La ciguatera : un état des lieux en France et dans l`Union européenne

La ciguateraest l’intoxicationleàlaconsommationdepoissons
la plus fréquemment rapporedans le monde avec 10000 à50000cas
estimés paran. D’après le Center of DiseaseControl,2à10%descas
sontrappors(Efsa, 2010). La ciguateratoucheprincipalementles
habitants desrégions endémiques: OcéanPacifique, OcéanIndien
et Carbes. Certains cas sontlsàlaconsommationdepoissons
imporsdeces zones.
La ciguatera:ralis
La ciguatera, dontleterme fini par Poey en 1866,existedepuis
desscles (Marcaillou-Le Baut et al. 2001). Le syndrome clinique
associedes sympmesgastro-intestinaux(nausée,vomissements,
douleursabdominales, diarrhées),neurologiquesimpliquant des
troubles de la sensibilité(hyperestsie,parestsie,dysestsie),
musculaires, articulaires, cutanées(prurit,d’oùl’appellation de gratte
dans certaines régions), cardiovasculaires(bradycardie, hypotension),
d’intensitévariableetapparaissanten30minutes à48h selon
la gravitédel’atteinte. Lessympmesgastro-intestinaux disparaissent
néralementenunàquatrejours sans traitementparticulier mais
certainssympmes, principalementneurologiques, peuventperdurer
pendant plusieurssemaines, voire mois.Des cas de ciguaterachez des
femmesenceintes ontmontréque lestoxines passentlabarrière
transplacentaire.Elles passengalementdans le lait.Par ailleurs
dans certains cas,unphénomène de sensibilisationaéobser
avec réapparitiondesymptômesaprès consommationdepoissons
n’entraînantpas d’effets chez d’autres consommateurs. Desdifrences
régionales onnoes dans la clinique et peuventreattribuées
àlapsence de ciguatoxines différentes. Lesdécès sontrares
(Bagnis et al. 1979, Ruff et al. 1994). Aucun antidote n’est disponible;
le traitementrestesymptomatique. L’administrationintraveineuse
de mannitol entrne unerégressiondes sympmess’ilest administré
dans les48h,voire plus,après intoxication(Palafox et al. 1988,Blythe
et al. 1994). La médecine traditionnelleest cependant très utilie,
notammentenPolynésie (Rossi et al. 2012).
L’espècedemicro-algue unicellulaire benthique Gambierdiscustoxicus
identifiée en 1977 comme étantl’agent causal de la ciguatera
(Figure1)et depuis, dixautresespèces oncrites(Yasumoto et
al. 1977,Bagnis et al. 1980,Litaker et al. 2009). Le genre Gambierdiscus
coexiste souventavecd’autresdinoflagellés toxinonesdes genres
Ostreopsis,Prorocentrum,Coolia et Amphidinium,cequi pourrait
contribuer aussiaucocktailtoxinique assocàlaciguatera.En2003,
Gambierdiscus sp.aémis en évidenceenMéditerraesur la te
crétoise et en 2004,enAtlantiquedans lesarchipelsdes Canaries.
La présencedepoissons contenantdes composés ciguatoxines-like
miseevidenceenIsraël (Bentur et al. 2007). En 2011,l’espèce
La ciguatera :
un
état deslieux
en France et dans l’Union
européenne
Virginie Hossen (virginie.hossen@anses.fr)(1),PierreVelge (2), Jean Turquet (3), Mireille Chinain(4),DominiqueLaurent(5),Sophie Krys (1)
(1)UniversitéParis-Est, Anses, Laboratoire de sécuritédes aliments,Laboratoire national de rencepourlecontrôledes biotoxinesmarines,
Maisons-Alfort,France
(2)Directiongénéraledel’alimentation,Bureau desproduitsdelamer et d’eau douce,Paris,France
(3)Agencepourlarecherche et la valorisationmarines, La union, France
(4)Institut Louis Malardé,Laboratoire de recherchesur lesmicro-alguestoxiques, Papeete,Tahiti, France
(5)Institut de recherchepourledéveloppement, Papeete,Tahiti, France
su
La ciguatera estune intoxication alimentaireleàla
consommation de poissons inodés auxmassifscoralliens
ayantaccumulédes ciguatoxines.Lesyndrome clinique
associedes signes digestifs, neurologiques,cutanés, cardio-
vasculaires et respiratoiresd’intensitévariable.
