Prendre soin dans un contexte pluridisciplinaire

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Compte-rendu Conférence W.HESBEEN
Présentation de Mme TETU, documentaliste à l’IFPS
Présentation des différents intervenants :
Mr Marc Fontaine : Représente les éditions Elsevier Masson.
Mr Jean-Antoine VIGUIER : Représente la librairie l’Intranquille.
Mr Walter HESBEEN (projection de l’affiche de présentation envoyée par Mr FONTAINE):
« Mr HESBEEN vous êtes infirmier et docteur en santé publique. Après un parcours en services de
soins, puis à l’Ehesp et à l’Ecole de la Source de Lausanne, vous êtes aujourd’hui responsable du
GEFERS (Groupe francophones d’Etudes et de formations en éthique et de la relation de service et
de soin) et professeur à la faculté de santé publique de l’Université Catholique de Louvain à Bruxelles.
Concernant votre bibliographie, vous êtes rédacteur en chef de la revue Perspective Soignante.
Vous avez publié au Edition Elsevier Masson : Prendre soin à l’hôpital (1997), La qualité du soin
infirmier (2002) , Cadre de santé de proximité (2011) et prochainement Le Mémoire de fin d'études
des étudiants en soins infirmiers (août 2016).
Vous avez également collaboré à la rédaction de nombreux ouvrages des Editions Seli Arslan comme
Penser le soin en réadaptation (2012) ou plus récemment Ethique du management et de
l’organisation dans le système de soins (2015). »
L’ensemble de ces titres seront disponibles à la vente et à la dédicace après la conférence par la
librairie l’intranquille.
Introduction de Madame Christine BALLAND MASSON, directrice de l’IFPS :
« Prendre soin dans un contexte pluridisciplinaire ». Ces mots ne peuvent que résonner à l’IFPS.
En effet, si nous formons à 9 métiers de la santé, le prendre soin est bien l’un des fils conducteurs des
formations.
Mais il met aussi en exergue d’autres concepts tels :
· Le travail en équipe / le travail de groupe
· Le projet de soin individualisé, le parcours patient / le parcours de formation
· La relation de confiance soignant-soigné / la relation pédagogique de confiance
· L’efficience des soins / l’efficience des apprentissages
Le contexte pluridisciplinaire est également très porteur de sens.
En effet, l’IFPS de Besançon a pour finalité de former ensemble des professionnels amenés à
travailler ensemble. Cette dimension, à la fois réaliste et « prétentieuse » a déjà permis de partager,
de développer, de mutualiser nos compétences. Par ailleurs, de plus en plus, d’enseignements sont
communs à plusieurs groupes d’étudiants ou élèves de formation différente.
Ainsi, se connaître et se reconnaître dès la formation pour mieux travailler ensemble. Et sans oublier
que la personne soignée est et restera au cœur de nos priorités.
Avant de vous laisser la parole, je voudrais :
· Vous remercier, M. Hesbeen, pour votre présence et vous dire que nous en sommes très honorés.
· Remercier Camille et Elisabeth pour la préparation de cette belle rencontre.
· Remercier les Editions Masson, la Librairie l’Intranquille pour leur collaboration.
· Vous remercier, vous professionnels de l’IFPS et étudiants, pour votre présence consciencieuse.
Et, je nous souhaite un beau moment de réflexion individuelle et partagée.
Contexte/Introduction :
1. Médecine du corps / Médecine de l’Humain
ème
Au milieu du 19
siècle la médecine accède au rang de science. Elle est désormais basée sur des
connaissances et non plus sur des croyances. Les connaissances étant fondés sur des données
objectives, elles sont donc les sources de l’objectivation de la situation de la personne soignée. Pour
objectiver, il a fallu mettre entre parenthèse la personne soignée, la personne à laquelle on s’adresse
pour mieux accéder à son corps.
C’est pourquoi, la médecine est aujourd’hui une médecine du corps et non de l’humain. (Sans dire
que les professionnels de santé ne sont pas animés d’une attention humaine. Cependant les savoirs
sont pour le corps humain et non pour l’Homme.) L’organisation des services est centrée sur les
tâches à accomplir et non sur le sujet malade.
