Rationalisme critique et Ethique de la discussion : Autour de la

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A - "Rationalisme critique et Ethique de la discussion : Autour de la question de la fondation ultime de la r
Extrait du Université Paris-Sorbonne
http://www.paris-sorbonne.fr/article/m-ibula-bwangila-rationalisme
M. Ibula BWANGILA "Rationalisme critique et
Ethique de la discussion :
Autour de la question de la
fondation ultime de la raison et
Date de mise en ligne : mardi 13 février 2007
Date de parution : 16 mars 2007
de la morale"
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A - "Rationalisme critique et Ethique de la discussion : Autour de la question de la fondation ultime de la r
Vendredi 16 mars 2007
14 heures 30
Maison de la Recherche, Salle D223, 2ème étage
28, rue Serpente 75006 Paris
M. Ibula BWANGILA soutient sa thèse de Doctorat :
"Rationalisme critique et Ethique de la discussion : Autour de la question de la fondation ultime de la raison et de
la morale"
En présence du Jury :
M. BESNIER ( PARIS 4)
M. CHAUVIER (PARIS 4)
M. FERRY (BRUXELLES)
M. RENAUT (PARIS 4)
Résumés :
Cette étude reprend à nouveaux frais la question de la fondation ultime de la raison et de la morale. Elle examine les
arguments des rationalistes critiques (Popper, Bartley, Albert) et des partisans de l'éthique de la discussion (Apel,
Habermas). Les poppériens défendent une position antifondationnaliste. Ils substituent en effet le principe de la
critique permanente au principe classique de la fondation. En revanche, Apel défend une position fondationnaliste
forte au sein de la pragmatique transcendantale ; cette dernière admet l'a priori de la communauté idéale de
communication comme fondement ultime de toute argumentation rationnelle. La mise en oeuvre de cet a priori évite
au principe criticiste le danger de tomber dans une auto-contradiction performative ou pragmatique. Habermas
occupe une place étonnante dans ce débat. Il admet l'a priori de la communauté idéale de communication comme
fondement d'une pragmatique formelle ou universelle, mais il juge inutile d'en faire une fondation ultime de la raison
et de la morale. Sa position est aujourd'hui plus proche de celle des poppériens. Entre l'affirmation maximaliste et
dogmatique d'une fondation ultime (Apel) et le rejet, plutôt sceptique et minimaliste (Popper, Bartley, Albert,
Habermas), cette étude tente de frayer une voie médiane entre ces deux dernières positions. Cette voie s'inscrit
dans le mode kantien de fondation faible. Il s'agit donc d'envisager une fondation qui assume de manière
conséquente le principe faillibiliste.
This study attempts a critical reappraisal of the issue of the ultimate foundation of reason and morals. Arguments
from critical rationalists (Popper, Bartley, Albert) and from the proponent of the discourse ethics (Apel, Habermas)
are examined. Popperians defend an anti-foundationalist position. On the other hand, Apel holds a strong
foundationalist position within the framework of transcendental pragmatics ; the latter builds an a priori ideal
community of communication as the ultimate foundation of every rational argumentation. The use of this a priori
shelters the criticist principle from the danger of falling into a performative or pragmatic self-contradiction. The
position held by Habermas in this debate is peculiar. Although he postulates an a priori ideal community of
communication as foundation of a formal or universal pragmatics, he thinks unnecessary to set it in the position of
the ultimate foundation of reason and morals. His current position is closer to that of the Popperians. Between a
maximalist and dogmatic affirmation of an ultimate foundation and, the rather skeptical and minimalist rejection of it
(Popper, Bartley, Albert, Habermas), this study attempts to find a third way. Such a median position follows into the
Kantian scheme of a 'weak' foundation. And so a quest for a foundation would consistently integrate the faillibilist
principle.