La glementation européenneinterditlamisesur le
marchédepoissons contenantdes ciguatoxines mais ne
précisepas de seuil glementaire. Or,laFrance estundes
pays européens lesplustouchés parcette probmatique
parlasurvenued’intoxications gulièrementrapportées
dans certainsdépartements et gions d’outre-mer.En
PolysieetàLaRéunion,des programmesdesurveillance
onmisenplace depuisplusieurs annéesetpermettent
d’acquérirdes données épidémiologiques tout en rant
au mieuxlerisquelocalement. Jusqu’alorscantonnés aux
gions endémiques dans l’OcéanPacifique, l’OcéanIndien
et lesCaraïbes, descas de ciguatera onmisevidence
depuis2004après consommation de poissons toxiques
pêcsdans leseauxatlantiques subtropicales européennes
(archipelsdeMadèreetdes Canaries), montrantune
extensiondes zonesciguarines, peut-être favorisée
parleréchauffementclimatique. La problématique de la
contamination desproduitsdelapêche parles ciguatoxines
doit dontreprise en compte notammentsur lespoissons
en provenancedeces archipelsappartenant l’Union
européenne, et lesscientifiques doiventsemobiliserpour
faireavancer la connaissancesur le sujet.
Mots clés
Ciguatera, poissons,intoxicationalimentaire, zone tropicale,
surveillance
Abstract
Ciguatera,anupdate in France and theEuropeanUnion
Ciguatera is ahuman poisoning duetothe consumption
of fish usuallylivingincoral reef environment, contaminated
with ciguatoxins. Clinical syndrome is characterized
by gastrointestinal, neurological,cutaneous, cardiovascular
and respiratorydisturbances, of variable intensity.
EU regulation statesthatchecksare to take place to ensure
that fisheryproductscontainingtoxinsincludingciguatoxins
arenot placedonthe market butdoesnot precise any
regulatory limit.
France is oneofthe most concerned European countriesdue
to thefrequent outbreaksreporting in itsoversea territories.
InPolynesiaandLaunion,monitoringprogramsareinplace
since severalyearstocollect epidemiological data andbetter
managethe risk locally.
Ciguatera used to be presentinthe Caribbean,Indo-Pacific
islands, and theIndian Ocean,but since 2004,outbreaks
linked to contaminated fish fished in subtropical Atlantic
European waters (Madeiraand Canariesarchipelagos)have
been reported,suggestinganextensionofciguaterigenic
areaspossiblylinkedtoglobalwarming. Thus,ciguatoxins
contaminated fisheryproductsissue should be taken into
account, particularlyonfishes fromarchipelagoesbelonging
to theEU, and scientists should makeevery efforttoconduct
research on this subject.
Keywords
Ciguatera fish poisoning, tropical area,monitoring
Bulletin épidémiologique, sananimale et alimentationn
o56 3
(1)Guadeloupe, Saint-Martin,Guyane, MartiniqueetRéunion. Mayotteau1
er janvier2014.
(2)Les ores et Madère.
(3)IlesCanaries.
Gambierdiscusexcentricus sp.nov.psente dans lesCanariesaé
décrite pour la premre fois et pourrait être àl’originedes cas de
ciguaterarapportés (Fraga et al. 2011).
Gambierdiscus se fixe sur lesalguesmacrophytes quisontbroutées
par despoissons herbivores. Lestoxines produitess’accumulent
ainsidans leursmuscles et viscères, puis sonttransféréeslelongde
la chaînetrophique despoissons;les carnivores en bout de chaîne
sont lesplussusceptiblesdecontenirdes quantilevées de toxines,
d’autant plus s’ilssontgroses. Lespoissons contaminés ne sont
pasvisuellementdétectables.Plusde425 espèces de poissons on
assoces àdes cas de ciguatera.