Pour illustrer ces propos, on peut citer les services de soins palliatifs qui ont pu rompre avec la notion
de centralisation des tâches. Ici, c’est la structure (et donc les professionnels de santé) qui vont vivre
au rythme du patient. A l’inverse, dans d’autres services comme les services de soins aigus
notamment, c’est le patient qui va vivre au rythme de la structure et, donc des professionnels.
On peut parler de défi : Faire évoluer le système vers un système centré sur l’Homme (comme un
service de soins palliatifs) et non plus vers un système centré sur les actes de soins.
Cet élément de contexte met en difficulté cette notion de « prendre soin », qui elle, serait donc plutôt
tournée vers la singularité du sujet.
2. Le travail en équipe / La pluridisciplinarité
La pluridisciplinarité : La définition du travail en équipe pluridisciplinaire, c’est le fait de travailler
ensemble.
Pour travailler ensemble, on peut établir une distinction entre ce qu’est un groupe de professionnels,
une équipe de professionnels (liens déjà établis entre les personnes qui composent l’équipe) et une
équipe soignante. Lorsque l’on parle d’équipe soignante, on parle d’une équipe qui par la nature de
son « travailler ensemble » contribue au prendre soin de la personne.
Question de la finalité : Il ne faut pas confondre la finalité de la pratique avec les moyens qu’on utilise
pour cette pratique. Ex : Des professionnels de santé qui poursuivent trois finalités différentes
(infirmiers, kinés, médecins) pourraient avoir du mal à travailler ensemble car ils ne poursuivent pas le
même but.
La finalité est le but ultime poursuivi par l’action professionnelle. Ici, le but des professionnels de santé
est d’aider une personne à vivre ce qu’elle a à vivre. Chaque professionnels a à sa disposition des
« moyens » (soins infirmiers pour les IDE, exercices de rééducations pour les kinés…) qui leurs
permettent d’aider les personnes. Ces « moyens » vont donner un élément de spécificité.
Constat à l’heure actuelle : La difficulté à avoir une connaissance plus fine du métier de l’autre, et
d’avoir une représentation plus fine de la finalité qu’ensemble on poursuit. Si l’on n’a pas clarifié quel
est le fondement de ce que l’on fait ensemble, on aura bien du mal à organiser ce que l’on aura à
faire. Il faut poursuivre le même but professionnel, la même finalité. La finalité c’est ce qui est
commun à l’ensemble des professionnels d’une équipe pluridisciplinaire. Le prendre soin est le but de
tous. C’est la finalité du travail en équipe.
1ère partie : Prendre soin – Les soins
Il faut distinguer « les soins » du « soin ».
Soins
Soin
C’est l’ensemble des actes, des tâches du
quotidien. C’est les outils de travail du quotidien,
« le contenu instrumental » du métier de chacun.
Etymologiquement, le soin signifie avoir le souci
de l’autre, se préoccuper de lui.
Le soin est le fait de portée une attention
particulière à quelqu’un ou à quelque chose. Être
important pour l’autre.
La qualité des soins représente la qualité des
actes et des tâches réalisés.
La qualité du soin est la qualité de l’attention
portée à autrui.
On peut faire des soins sans prendre soin comme on peut prendre soin sans faire des soins. L’idéal
étant de conjuguer les deux en faisant attention de ne pas les confondre. L’un n’est pas l’autre.
Les enseignements que l’on peut tirer de la définition de ces deux concepts sont :
-
Tout le monde ne peut pas faire des soins. Il faut une qualification (en rapport avec les soins à
effectués) et un statut professionnel (qui nous donne un cadre professionnel pour exercer ce
« faire des soins »). Faire des soins est donc bien un métier.
-
Tout le monde peut prendre soin. Ce n’est pas un métier mais une disposition à l’autre.
Cette disposition est accessible à tous, indépendamment du métier exercé. Cette disposition
est également accessible quel que soit le niveau de technicité de la pratique. La technique
n’empêche pas le prendre soin et l’absence de technique n’est pas un facteur d’automaticité
du prendre soin.
-
Cette disposition ne s’enseigne pas contrairement aux connaissances mais on peut
accompagner son cheminement dans la formation initiale. Le prendre soin n’est pas inné et ne
va pas de soi. Il n’y a aucune automaticité entre le fait de devenir professionnel de santé et
d’avoir une disposition à l’endroit de l’humain. Cette disposition du prendre soin ne vas pas de
soi car ce dont il est question, c’est de la considération pour l’humain.
