6 THÉÂTRE MARS 2016 / N°241
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errasse MARS 2016 / N°241 THÉÂTRE 7
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© Jean-Louis Fernandez
CRITIQUE
RÉGION / THéÂTRe ViDY-lAuSAnne / THéÂTRe nATionAl De STRASBouRG
D’ANTON TCHEKHOV / TRADucTion eT ADApTATion OLIVIER CADIOT eT THOMAS OSTERMEIER
MeS THOMAS OSTERMEIER
LA MOUETTE
Grand bâtisseur de théâtre au présent, Thomas Ostermeier s’empare de
La Mouette en pliant la pièce d’Anton Tchekhov aux références de notre
monde contemporain. Un spectacle qui vaut davantage pour l’éclat brut
de certaines de ses parties, que pour la ligne d’ensemble qui s’en dégage.
C’est une drôle de
Mouette
que Thomas Oster-
meier a créée le 26 février dernier au Théâtre
de Vidy, à Lausanne, en prologue avancé du
Festival
Programme Commun
. Une
Mouette
qui effectue une envolée aventureuse depuis
la pièce écrite par Tchekhov en 1895 jusqu’à
l’actualité de notre extrême contemporain.
Chantre d’un théâtre qui s’invente au moment
même où il se crée, qui se nourrit de la matière
ardente de son époque et de l’authenticité de
l’instant dans lequel il surgit, le directeur de
la Schaubühne de Berlin a reformé la troupe
avec laquelle il avait mis en scène, il y a trois
ans,
Les Revenants
de Henrik Ibsen. Valérie
Dréville (Arkadina), Jean-Pierre Gos (Sorine),
François Loriquet (Trigorine), Mélodie Richard
(Nina), Matthieu Sampeur (Treplev) – rejoints
par Bénédicte Cerutti (Macha), Cédric Eec-
khout (Medvedenko) et Sébastien Pouderoux
(Dorn) – se retrouvent donc pour donner corps,
force et évidence à cette comédie tragique sur
l’amour et le théâtre.
CORPS, FORCE ET ÉVIDENCE
Du corps, et même à bien des égards de la force,
cette mise en scène à la scénographie sobre
et pure (une boîte grise, une estrade en bois
débordant sur la salle) n’en manque pas. Les
magnifiques face-à-face de Matthieu Sampeur
et Mélodie Richard, les accents de fragilité trou-
blante de Bénédicte Cerutti, sont parmi les plus
belles choses qui jaillissent de la représenta-
tion. C’est plutôt une forme d’évidence théâtrale
qui fait, par moments, défaut à ce spectacle
Cartoucherie - Paris 12e
01 43 28 36 36
www.la-tempete.fr
de Molière
mise en scène
Anne Coutureau
Dom Juan, « seigneur et
méchant homme », déait
l’ordre social, religieux,
familial… Quel serait
aujourd’hui son prol ?
du 17 mars
au 17 avril 2016
Photo et installation PASCAL COLRAT assisté de Mélina Faget
8 > 26 mars 2016
Tél. 01 43 74 99 6 1
theatredelaquarium.co m
SACRÉ, SUCRÉ, SALÉ
GARDE BARRIÈRE ET GARDE FOUS
d’après deux interviews de femmes
mise en scène Jean-Louis Benoit ///////
Stéphanie Schwartzbrod
et Nicolas Struve ///////////
PAROLES DE FEMMES #2
de John Ford
mise en scène
Frédéric Jessua
«Annabella, c’est l’absolu
de la révolte, l’amour sans
répit et exemplaire qui
nous fait haleter d’angoisse
à l’idée que rien ne puisse
jamais l’arrêter. »
du 18 mars
au 17 avril 2016
Cartoucherie - Paris 12e
01 43 28 36 36
www.la-tempete.fr
© Martin Colombet
CRITIQUE
le MonFoRT THéÂTRe / FeSTiVAl (DeS)illuSionS
De lA COMPAGNIE THÉÂTRE DÉPLIÉ / MeS ADRIEN BÉAL
LE PAS DE BÊME
Né d’un processus d’écriture collective « au plateau » de la Compagnie
Théâtre Déplié, Le Pas de Bême nous plonge dans une stimulante mise
en jeu des notions d’objection et de complexité.