Gambierdiscus est capabledeproduire plusieurstoxines, notamment
desgambiertoxines quisontles précurseursdes ciguatoxines (CTXs),
et desmtotoxines. Cesdernières, hydrophiles, sontpeu susceptibles
d’induire uneintoxicationchez l’Homme, carelles ne sontpas
bioaccumuléesetlacomparaison desdoses aies (DL50) parvoie
intra-péritonéaleetperossuggèreune très faible absorption.Les CTXs,
lipophilesetbioaccumulées, agissentenmodifiant la perméabilité
membranaire descanauxsodiquesvoltage-dépendantsetaltèrent
la transmissionneuromusculaire.
Il existe plusieursgroupes de CTXs,classés en fonction desrégions
dans lesquels ilssontpsents:P-CTXs(Pacifique),C-CTXs(Carbes)
et I-CTXs (Oan Indien). Lesstructures desdifrentsanaloguesn’ont
pastouteélucidées. LesCTXssontdes poltherspolycycliques
(Figure2)thermostables;elles ne sontdétruites ni parlacuisson ni par
la congélation despoissons.
Actuellement, le diagnostic descas de ciguateraest fondésur
la clinique et,dans certainscas,sur la tectiondes CTXdans lesrestes
de poissons àl’originedel’intoxication.
La difficulanalytique tientàlamultiplicitédes toxinessusceptibles
de contaminer lespoissons.Ilexisteplusieurs méthodesd’analyse
utilisant différents principes(Krys et al. 2001,Caillaud et al. 2010):
lesméthodes biologiques, en particulierlebioessaisur souris,
quiconsiste àinjecterunextrait de poissons par voie intra-
ritonéalepuisàobserverles sympmeset/ou la mortalitéaprès
24 h. Il permet de détecter unetoxicitéglobalesans nécessiter
l’utilisationdesolutiotalon, maisal’inconvénientd’êtrepeu
sensible et peuspécifique ;
le test de cytotoxicitéfondé sur leseffetsdes toxinessur la viabilité
de lignéesneuronalesneuro2Aenculture;
le test fonctionnelRBA (ReceptorBinding Assay),utilisant la
reconnaissanceentre le ligand-CTX et son cepteur-canal sodium
desmembranesdes cellules nerveusesetmusculaires, exploitant
ainsilavoie neuro-pharmacologiquedes CTXs.Les méthodes
fonctionnelles informentsur l’activibiologiquedes composés;
lestestsimmunologiques, utilisantlareconnaissanceentre lesCTXs
et desanticorpsanti-CTX;
lesanalyseschimiques notammentlaLC-MS/MSqui permettent
d’obtenirleprofiltoxinique.
Hormis le bioessaisur souris, la plupartdeces techniquesrestent
compliqes àmettreeuvre et l’analysechimiquenécessite
en outreunappareillage coûteux. Acejour, aucuneméthoden’est
validée.L’absencedestandardspourlagrandemajoritédes analogues
constitueunfrein pour la miseenplace et la validationdeces tests.
L’Agenceeuropéenne de sécuritédes aliments arendu un avis en 2010;
lesexperts n’ontpuproposerdevaleurtoxicologique de renceen
raison du peudedones expérimentalesepidémiologiques mais
ontnéanmoinsconcluqu’unedosede0,0quivalentP-CTX1/kg
ne devraitpas induire d’effets chez lesindividusles plus sensibles(Efsa,
2010).
Surveillance et glementation
Au sein de l’Unioneuropéenne (UE),seuls la France (1),lePortugal (2)
et l’Espagne(3) possèdentdes régions ultrapériphériques(RUP),sites
en zonestropicales très largementendehorsducontinenteuropéen.
Dans l’UE,cesontessentiellementles habitants desRUP quisont
exposés àlaciguatera.Par ailleurs, trois grands territoiresautonomes,
assocsàlaFrance, la Polysie française, la Nouvelle-Calédonie et
Wallis &Futuna sontdes zonesoùsévit la ciguatera, posant dans
certaines de ceszones de elsproblèmes de santépublique.
L’UE n’apas mis en placeàcejourdeseuil glementaire ni afortiori
fini de méthode(s) analytique(s) applicable(s) pour lesCTXs,
bienque le glement(CE)No854/2004 du 29 avril2004pcise que
«des contlesdoivent être effects[parl’autoritécompétente] pour
veilleràceque […]les produits de la checontenant desbiotoxines,
telles que la ciguateraoud’autrestoxines dangereuses pour la santé
humaine, ne soient pasmis surlemarché».