-
Cette disposition renvoi notamment à la manière de concevoir son métier. Le métier que
j’exerce, est ce que je le conçois comme un métier d’actes et de tâches (faire des soins) ou
comme un métier de la relation à l’Humain. Est-ce que j’exerce un métier pour poser des
actes ou est-ce que les actes que j’exerce, je les inscris dans la relation à l’autre ?
2ème partie :
Le métier du prendre soin c’est le métier de la relation à l’homme. La finalité du métier est cette
relation à l’autre. Le prendre soin ne va pas de soi et prédispose avoir de l’estime pour l’inaltérable
humanité de l’autre (qui est la personne soignée ? quelles sont ses émotions ? Ses besoins ?...). Cela
demande une prise de conscience, un effort de réflexion sur autrui, un effort soutenu par le travail en
équipe.
Attention au langage professionnel, le jargon professionnel peut avoir un impact sur le patient. Il y a
en fait trois niveaux de langages :
-
Le langage professionnel avec des termes professionnels
-
Le jargon professionnel qui n’est pas un langage professionnel (attention au jargon qui peut
être mal compris par le patient)
-
Puis le langage par lequel, par le choix des mots, on a le souci de la personne à laquelle on
s’adresse.
Exigence première du prendre soin : vouloir faire exister l’autre en tant que sujet et on est donc attentif
au choix des mots que l’on utilise.
La réflexion collective évite la stigmatisation du malade et est possible grâce à:
-
L’Ethique du quotidien des soins : c’est l’éthique qui imprègne la pratique dans le concret. Elle
permet d’interroger sa manière d’être dans la relation à autrui et de faire exister le patient
comme sujet et non comme objet de soin. Comment associer la personne directement
concernée aux soins dont elle aurait besoin ? Cette éthique existe dans la relation de soin et
pour se faire demande une attention dans sa manière de communiquer et son impact sur
l’autre. Le patient veut être informé, veut être considéré.
-
Chaque homme vie comme il peut ce qu’il a à vivre lorsque la maladie ou la
dépendance arrive. 4 conséquences tirées de cette phrase :
ère
La 1 conséquence est qu’il n’y a pas de petite ou de grande maladie. Il n y a que la
maladie qui me concerne moi avec laquelle je vais vivre comme je peux. Ce n’est pas
parce que dans notre classification professionnelle une personne serait atteinte d’une maladie
bénigne que cela n’est pas important, troublant, compliqué, angoissant pour elle.
ème
La 2
est qu’il n’y a pas de grande ou de petite situation de soin. Il n’y a que des situations
singulières, avec au sein de chacune de celles-ci une personne, un humain, qui vit comme
elle le peut ce qu’elle a à vivre. Il n y a pas de situations importantes et d’autres qui ne le
seraient pas, des situations intéressante et d’autres qui ne le seraient pas. Toutes les
situations sont importantes, intéressantes. On peut bien entendu éprouver plus d’intérêt
intellectuel pour une situation que pour une autre (exemple : service de néonatologie / service
de gériatrie)
.
ème
La 3
conséquence est qu’il n’y a pas de petits ou de grands actes de soin car ils sont tous
destiné à la personne. C’est toujours du corps, de la vie dont il est question. Il y a des actes
par lesquels on se sent gratifié, et d’autres par lesquels on se sent disqualifiés (que le
professionnel peut trouver secondaire voir dégoutant). Plus une personne est en situation de
dépendance, plus on va avoir besoin du professionnalisme du professionnel, de la subtilité, de
la délicatesse du professionnel pour que la dépendance de la personne ne conduise pas chez
elle à un sentiment de déchéance.
ème
La 4
conséquence est qu’il n’y a pas de petit ou de grand professionnel de soin. Il n y a que
des professionnels qui prennent une importance dans telle situation de soin pour un
patient et ces proches. Ce qui fait un grand professionnel c’est la capacité de celui-ci à
faire exister l’autre comme sujet dans une relation, de lui inspirer de la confiance pour
l’aide que je peux lui apporter.
Conclusion en quelques mots :
-
Dignité : Référence au philosophe Gabriel Marcel : Prendre en compte la dignité de l’autre
c’est reconnaître en cet autre et en toutes circonstances les notions de corps et donc de vie.