« Le théâtre est pour moi beaucoup plus le lieu
de l’apprentissage et de l’expérience que celui
de l’expression »
, nous confiait il y a quelques
mois le metteur en scène Adrien Béal*. C’est
exactement ce qui ressort du
Pas de Bême
,
proposition élaborée à partir d’improvisations
que présentent, aujourd’hui, au Monfort, les
comédiens Olivier Constant, Charlotte Corman
et Étienne Parc. Bême, de son prénom Julien,
c’est
L’Objecteur
qui se situe au centre du
de déflagration qu’il engendre dans l’entourage
de l’adolescent (parents, élèves, corps ensei-
gnant…), que travaillent à mettre en perspec-
tive les talentueux interprètes du
Pas de Bême
.
UN THÉÂTRE QUI SE FABRIQUE
DANS « L’ICI ET MAINTENANT »
Faisant des aller-retours permanents entre les
rangs des spectateurs et l’espace central déli-
mité par un dispositif scénographique quadri-
frontal, Olivier Constant, Charlotte Corman et
Étienne Parc s’élancent avec adresse et authen-
ticité dans une suite de tranches de vie quoti-
diennes. Tout se passe comme si ce spectacle
profondément vivant créait, à travers les innom-
brables inflexions que les comédiens confèrent
à la représentation, une forme inédite et non
reproductible de théâtre. En nous plaçant de
la sorte aux premières loges d’un monde qui ne
parvient pas à délier l’opacité d’un état de fait,
Le Pas de Bême
se propose avant tout comme
une expérience de la complexité. Une expérience
joyeuse et sans enflure qui, loin de chercher à
épuiser son sujet de manière explicative, s’ap-
plique à en dessiner les contours pour laisser
deviner, en creux, ses différentes lignes de fuite.
Manuel Piolat Soleymat
* Interview dans
La Terrasse
n° 236, octobre 2015.
Le Monfort Théâtre, parc Georges-Brassens,
106 rue Brancion, 75015 Paris. La Cabane.
Les 10 et 11 mars 2016 à 21h, les 12 et 13 mars
à 17h, les 31 mars et 1er avril à 19h, les 2 et
3 avril à 15h. Durée de la représentation : 1h.
Tél. 01 56 08 33 88. www.lemonfort.fr
Spectacle vu le 10 février 2016 à Montmeyran,
dans le cadre du programme
La Comédie
itinérante
de la Comédie de Valence.
Également du 1er au 4 mars 2016 au Tandem
Arras-Douai, les 8 et 9 mars au Théâtre 95, le
25 mars au Théâtre du Garde-Chasse aux Lilas.
Réagissez sur www.journal-laterrasse.fr
Le Pas de Bême, par la Compagnie Théâtre Déplié.
roman publié par Michel Vinaver en 1951. Un
jeune militaire qui, un jour comme un autre,
sans préméditer son geste, et sans le relier à
une quelconque décision idéologique, sort du
rang et pose son arme à terre. Il répond ainsi à
une sorte d’incapacité organique à continuer
de vivre comme il le faisait jusqu’alors. Mais
Bême, c’est aussi l’adolescent apparemment
sans problème qui, dans la création de la
Compagnie Théâtre Déplié, se met du jour au
lendemain, dans un mouvement semblable à
celui de son précurseur vinavérien, à rendre
copie blanche à chacune des interrogations
écrites organisées par ses professeurs. Ce
sont les fondements hautement mystérieux
de ce blocage, ainsi que les différents points
© Elizabeth Carrechio
CRITIQUE
THéÂTRe De lA colline / TOURNÉE
De TENNESSEE WILLIAMS / MeS DANIEL JEANNETEAU
LA MÉNAGERIE DE VERRE
Daniel Jeanneteau met en scène une très belle Ménagerie de verre, où se
croisent beauté scénographique, intelligence scénique et excellence du jeu.
La Ménagerie de verre mise en scène par Daniel
Jeanneteau. Une très belle réussite.
En 2011, Daniel Jeanneteau a découvert Ten-
nessee Williams et sa
Ménagerie de verre
au
Japon, mettant en scène ce texte à l’invitation
de Satoshi Miyagi. Il rapatrie cette année le
spectacle dans une distribution française de
haute volée. Ainsi, à voir Dominique Reymond
incarner une mère à l’affection tyrannique et
à la folie aussi enfantine que perverse ; à voir
Olivier Werner en fils aîné tantôt défait, tantôt
résistant, sur le point de s’échapper de l’étouf-
foir familial ; à voir Solène Arbel en jeune fille
fragile comme les animaux de verre qu’elle col-
lectionne, au bord de l’absence au monde ; à
voir enfin Pierric Plathier en Jim O’Connor, l’in-
vité d’un soir, aussi conventionnel que son nom
l’indique, capable de basculer dans la magie
d’une rencontre hors-normes avant de se
reprendre, on se dit que les partitions écrites
par Tennessee Williams font le régal de ces
acteurs, mais aussi que Daniel Jeanneteau a
su admirablement bien les diriger. Lentement,
loin les uns des autres, se déplaçant sans se
toucher, presque sans se voir, comme en sus-
pension sur un sol duveteux, ils dansent les
mouvements qui traversent leurs corps, pèsent
leurs mots, et confèrent au texte de Tennessee
Williams une extraordinaire épaisseur.
