Le travail d’écriture et d’interprétation se nourrit d’archives savamment étudiées et réactivées. En filigrane trois
années s’entrechoquent :
• 1959 : première de Discorama proposée à la télévision par Denise Glaser et marquant l’apparition d’un
nouveau concept de soirée, où la vie intime des stars est révélée avec finesse et passion au grand public.
• 1983 : année de la sortie au cinéma du Prix du danger, film d’Yves Boisset avec Michel Piccoli comme
présentateur d´un étonnant jeu télévisé imaginaire et prenant place en 2005. Un homme filmé en direct doit
parvenir à rejoindre un endroit secret en échappant à cinq tueurs à gages. Soit le candidat gagne le jeu
et se voit attribuer la somme d’un million de dollars, soit il est exécuté face à la caméra.
• 2001: passage au nouveau millénaire qui correspond à l’émergence de la télé-réalité avec l’apparition
en France de Loft Story, annoncé comme « un accélérateur de vie ». Le 5 juillet, le public fait son choix :
après douze semaines passées en co-location forcée, Loana devient une star et remporte une jolie maison
d´une valeur de 460 000 €.
De Maria Callas, à Catherine Deneuve, Karen Cheryl, ou encore Roland Barthes…, des figures sont convoquées
puis déformées, glorifiées puis détruites. Concentré d’images de notre monde, la télévision redessine ici l’enfer d’un
nouvel Orphée et réalise la synthèse du sacré et du show.
Le texte écrit comme un livret suit la structure d’un opéra, avec ses numéros, ses règles et ses références, et dans
lequel l’image au sens pictural joue du contrepoint avec la musique (classique, romantique, pop, électronique) pour
aboutir à une danse macabre contemporaine.
Soulignant cette métamorphose, le plateau qui s´apparente au début à un théâtre à l’italienne – celui des débuts
de la cantatrice – se referme comme une boîte, emprisonnant les protagonistes.
Memento Mori, vanité au sens baroque du terme, Golden Shower constitue une réflexion sur le monde de la
télévision à travers soixante ans de son histoire. Travaillant sur l’aller-retour entre réel et fiction, le spectacle se
focalise par-delà le destin de la cantatrice - symbole d’un monde voué à disparaître - sur les médias, dont je
souhaite représenter la manipulation et les dérèglements.
Espace de projection du fantasme ou du cauchemar ultimes, la télévision renoue pour moi, en ce début de XXIème
siècle, avec le mythe narcotique de Gorgone, qui transforme en pierre celui qui la regarde dans les yeux.
- Stéphane Ghislain Roussel -
« Chacun rêve un jour d´être perdu dans un monde parallèle pour devenir quelqu’un d’autre. »
- David Lynch -
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