L`accompagnement de l`étudiant en soins infirmiers, une

SOiNS CADRES DE SANTÉ - n° 66 - mai 2008 51
Dans la formation initiale en soins infirmiers, le “suivi pédagogique basé
sur l’accompagnement” incarne l’un des dix principes pédagogiques du programme
des études. Dans le cadre de la théorie des représentations sociales, une recherche-action
a été menée afin de repérer les modalités d’appréhension de cette relation
d’accompagnement chez les formés (étudiants en soins infirmiers) et les formateurs
(cadres de santé formateurs) La confrontation de ces regards croisés aboutit
à une typologie ternaire des pratiques d’accompagnement au sein d’une formation initiale
professionnelle en alternance L’ensemble préfigure un accompagnement dont la visée
éthique ambitionne la professionnalisation de l’étudiant en soins infirmiers.
Notre intérêt pour la notion
d’accompagnement est issu
de préoccupations profession-
nelles, de questionnements, voire
de remises en question de notre
pratique pédagogique. Dans une
sphère professionnelle (connue
de l’intérieur), qui est la forma-
tion initiale professionnelle des
étudiants en soins infirmiers, nous
avons conduit une recherche-
action sur l’étude des représenta-
tions sociales des cadres de santé
formateurs et des étudiants en
soins infirmiers à propos de l’ac-
compagnement pédagogique.
Poser la notion d’accompagnement
comme un objet de recherche
complexe relève d’une équation
réductrice. Cependant, si nous
rejoignons la pensée d’Edgar
Morin, pour lequel la complexité
n’est pas le sésame du monde
mais le défi à affronter en termes
de «…
non pas ce qui évite ou sup-
prime le défi, mais ce qui aide à le rele-
ver, et parfois même à le surmonter
»1,
NADIA PÉOCH
MOTS CLÉS
Accompagnement
Cadre de santé
formateur
Étudiant en soins
infirmiers
Modélisation
Pédagogie
de l’alternance
Représentations
sociales
nous formulons l’hypothèse que
la complexité de cette notion
tient plus de la diversité de ses
approches, dans des champs plu-
riels, que de son caractère polysé-
mique.
Une réflexion plus avancée sur
la formation initiale en soins infir-
miers par alternance
fait émerger
des dispositifs de formation
accompagnante déjà existants.
Sans hiérarchie aucune, nous lis-
terons ici un ensemble de disposi-
tifs connus et reconnus comme
les stages sur le terrain, le bilan de
stage, le groupe de parole, le
groupe d’analyse de pratique
(GAP), le suivi pédagogique, la
mise en situation professionnelle
(MSP), la recherche en soins infir-
miers (à partir du mémoire inti-
tulé le Travail écrit de fin d’étude,
TEFE), etc. Or si ces dispositifs
existent, rien n’est clairement
écrit sur cette fonction d’accom-
pagnement qui vise, entre autres,
à aider l’apprenant à construire
des liens qu’il ne saurait établir
spontanément seul.
La compréhension de l’objet
social “accompagnement pédago-
gique”
suppose de considérer les
situations de suivi pédagogique,
les procédures, les pratiques pro-
fessionnelles. Notre projet de
recherche est un projet de connais-
sances des phénomènes étudiés. Il
s’inscrit dans une approche
herméneutique. Notre démarche
privilégie les ancrages et les dyna-
miques relationnelles, les effets
d’appartenance, les liens repré-
sentations professionnelles et les
systèmes de valeurs.
Trois axes de compréhension
seront tour à tour considérés :
accompagnement, tutorat, gui-
dance,
de quel accompagnement
parlons-nous? Existe-t-il sous le
foisonnement de ces appellations
des invariants?;
quelles sont les connaissances,
les croyances, les attitud
e
es des
étudiants en soins infir-
recherche
L’accompagnement de l’étudiant
en soins infirmiers, une pratique
entre l’explicite et l’implicite
savoirs et pratiques
PRÉCISION
L’approche
herméneutique
recouvre le champ des
sciences humaines.