Le souci de la dignité de l’autre doit éveiller la vigilance permanente de chacun.
-
Humilité : signifie etre humble. En temps qu’humain on ne peut pas tout, nous ne sommes
pas Dieu. L’humilité est l’antidote du poison qu’est l’arrogance. L’arrogance étant un
« poison » dans les rapports humains, il n’y a pas de travail en équipe possible s’il y a de
l’arrogance.
-
Sensibilité : signifie être présent avec ses sens en étant sensible à la sensibilité de l’autre et
se sentir concerné par ce que cet autre a à vivre. On ne peut pas prendre soin s’il on n’est pas
concerné par l’autre. La sensibilité ouvre la voie à de possibles émotions. « Je ne peux pas
prendre soin de l’autre si je ne me laisse pas toucher par sa situation »
Attention : Toucher signifie pas se laisser envahir, déborder.
Il n y a rien d’anti-professionnel à éprouver une émotion au contact de telle ou telle situation
qui nous touche plus profondément dans notre histoire. (Notion de « blindage »)
-
Générosité : signifie faire un peu plus que le nécessaire pour faire exister l’autre en tant que
sujet dans la relation de soin (comment faire plaisir au sujet malade, le rendre un peu plus
heureux, un peu moins malheureux ?). Ce sont cette multitude de petites choses qui constitue
le prendre soin, qui vont faire la différence. Petites choses, pour nous cela semble « petit »
mais pour le patient c’est très important. Observer qu’être capable d’identifier la petite chose
qui va plaisir c’est faire preuve de grande attention à la personne, c’est ce qui me donne
vraiment le sentiment d’exister en tant que sujet dans ce que je suis en train de vivre.
-
Délicatesse : signifie ce qui est raffiné, délicat dans le rapport à l’autre. Trop de délicatesse
n’est pas de la délicatesse mais de l’indélicatesse, trop peu n’en est pas non plus. La
délicatesse est le sens de la finesse dans le rapport à l’autre. La délicatesse ici n’est pas
seulement tactile, c’est bien la délicatesse de mon être présent à l’autre. Comment la
personne que je suis fait-elle preuve de ce sens de la finesse dans la relation à l’autre. La
délicatesse est ce qui exprime le mieux, que j’ai la pleine conscience, que tout ce que je fais,
que tout ce que je dis, c’est toujours de ton corps et de ta vie dont il est question.
Débat
Question 1 :
Monsieur Hesbeen, Le « prendre soin » ne va pas donc pas de soi, et, est une disposition. Pour
moi « prendre soin est synonyme également de prendre le temps » ? La notion de temps
m’inquiète pour mon futur métier, travail à reculons…
Karen Farlot (ESI1)
Réponse de M.HESBEEN :
Prendre soin n’est pas fondamentalement une question de temps mais bien une question de
disposition. Ce n’est pas parce que l’on serait plus nombreux dans une équipe qu’il y aurait
nécessairement plus de « prendre soin ». Cela déprendra de la disposition des personnes qui
composent cette équipe et donc plus largement de l’atmosphère qui règne dans un service.
Notion d’atmosphère : ce qu’il se diffuse. Il peut y avoir dans deux services identiques (même
effectif…) une atmosphère différente. Dans l’un, une atmosphère qui est propice au prendre soin,
dans l’autre non. Notion d’atmosphère est à travailler puisque : dans cette question relative au
temps il y aussi une notion de revendication (on doit être plus nombreux !). Cette revendication
d’être plus nombreux n’est certainement pas suffisante pour qu’il « y est plus de prendre soin ». Il
ne faut surtout pas « travailler en reculant», car peut aboutir à l’épuisement professionnel. Peutêtre que, si vous êtes dans un environnement où l’atmosphère n’est pas propice à votre aspiration
professionnelle, il faut soit s’en aller où trouver des solutions pour y remédier. Il y a des lieux où
l’atmosphère est plus propice au prendre soin que d’autres. Tous les lieux sont accessible au
prendre soin, certains plus que d’autres. C’est vers cette solution qu’il faut se tourner. Ma
conviction est que les structures seront de plus en plus amener à réfléchir à la qualité de leur
climat, à la qualité de leur atmosphère notamment parce que la population (les patients et leurs
proches) sont de plus en plus en attente d’être considéré. La question de la considération, diraisje n’est pas accessible dans les structures où l’on n’a pas réfléchi à cette atmosphère.