En l’absencededirectives européennessur lesCTXs, la Franceaprisdes
mesures pour protéger lespopulations desRUP parlebiais d’arrêtés
Figure1. Observationd’une cellulede
Gambierdiscustoxicus
au microscope électronique àbalayage
PhotoDr. MariaA.Faust, DepartmentofBotany, NMNH,
SmithsonianInstitution,WashingtonD.C., USA
Figure2. Structurechimiquedes ciguatoxines
Source:Efsa
4Bulletin épidémiologique, sananimale et alimentationn
o56
préfectoraux. Ceux-ciinterdisentlamisesur le marché de certaines
espèces de poissons endémiquessusceptiblesdecontenir desCTXs
(Figure3).Ces listes sontmises àjourrégulièrement, en particulier quand
unenouvelleespèceest identifiée comme responsabled’une intoxication
alimentaire collective (TIAC) accompagnée de sympmesciguariques.
CesTIACsontsysmatiquementsuivies par lesagentsencharge
de la curitésanitaire desaliments afin de confirmer la présence
de CTXs.Les restes de poissons consommés, s’il yena,sontenvoyés
pour analysepar bioessai sur souris dans l’un desdeuxlaboratoires (4)
agés parleminisre en charge de l’agriculture.
En Guadeloupe depuisdébut2012, 30 intoxications on
rappores (5),occasionnant57malades;l’analyse desneufrestes
de repasayant pu être récusaconfirmélacontamination.
Enfin, ce dispositif seracompen 2013 parlarecherchedes CTXs
parbioessaisur souris sur leslotspsensàl’importation au niveau
desPostesd’inspection frontalier(PIF) (6) en Francemétropolitaine.
Ce plan de surveillance (7) concerne lesespèces de poissons faisant
partied’aumoinsune deslistesd’espèces àrisques desRUP.
Leslotssoumis àplèvementserontchoisis sur unebaseaatoire
en utilisantune grille de tirageausort. Ce dispositif apportera une
curitéalimentaire supplémentaire.
Certains départements et territoires ontmis en placeunsysme
de surveillancelocal;c’est le cas de l’îledeLaRéunion, de Mayotteet
de la Polysie fraaise.
Casdel’île de La union
Dans l’OcéanIndien, la ciguateraaéidentifiée historiquementàl’île
MauriceauXIXesiècle(Halstead et al. 1973). Si la zone d’endémicité
reconnue est bienl’archipel desMascareignes, lesdonnées
épidémiologiques restentfragmentaires.
ÀLaRéunion, le recueil de cesdones s’est fait au traversdequatre
enquêtes coordones par l’AgencepourlaRechercheetlaValorisation
Marinesetcouvrant la périodede1986à2010(Quod et al. 1996,
ve et al. 2011). L’analyspidémiologiquemontrequ’au coursdes
années1986-1999,484 cas de ciguateraont étérecenséset150 cas
sur 2000-2010. La ciguaterareprésente 80 %des cas d’intoxication
alimentaire parles poissons.
Le taux d’incidence (TI) annuelest variableetreste faible
par rapportàd’autresrégions d’endémicitécigua-tériquecomme
la Polysie française. Entre1986et1999,ilest estiméà0,8 cas
pour 10000 habitants,età0,2 entre2000 et 2010.Lacomparaison
desTIentre lesrégions est cependantdifficile.Cette difficulpeut
être dueàune différencedeniveaux de consommationdepoissons.
En 2009,suite àune vague d’intoxications,lasurveillance épidémiologique
réactivée.Ainsi la veille est réalisée parlaCelluledeveille d’alerte
et de gestionsanitaire de l’Agencerégionale de santéoan indien
quiréceptionne lessignalements de TIAC et participeaveclacellule
de l’Institut de veille sanitaire en région océanindienàleurs investigations.
Sur le plan clinique, la symptomatologie typiquementobservée
àLaRéunionregroupedes signesdigestifs(diarrhée), neurologiques
(parestsie,dysestsie,myalgie)puisgénéraux(asthénie siduelle).
