DEPUIS 1971 N° 182 / Décembre 2015 / 3€20 PAIX – JUSTICE ET CLIMAT Construisons un monde plus juste et solidaire ! COP21 Refusons l’inaction ! 12 DÉCEMBRE Relevons un défi inédit pour le climat ! Tous à la COP ! Plus que jamais, nous devons nous mobiliser massivement Le contexte a radicalement changé et nos revendications n’ont jamais été aussi légitimes. La vision des sociétés soutenables portée par les Amis de la Terre prend tout son sens en ces temps troublés par une actualité dramatique. C’est bien une autre vision du monde qui s’oppose à la réponse politique apportée aux tragiques événements auxquels nous venons d’être confrontés. Nous sommes bouleversés par ce qui s’est passé en France le 13 novembre, de la même manière que nous sommes bouleversés par les attentats qui ont lieu au quotidien dans nombre de pays. « Climate Justice for Peace », la justice climatique pour la paix, c’est bien ce que nous répondons à cette logique d’escalade de la haine et de la violence. « Climate Justice for Peace », c’est le nom de la grande mobilisation que nous portons pour le 12 décembre à Paris. Cette mobilisation de masse dans les rues de Paris est aussi inédite que créative. Elle répond de manière inventive à la question qui nous est imposée en premier lieu : comment manifester quand il est interdit de manifester ? L’enjeu est de taille, il s’agit d’avoir le mot de la fin. Nous ne pouvons pas laisser nos dirigeants nous faire croire qu’un accord historique a été trouvé à Paris. Nous savons déjà qu’il ne sera pas à la hauteur des enjeux et qu’il nous emmène au mieux sur une trajectoire de 3°C ou plus. La simple question du 2°C ou moins n’est même pas sur la table, on ne discute que du contenant et pas du contenu. Notre responsabilité est de faire entendre la voix des communautés affectées, des pays du Sud aux personnes en situation de précarité énergétique ici et maintenant. Nous devons construire un mouvement large pour la justice climatique qui perdure bien après la COP. Le risque de sombrer dans le fatalisme et la résignation est bien trop grand si nous n’arrivons pas à nous rassembler au-delà de nos divergences. Alors écrivons l’histoire, venez participer à une expérience collective hors du commun ! Soyons des dizaines de milliers à Paris pour la justice climatique et la paix les 11 et 12 décembre. FLORENT COMPAIN Président des Amis de la Terre France SOMMAIRE Le Courrier de la Baleine n°182 Édition Spéciale COP21. Décembre 2015 n°CPPAP : 0317 G86222 – ISSN 1969 – 9212 Dans ce numéro, les adhérents des Amis de la Terre France trouveront l’appel à don « Debout pour la justice climatique ». Directeur de la publication : Florent Compain Rédacteur en chef et directeur artistique : Pierre Sagot Rédacteurs : Sylvain Angerand, Florent Compain, Gabriel Mazzolini, Jagoda Munic, Malika Peyraut. Communication, relations presse : Pierre Sagot, [email protected] 09 72 43 92 65 Graphisme et maquette : Aurélien Dovillez, [email protected] Impression : Sur papier recyclé Offset Igloo 120g/m2 avec encres végétales : STIPA, http://www.stipa.fr/ Crédits photos : Couverture : Théophile Navet, http://www.theophilenavet.com/ Page 4 : Eric Coquelin Page 5 : Jérémie Wach Chastel Page 6 et 7 : Friends of the Earth Europe, Collectif pour la Transition Citoyenne, Jérémie Wach Chastel Page 10 : Théophile Navet, http://www.theophilenavet.com/ Page 11 : Jeunes Amis de la Terre Page 12 : Friends of the Earth International Les Amis de la Terre France Mundo-M, 47 avenue Pasteur 93100 Montreuil [email protected] 01 48 51 32 22 www.amisdelaterre.org C e document a été réalisé avec le soutien financier de l’Union Européenne. A ction financée par la Région Île-de-France. 4 MOBILISÉ-E-S POUR TOUT CHANGER ! Parce qu’il ne faut rien lâcher ! 6 8 PAIX, JUSTICE ET CLIMAT Construisons un monde plus juste et solidaire ! COP21 : LES CITOYEN-NE-S REPRENNENT LA MAIN ! Par des actions inédites pour le climat, nous aurons le dernier mot ! 