Elle vise à donner un
sens aux phénomènes
étudiés en se situant
dans la
compréhension. Le
processus scientifique
mis à l’œuvre cherche
à décrire les
phénomènes puis à les
comprendre.
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SOiNS CADRES DE SANTÉ - n° 66 - mai 200852
miers à l’égard de l’accompa-
gnement dagogique individuel ?
Quelles sont leurs représentations
socioprofessionnelles?;
accompagner l’autre relève-t-il
de l
innéité ?
Est ce qu’il n’existe
pas là, ici et maintenant, un dis-
cours autorisé, normatif de la part
des cadres de santé formateurs?
UNE DIVERSITÉ DE MODES
DACCOMPAGNEMENT
Un éclairage étymologique
per-
met de distinguer une diversité de
modes d’accompagnement.
Laccompagnement.
Cette notion
est parente de l’idée de “compa-
gnon”, du latin
compagnonis
(
cum
– panis
: copain, compagnon,
pain), celui qui partage le pain
(XIIesiècle). Cette étymologie
découle elle-même du gothique
“gahlaiba”, où “ga” signifie “avec”
et “hlaiba” dérivé de “hlaifs” décrit
le pain. Michèle Saint-Jean2pré-
cise que le verbe “accompagner”
est issu de l’ancien français “com-
pain” qui veut dire compagnon
(1165). Celle-ci ajoute que «
ce
verbe signifie à l’époque
“prendre un
compagnon”
puis
“se joindre à
quelqu’un”
notamment pour faire
un déplacement en commun. Il s’agit
là d’une relation de partage, d’é-
change, de communication d’un élé-
ment substantiel, le pain ou pas
».
Compagnon, en ce sens, dit une
relation symétrique, de récipro-
cité et d’égalité : il faut être deux
pour partager le pain, d’égal à
égal.
Le tutorat.
Si l’on se réfère à l’é-
tymologie latine, le tuteur désigne
un défenseur, un protecteur
et/ou un gardien (du latin
tutor –
tutrix
). En horticulture, ce terme
désigne la tige qui soutient la
jeune plante pour accompagner
sa croissance afin qu’elle gran-
disse en évitant qu’elle ne se brise.
Dans sa terminologie juridique,
on parle de la mise sous tutelle
d’une personne incapable
majeure, d’un mineur, d’un
aliéné. Dans ce processus de
tutelle, le tuteur a un rôle protec-
teur (du latin
tutela
dérivé de
tueri
,
protéger). Son accompagnement
a pour fonction de prendre soin,
d’assister, d’aider. Par extension
de sens, en pédagogie, le tuteur
est une personne qui permet à
une autre personne ou à un
groupe d’individus (apprentis,
étudiants, élèves, adultes en for-
mation et en quête de savoir)
d’apprendre à se connaître lui-
même ou eux-mêmes par le biais
de sa (leur) formation.
La guidance.
Dans son sens le
plus dépouillé, le guide est la per-
sonne qui oriente et conseille, qui
montre le chemin. Sans ambi-
guïté, le guide est «
celui qui dirige,
qui protège la marche de quelqu’un
[…]
qui conduit
[…]
qui oriente
».
Guider signifie étymologique-
ment “conduire quelqu’un en lui
montrant le chemin”. L’étymolo-
gie de ce terme peut se rappro-
cher de l’ancien moyen français
“guier” (conduire, guider), mais
également de l’ancien bas fran-
cique “wîtan” (conduire), très voi-
sin de l’anglo-saxon “wisian”
(observer, suivre une direction) et
du terme d’ancien haut allemand
“wîsan” (reprocher quelque chose
à quelqu’un). Autour du terme
“guider”, nous retrouvons une
communauté de sens européen,
qui définit le guide en position de
pouvoir/savoir déplacer et orien-
ter celui qu’il guide afin que le
guidé s’éloigne d’une mauvaise
direction (celle qui lui est repro-
chée) pour en adopter une autre.
