Avant de débuter sur la typologie du transmédia selon Jenkins, il semble important de rappeler que
le terme de storytelling comporte en soi une information de taille, par ailleurs centrale dans les
recherches de Jenkins. Il s'agit d'une méthode, principalement utilisée en communication et en
communication politique ; elle consiste dans l'application de procédés narratifs permettant de
gagner l'adhésion du public ; en utilisant le biais d'une histoire forte qui génère une émotionnalité
dans un contexte qui ni ne la génère ni ne la suppose a priori (ex: au sein même d'une entreprise :
roman d'entreprise... OU dans la relation entreprise/public - dans la manière de véhiculer une
marque, un produit). L'enjeu étant de créer une forme de mythologie.
Lorsque Jenkins parle donc de transmedia storytelling, il s'appuie sur des exemples et schémas, bien
que ceux-ci soient tout à fait créatifs, avec un but et une stratégie commerciale misant sur l'affect
du consommateur.
Un deuxième point important, qui introduit les notions d'interactivité et de participation sur
lesquelles Jenkins fonde son analyse, c'est que le transmédia n'est pas univoque, que le transmedia
storytelling ne se crée pas dans la solitude créatrice mais que l'histoire racontée est bel et bien un
processus. Par ailleurs, Jenkins différencie fondamentalement ces deux notions :
Pour moi, l'interactivité concerne les propriétés de la technologie, et la participation celle de la
culture. Évidemment, en pratique, tous deux peuvent entrer en jeu dans le même texte. […]. Nous
pouvons imaginer toute une gamme de relations différentes que les fans pourraient avoir avec une
propriété transmédiatique. D'un côté, il y a la chasse ou les pratiques de collecte pour retrouver
les morceaux dispersés d'information et comprendre comment tout cela s'assemble pour former
un tout cohérent. De l'autre côté, nous pourrions passer par différents niveaux d'un jeu, et franchir
des obstacles, tuer des patrons et rassembler des objets. Mais on peut aussi penser à diverses
formes de performances de fans – en partant des fanzines jusqu'au cosplay
– qui sont plus
participatives et ouvertes et moins dépendantes des choix de conception des producteurs
transmédia.
Ainsi dans un système transmédiatique la narration évolue en fonction d'une communauté, d'une
société et s'apparente ainsi à une écriture performative. Pour sous-tendre cet argument, on peut
notamment se référer au fait que Jenkins a débuté son travail de recherche par une approche
ethnographique en collectant sur la toile (forums, réseaux sociaux, etc) les témoignages de jeunes
adolescents en analysant leurs comportements et leurs rapports (réactions, propositions et
participation) à des fictions transmédialisées et leurs impacts sur celles-ci.
En combinant ses conclusions avec sa recherche plus générale, il en vient finalement à son concept
de narration transmédia qu'il définit comme suit:
Le transmedia storytelling représente un processus dans lequel les éléments d'une fiction sont
dispersés systématiquement à travers de multiples plateformes médiatiques dans le but de créer
une expérience de divertissement unifiée et coordonnée. Idéalement, chaque médium apporte sa
propre contribution pour le développement de l'histoire.
Le cosplay, mot-valise composé des mots anglais "costume" et "playing", est un phénomène culturel japonais qui
consiste à jouer le rôle de ses personnages (héros de mangas, d'animation japonaise, de tokusatsu, de films, de jeux
vidéo ou encore de comics) en imitant leur costume, leurs cheveux —à l'aide d'une perruque ou en réalisant la même
coupe de cheveux que celle du personnage— et leur maquillage.
Henry JENKINS. Transmedia 202: Further Reflections. 2011
Henry JENKINS, « La Licorne Origami contre-attaque. Réflexions plus poussées sur le transmedia storytelling », in :
Transmedia Storytelling, Revue Terminal-Technologie de l'information – Culture et Société N° 112, Paris, l'Harmattan,
2013, page 13