11 12 LA FORCE DE LA NON-VIOLENCE Ou comment accumuler les victoires. LE MOT DU RÉSEAU INTERNATIONAL Agir de façon juste et ambitieuse pour stabiliser le climat est sans doute la meilleur manière d’agir pour la paix. LA BALEINE . N°182 3 MOBILISÉ-E-S POUR TOUT CHANGER ! Avec la prolongation de l’interdiction des manifestations suite aux dramatiques événements du 13 novembre à Paris, nous réaffirmons le besoin nécessaire de poursuivre la lutte pour un monde juste et solidaire. Nous maintenons la venue de milliers de membres de notre Fédération Internationale à Paris les 11 et 12 décembre, à l’issue de la 21ème Conférence des Nations Unies sur le climat. Nous ferons entendre la voix de celles et ceux qui luttent pour un monde meilleur et la justice climatique, au-delà des dérives sécuritaires et xénophobes. Les jours qui viennent de s’écouler ont été marqués par une série d’attaques terroristes dramatiques. Aux victimes des attentats de Paris, Bagdad, Beyrouth, Tunis comme Bamako, ainsi qu’à leurs familles, nous exprimons toute notre solidarité et notre soutien. Nous dénonçons ces actes criminels insensés qui, partout dans le monde, visent à ébranler notre soif de justice, de paix, d’équité, de liberté. Nous sommes effarés de constater que les seules réponses apportées à ces actes sont celles de la violence et des armes, alors qu’elles ne font qu’attiser les symptômes d’une crise aux fondements bien plus globaux. Nous considérons que les réponses justes sont celles qui s’attaquent aux fondements des crises sociale, climatique, écologique et économique, que nous connaissons à l’échelle globale aujourd’hui. Nous luttons contre le pillage des ressources du Sud par les États et multinationales du Nord, les rapports inégalitaires au niveau mondial, la violation des droits fondamentaux, la dérégulation financière globale, la 4 LA BALEINE . N°182 course effrénée à la surconsommation. Nous sommes indignés par les actes islamophobes et racistes qui s’accroissent en France, et ailleurs. Le monde pour lequel nous nous mobilisons est celui de sociétés soutenables, d’un monde de paix et de justice, où les peuples vivent dans la dignité, la tolérance et le respect des droits, en prenant en compte leur environnement et les générations futures. Pour parvenir à cet objectif, notre combat pour la justice climatique est aussi celui de la lutte contre la violence, la militarisation, l’islamophobie, l’intolérance par rapport aux réfugiés et aux étrangers. Une lutte de résistance face à la peur. Nous sommes révoltés de la confiscation de nos droits à la liberté d’expression sous couvert de notre propre protection. Nous refusons de subir cette stratégie du choc qui vise à profiter d’un traumatisme pour légitimer des pratiques autoritaires et liberticides. Nous avons aujourd’hui une responsabilité, celle de résister. N’oublions pas le défi historique posé à notre génération : celui de lutter contre les dérèglements climatiques provoqués par un système capitaliste, extractiviste, consumériste et inégalitaire. Soyons lucides sur le fait que renoncer à une part de nos libertés ne nous amènera pas à plus de sécurité. Lors de la COP21, les décideurs du monde ne peuvent négocier un accord sur le changement climatique aussi crucial sans que la voix des communautés affectées ne se fasse entendre. C’est pourquoi nous devons soutenir les mobilisations dans les rues de Paris et d’ailleurs, du 29 novembre au 12 décembre, pour faire entendre la voix de la justice climatique. Plus que jamais, bâtissons ensemble les sociétés soutenables de demain ! PHOTO PRISE LORS D’ALTERNATIBA PARIS LES 26 ET 27 SEPTEMBRE 2015 COPYRIGHT JEREMIE WACH CHASTEL LA BALEINE . N°182 5 UN MONDE QUI S’EFFONDRE La crise climatique est le symptôme d’une crise globale, à la fois écologique, sociale et économique. Notre modèle de développement, fondé sur la concurrence et la surexploitation des ressources naturelles, creuse les inégalités. Il permet à une minorité de personnes de vivre dans l’excès et empêche la majorité de satisfaire leurs droits et besoins fondamentaux. 