Le plus évocateur est l’inversiondelasensationchaud/froid.
La majeure partie desfoyers d’intoxicationest dueàdes poissons pêchés
sur lesbancs de pêcheSoudan, Saha de Maya,deRodriguesoudel’île
Maurice. Seul 10 %des cas sontdus àdes poissons pêchés sur lescôtes
unionnaises.L’originedes poissons responsables resteindéterminée
dans plus de 30 %des foyers.Dans l’OcéanIndien, unetrentained’espèces
étaitreconnueàrisque(Quod et al. 1994). Entre1986et1999,les
famillespisciaires lesplussouvent incriminéessontles Serranidae (53%),
Lethrinidae (12%), Lutjanidae (8 %) et Carangidae (6 %).Les espèces les
plus souventmises en cause étaientleVariolalouti et le Lutjanus bohar.
Uneréglementation locale spécifique existe depuis1966evolue
régulrementenfonction de l’état desconnaissances,delasituation
épidémiologiquelocaleetrégionale.Une révisionmajeure entreprise
en 1999,afindeprendreencompte la situation épidémiologiqu
Madagascaroùdenouvelles formes d’intoxications séresmettant en
cause destoxines d’origineméconnue onobservées(clupéotoxisme,
intoxicationpar certaines sardines et carchatoxisme,par certains
requins) (Champetier et al. 1997). L’arrêtépfectoral intègre ainsi les
espèces de sardines et de requinsles plus souvent mis en cause dans
cesfor-mes d’intoxications.Depuislarévisiondel’arrêtépfectoral
de 1999,une surveillanceaux frontières est réalisée au traversdu
dispositif de contrôle au PIFsur lesespèces importéesdes pays tiers.
Annuellementune trentained’analysesdecontrôleest effectesur les
espèces lesplusàrisques en fonction desorigines.
CasdelaPolynésiefrançaise
La Polysie est l’un desrares étatsduPacifiqueàdisposer d’un
programme de surveillancpidémiologique, mis en placeaudébut
desannéessoixante(Bagnis et al. 1985).
Jusqu’en2006, cette base de donnéetait alimened’une part via la
Directiondelasancharederecueillirlenombredecas pertoriés
mensuellementpar 61 structures sites dans lescinqarchipels et
d’autrepart via l’Institut LouisMalar(ILM), dans le cadred’un
programme de rechercheassociant àchaquepatient déclaunefiche
clinique standardisée.Ces fiches fournissentdes indications sur l’île
de sidence,l’âge du patient, lessympmesdéveloppés, le sitede
pêche, l’espèceetlapartieconsommée et le nombred’intoxications
anrieures.Depuis2007, la base de donnéesest géréepar l’ILM (8).
L’ensembledes dones recueillies afaitl’objet de trois étudessur les
riodes1960-1984 (Bagnis et al. 1985), 1992-2001(Chateau-Degas et
al.2007)et2002-2008 (Chateau-Degas etal.2009). Leur analyseindique
quelaciguatera est unemaladie très fréquenteenPolynésie fraaise.
Bien queladynamique obseredepuis1973soit en faveur d’une
stabilisationdutauxd’incidence(TI)annuelàl’échelledupays, l’analyse
fine desdones le quecetauxpeutvarierconsidérablementd’un
archipel àl’autre (par ex.en2009entre 2et1800cas pour 10 000 hab.
àTahitietRapa, respectivement).Enparticulier, on observeungradient
d’éloignementauniveaudes TI,les archipelsles plus éloignésmontrant
lesTIles plus élevées. Cesvariations s’expliquentprincipalementpar les
différences de régimes alimentairesobseres d’un archipel àl’autre,les
habitants de Tahittant sans contestemoinsdépendantsdelaressource
alimentaire quereprésentent lespoissons, et donc moinsexposés au
risque de ciguatera, queceuxdes archipelloigs. Parailleurs, on
constate queleTIaugmenteavecl’âge et la saison chaude (Chateau-
Degat et al. 2007 ;2009).Une autredonemarquante concerne
l’augmentation préoccupante du nombred’intoxications auxAustrales
depuis2009, archipel pourtant considérécommelemoinsàrisquede
ciguaterajusqu’en1984 (Tableau1).En2010, unevingtained’archipels
affichaientunTIannuelsupérieur à100 cas pour 10 000 habitants,seuil
àpartir duquel la situation sanitaire est considérée comme préoccupante
selonl’OMS (Figure4).Enfin,l’incidenceest sans doute sous-estimée;
plus de la moitié despatientsrecensésdéclare avoir partale repas
(4)Lelaboratoirenationalderéférencepourlecontrôledes biotoxines marines-ANSES,Maisons-Alfort,etl’ARVAM,Réunion.