UNE GRANDE RÉUSSITE
Ce texte, c’est la première pièce du célèbre
auteur américain, celle qui le révéla et qu’il
conçut d’abord comme un scénario. A Saint-
Louis, la maison des Wingfield est hantée par
l’absence du père, étouffée par une mère fan-
tasque qui radote ses rêves de jeune fille et sur-
protège
« petite soeur »
, jeune fille infirme, on
ne sait pas très bien de quoi. Entre elles, Tom,
le grand frère, travaille dans une fabrique de
chaussures mais rêve d’écriture, d’aventure,
de marine marchande et de cinéma. C’est son
amour pour sa sœur qui le retient à la maison.
Le substrat autobiographique est fort dans ce
récit, les liens nombreux avec la vie de Ten-
nessee Williams, mais, pour autant,
La Ména-
gerie de verre
s’éloigne du réalisme auquel on
associe souvent l’auteur d’
Un tramway nommé
désir
. Le jeu, les effets de son et de lumière
et la scénographie très simple et très belle –
un plateau carré entouré de rideaux blancs
translucides, une lampe en ombelle qui flotte
comme une méduse – maintiennent l’action
dans une forme d’irréalité. Les événements ne
se déroulent jamais comme on les attend, les
personnages sont mouvants, surprenants. Et
terriblement humains. Une grande réussite.
Éric Demey
Théâtre de la Colline, 15 rue Malte-Brun, 75020
Paris. Du 31 mars au 28 avril, du mercredi au
samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche
à 15h30. Et aussi du 3 au 5 mars au CDN de
Besançon, du 8 au 12 au TNB à Rennes, le 19 à
la Scène Watteau à Nogent/Marne, les 22 et 23 à
l’Espace des Arts à Châlon-sur-Saône. Puis du 11
au 13 mai à la Maison de la Culture de Bourges,
les 18 et 19 au Quartz à Brest et du 24 au 27 à la
Comédie de Reims. Tél. 01 44 62 52 00. Durée : 2h.
Spectacle vu à la Maison de la Culture d’Amiens.
Réagissez sur www.journal-laterrasse.fr
Thomas Ostermeier met en scène La Mouette avec une troupe de comédiens francophones.
agrégeant des inserts issus d’improvisations
au texte de Tchekhov (traduit par Olivier Cadiot).
Car la façon volontariste à travers laquelle
Thomas Ostermeier s’attache à inscrire
La
Mouette
dans l’aujourd’hui temporel (à travers
des adresses au public sur la guerre en Syrie,
sur les tics d’un certain théâtre post-drama-
tique…) contribue, paradoxalement, à nous
mettre à distance des enjeux et de l’avancée de
la pièce. Entre imprécisions et fulgurances, la
nouvelle création de Thomas Ostermeier laisse
une impression de déséquilibre. Comme si le
metteur en scène allemand n’avait pas, pour
une fois, réussi à engendrer un présent théâtral
suffisamment abouti pour faire disparaître les
procédés qui le composent.
Manuel Piolat Soleymat
Théâtre Vidy-Lausanne, av. E.-H. Jaques-Dalcroze,
1007 Lausanne. Du 26 février au 13 mars.
Dans le cadre du Festival Programme Commun.
Tél.+41(0)21 619 45 45.
Théâtre national de Strasbourg, 1 av. de la
Marseillaise, 67000 Strasbourg. Du 31 mars
au 9 avril 2016. Tél. 03 88 24 88 24.
Durée de la représentation : 2h30.
Spectacle vu le 26 février 2016 au Théâtre
Vidy-Lausanne.
Également les 17 et 18 mars 2016 au Théâtre
de Cornouaille, du 23 au 25 mars au Théâtre
de Caen, du 27 au 29 avril au TAP à Poitiers,
du 11 au 13 mai à La Filature à Mulhouse, du
20 mai au 25 juin à l’Odéon, Théâtre de l’Europe.
Réagissez sur www.journal-laterrasse.fr