60-70 milliards de tonnes de matériaux par an, c’est ce que nous extrayons et consommons : c’est 50 % de plus qu’il y a 30 ans ! Les Nations Unies prévoient que cette consommation pourrait encore doubler à l’horizon 2050 si nous ne réagissons pas. Dans le même temps, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont explosé et constituent une menace imminente dont les effets sont déjà perceptibles pour la stabilité du climat. Surconsommation et changement climatique sont donc les deux faces d’une même pièce. Or, ce n’est qu’avec la stabilisation progressive du climat il y a environ 10 000 ans que l’Humanité a pu prendre son essor, inventer l’agriculture et bâtir des civilisations. Si le climat s’emballe, que les sécheresses et les événements climatiques extrêmes se multiplient, les migrations de personnes s’intensifieront et seront 6 LA BALEINE . N°182 exacerbées par des tensions géopolitiques croissantes pour le contrôle des terres fertiles et des ressources naturelles. Ce qui se passe aujourd’hui en Syrie en porte les prémisses : les sécheresses incessantes qui se sont abattues dans cette région entre 2006 et 2010 ont entraîné le déplacement de plus d’un million de personnes : un terreau favorbale à la prise de contrôle du pays par des extrémistes. En Afrique sub-saharienne, l’asséchement progressif du Lac Tchad, qui a perdu 30 % de sa superficie en 20 ans, participe également à la déstabilisation des communautés qui en dépendaient et par ricochet, accroît l’insécurité sur l’ensemble de la sous-région. Aujourd’hui, à chaque seconde, c’est une personne qui quitte son domicile en raison d’une catastrophe naturelle : en 2050, les Nations Unies prédisent des déplacements massifs de plus de 250 millions de personnes si rien n’est fait pour enrayer les changements climatiques. Nous pouvons fermer les yeux sur ces inégalités qui se creusent, construire les barrières les plus hautes pour nous protéger, mais il y aura toujours un moment où la réalité s’imposera à nous. UNE VISION POUR L’AVENIR Pour les Amis de la Terre, la convergence de ces crises appelle des solutions pour s’attaquer à la racine du problème : réduire les inégalités permettra d’articuler la satisfaction des besoins fondamentaux de tous et la préservation des écosystèmes. Cela signifie permettre à chacun de vivre dans un espace écologique soutenable qui se définit par : • un plancher qui correspond au minimum de ressources dont chaque personne doit disposer pour couvrir ses besoins fondamentaux : accès à l’air, à l’eau, à l’alimentation, à l’énergie, à l’habitat... mais aussi à la santé, à l’éducation, à l’information et à la culture ; • un plafond, au-delà duquel toute personne ou groupe utilisant une ressource empiète sur l’espace écologique d’autrui et sur celui des générations futures. Affirmer que chaque humain devrait avoir le même droit d’accès à une « part » raisonnable et soutenable des ressources naturelles ouvrirait une nouvelle voix de dialogue avec les pays du Sud et les pays émergents. Un dialogue qui devrait également prendre en compte la responsabilité historique des pays développés qui ont déjà largement consommé leur « part ». DES SOCIÉTÉS SOUTENABLES QUI SE CONSTRUISENT Partir des limites de notre planète et prendre pour boussole le principe d’équité permettraient de s’organiser pour laisser une grande partie des énergies fossiles dans le sol alors qu’aujourd’hui chaque pays cherche à sécuriser son accès aux ressources au détriment des autres. Ce sont ces principes que défendent les Amis de la Terre lorsque nous militons pour la justice climatique. Faire le constat du monde tel qu’il est aujourd’hui, des rapports de force qui l’animent et des inégalités qui se creusent, ne signifient pas pour autant être fataliste et renoncer à notre capacité à agir. Partout dans