Aucun des termes définis ci-dessus
ne fédère un ensemble de pra-
tiques d’accompagnement uni-
fiées. Toutefois, la relation d’ac-
compagnement formé/formateur
n’est pas seulement interperson-
nelle. Elle met en présence des
étudiants qui appartiennent à des
groupes sociaux divers et des cadres
de santé formateurs, membres
d’une profession caractérisée par
un statut spécifique. Le cadre théo-
rique des représentations sociales
occupe une place privilégiée dans
le sens où il peut rendre apparent
le système social dans lequel sont
enracinés les opinions, les atti-
tudes, les comportements et les
relations que les individus entre-
tiennent avec autrui.
Depuis la contribution
princeps
de
Serge Moscovici3, il est entendu
que décrire une représentation
sociale, c’est exposer comment un
objet social peut être pensé par
une communauté. Une représen-
tation sociale est un ensemble
organisé d’informations, d’opi-
nions, d’attitudes et de croyances
à propos d’un objet donné. Socia-
lement produite, elle est sous l’in-
fluence de l’histoire du groupe
qui la véhicule, mais aussi de
normes ou de valeurs correspon-
dant à un système socio-idéolo-
gique. L’actualité récente, dans le
champ de l’éducation et de la for-
mation, de ces démarches d’ac-
compagnement nous sollicite à
juste titre. Dans le “Dictionnaire
de la formation et du développe-
ment personnel”, nous retrouvons
la définition suivante à propos de
l’accompagnement : «
Fonction
qui, dans une équipe pédagogique,
savoirs et pratiques
Comment interroger les pratiques d’accompagnement ?
Comment identifier ce qu’elles provoquent à un double niveau :
celui de l’étudiant en soins infirmiers – accompagné – et celui
du cadre de santé formateur – accompagnateur ?
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SOiNS CADRES DE SANTÉ - n° 66 - mai 2008 53
consiste à suivre un stagiaire et à che-
miner avec lui, durant une période
plus ou moins brève afin d’échanger à
propos de son action, d’y réfléchir
ensemble et de l’évaluer
»4.
Dès lors, comment interroger ces
pratiques d’accompagnement?
Comment identifier ce qu’elles
provoquent à un double niveau :
celui de l’étudiant en soins infir-
miers – accompagné – et celui du
cadre de santé formateur –
accompagnateur?
Représentations sociales et tra-
vail de contextualisation.
Les
représentations sociales sont des
modalités de pensée pratique
orientées vers la communication,
la compréhension et la maîtrise
de l’environnement. Si celles-ci
varient selon les individus, nous
postulons qu’elles se modifient
également chez un même indi-
vidu en fonction des situations,
des paramètres organisationnels
et du contexte dans lequel il tra-
vaille. Pour le champ qui nous
intéresse, l’étude des représenta-
tions sociales est en relation avec
un contexte d’exercice d’activités
professionnelles. Dans un article
commun5, A. Piaser précise que
«
les représentations professionnelles
sont des représentations portant sur des
objets appartenant à un milieu profes-
sionnel spécifique. Elles sont partagées
par les membres de la profession
considérée et constituent un processus
composite grâce auquel les individus
évoluent en situation professionnelle :
opinions, attitudes, prises de position,
savoirs, etc.
».
Outre ses multiples fonctions,
nous avons retenu, des représen-
tations professionnelles, leur fonc-
tion de justification anticipée ou
rétrospective des pratiques. Les
pratiques pédagogiques, comme
l’accompagnement individuel
d’un étudiant, se laissent observer
et peuvent faire l’objet d’analyse.
Au regard de ce que nous venons
de présenter, les objectifs de cette
recherche étaient multiples. Il
s’agissait d’appréhender les uni-
vers représentationnels (significa-
tion et image) de l’accompagne-
ment pédagogique et d’étudier
leurs régulations en fonction du
statut des individus (formés
versus
formateurs).
MÉTHODOLOGIE
Schéma d’étude.
Pour répondre
à nos objectifs de recherche, une
étude multicentrique a été mise
en place. La démarche utilisée
était descriptive et qualitative.
Population étudiée.
