Il  est  de  tradition  d’observer,  en  stratégie  comme  en  théories  des  organisations, 
probablement  en  raison  du  caractère  appliqué  de  ces  disciplines  (et  des  impacts 
financiers  du  succès),  qu’il  existe  des  engouements,  des  modes.  Une  immense 
effervescence conceptuelle règne. Loin d’être tenues pour acquises, la plupart des 
propositions  théoriques  sont  l’objet  d’intenses critiques  et  de  multiples  exégèses. 
Sans  répits,  de  « nouvelles »  idées  sont  lancées,  commentées,  abandonnées  et 
reprises. Cette partie se propose de sélectionner quelques controverses récentes et 
des  pistes  exploratoires  pour  illustrer  le  bouillonnement  des  recherches  et  des 
débats.  
L’orientation générale des  débats et des recherches  ne  porte pas  uniquement sur 
les  contenus  stratégiques  (première  partie)  ou  sur  la  formation  de  la  stratégie 
(deuxième  partie)  mais  bien  davantage  sur  leurs  interactions.  Comment  les 
processus de formation de la stratégie et les contenus sont interconnectés les uns 
avec les autres ? 
Ainsi,  les  résultats  récents  sur  le  développement  contractuel,  par  exemple,  ne 
peuvent pas être examinés pour eux-mêmes, sans prendre en compte les effets des 
actions  d’au  moins  deux  centres  autonomes  d’orientation  stratégique,  dans  le 
processus.  Les  poids  respectifs  de  l’un  par  rapport  à  l’autre  dans  la  chaîne  de 
valeur, la porosité de leurs frontières, la nature des compétences partagées, l’enjeu 
de  l’alliance  pour  chacun  d’eux,  …  vont  influencer,  à  la  fois,  le succès  du 
développement, mais aussi, comme on l’a montré, l’identité des deux partenaires et  
les  caractéristiques  de  l’environnement  et  par  conséquent,  in  fine,  chaque 
appariement stratégique initial. 
Dans ces situations, les problématiques de contenu et de formation de la stratégie 
sont inextricablement imbriquées. Les modèles d’appariements de chacun des deux 
partenaires sont  mis en cause par la  nature  des  nouveaux liens tissés entre eux. 
Ces  liens  concernent  nécessairement  aussi  les  facteurs  de  formation  de  la 
stratégie, car  ils  modifient  des  structures  de  pouvoirs,  le  rôle  des  entrepreneurs 
moins décideurs que négociateurs, et d’une manière plus générale, leurs croyances 
et leurs intentions stratégiques. Il ne faut pas négliger non plus l’impact d’une telle 
opération sur  la  culture, les représentations concernant l’identité de  l’organisation 
et ses valeurs, et donc la loyauté, l’engagement de chacun des collaborateurs à son 
égard. 
On  retrouve  d’ailleurs  tous  ces  problèmes,  lors  de  la  mise  en  œuvre  des  autres 
options de  croissance : fusion  avec  un  concurrent,  développement  aval ou  amont 
par intégration, diversification, internationalisation, …1. 
Pour intégrer à la fois les aspects contenus stratégiques et formation de la stratégie 
le concept de management stratégique a été proposé, dès la fin des années 1970, 
notamment par Schendel et Hofer (1979). Dans ce cadre, le pilotage de la direction 
générale,  du  top  management,  demeure  central,  même  si  son  contrôle  est 
incomplet, voire parfois ambigu. Nous nous consacrons à l’examen de ses principes, 
de ses limites et surtout à ses approfondissements dans la deuxième section. 
                                            
1 On peut s’interroger, par exemple, sur l’impact de l’opération de fusion projetée entre Suez et GDF sur 
l’engagement  des salariés de  GDF au  regard  respectivement des  fortes réactions négatives (positives) 
des salariés de GDF et de Suez.