le monde et en France, des alternatives se structurent, des initiatives citoyennes se multiplient, des entreprises s’organisent différemment et l’ensemble de ces actions participent à construire, dès aujourd’hui, le monde dans lequel nous voulons vivre demain. Le slogan « moins de biens, plus de liens » souligne la puissance de ces initiatives qui renforcent durablement la résilience de nos sociétés et nous permettront de réagir avec plus de solidarité aux chocs que nous affronterons. Mais surtout, la multiplication de ces expériences de transition permettent de rendre palpables nos utopies, d’accumuler des forces pour qu’un jour ce qui était « l’alternative » devienne la « norme ». Il y a encore 5 ans, habiter une maison en paille était une excentricité. Aujourd’hui, ce type de construction est normalisé et accessible à tous. Au début des années 2000, les premières Associations pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne sont apparues en France : aujourd’hui, il y en a plus de 1500 et il n’est plus tabou de privilégier l’achat de produits locaux. Même le sacro-saint cadre des marchés publics qui dérive de l’Organisation Mondiale du Commerce et interdit la « discrimination » est en train de craqueler : en 2011, le législateur a dû l’adapter pour intégrer la notion « d’approvisionnement direct » actant de fait la multiplication - illégale mais légitime - des marchés publics privilégiant plus ou moins explicitement des produits locaux. Ces graines du changement peuvent engendrer de puissants effets de levier si nous en avons conscience et si nous savons construire des stratégies efficaces. Rien n’est impossible. L’histoire a montré comment des pays sont capables de profondément modifier leur appareil de production en basculant sur une « économie de guerre. De tels changements ne seraient-ils pas possible pour construire une « économie de paix » ? Les crises qui se multiplient, se connectent et s’amplifient condamnent le monde tel que nous le connaissons. Nous pouvons en avoir peur mais nous pouvons aussi y voir l’opportunité de construire des sociétés plus soutenables, plus justes et en paix. LA BALEINE . N°182 7 COP21 : LES CITOYEN-NE-S REPRENNENT LA MAIN ! EST-CE UTILE ? QUE PEUT-ON ATTENDRE DE L’ACCORD DE PARIS ? L’espace multilatéral permet théoriquement à des petits pays comme Tuvalu d’avoir la même voix que des États pollueurs comme les États-Unis ou l’Europe, et de ne pas baser la résolution de la crise climatique sur des accords bilatéraux, qui excluraient les pays les plus petits et les plus pauvres. Mais ce fonctionnement théorique est miné par la présence, au sein des COP et en amont, d’intérêts privés et d’une logique permanente de marché. Ainsi, en réalité, le poids des lobbies et des multinationales, avec la complicité des États, est tel que le rapport de force est disproportionné. L’un des défis est donc d’assainir la COP, et de rebalancer le rapport de force en faveur des peuples, en priorité ceux qui sont affectés par le dérèglement climatique. Pour sortir de la crise climatique, il nous faudrait un accord contraignant, limitant l’augmentation de la température du globe en deçà de 1,5°C (car 2°C pour beaucoup de pays, c’est déjà trop), universel et ambitieux, qui ne recourt pas à des mécanismes de marché comme les marchés carbone ou la compensation. On sait déjà que ce n’est pas cet accord qui va sortir de Paris. Les États-Unis, entre autres, reviennent sur la dimension contraignante. La somme des contributions volontaires que les États étaient censés mettre sur la table excède les 3°C. Les financements nécessaires pour rétablir la justice vis-à-vis des pays affectés par le dérèglement climatique ne sont pas réunis. L’emprise du secteur privé est toujours aussi prégnante. QUE DÉSIGNE LE TERME COP ? « COP » désigne la « Conférence des Parties », soit la Conférence de l’ONU durant laquelle les États négocient pour limiter l’augmentation de la température