Nos investi-
gations se sont portées auprès de :
240 étudiants en soins infirmiers
de deux instituts de formation en
soins infirmiers (Ifsi), dont 189
étudiantes et 51 étudiants. La
moyenne d’âge était de 24,63 ans,
avec un écart type de 6,08 et une
étendue allant de 18 à 46 ans. La
médiane de notre échantillon se
situait à 22 ans. Sur 300 question-
naires distribués, 240 ont pu être
exploités, soit 80 %;
32 cadres de santé formateurs
(27 femmes et 5 hommes)
exerçant dans des Ifsi de trois
régions du grand Sud-Ouest
(Aquitaine, Midi-Pyrénées et Lan-
guedoc-Roussillon). La moyenne
d’âge était de 47,55 ans, avec un
écart type de 4,84 et une étendue
allant de 39 à 56 ans. La médiane
de notre échantillon se situait à 48
ans. Pour cet échantillon, nous
avons mené des entretiens semi-
directifs.
Modalités de recueil et d’ana-
lyse des données recueillies.
Nous avons utilisé un recueil de
données multi-méthodologique
en double approche quantitative
et qualitative : auto-questionnaires
et entretiens semi directifs et pro-
tocole de la “zone muette”.
Les deux recueils de données
étaient composés de variables
illustratives et nominatives (ces
dernières répondent à la ques-
tion : qu’est-ce qui est dit? Quelle
est la teneur du discours ?).
Les variables illustratives
repo-
saient sur l’approche des détermi-
nants socio-culturels (sexe, âge,
catégorie étudiante et/ou socio-
professionnelle) et sur les
variables contextuelles : par
exemple, taille de l’Ifsi, ancien-
neté dans l’activité pédagogique,
formation universitaire suivie…
Les variables nominatives.
Nous
avons analysé le discours de la
population dans les trois champs
que nous avions décidé d’explo-
rer : l’accompagnement (étude
de sa représentation), la relation
formé/formateur (échelle d’atti-
tude de Likert avec une gradua-
tion de modalités ordonnées en
six points) et la pratique d’ac-
compagnement pédagogique
perçue par les étudiants en soins
infirmiers et par les cadres de
santé formateurs (protocole de la
“zone muette”).
Choix des analyses statistiques.
Après avoir observé les règles d’é-
thique d’usage (anonymat des
répondants et liberté de partici-
pation à l’étude), nous avons
procédé à une analyse descriptive
et quantitative.
Nous avons effectué dans un pre-
mier temps des analyses bi-variées
afin d’identifier les caractéris-
tiques associées à la population.
Dans un deuxième temps, les
questions ouvertes ont été ana-
lysées à l’aide du logiciel Alceste©,
dans une approche qualitative.
Cet outil fondamental a pour but
de quantifier un texte afin d’en
extraire les structures signifiantes
les plus fortes.
RÉSULTATS ET DISCUSSION
Même si la modélisation n’est pas
aisée, nous avons inscrit notre dis-
cussion et la présentation des
résultats sous la forme du tétra-
logue (en référence à Edgar
Morin) de l’accompagnement
pédagogique dans son rapport au
temps, à l’espace, à la forme.
Le temps (T).
Dire que
savoirs et pratiques
PRÉCISIONS
Le protocole de la
zone muette est un
protocole de
recherche qui permet
de mettre en évidence,
chez les sujets
interrogés, les
éléments cachés, non-
dits spontanément à
propos de l’objet de
recherche, ici
“l’accompagnement”.
Échelle d’attitude
de Likert : tout ce qui
touche aux opinions,
croyances, attitudes et
comportements des
personnes (malades,
soignants, familles…)
peut être évalué
objectivement à l’aide
d’une échelle. On
demande à un sujet
enquêté de réagir à un
item proposé en
termes de niveaux
d’approbation ou de
désapprobation.
Par exemple :
«L’accompagnement,
c’est un moyen pour
l’étudiant d’éclaircir
des situations
difficiles ». Le sujet
coche parmi ces
quatre modalités :
1 = en désaccord;
2 = légèrement en
désaccord;
3 = légèrement en
accord;
4 = en accord.