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Position de thèse :
La problématique de ma thèse concerne cinq philosophes : Karl R. Popper (1902- 1994), Hans Albert (1921- ),
William W. Bartley III (1934-1990), Karl-Otto Apel (1922- ) et Jürgen Habermas (1929- ). Les trois premiers
représentent le rationalisme critique et les deux derniers sont les principaux artisans de l'éthique de la discussion. Je
n'ai pas étudié ces deux dernières écoles philosophiques en elles-mêmes - dans une forme d'étude comparative par
exemple - ; j'ai surtout analysé les arguments de ces philosophes au sujet de la question de la fondation ultime de
la raison et de la morale. J'ai donc tenté une reprise à nouveaux frais de l'antique problème de la justification des
présuppositions du savoir en général et de leur validité dans la connaissance rationnelle et dans l'action morale.
D'une certaine manière, Jean-Marc Ferry, Alain Renaut et Sylvie Mesure ont déjà étudié cette problématique. Mon
apport a consisté à l'élargir et à étudier attentivement les positions de H. Albert et de W. W. Bartley concernant leur
rejet radical de la justification ultime du rationalisme. À mon sens, le débat concernant la fondation de la raison et la
philosophie transcendantale est aujourd'hui à situer davantage entre K.-O. Apel et H. Albert. Au sujet de la question
de la fondation ultime, Habermas défend une position proche de Popper. Entre le dogmatisme « fort » de Apel et le
scepticisme « dynamique » des faillibilistes, je suggère une voie médiane ; cette voie serait un mode de fondation
faible qui s'inspire de la philosophie critique de Kant. En effet, Kant affirme que la liberté, qui se définit comme
autonomie de la volonté, constitue le principe de la fondation ultime de l'éthique. En outre, ce principe permet de
comprendre comment l'impératif catégorique, qui est en fait synonyme d'objectivité pratique, est possible.
Par ailleurs, le rationalisme critique et l'éthique de la discussion se définissent comme des philosophies qui
parachèvent le projet critique d'Emmanuel Kant. Popper a enrichi la philosophie critique de Kant des apports venus
des théories de la relativité d'Einstein et de la physique quantique. Il a totalement abandonné la perspective
transcendantaliste de fondation et il a critiqué tout essentialisme en épistémologie et en philosophie. Au demeurant,
Popper reconnaît qu'il existe des a priori de la connaissance, mais ils ne sont pas a priori valides comme chez Kant.
Ils demeurent toujours exposés à la critique. En effet, Popper défend une position antifondationnaliste : il n'y a pas
de fondement ultime du rationalisme, il y a une décision morale fondamentale qui justifie le choix de la raison.
L'engagement pour la raison reste donc un choix libre qu'aucune argumentation ne saurait fonder absolument.
A l'intérieur du rationalisme critique, W. W. Bartley a jugé que la position de Popper admettait encore une forme
d'irrationnalisme inacceptable. Dans The Retreat to Commitment (1962 ; 1984), Bartley estime que le rationalisme
critique de Popper se disqualifie doublement. D'une part, il place à sa cime une décision arbitraire et soustraite par
définition à toute réfutation et à toute discussion ; d'autre part, il offre à l'irrationnalisme des chemins de traverse
inespérés parce que cet irrationnalisme n'est ni plus ni moins convoqué au principe même du rationalisme critique.
Pour sortir de ce dilemme, Bartley affirme que le rationalisme critique ne peut être qu'auto-inclusif ; il doit donc
inclure d'emblée sa propre réfutation. Bartley inaugure ainsi ce qu'il nomme panrationalisme critique ou rationalisme
critique illimité (pancritical rationalism or comprehensively critical rationalism) : tout est critiquable ; le principe de
critique devient lui-même injustifiable.