du globe en-deçà du seuil critique de 2 °C. 8 IL N’Y A DONC RIEN À GAGNER ? ET AU-DELÀ DE LA COP21 ? La présence de la société civile à l’intérieur agit comme garde-fou. Dans les négociations, la Fédération internationale des Amis de la Terre lutte ainsi pour faire entendre la voix des populations affectées, s’opposer au déploiement des fausses solutions et à l’expansion des mécanismes de marché et mener des batailles gagnables telles que l’expansion des énergies renouvelables en Afrique. Bien sûr, la COP n’est pas le premier champ de bataille. Pour sortir de la crise climatique, c’est le système qu’il faut changer. Cette bataille-là, elle se joue au quotidien, à toutes les échelles, en menant des luttes de résistance et en essaimant les alternatives citoyennes. Nous n’avons pas focalisé tous nos efforts sur la COP. Au contraire, nous avons solidifié les fondements de notre mouvement, gagné des batailles nationales. Rien de tout cela ne s’arrête en 2016. Nous continuerons à mener des campagnes stratégiques, à soutenir les résistances et les alternatives. LA BALEINE . N°182 Pourquoi organiser une action à la fin de la COP 21 ? Nous savons que dans le meilleur des cas l’accord qui sera adopté à Paris permettra d’écarter certaines fausses solutions et de renouer un dialogue international indispensable. Mais nous ne sommes pas dupes. Les États-Unis ont déjà fait savoir qu’ils s’opposeraient à tout accord contraignant et la Chine, si elle a acté la nécessité d’agir, évoque une simple stabilisation de ses émissions à l’horizon 2030. Nous sommes donc très loin de ce que le GIEC recommande pour tenter de stabiliser le climat. La solution ne viendra donc pas d’en « haut », elle ne viendra pas non plus simplement de la juxtaposition d’initiatives citoyennes. Ce qui est en jeu, c’est de montrer qu’il existe un mouvement capable de s’appuyer sur ces initiatives pour en faire une force de transformation. Montrer que là où les décideurs désertent le champ politique en se compromettant avec des intérêts privés, les citoyens le réinvestissent en réclamant la justice climatique. Nous sommes unis et imaginatifs, nous n’attendons l’aval d’aucun gouvernement pour engager la transition et nous savons que cette force deviendra un jour si puissante que les gouvernements ne pourront plus l’ignorer. C’est ce message que nous voulons faire passer à la fin de la COP 21 : « votre agenda n’est pas le nôtre, ce qui est une fin pour vous n’est qu’un point d’étape pour nous ». Comment organiser une grande action populaire de masse dans un contexte post-attentat ? Résister au système actuel, c’est manier avec créativité l’art de gérer les limites pour imaginer des solutions. Cette ingéniosité est sans réserve, quelques soient les barrières qui tentent d’être dressées. Or, dans ce contexte, un mois après les fusillades dramatiques qui ont ébranlé la population ; dans un pays où le gouvernement a déclaré l’état d’urgence et muselé le droit à manifester ; ces barrières sont nombreuses. Pour les Amis de la Terre, il n’a jamais été question de renoncer à notre droit à manifester mais pour que cette action ait une grande ampleur, et que des milliers de citoyens participent, il nous a paru important d’agir dans un cadre sécurisé. La question était donc d’imaginer comment manifester sans manifester. Nous allons créer une action de mobilisation de masse, légale, mais suffisamment subversive pour montrer la volonté et la détermination de la société civile impliquée dans la bataille pour le climat. LA BALEINE . N°182 9 12 2015 12 Écrivons l’Histoire : un message géant dans les rues de Paris Manifester, c’est porter un message. Nos libertés se voient limitées drastiquement par l’état d’urgence. Pourtant plus que jamais il est temps de se lever face à l’état d’urgence climatique, de faire entendre la voix de celles et ceux qui sont affectés par les déréglements climatiques. Ne renonçons pas à nous manifester, relevons ce