Le logiciel Alceste©,
conçu par Max Reinert,
a pour but de
quantifier un texte afin
d’en extraire les
termes significatifs les
plus forts. Il permet de
décrire et de classer le
contenu écrit de
questions ouvertes
dans un questionnaire
ou le contenu oral
d’entretiens. Il aide à
l’analyse de contenu et
à l’analyse thématique
pour mettre à jour les
discours des sujets
interrogés.
…/…
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SOiNS CADRES DE SANTÉ - n° 66 - mai 200854
la démarche d’accompagne-
ment agit sur l’objet en affectant
sa position dans le temps, c’est
énoncer le principe même que le
cadre de santé formateur ne peut
pas intervenir n’importe quand
sur la trajectoire d’apprentissage
de l’étudiant en soins infirmiers.
Ainsi l’accompagnement s’ins-
crira dans la durée des études
conduisant au diplôme d’État
d’infirmier (DEI), avec un début
et une fin.
L’espace (E).
Dire que tout ce
qui détermine l’accompagnement
agit sur l’objet en affectant sa posi-
tion dans l’espace, c’est énoncer
le principe même que la démarche
d’accompagnement ne peut pas
intervenir n’importe où. Cet
accompagnement se réalisera au
sein d’un Ifsi.
La forme (F).
Dire que la
démarche d’accompagnement
agit sur l’objet en affectant sa posi-
tion dans ses formes, c’est énon-
cer le principe même que le cadre
de santé formateur ne peut pas
intervenir pour n’importe quoi et
de n’importe quelle façon au sein
de la formation. Son accompa-
gnement s’inscrira dans le cadre
d’une formation réalisée en alter-
nance, en tenant compte de trois
pôles :
– pôle situation socioprofessionnelle
(stages sur le terrain);
– pôle développement personnel
(apprenant);
– pôle cognitif
(contenus et
méthodes)
(figure 1)
.
Le Mode d’accompagnement
pédagogique transmissif (MAPt)
s’inscrit dans une logique didac-
tique, à orientation normative. Il
intéresse l’apprentissage de l’étu-
diant au regard de la théorie et
pose la question du “comment il
apprend?”. Cet accompagnement
est plus centré sur le processus
former. Le cadre de santé forma-
teur serait un conférencier. Il est
le vecteur de la tradition soi-
gnante. Il sait, il transmet, il
enseigne quelque chose à l’étu-
diant. L’accompagnement est vu
par la population étudiée dans
son inscription pédagogique, à
savoir dans l’existence de normes
et de valeurs que les étudiants en
soins infirmiers doivent acquérir
pour exercer une activité sociale
fortement codifiée (le DEI). Il
répond aux questions : «
Que dois-
je devenir ?
»; «
Quelles sont mes obli-
gations ?
». Le cadre de santé for-
mateur est ici une personne
qualifiée possédant la maîtrise des
savoirs à transmettre et la didac-
tique de transmission de ces
savoirs.
Le Mode d’accompagnement
pédagogique appropriatif (MAPa)
s’inscrit dans une logique sociale
et expérientielle. Il intéresse la
formation professionnelle dans
son articulation entre les terrains
de stage et le développement per-
sonnel de l’étudiant au regard de
son vécu expérientiel. Le cadre de
santé formateur serait un jardi-
nier. Il souhaite favoriser l’auto-
nomie et l’autoévaluation de l’ap-
prenant en l’aidant à cultiver et à
s’approprier sa propre terre. L’ac-
compagnement est vu par la
population étudiée dans son ins-
cription sociale réelle des situa-
tions de soins et dans les rapports
sociaux qui les circonscrivent. Il
répond à la question : «
Compte
tenu de la situation dans laquelle je
suis pris et partie prenante avec
d’autres, qu’est-ce que je peux faire
pour transformer cette situation ?
».
C’est l’étudiant lui-même, qui
s’explique les difficultés rencon-
trées avec l’aide d’une mise en
situation décodée par le cadre de
savoirs et pratiques
Ces quatre pôles en interaction permettent, par le jeu des logiques “tensionnelles”
qu’ils entretiennent, de situer les différents modes d’accompagnement pédagogique.
