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Architecture hospitalière - numéro 17 - 2016 - CHU de Nice
Comment appréhenderiez-vous un tel projet si vous deviez
le débuter aujourd’hui ?
E.B.M. : Avec ce projet, j’ai appris que les hospitaliers ne sont pas
des professionnels de la construction. Le métier d’un gestionnaire
hospitalier n’est pas de commander efficacement à des entreprises
les actions à entreprendre sur un chantier. Il lui faut donc confier
les opérations de construction à des personnes spécialisées capables
de gérer efficacement des entreprises majeures sur le marché du
BTP. La gestion d’opérations de construction d’une telle envergure
et impliquant des acteurs si importants, ne doit donc pas être laissée
à la gestion hospitalière qui, dans ce contexte et sans réelle com-
pétence dans le domaine, peut facilement se faire abuser. D'autre
part aujourd'hui, le plateau technique est beaucoup plus important que
l'hôtellerie. C'est donc sur la première partie qu'il convient d'investir
le plus et moins sur la seconde. Mon projet impliquerait donc la
construction d’un plateau technique sans chambre d’hospitalisation.
L’hébergement serait alors assuré par un prestataire en hôtellerie.
L’hôpital doit aussi renoncer aux chambres d’hospitalisation qui
représentent un investissement colossal et nuisent à son équilibre
financier, notamment dans un contexte économique où les fonds
sont difficiles à trouver, voire inexistants. De plus, l’évolution de la
médecine est telle que les plateaux techniques conçus devront sans doute
être à usage unique. Nous devrions être en mesure de déconstruire
régulièrement ces plateaux techniques sans que ces opérations
impliquent des coûts pharamineux. Ainsi, nous pourrions fréquemment
reconstruire, à moindre frais, des installations respectant pleinement
les normes. Les conditions de travail des soignants et des médecins
sont les éléments essentiels d’une construction hospitalière de qualité.
Elles sont bien plus importantes que l’esthétisme du bâtiment car,
malgré tous nos efforts, les réalisations actuelles seront inadaptées
dans 15 ans.
Quels éléments vous permettent d’avoir une vision du fonction-
nement du CHU de Nice pour les 10 prochaines années ?
E.B.M. : L’établissement a franchi une étape considérable car les
médecins savent, aujourd’hui, qu’ils jouent un rôle important sur le
plan économique et ne peuvent plus se désintéresser des enjeux
financiers de l’établissement. Le projet CHU-Lenval nous a permis
de démontrer que l’établissement pouvait parfaitement mener une
activité sans en être l’opérateur. Ainsi, le CHU de Nice n’est pas
opérateur du service de pédiatrie car il est géré, en très grande majorité,
par la Fondation Lenval. Cependant, grâce à son remaniement et à
la présence du CHU à la vice-présidence la Fondation, son nouveau
conseil d’administration représente à 40% la voix hospitalo-univer-
sitaire et à 60% la voix de tous les acteurs publics de santé. Aussi,
le CHU occupe une place importante dans la définition des orientations
stratégiques de l’établissement. Cette situation est une nouvelle
façon de concevoir l’hospitalisation publique. Ces stratégies d’alliance
entre les acteurs majeurs intervenant dans des spécialités communes
sont particulièrement cohérentes pour assurer une prise en charge
optimale de la population. Or, ces démarches prennent le contre-
pied de la culture hospitalière actuelle favorisant le développement
d’une institution comme une fin en soi.
En matière de pilotage stratégique, quelles performances
espérez-vous pour votre établissement ?
E.B.M. : Notre priorité absolue est de franchir le cap financier difficile
que nous connaissons actuellement. Le coût du projet Pasteur 2 se
fait pleinement ressentir et la montée en charge de l’activité devrait
se faire sentir. Dans 2 ans, nous pourrons à nouveau atteindre l’équilibre
financier. Pour notre second objectif, nous devrons faire en sorte
que toutes les organisations de l’hôpital Pasteur 2 soient pleinement
efficientes pour assurer sa rentabilité optimale sur le plan médico
soit médico-économique. Enfin, il est souhaitable que le CHU de
Nice redéfinisse son rôle au sein de son territoire, notamment auprès
des autres établissements de soins.
Quelle importance accordez-vous au management des relations
humaines ?
E.B.M. : L’humain est un élément primordial pour garantir l’efficacité
de l’hôpital. Pour diriger convenablement une telle institution, il faut
savoir échanger et s’entendre avec ses collaborateurs. Il est également
impératif d’entretenir des relations de confiance avec les personnes
occupant les postes les plus importants dans l’hôpital et avec ses
partenaires majeurs, comme le président de CME, le doyen, le président
d’université, les interlocuteurs de la ville et les référents des tutelles.
Sans ces relations de confiance et le respect de certaines valeurs
humaines communes, l’établissement ne peut être efficace. Dans
ces relations humaines, la pédagogie et la conviction doivent toujours
être présents. En tant que gestionnaire d’un hôpital, il est important
de systématiquement produire du sens afin que chaque collaborateur
comprenne les raisons des décisions prises et des actions menées.
Enfin, le management des relations humaines implique un devoir
de rappeler régulièrement aux équipes les missions de l’établissement.
Son rôle implique des devoirs, des libertés et des obligations.
L’hôpital d’aujourd’hui correspond-il à votre idéal de début
de carrière ?
E.B.M. : Il ne correspond absolument pas, mais l’hôpital a été profon-
dément transformé durant ces 20 dernières années. Avec la fin de
la dotation globale, il est devenu une entreprise. Dès lors, sa gestion
doit inclure le dégagement de marges nécessaires pour réinvestir
dans l’optimisation de ses installations.
Quelle est votre vision de l’hôpital du XXIesiècle ?
E.B.M. : Cet hôpital devra être en adéquation avec les finances de
la nation, à défaut de quoi il disparaitra et sera remplacé par les
cliniques privées. Or, l’hôpital est le plus beau symbole du pacte
républicain et il doit perdurer. La solidité d’une nation gravite autour
de concepts très importants parmi lesquels le vivre ensemble. Cette
harmonie passe par un système de santé et un hôpital public efficaces.
Pour que cet hôpital perdure, il doit respecter les impératifs d'équilibre
des comptes de la Sécurité Sociale et disposer des moyens pour
réaliser les missions qui lui sont assignées.