Hans Albert se réclame aussi du rationalisme critique ; il radicalise la position de Bartley et présente, dans le
contexte allemand, le rationalisme critique de Popper comme une alternative sérieuse à la théorie critique de l'École
de Francfort, à l'herméneutique et à la philosophie analytique du langage issue de Wittgenstein, courants qui
prédominaient alors dans les cercles philosophiques allemands. Albert met en place ce qu'il nomme le trilemme de
Münchhausen. Il veut montrer que toute pensée fondationnaliste tombe dans ce trilemme : soit on regresse à l'infini,
soit on s'arrête à un moment de la démonstration et on admet que l'arrêt .En morale, estime Albert, il ne faut pas
chercher de norme fondamentale qui donnerait sens à l'agir éthique des hommes. Il faut seulement soumettre les
systèmes moraux existants à un réexamen critique, de la même manière qu'on vérifie sans cesse les théories
scientifiques par la réalité. Grosso modo, Albert préconise aujourd'hui le réalisme transcendantal (transzendentaler
Realismus). Ce réalisme veut dès lors supplanter la pragmatique transcendantale d'un Apel. de la régression est
purement arbitraire ; soit on reconnaît que l'on est dans un cercle vicieux. Hérité de Popper, de Nelson, de Fries, de
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Schopenhauer, ce trilemme est en réalité une version du « défi d'Agrippa »
Karl-Otto Apel conteste cet antifondationnalisme des rationalistes critiques ; il développe une pragmatique
transcendantale issue d'une philosophie transcendantale transformée grâce au triple tournant de la philosophie
contemporaine : les tournants linguistique (Wilhelm von Humboldt, Ludwig Wittgenstein), pragmatique (Charles S.
Peirce) et herméneutique (Martin Heidegger, Hans Georg Gadamer). En somme, Apel met en oeuvre la
métacritique du rationalisme critique de K. Popper. Il s'en prend surtout à la position exprimée par Popper dans le
vingt-quatrième chapitre de La Société ouverte et ses ennemis (vol. 2). Cette position est la suivante : logiquement,
le fondement du rationalisme repose sur un acte de foi en la raison. Ceci suppose un choix libre qui conduit à une
décision. Pour Apel, une fondation ultime de la raison et de la morale est indispensable pour donner sens au
principe de la « critique permanente » que défendent les poppériens.
Toutefois, cette fondation ultime doit sortir de l'emprise de l'ontologie traditionnelle et de la théorie de la
connaissance classique. Elle doit considérer la pragmatique linguistique comme philosophie première ; elle
transforme ainsi la philosophie transcendantale de type kantien en vue de dépasser le processus logico-déductif
(cher aux mathématiques) et aussi la philosophie de la conscience (ou du sujet), encore présente chez Kant et
Fichte. Désormais, le paradigme de subjectivité doit se substituer à celui d'intersubjectivité qui est au coeur de tout
processus de connaissance (scientifique) et de l'action. Apel introduit ainsi l'a priori de la communauté idéale de
communication comme présupposé incontournable dans toute argumentation rationnelle.
Comme Apel, J. Habermas assume le triple tournant de la philosophie contemporaine ; il met en place le
programme de l'éthique de la discussion ; Habermas comprend les arguments de son ami et collègue de l'université
de Francfort qui recourt à l'argumentation pragmatico-transcendantale, mais il renonce à toute fondation ultime de la
raison qui produirait en même temps, comme un impératif catégorique, la norme morale fondamentale ou le devoir.
Plus proche aujourd'hui de la position de Popper que de celle de Apel, Habermas défend, au sujet de la fondation
ultime, une « reconstruction affaiblie d'une rationalité forte ». Apel se situe encore dans la foulée d'une «
reconstruction forte d'une rationalité forte ». Reconstruction forte ou reconstruction faible ne renvoient pas, ici, à une
évaluation morale, mais au degré d'exigence concernant la nature des justifications apportées à la reconstruction
ou à la fondation (F. Cossutta).
