ger conceptuellement l’utilisation d’échelles d’évaluation,
mais la fiabilité de celles couramment utilisées n’apparaît
pas évidente.
Les craintes suscitées par les incivilités, la violence et la
dangerosité obscurcissent encore cette approche évaluative
et constituent une pression constante avec induction de
responsabilité et d’imputabilité secondaires dans une
société qui tend quasi systématiquement à rechercher la
responsabilité à l’origine des faits.
L’injection de soins
L’obligation de soins est prévue depuis longtemps dans
le Code pénal. Mais, depuis la loi Guigou du 17 juin 1998
concernant les auteurs d’infractions sexuelles, une nou-
velle peine alternative a été pratiquement créée, peine ame-
nant l’incarcération du sujet si celui-ci ne se soumet pas à
l’injonction de soins. Elle se manifeste par la question
posée pour les infractions sexuelles : « une injonction de
soins dans le cadre d’un suivi sociojudiciaire apparaît-
elle opportune pour le sujet ? ». Elle comporte des garan-
ties certaines pour la personne concernée avec, par exem-
ple, le rôle du médecin coordonnateur, interface entre
l’autorité judiciaire et le thérapeute de la personne, qui peut
être un psychologue clinicien d’après un récent texte por-
tant traitement des récidives aux infractions pénales de
décembre 2005. Ce même texte prévoit d’ailleurs l’élargis-
sement des mesures d’injonction de soins, dans le cadre
d’un suivi sociojudiciaire, à d’autres catégories de condam-
nés, notamment criminels, auteurs d’actes de torture et de
barbarie...
L’injonction de soins repose sur un avis expertal pou-
vant être fourni dans la phase d’enquête, en pré et post-
sentenciel, à la demande de différentes instances judiciaires
comme le président de tribunal ou de cours d’assises, le
juge d’application des peines... mais s’inscrit aussi dans un
contexte sécuritaire, avec un élargissement secondaire
recherché.
Cette orientation contraignante sous-tend en 2006, dans
l’actualité, le texte portant proposition du projet de préven-
tion de la délinquance, puisque les injonctions de soins
seraient élargies, si le législateur l’autorise, aux violences
familiales, aux conduites addictives. Cette voie, outre son
élargissement et la judiciarisation de la psychiatrie, met les
psychiatres en position difficile, devant ouvrir un espace de
soins sans être eux-mêmes victimes de pressions ou
d’injonctions extérieures. Cette dimension traditionnelle
en milieu hospitalier présente une nouveauté certaine pour
les soins ambulatoires, modifie considérablement la culture
professionnelle fondée sur la recherche du contrat de soins,
la démarche de restauration psychique du patient, l’inter-
subjectivité...
L’accroissement des comparutions immédiates
et du rôle du Parquet
L’équilibre traditionnel entre le Parquet et les magistrats
du siège, dans le cadre des procédures inquisitoires, se
trouve progressivement modifié depuis quelques années
par l’accroissement des comparutions immédiates, mais
aussi par l’extension progressive du « plaider coupable ».
Dans ces différentes démarches, le Parquet voit son rôle
renforcé et, proportionnellement, celui de l’instruction se
réduire. Le déséquilibre entre le Parquet et l’instruction
accroît considérablement les pressions expertales avec la
multiplication des expertises psychiatriques d’urgence,
leur contingentement dans le temps, la lourdeur des ques-
tions types posées, identiques à celles posées au cours de la
phase d’instruction. La loi Guigou pour les auteurs
d’infractions sexuelles a accéléré ce déséquilibre et, de
surcroît, de nombreux auteurs estiment que l’accélération
des procédures, notamment dans le cadre de la comparu-
tion immédiate, induit l’augmentation du nombre de per-
sonnes incarcérées présentant des troubles psychiques.
Très fréquemment aussi, en association avec l’insuffisance,
la dégradation ou l’inadaptation des soins pouvant être
prodigués, en amont du fait médicolégal, à ces personnes.
Spécificités de la psychiatrie
médicolégale
Prévalence de la clinique
Il convient de rappeler que l’expertise associe examen
clinique, constat et interprétation des éléments constatés et
recueillis. Cette démarche d’éclairage s’appuie essentielle-
ment dans le champ psychiatrique sur l’examen clinique, la
démarche diagnostique de l’expert, la notion d’entretien
clinique structuré. Dimension synchronique et dimension
diachronique s’expriment là. On peut regretter le contin-
gentement dans le temps et dans l’espace de ces examens
cliniques, la non-possibilité d’observation approfondie
dans un milieu hospitalier, l’absence aussi d’éléments
d’information d’origines diverses, et notamment d’infor-
mations médicales, le plus souvent pour les personnes
concernées.
L’utilisation d’échelles d’évaluation se fait plus rare-
ment, mais certaines échelles comme l’HCR20, la Stuart,
l’échelle de Hare, bénéficient d’une utilisation limitée, avec
toutefois un décalage notoire entre leurs éléments de pré-
dictivité et les résultats constatés. Les prévisions se véri-
fient rarement, mais il existe aussi, dans la réalisation d’un
acte asocial médicolégal, la conjoncture de facteurs diffé-
rents individuels, environnementaux, circonstanciels, des
éléments de référence sociaux individuels, familiaux, cul-
turels, complexifiant l’évaluation expertale.
Mais l’approfondissement d’une clinique psychiatrique,
de sa dimension structurelle et de la symptomatologie cli-
Violence et psychiatrie : quels experts ? quels rôles ?
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 82, N° 8 - OCTOBRE 2006 659
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