profondeur de ce que saint Vincent de Paul, ton modèle spirituel, a dit à l’un de ses
missionnaires : « Il faut donc Monsieur vous vider de vous-mêmes pour vous revêtir
de Jésus-Christ » (Coste I,295 ; XI 342-351 ; XII 107-108). A partir de cette pensée de
st Vincent tu nous as laissé une belle conférence où ton côté mystique paraissait : « Se
revêtir de Jésus-Christ, disais-tu, était un langage, une vie, une route et une mission ».
Tu sais, samedi dernier, le jour de ta pâque à toi, nous avons lu à la messe le récit de la
vocation de Matthieu dans la version de saint Luc. J’ai pensé après coup que c’était un
clin d’œil de la Providence, puisque Matthieu le publicain est en effet un amoureux de
la Parole, « un scribe instruit du Royaume des cieux comparable à un maître de maison
qui tire de son trésor du neuf et du vieux » (Mt 13,52). Nous tes frères, devons
poursuivre ta mission tout en écoutant saint Paul qui dit : « fais œuvre d’évangéliste,
remplis ton ministère ».
2. « Le temps de mon départ est arrivé… » combien nous le regrettons, il est trop tôt…
Dans tous les cas, saint Paul évoque ainsi le mystère de sa mort en se servant du
langage du culte, celui du combat, de la course et de la justification :
« Le temps de mon départ est arrivé, je suis déjà offert en libation… j’ai combattu le
beau combat, j’ai gardé ma foi… J’ai achevé ma course, le Seigneur me réserve la
couronne de Justice ».
L’expérience de Paul à la fois douloureuse et pleine d’espérance ressemble fort à la
tienne. Tu aussi, tu aurais pu écrire tout cela, mot à mot parce que tu as été un
missionnaire de Jésus, un bon missionnaire du Christ ressuscité.
Ton départ est à la fois une blessure et une espérance. Blessure parce que l’ami, le
professeur, le frère et le confrère, le confident et le confesseur, le directeur spirituel et
le prédicateur ainsi que le célébrant et le serviteur… nous manqueront cruellement.
Ta perte sera ressentie, ta présence souvent désirée. Nous devons faire avec la
disparition de ta personne, avec ton absence ! Or, l’heureuse nouvelle de la résurrection
de Jésus commence précisément par la constatation de la perte de son corps, avec la
disparition de la visibilité du corps de Jésus, le crucifié. Voilà l’espérance, notre folle
espérance ! Elle est paradoxale et se trouve justement du côté du Christ mort et
ressuscité ; mort et disparu, mais vivant et ressuscité. Dieu créateur nous récrée et nous
fait revivre. On comprend alors que notre foi chrétienne et pascale doit prendre au
sérieux la perte définitive de la visibilité de Jésus. Jésus ressuscité sort par définition
de l’espace et du temps puisque le monde avenir est déjà présent, le temps s’est écourté
et la figure de ce monde passe (1 Corinthiens 7,29.31). Nous qui croyons à la
résurrection, nous passons également et nous ressuscitons comme le Christ : « S’il n’y
pas de résurrection des morts, Christ non plus n’est pas ressuscité, et si le Christ n’est
pas ressuscité, notre prédication est vaine, et vide notre foi… Mais non ; le Christ est
ressuscité des morts, prémices de ceux qui sont morts… » (1 Corinthiens 15,1-14.20).
En célébrant cette messe d’à-Dieu, nous affirmons Alvaro, que ta vie a été belle, pleine
de bontés et de rencontres. Tu as fait le bien… Un de nos confrères a dit avec tristesse
et fierté : « Alvaro était un exemple de missionnaire » et un autre : « Même à l’hôpital
il fait sa mission ». C’est vrai, tu as marqué les infirmières par ton courage, bonté,
respect et douceur. Jusqu’au bout tu as gardé la foi. Tu as combattu le beau combat.
Tu peux donc dire avec Paul : « Je suis déjà offert en libation ». Libation veut dire
offrande, culte rendu à Dieu non pas avec les lèvres mais avec tout son être. C’est le
sens de la dernière phrase écrite lorsque tu ne pouvais plus parler avec les docteurs :
« Je suis un prêtre… ma vie dans les mains de Dieu ».
Dieu ton créateur a reçu ta vie comme une offrande, comme une libation offerte en
action de grâces et de louange. Et tes péchés ? Tes péchés n’ont pas gêné l’élan de ton