défi inédit pour le climat ! « Climate Justice for Peace », c’est le message géant que des milliers de personnes composeront dans tout Paris et qui sera visible en direct sur une carte interactive. Le long des rues de la capitale, les mêmes que l’on voudrait nous faire déserter, par milliers de petits groupes (ne pouvant être considérés comme des attroupements) nous nous lancerons à la conquête d’emplacements prédéfinis pour composer physiquement ce message à grande échelle. Le concept est simple : • Rejoindre sa position et se géolocaliser. • Porter un message, se prendre en photo. • Partager pour envahir les réseaux sociaux. • Suivre en direct la construction du message en ligne. Exprimons avec créativité toutes nos revendications et nos aspirations. Face aux crises globales, nous pouvons fermer les yeux sur les inégalités qui se creusent, construire des barrières plus hautes pour nous protéger, ou construire un monde plus juste, plus solidaire, et en paix. Au croisement entre la mobilisation de masse et la mobilisation digitale, à la fois légale, subversive et à fort impact médiatique, cette action sera une expérience collective hors du commun pour renforcer le mouvement pour la justice climatique. 03 2015 12 Remettons les Prix Pinocchio du Climat. L’édition spéciale « climat » des Prix Pinocchio cible les entreprises dont les activités ont un impact direct sur le climat et les communautés à travers le monde, et celles dont l’influence, à travers le lobbying et le greenwashing affaiblit et détruit les politiques climatiques et sape les actions pour un monde plus juste et solidaire. Pour ne pas laisser les lobbies et autres faiseurs de « fausses solutions » nous imposer leur vision d’avenir, nous leur remettrons le prix des plus gros « menteurs » lors d’une cérémonie pleine d’humour, de musique et d’invités spéciaux. 10 LA BALEINE . N°182 LA FORCE DE LA NON-VIOLENCE RÉQUISITION CITOYENNE DE CHAISES À HSBC PAR LES JEUNES AT Nombreux-ses sont celles et ceux qui croient que la force armée est le seul moyen pour résoudre des conflits ou que répondre à l’oppression et à l’injustice par la violence est la plus efficace des méthodes pour faire changer les choses. Il y a eu Gandhi et Martin Luther King, bien sûr, mais il ne s’agirait là que de belles histoires à raconter aux enfants. La violence serait-elle efficace là où la non-violence serait juste un moyen de se donner bonne conscience ? Écartons l’argument moral et concentrons-nous simplement sur l’argument de l’efficacité : pour répondre à cette question, Erica Chenoweth et Maria J. Stephan ont étudié plus de 300 conflits documentés entre 1900 et 2006 et analysé les stratégies utilisées et leur efficacité. La conclusion est que les campagnes de résistance non-violente sont presque deux fois plus susceptibles de réussir totalement ou en partie que la résistance violente ! Et la démonstration est encore plus forte lorsque l’on considère le long terme : les pays qui sont sortis d’un conflit par une résistance non-violente ont plus de 40 % de chances de rester des démocra- ties cinq ans après la fin du conflit alors que ce chiffre chute à 5 % si le changement a eu lieu avec des méthodes violentes. Mais il ne suffit pas de descendre dans la rue par millions pour faire chuter une dictature ou convaincre nos gouvernements d’agir. Nous pouvons avoir les meilleurs arguments du monde, avoir la morale de notre côté et de nombreux alliés, tout cela peut être insuffisant sans une stratégie claire et efficace. Les luttes non-violentes sont des luttes asymétriques : leur réussite passe par une analyse fine du rapport des forces en présence et par notre capacité à nous concentrer sur les faiblesses de notre adversaire. Combattre un pouvoir militaire plus fort que nous par les armes est tout aussi vain que de vouloir combattre le pouvoir des multinationales par l’argent. Ce qui fait notre force, c’est notre imagination, notre capacité à créer de