Issue de l’interprétation des différentes classes de discours des étudiants en soins
infirmiers et des cadres de santé formateurs, cette figure n’est qu’une proposition.
Linteraction de ces pôles, dans leur hétérogénéité et leur complémentarité, constitue
ensemble cette figure tétralogique dans le référentiel temps – espace – forme,
permettant une prise de conscience, ou tout du moins les prémices d’une modélisation
offerte à la critique et à la controverse.
PRÉCISIONS
La notion de
tétralogue : il s’agit
d’une pyramide.
Chaque point de la
pyramide représente
une dimension de
l’accompagnement.
Les relations entre les
quatre points sont
similaires, à la fois
complémentaires et
antagonistes. Dans
une même relation, se
noue et se dénoue
l’ambiguïté du lien.
Cette approche est en
lien avec les travaux
d’Edgard Morin qui
travaille sur la
complexité. Penser
complexe, c’est
prendre en compte la
part inéluctablement
opaque de toute
réalité qui nous
entoure. Dans
l’accompagnement
d’un étudiant, il y a du
flou, de l’invisible, la
relation pédagogique
touchant à la
complexité de la
relation humaine.
La démarche
réflexive est la mise
en récit par l’étudiant
en soins infirmiers
d’une action de soins,
d’une situation
clinique vécue…
Cette mise en mots
favorise la
conscientisation et le
décryptage pas à pas
du vécu. Le va-et-
vient des questions
formulées par le
formateur permet à
l’étudiant d’expliciter
sa pratique dans une
démarche de
réflexion.
FIGURE 1
L’accompagnement dans son approche Temps-Espace-Forme
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santé formateur. Ce dernier est ici
un jardinier qui souhaite favoriser
l’autoévaluation et l’auto-transfor-
mation en stimulant les potentia-
lités sociales et expérientielles de
l’apprenant.
Le Mode d’accompagnement
pédagogique dialogique (MAPd)
s’inscrit dans une logique psycho-
logique et existentielle, à orienta-
tion personnelle. Il intéresse le
développement personnel de l’étu-
diant en soins infirmiers en tenant
compte de son apprentissage sur
les terrains de stage et au sein de
l’Ifsi. Le cadre de santé formateur
serait un éveilleur. Il prend en
compte l’apprenant en l’aidant à
développer la prise de conscience
qu’il a de lui-même, ses valeurs et
ses modes de fonctionnement
émotionnel, affectif, et intellectuel.
Cet accompagnement s’inscrit
dans une activité communication-
nelle, dans l’interaction, dans l’in-
tercompréhension. L’accompa-
gnement est vu par la population
étudiée sous l’incitation quasi
socratique à se connaître soi-même.
Il répond à la question : «
Qui suis-je
et que puis-je être?
». C’est l’étudiant
lui-même, par démarche réflexive,
par introspection, par sa confron-
tation aux autres, qui se construit et
élabore son propre savoir. Le cadre
de santé formateur est ici un
éveilleur qui favorise l’expression et
la communication, en stimulant les
potentialités existentielles, psycho-
logiques et culturelles de l’appre-
nant.
L’accompagnement dans sa
visée éthique et anthropologique
s’inscrit dans une finalité en
termes d’“accompagnement péda-
gogique personnalisé”, de but à
atteindre, à savoir la professionna-
lisation de l’étudiant en soins infir-
miers. C’est probablement le
temps fort de l’accompagnement
autour duquel convergent tous les
autres modes d’accompagnement
pédagogique.
CONCLUSION
Pour le cadre de santé forma-
teur
(de formation initiale infir-
mière), les représentations des
termes “accompagnement” et
“soigner” utilisent le même appa-
reil de notions (écoute, centra-
tion sur la personne, démarche
relationnelle, assistance, aide…).
Tout ce qui va dans le sens d’un
“prendre soin” pédagogique de
l’étudiant en soins infirmiers va
dans celui d’un “prendre soin” de
la personne soignée. Nul ne
conteste cette réalité. Tout se pas-
serait comme si les deux repré-
sentations seraient construites à
partir de ressources cognitives
appartenant à un même héritage
de valeurs et de croyances.
