils aiment les repas très sobres entre amis, l’amitié étant une valeur très
importante pour eux. Le fil conducteur de cette vie est la recherche de cette jouissance qu’ils
2
Qu’estce que la philosophie antique?
(Folio,
Essais
, 95)
et La philosophie comme manière de
vivre(entretiens
avecJeannieCarlieretArnoldI.Davidson
),
Livredepoche,(2001),