(5)http://daaf971.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/CP121126_DAAF-ARS_appel-vigilance-CIGUATERA_consolide_cle8743ed.pdf.
(6)LePoste d’inspectionfrontalier(PIF) de l’aéroportdeRoissy fait partiedes dixplusimportantsPIF euroens en termes de nombredelotscontrôlés (environ45%des
contrôlesdes lotspsensàl’importation en France).Les deux autres PIFmajeursenFrancesontcelui du HavreetdupôleMarseille-Fos/Mer.
(7)Conformémentàladirective97/78/CEfixantles principesrelatifsàl’organisationdes contrôlesvétérinairespourles produits en provenancedes pays tiersintroduits
dans la Communauté, ainsi qu’aurèglement (CE) 136/2004 de la Commissiondu22janvier 2004 fixant lesproduresdes contrôlesvétérinaires auxpostes
d’inspectionfrontaliers de la Communautélorsdel’importation desproduitsenprovenancedepaystiers.
(8) www.ilm.pf/Déclaration d’intoxicationpar biotoxines marines.
Bulletin épidémiologique, sananimale et alimentationn
o56 5
Figure3. Annexe de l’arrêté préfectoral de la Guadeloupe(2002/1249du19/08/2002)
6Bulletin épidémiologique, sananimale et alimentationn
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toxiqueavecd’autresconvivesayant veloppédes sympmes
(Chateau-Degas et al. 2009), ce manqued’exhaustivipouvantre
attribuableaupraticien ou au patient (Chateau-Degat et al. 2007).
Sur le plan clinique, la symptomatologie resterelativementstable
avec cependantl’absencedebradycardie et uneapparitionmarquée
de l’hypertensionces dernièresannées. Lessympmesrelevéssont
surtout gastro-intestinaux(diarrhées),neurologiques (parestsie,
inversiondelasensationchaud/froid),sysmiques (douleurs
articulairesetdes membres)etles signescardiaques restentmodés
(Chateau-Degat et al. 2007 ;2009).Enoutre,onnoteque le degréde
ride l’intoxicationest accruchez lespatientsayant consommé
la tête et/oules viscères d’l’importancedemaintenir voire
renforcerlemessage de santépubliquedéconseillant formellementla
consommationdeces partiesconnuespoutredes servoirspfé-
rentielsdetoxines.
En Polysie,plusdecentespèces de poissonssontpotentiellement
contaminéespar desCTXs(Bagnis et al. 1985). Entre2007et2011, les
famillesles plus souventincriminéetaient les Scaridae (16%), Serranidae
(15%), Lutjanidae (8 %), Acanthuridae (7 %) et Carangidae (6 %).
En plus de permettre l’identification quasientempsréeldenouveaux
foyers d’émergenceetorienterainsi le choixdes îles descampagnes
de prévention du risque sontnécessaires, le programme aura
égalementpermis la miseevidenceaux Australesdenouvelles
formes d’intoxicationpar consommationdebénitiers et d’oursins,
vraisemblablementles àlaproliration de cyanobacries marines
benthiquesdontl’activicytotoxiquesur cellules neuro2Aest
de même natureque descomposés CTX-like (Pawlowiez et al. 2013).
Casdes archipelsdeMadère
et desCanaries
Si la ciguateraest connue depuisdenombreusesannéesdans l’Océan
Pacifique, l’OcéanIndienetles Carbes, on note uneextensiondes
zonesciguarinesces dernièresannées auxeauxAtlantiques
subtro-picales, peut être favoriepar le chauffementclimatique.