Rationalistes critiques et tenants de l'éthique de la discussion privilégient la discussion argumentée comme base
fondamentale pour légitimer la décision de choisir la raison contre la déraison et de justifier ultimement la raison et la
morale. Les deux écoles philosophiques reconnaissent un rôle important au langage, notamment sa dimension
argumentative dans la connaissance et dans l'action. Cependant, Popper se réfère à la théorie du langage de Karl
Bühler, théorie qu'il transforme d'ailleurs sur plus d'un point ; Apel et Habermas se réfèrent au contraire à la théorie
analytique du langage issue de Wittgenstein, à la théorie des actes du langage d'Austin et de Searle et à la théorie
de l'argumentation de Toulmin. Popper et ses disciples s'inscrivent dans une rationalité de type argumentatif ou
critique tandis que
Habermas ramène la rationalité à sa dimension communicative, argumentative ou dialogique. Certes, Apel a élaboré
une pragmatique transcendantale issue de la théorie des actes du langage, cependant j'estime - après Jean-Marc
Ferry - que la raison apélienne est davantage restée dans le sillage criticiste que communicationnel.
Popper et ses disciples récusent la fondation ultime au nom du faillibilisme conséquent qu'ils défendent. Notre
connaissance est conjecturale, elle n'est pas « absolument » certaine, mais nous cherchons la vérité. C'est une
quête inachevée. Certes, Apel admet ce principe de la faillibilité de notre connaissance, mais il ne l'applique pas
jusqu'au bout. Les poppériens estiment que Apel admet seulement le principe faillibiliste quand il s'agit des
mathématiques et des sciences empiriques ; pour lui, la philosophie constitue apparemment une exception.
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Ma thèse est donc la suivante : tout en comprenant la position de Popper, d'Albert et de Bartley qui remplacent la
fondation par la critique et, tout en objectant avec Habermas que la critique est un procédé qu'on ne peut utiliser
sans présupposition, sans toutefois céder à une version forte du fondationnalisme (Apel), j'estime qu'il est possible
d'envisager, à l'intérieur même du criticisme, une version faible du mode kantien de la fondation. Cette voie a été
mise en oeuvre par des cercles internes du criticisme. Ces derniers se sont basés sur les principes logiques qui
dévoilent la raison d'être des règles non réfutables donnant sens à toute critique rationnelle. Au demeurant, je
n'explore pas délibérément cette voie. Je m'attache davantage à la voie médiane suggérée par Jean-Marc Ferry.
Cette voie a l'avantage de montrer qu'un mode de fondation faible implique de sortir d'abord du modèle
logico-déductif des mathématiques. Il s'agit ensuite de discipliner le principe de la critique de telle sorte que la
critique ne vienne pas simplement se substituer à la fondation au risque de tomber dans les paralogismes que les
criticistes dénoncent chez les fondationnalistes. Il s'agit enfin de s'inscrire dans un paradigme réflexif qui pose le
problème de l'objectivité, non pas à l'intérieur de la subjectivité, mais au coeur de l'intersubjectivité.
Une fondation faible de la raison ne doit plus être purement réflexive ou théorique. Elle ne peut s'identifier, ni à la
fondation spéculative (ou métaphysico-déductive), ni à la fondation transcendantale (ou critico-réflexive) ; elle se
définit comme une fondation critico- pratique. Ainsi, il ne s'agit plus de chercher un premier principe à partir duquel il
faut déduire le fondé. On renonce par ailleurs à une réflexion première sur les conditions de possibilité d'un fait et
notre capacité à assumer ces conditions ou non. Il s'agit dès lors de favoriser un cadre et un horizon à partir
desquels l'on peut expliquer et comprendre la possibilité et l'effectivité de la critique et de la communication. Je
renonce à une fondation ultime forte de la raison, mais je ne néglige pas l'exigence universaliste des
présuppositions et des concepts fondamentaux de la pensée et de l'action.
Ma recherche se divise en trois parties ; chacune contient deux chapitres. Je relève d'abord les sources du
rationalisme critique et de l'éthique de la discussion. Je fais ressortir ensuite les problématiques importantes de
chaque courant philosophique et j'indique les points essentiels sur lesquels l'éthique de la discussion affronte le
rationalisme critique de Popper. J'aborde enfin la question de la fondation ultime de la raison et de la morale en
suggérant une voie médiane entre le « fondationnalisme maximaliste » de Apel et l' « antifondationnalisme
minimaliste » de Habermas et des poppériens.
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