privatise la religion : en effet, il ne doit pas être demandé de service public aux différents cultes et
inversement les services publics de l’État ne doivent pas porter de marque à caractère religieux.
Or, par le prisme des médias, l'islam nous apparaît comme un retour du religieux qui vient
fragiliser les acquis de cette loi. Dans l'espace public, les crispations communautaires se ressentent
esssentiellement à la cantine où par exemple des plats de substitution sont proposés les jours où
le porc est au menu. Dans son rapport de 2010 intitulé Les défis de l'intégration à l'école, Caroline
Bray déclare : « Avec l’adoption de menus sans porc, des tables séparées se sont créées et des groupes se sont
formés ». Dans la même perspective, Hélios Privat, ancien proviseur du lycée Jean-Baptiste
Carot à Savigny sur Orge (91), a favorisé les regroupement pour faciliter et optimiser le service.
Mais, il avoue que ces distinctions ont alimenté un communautarisme de plus en plus marqué qui
se dresse contre le vivre ensemble. Gilles Kepel affirme à ce propos : “ Apprendre à manger ensemble
à la table de l'école est l'un des modes d'apprentissage de la convivialité future à la table de la république ”. Par
conséquent, les revendications islamiques ne sont pas les seules fautives : les maires ne font pas
suffisamment preuve de fermeté et favorisent ainsi un phénomène de ségrégation. Ce dernier
renforce l'existence d'une zone grise religieuse dans le champs républicain allant à l'encontre de la
laïcité. Ce phénomène atteint son paroxysme à Villeurbanne où le dispositif suivant a été mis en
place sous prétexte d'éviter les stigmatisations : un jeton de couleur que chaque élève doit poser
sur son plateau. Bleu pour un menu standard, vert pour un repas sans viande, jaune pour un plat
sans porc. Claude Mollier responsable de la restauration scolaire déclare : «
Cette solution
pragmatique simplifie le service,
,
et engendre le minimum de distinction entre les
enfants : à aucun moment nous leur demandons la raison de leur choix
». Cette forme
d’identification des élèves par le repas est une reconnaissance implicite des religions, tout à fait contraire à l’esprit
d’intégration de l’école publique et laïque.
Pour ce qui est des hopitaux, le docteur Benbara gynécologue-obstétricienne à l’hôpital Jean
Verdier à Bondy (Seine Saint-Denis) affirme que le challenge consiste à s'adapter sans faire
sauter les digues de la laïcité. En effet, le personnel soignant a fait face à une augmentation des
revendications religieuses à partir des années 2000 : être examiné par un soignant du même sexe,
refus d'enlever le voile dans la salle de travail etc. Pour pallier cela, des affiches sur la laïcité et la
mixité du personnel ont été placardées dans l'hôpital Jean Verdier afin de transmettre le discours
officiel de l'hôpital. Le docteur Chassaigna affirme à ce sujet : “ depuis cet affichage clair, il n’y a
presque plus de problèmes “. Dans la même perspective, le Docteur benbara déclare :
«
Nous faisons signer aux couples en début de grossesse des papiers précisant que nous
ne pouvons pas garantir une prise en charge strictement féminine à l’accouchement et
que nous pratiquons si nécessaire des épisiotomies, des délivrances artificielles, des révi-
sions utérines et des césariennes
,
cela nous sauve, on ne voit pas de mari se cramponner
à une femme qu’on tente d’emmener en urgence au bloc pour une césarienne : on les a
prévenus, s’ils sont là c’est qu’ils ont accepté nos règles
». Ainsi en palliant les limites de la
législation française par la mise en place d'un cadre rigoureusement défini, les hopitaux parvien-
nent à désamorcer les tensions et à préserver les acquis de la laïcité. Les musulmans peuvent
néanmoins objecter que la loi de 1905 est limitée dans la mesure où le calendrier traditionnel n'a
pas été remplacé par le calendrier républicain, et où les principales fêtes catholiques ont été main-
tenues avec les jours fériés. Il subsiste en France un minimum de religion civile.