l’adhésion autour de nos actions et à mettre en scène l’absurde et l’anormalité des situations que nous dénonçons. Ce qui forge nos victoires, c’est notre capacité à décomposer une stratégie globale en une succes- sion de victoires d’étapes atteignables qui nous permettent d’accumuler des forces. Prenons un exemple : il y a un an, après une bataille sur le méga-projet minier Alpha Coal en Australie, la Société Générale a annoncé son retrait. Depuis, le mouvement s’est amplifié : cette banque s’est engagée à ne financer aucun autre projet minier dans le Bassin de Gallilée puis a annoncé qu’elle renonçait à soutenir le secteur du charbon. Nous avons ensuite reporté nos moyens sur les autres banques et c’est aujourd’hui BNP Paribas qui s’est aligné. Ce qui était impensable, il y a encore un an, devient progressivement une réalité grâce à une stratégie efficace. Envie de passer à l’action ? En 2016, les Amis de la Terre souhaitent renforcer l’accès aux formations à la stratégie et à l’action directe non-violente dans le cadre d’un nouveau programme « Alternativez-vous ». Pour en savoir plus contacter Gabriel Mazzolini [email protected] Sylvain Angerand [email protected] LA BALEINE . N°182 11 CONTACTEZ PIERRE SAGOT [email protected] pour nous faire part de vos avis et envies pour les prochaines Baleines Retrouvez nos derniers communiqués de presse et téléchargez nos publications sur www.amisdelaterre.org/Nos-communiques-de-presse.html LE MOT DU RESEAU INTERNATIONAL Agir de façon juste et ambitieuse pour stabiliser le climat est sans doute la meilleure manière d’agir pour la paix. Nous sommes debouts en solidarité avec les Parisien(ne)s et nous demandons une action urgente contre les changements climatiques pour construire des sociétés soutenables, pacifiques et justes. En mon nom, et en celui de notre fédération des Amis de la Terre International, je voudrais exprimer mes condoléances les plus sincères aux familles et aux ami(e)s des victimes tout en ayant une pensée de solidarité vers toutes les personnes affectées par la violence et le terrorisme. Malheureusement, ces attaques ne sont pas isolées. Il y a trop d’endroits dans le monde où les conflits meurtriers sont devenus le quotidien pour nombre de personnes. pauvreté, de famines, à une érosion de la biodiversité, à une baisse de la productivité des terres cultivées et, en bout de chaîne, à plus de violence et de guerres. Nous militons pour la paix et la justice, pour un monde plus soutenable pour les générations futures et l’environnement ; un monde dans lequel les gens peuvent vivre dignement, s’exprimer librement, un monde plus attentif à la détresse des refugiés et à l’accueil des étrangers. Pour que ce rêve devienne réalité, nous ne devons pas céder à la peur mais au contraire agir contre la violence, la militarisation et l’islamophobie. Nous voulons dire à toutes celles et ceux qui ont prévu de venir à Paris le 11 et 12 décembre de ne pas changer leurs plans. Nous avons imaginé une solution pour maintenir notre mobilisation, tout en respectant les nouvelles consignes de sécurité. Plus que jamais, nous ne voulons pas laisser le mot de la fin aux décideurs politiques et aux pollueurs, mais démontrer la force des citoyens. Depuis les attaques à Paris, le gouvernement français a contraint les libertés, annoncé l’Etat d’urgence et annulé les mobilisations prévues pour la justice climatique. Mais la voix des citoyens ne sera pas étouffée. Nous sommes déterminés à faire en sorte que celles et ceux qui réclament la justice climatique soient entendus de façon claire et forte. Le nouvel accord politique qui sera adopté à Paris sera sûrement insuffisant pour stabiliser le climat. Il pourrait conduire à plus de À Paris et partout dans le monde, nous sommes debouts et solidaires, nous réclamons la justice climatique et nous n’abandonnerons pas tant que que nous n’aurons pas gagné ! Jagoda Munic Présidente des Amis de la Terre International