Au final, qu’en déduire ?
Nous avons effectivement
constaté dans l’analyse lexicale des
deux recueils de données
des
convergences articulées autour de
deux pôles (relationnel et appren-
tissage).
Le protocol
e
e de recherche de la
“zone muette
a mis en évidence
des éléments dormants sous les
notions de dépendance, d’assis-
tance, de soutien, de démarche
relationnelle. Ces cadres de santé
formateurs parlent-ils d’accompa-
gnement ou de “prendre soin”?
Les étudiants en soins infirmiers
de troisième année
perçoivent
l’accompagnement dans son ins-
cription institutionnelle comme
une obligation.
Ne faut-il pas dès lors interroger la
progression du dispositif de for-
mation accompagnante mis en
place sur les trois années de for-
mation, ou bien la posture, voire
la professionnalité des acteurs qui
assurent cet accompagnement?
Dans le matériel discursif recueilli
auprès des cadres de santé forma-
teurs et des étudiants en soins
infirmiers dans le cadre de cette
étude, nous retrouvons la signifi-
cation très prégnante, voire
homogène, d’un accompagne-
ment non disjoint d’un “prendre
soin pédagogique”. Dans leurs
activités pédagogiques, ces cadres
de santé formateurs mettent en
avant un aspect du “prendre soin”
dans des activités d’aide, de
conseil, de formalisation, d’ac-
compagnement. Dans cette
pensée professionnelle se dessine
une approche bipolaire. L’une
centrée sur le désir et la volonté
de prendre soin de l’apprenant
dans une visée humaniste et exis-
tentialiste. L’autre centrée sur la
réflexion, la prise de distance,
l’opérationnalisation pédago-
gique, dans une visée didactique
et transmissive. Dans le contexte
d’une pédagogie par alternance,
dans la mouvance sociétale actuelle
où le système de santé est en
constante évolution, où la forma-
tion initiale en soins infirmiers
interroge (validation des acquis
de l’expérience – VAE, référentiel
de compétences…), nous pou-
vons nous poser la question de
savoir comment ce cadre de santé
formateur concilie dans une
même pratique deux professions,
infirmière et/ou enseignante, qui
convoquent des compétences
différentes. Certains profession-
nels, nous l’avons démontré,
investissent davantage leur fonc-
tion pédagogique. D’autres por-
tent leurs efforts d’investissement
professionnel sur le métier d’in-
firmier.
Cet accompagnement, tout
comme le “prendre soin”,
s’inscri-
rait ainsi dans une démarche
casuistique (au cas par cas), impli-
quant une prise en compte holis-
tique de l’apprenant, dans son
processus d’évolution et de matu-
ration.
NOTES
1. Morin E. Introduction
à la pensée complexe.
Paris : ESF, 1992 :
4ede couverture.
2. Saint-Jean M.
Le bilan de compétences.
Des caractéristiques
individuelles à
l’accompagnement
de l’implication dans le
projet. Paris :
L’Harmattan, 2002 : 81.
3. Moscovici S.
La psychanalyse : son
image et son public.
Paris : PUF, 1961.
4. Dictionnaire de la
formation et du
développement
personnel. Paris : PUF,
1996.
5. Bataille M, et al.
Représentations
sociales,
représentations
professionnelles,
système des activités
professionnelles.
In L’année de la
Recherche en Sciences
de l’Éducation. Paris :
PUF, 1997 : 57-89.
savoirs et pratiques
L’AUTEUR
Nadia Péoc’h,
cadre supérieur
de santé, direction
des soins, chargée
de recherche/interface
université et institut
de formation en soins
infirmiers,
CHU de Toulouse (31)
peoch.n@chu-
toulouse.fr
RÉFÉRENCES
Le Moigne J-L.
La théorie du système
général, théorie de la
modélisation. Paris :
PUF, 2eéd., 1984.
Raynal F, Rieunier A.
Pédagogie : dictionnaire
des concepts clés.
Paris : ESF, 2e éd.1998.
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