En effet, depuis2004, plusieurscas de ciguateralsàlaconsommation
de poissons du genre Seriola pêcsdans leseauxdes archipels
de Madèreetdes Canariesont étérappors, alorsqu’elles n’étaientpas
connuescommezones endémiquesjusqu’à présent (Figure5).
Figure5. Distribution mondialedelaciguatera
En gris,zonesderécifs corallienssituées entreles latitudes
35°N et 35°S;enbrun, zonesendémiques de la ciguaterales
Canaries indiquéespar un pointrouge
Source:Perez-Arellano et al.2005. Ciguaterafishpoisoning,
Canary Islands.Emerg. Infect.Dis.11(12): 1981-2
En janvier2004, cinq personnesont étéintoxiqes après consommation
d’unesériole Seriolarivoliana capturée le long descôtes canariennes.
L’analysed’uchantillon de poisson, partest Neuro-2a et LC-MS/MS,
apermis de confirmer la présence de C-CTX-1àune teneur estimée
à1,0 µg/kgetdedeuxanaloguesdestructures nolucidées(Perez
Arellano etal.2005).Enjuillet 2008,onzepersonnes onintoxiqes
après consommationdesériolespêces autour de l’îledeSelvagens
(Madère) et dontl’analyse LC-MS/MSarévélélapsencedeP-CTX1
(Otero et al. 2010). En novembre2008, uneTIACimpliquant vingt-cinq
personnesaérapporeàTenerife,après consommationd’une sériole
acheesur un marclocal. Depuis 2009,une surveillanceaémise
en placedans lelesCanariesaveclacréation du SVEICC.Cedernier
enregistrechaquecas de ciguaterasuspec(poisson àrisqueassociéàla
présencedesympmescliniques)etinclutles informations relativesaux
dateetlieudecapture, origine, poids, taille et lieu de venteoudistribution
du poisson consommé.Laprioritéest doneàlalocalisationdulot afin
de réaliser desanalysesainsi queleretrait du marcpour éviter de
nouveauxcas. Le SVEICC arapporneuf foyers impliquant 68 personnes
entrenovembre2008etmai 2012.Pourtrois foyers, la présencedeCTX
confire(Nunez et al. 2012).
Casdeciguatera liéàla
consommation de poissons importés
Parailleurs, il ne fautpas exclureles casdeciguatera liés à
la consommationdepoissons péchés en zonesendémiques
et responsablesd’intoxicationhorsdeces régions,parce qu’ils yont
ététransportés par lesconsommateursouparce quel’importation
de poissons exotiquesaugmente le risque.
s2001, l’Institut national de veille sanitaire évoquait la possible
intoxicationciguariquemême en l’absencedevoyage, suiteàla
survenued’une TIAC concernant deux jeunes adultesayant manifesté
dessympmevocateursaprès consommationdesushis dans un
restaurantàParis (Vaillant et al. 2001).
Parailleurs, en vrier 2011,deuxTIACont étérappores en région
parisienne.Lepremier foyer impliquait quatre personnesdonttrois ont
Tableau1.Nombre de casd’intoxication pertoriés
en Polysie, pararchipel et paran, et taux d’incidence
correspondant (ennombredecas pour 10 000 habitants)
Année 2007 2008 2009 2010 2011
Nombre de cas/an
Polysiefrançaise 420572 615571 500
Archipel de la Soc63 137140 159206
Archipel desMarquises 57 108916475
Archipel desTuamotu 187208 164162 143
Archipel desGambier7269717941
Archipel desAustrales 41 50 149107 35
Année20072008200920102011
Population estimée
(Polynésie française) 259596*262737 265916 269 107272 283
Taux d’incidence annuel:nombredecas/10000 hab**
Polysiefrançaise 16 22 23 21 18
Archipel de la Soc36679
Archipel desMarquises 66 124103 72 83
Archipel desTuamotu 121133 103101 88
Archipel desGambier539 510518 570 292
Archipel desAustrales 65 78 231164 53
*Source: Institut de la statistiquedePolynésie française (recensement2007)
** Source: Institut Louis Malardé-Directiondelasan
Figure4. Principauxpoints-chauds de la ciguatera observés en
Polysieen2010
Source:Institut LouisMalar
Bulletin épidémiologique, sananimale et alimentationn
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