Plaidoyer sur l’autonomisation des femmes et les enjeux climatiques Les Présidentes du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes, et des Délégations des Droits des femmes de l’Assemblée nationale et du Sénat, ont pris l’initiative de former un groupe de travail en décembre 2014, réunissant des universitaires, des fonctionnaires du Ministère des Affaires étrangères et de l’équipe de négociation COP 21, des représentants d’associations, de l’Agence française de Développement et de l’OIF. Notre groupe est convenu de la nécessité de se mobiliser pour obtenir que les négociateurs prennent pleinement en compte l’égalité des sexes et la contribution des femmes dans la lutte contre les changements climatiques, lors de la Conférence Paris-Climat 2015. 1 – Contribuer à une dynamique encore insuffisante et confrontée à des résistances : Nous partons de loin. Nous avons constaté que les textes de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et du Protocole de Kyoto, tout comme l’approche des négociations sur la lutte contre les changements climatiques, avaient longtemps conservé une dimension purement inter-étatique, économique et technique, omettant le pilier humain, social, du développement durable (à la différence des instruments sur la Biodiversité et la Désertification adoptés à la même période). Introduite à Marrakech en 2001, la prise en compte des femmes dans les négociations n’a longtemps porté que sur la proportion de femmes élues ou représentées dans les organes de la CCNUCC, et incluses dans les délégations des Etats-parties. Le champ s’est quelque peu élargi en 2010 et 11 avec des mentions éparses de l’approche de genre sous le volet adaptation à titre national. Une étape « politique » a été franchie à la COP 18 de Doha en 2012 avec la décision d’inscrire un point formel genre et climat à l’agenda (examen d’un rapport annuel sur la représentation par sexes) et de tenir un atelier à Varsovie, devenu « journée du genre » ; cette décision mentionne utilement la CEDAW et la Plate-forme d’Action de Pékin. Les avancées sont lentes, mais doivent être reconnues, telle l’adoption à Lima fin 2014 du « programme de travail sur le Genre », qui a débouché sur un premier « atelier » sur le genre et l’atténuation et les transferts de technologie à Bonn début juin, ou l’adoption en mars 2015 du Plan d’action genre du Fonds vert pour le Climat. La mobilisation convergente de certains Etats, du Secrétaire général de l’ONU, d’agences onusiennes et de Mary Robinson, mais aussi des nombreuses associations réunies dans le Groupe Femmes et Genre, y a beaucoup contribué ces dernières années. Mais les forces de résistance sont également bien présentes. 1 Le projet d’accord qui va être négocié jusqu’à la réunion de Paris, compte à ce stade près de 90 pages, avec de nombreuses options par paragraphe, où figurent quelques mentions des Droits humains et de l’égalité des sexes. Nous n’avons aucune certitude sur le maintien de ces mentions dans le processus d’ « élagage » des options amorcé à Bonn, visant à ramener l’accord à une vingtaine de pages. Nous devons appuyer les négociateurs qui promeuvent l’égalité face aux Etats qui voudraient supprimer toute mention de l’égalité des sexes. 2 – Appel aux négociateurs et aux Etats sur la base d’un plaidoyer argumenté Dans ce contexte et en mesurant l’ampleur des enjeux de Paris-Climat 2015, nous souhaitons sensibiliser les décideurs politiques et les négociateurs à l’importance de prendre pleinement en compte la contribution des femmes dans la lutte contre les changements climatiques. Nous voulons appeler chaque Etat-partie à mesurer les retombées positives du renforcement de l’égalité entre les sexes et de la réalisation des droits des femmes, tant dans leurs politiques nationales, que dans les différents volets de l’accord à finaliser en décembre. Constatant que le lien entre l’autonomisation des femmes et les enjeux climatiques ne va pas nécessairement de soi pour tous et toutes, nous avons voulu élaborer un document de plaidoyer. L’objectif est de mettre en exergue la contribution des femmes, en particulier dans les pays en développement les plus affectés par les dérèglements climatiques, en tant qu’actrices du développement durable, créant des solutions ou adoptant des technologies qui participent de l’atténuation, et, quand elles le peuvent, participant à la définition pragmatique de projets d’adaptation, qui se révèlent efficaces. A partir de là, nous souhaitons valoriser les bénéfices de leur autonomisation, qui passe en premier lieu par le droit de choisir le nombre de leurs enfants et l’espacement des naissances, par l’éducation, par l’accès à un emploi, ou à la terre et au crédit, et, bien entendu, la participation aux décisions. La démonstration des synergies positives entre les gains résultant d’une plus grande autonomisation individuelle et la réduction des situations de vulnérabilité au changement climatique, devrait permettre de projeter, en passant du niveau micro au niveau macro, les bénéfices qui peuvent en être attendus par les Etats, en termes de lutte contre le changement climatique. Mettre en valeur les femmes en tant qu’ « actrices » ne signifie en aucun cas occulter la réalité, qui fait des femmes les premières victimes des changements climatiques : 70% des plus pauvres de la planète, 80% des victimes du tsunami en Asie ; alors qu’elles produisent plus de 60% de la production agricole en Afrique, elles n’y détiennent que 5 à 15% des terres1… La répartition des rôles entre les femmes et les hommes n’évolue que lentement dans tous nos pays ; a fortiori dans la plupart des pays en développement, du fait des stéréotypes confortés par les traditions et aussi, trop souvent, par les lois (sur l’héritage en particulier). L’on peut citer l’exemple des femmes qui vont chercher l’eau et le bois de feu à des distances qui ne cessent de s’allonger en conséquence des changements climatiques, parfois amenées à déscolariser leurs filles pour leur venir en aide, renforçant l’engrenage de la pauvreté. 1 FAO 2011, notant de fortes disparités entre pays, et dans l’étendue et la sécurité des droits fonciers des femmes 2 3 -Nous souhaitons solliciter le soutien du Réseau des femmes de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie pour signer et relayer notre appel Nous entamons le processus de sensibilisation qui montera en puissance jusqu’à l’automne, avec l’appui de tous, et sommes reconnaissant.e.s à Mme Chantal Guittet, membre du Comité directeur du Réseau, de bien vouloir vous informer de notre projet, auquel l’OIF est associée depuis le début. Nous voulons promouvoir ce plaidoyer, qui sera consolidé sous la forme d’un appel aux Etats-parties et aux négociateurs à intégrer l’autonomisation des femmes dans les négociations climatiques, comme dans leurs politiques nationales. Nous souhaitons mobiliser le plus grand nombre possible de signataires de tous horizons, et notamment de nos ami.e.s des pays francophones, et souhaitons vous proposer de vous engager fin septembre/début octobre en signant cet appel et en mobilisant vos réseaux respectifs en ce sens. Nous souhaitons pouvoir remettre cet appel à M. Laurent Fabius, Président de la COP 21, pour qu’il puisse le relayer vers l’ensemble des négociateurs, probablement à la mioctobre. Le Ministre français des Affaires étrangères avait affirmé dans une tribune en mars « son engagement à veiller à ce que les femmes soient placées au cœur des stratégies nationales et locales de lutte contre le dérèglement climatique, ainsi qu’au cœur des négociations internationales ». Il ajoutait, et nous pouvons tou.te.s nous y rallier : « la bataille pour le climat est un combat à mener pour et avec les femmes ». Nous espérons qu’un mouvement international de vaste ampleur confortera sa détermination et contribuera à influer sur les négociations de décembre 2015 et naturellement à plus long terme. 3