La poudre de ses ailes
Naître avec le Printemps, mourir avec les roses
Sur l’aile du zéphyr nager dans un ciel pur ;
Se balancer sur le sein des fleurs à peine écloses
S’enivrer de parfums, de lumière et d’azur,
Secouant, jeune encore, la poudre de ses ailes,
S’envoler comme un souffle aux voûtes éternelles ;
Voilà du papillon le destin enchanté ;
Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose,
Et sans se satisfaire, effleurant toute chose,
Retourne enfin au ciel chercher la volupté
Extrait du papillon d’Alphonse de Lamartine
Cette année 2010 permet de renouer la collaboration avec le Festival du Premier Roman à Chambéry après 2005, 2006, 2007 et 2008.
Corinne LEMPEN BRET a demandé à l’artiste suisse allemand, Peter Wüthrich (né à Berne en 1962), de créer des oeuvres spécialement pour la manifestation chambé-
rienne. Une sorte d’expérience croisée où l’art plastique et la littérature donnent (re)naissance à la vie du livre
Peter Wüthrich a réalisé une série d’œuvres sur murs, sol et table en utilisant des
livres, des couvertures de livres, des pages habilement découpées à partir de vo-
lumes de genres et de formats variés, liés au voyage. Depuis longtemps, en effet, il
a choisi le livre comme moyen d’expression. Pour lui, le livre se prête à
d’innombrables métamorphoses, à d’incroyables transformations ; sans perdre le
contact ni avec sa réalité propre d’objet physique ni avec son propre corpus de
pages et de mots imprimés.
Parfois, mots et histoires réapparaissent mais sous d’autres formes : papillons
posés sur des tableaux ou enfermé dans des boîtes, couvertures de livres dont les
titres sont lisibles.
L’imagination de Peter Wüthrich n'est limitée que par les confins réels ou imagi-
naires provoqués par le livre et la littérature. À l’intérieur de ces limites, elle semble
déborder et se mouvoir en des directions imprévisibles et toujours surprenantes.
Avec les livres, il construit un monde parallèle mais différent de celui de l’écrivain
qui construit avec les mots.
Plus importante encore est la régularité méthodique avec laquelle il imagine et gère
formellement de libres rapprochements entre choses, formes, couleurs, person-
nages, lieux réels ou fantastiques. Pour Peter Wüthrich, une exposition est
l’occasion de déployer dans l’espace de la Galerie des mondes parallèles dont
l’existence et la nécessité sont toujours les conséquences de l’existence du livre
(en tant qu’objet physique), d’un genre littéraire (livres de voyage).
Les papillons sont tous de dimensions différentes et les couleurs, les textes, le
graphisme sont également différents. Les ailes correspondent à des livres divers.
La boîte est en réalité une bibliothèque. Les papillons sont comme les oiseaux les
vrais amis de Wüthrich, ainsi que les livres évidemment.
Peter Wüthrich estime qu’un livre est une chrysalide et que les pages ouvertes
d’un livre, sous le regard du lecteur étonné, deviennent des ailes de papillon.
Une exposition de Wüthrich est un mécanisme savamment élaboré, un labyrinthe
et un cercle dans lequel on tombe dans une espèce de délicieux vertige, le plaisir
de l’émerveillement.
Extraits du texte de Sergio Risaliti accompagnant l’exposition de la Galerie Christian Stein, Milan
Le papillon est l’image de l’âme humaine, mais, aussi celle de l'éternel renaissance
par l'effet chrysalide. Cependant, sa vie s’arrête sur le geste par lequel l’entomo-
logiste le fixe au moyen d’une aiguille. Cette violence de la pointe métallique qui
perfore la créature magique, la précision chirurgicale et la délicatesse avec laquelle
le papillon est fixé pour toujours à sa place dans la boîte ne sont-elle pas aussi la
métaphore de la diversité ordonnée en un ordre qui se veut parfait et beau ?
NABOKOV n'était-il pas un grand chasseur de papillons ?
Peter WÜTHRICH, lui, avec ces papillons-livres, papillons-mots souvent papillons–
images donnent du sens à cet ordonnancement où géographie et culture, pay-
sage et belle édition se tricotent pour nous offrir une vision apaisée du monde
lorsque les mots peuvent circuler.
Corinne LEMPEN BRET et Bruno BRET