Question 2 :
Vous parlez d’atmosphère, d’état d’esprit dans les services. Or depuis plusieurs années, on voit
apparaître des modèles organisationnels surtout dans les hôpitaux, de type industriels (issus de
l’industrie automobile, activité très productiviste)... Et sur l’augmentation de l’activité, en hôpital de
jour, on tend à confirmer cette augmentation, il faut produire des soins (perfusions, traitements
contre le cancer…) tout cela avec les mêmes équipes. Donc est-ce que ce n’est pas aujourd’hui
quelque chose qui relève de l’illusion que vous semblez aussi dénoncer?...
Didier Marchal, cadre formateur à l’IFPS - formation Infirmière
Réponse de M.HESBEEN :
Je pense que l’on est de plus en plus dans un système qui a le souci de sa performance
(référence à l’industrie). On peut aussi constater que certains nombres d’organisations dans les
systèmes de soins ressemblent aujourd’hui plus à du taylorisme qu’a véritablement du « prendre
soin » (découpage par la tâche) mais je pense qu’il y a et qu’il y aura plus en plus une pression de
la population pour ne pas devoir se soumettre à cette approche gestionnaire et taylorienne. Je
suis assez confiant de voir qu’il y a de plus en plus de lieux et notamment en France (pas en
Belgique exclusivement) où des réflexions sont menés sur l’éthique de la pratique et qui
associent, et c’est très important, de plus en plus le corps médical. Important d’associer le corps
médical car sans les contributions des médecins, on ne pourra pas faire évoluer la conception de
la pratique.
Pas de réponse précise sur le comment faire mais : Eléments qui sont réunis pour que le système
(qui a tendance à être organiser de manière technocratique par des cerveaux qui ont été formés à
la technocratie) évolue de par la pression de la population (prudemment terme population et aussi
association d’usagers..).
Histoire récente : le système de soins a été obligé de revoir un certain nombre de ses conceptions
notamment avec la pression suite à la survenance de l’épidémie de sida dans les années 80. Les
patients atteints de l’épidémie de sida et toute la pression autour de cela a modifié quand même
un certain nombre d’approches dans le système.
Donc je suis assez confiant de côté-là, et il y a un autre point sur lequel j’aimerais être confiant et
qui concerne les professionnels de santé que vous êtes ou que vous serez : comment se fait-il
qu’à l’intérieur des structures de soins il y est tant de situations qui sont humainement
inacceptables et qui sont tuent par les professionnels ? Et là je pense que nous avons besoin de
ce que l’on peut appeler une éthique du courage pour que les professionnels que nous sommes
n’acceptent plus, ou en tout cas ne restent pas en silence face à ce qui est inacceptable dans les
manières que l’on a de traiter un certains nombres les personnes les plus démunies. (Démunis,
on ne parle pas les personnes qui sont dans une misère financière, mais qui sont les plus
démunis de par la maladie et la dépendance).
Question 3 :
Bonjour, vous venez de parler de cette disposition du groupe à l’individu, du professionnel et de
l’équipe à prendre soin, de son positionnement vis-à-vis du patient et peut-être aussi ne pas
hésiter à alerter... Ce qui me pose question c’est que l’on peut assez facilement juger un
professionnel sur les actes, sur ses compétences pratico-pratiques mais il parait un peu plus
difficile de remettre en question son absence de disposition à prendre soin et sur comment faire
valoir cette parole, comment être crédible quand on va parler des pratiques ou des
positionnements qui nous ont choqué, qui nous ont marqué… surtout quand on est jeunes
diplômés.
Laura Franco, ESI 3
Réponse de M.HESBEEN :
Il est vrai que si je fais appel à la notion d’éthique du courage, il ne faut pas néanmoins avoir des
comportements héroïques (on peut parfois être confrontés en tant qu’étudiant à des situations en
stage que l’on se promet de plus jamais vivre mais que de par la forme de fragilité associé au
statut étudiant, on ne va pouvoir révolutionner un service dans lequel on ne fait que passer en tant
que stagiaire...) J’entends bien que le fond de votre question est d’une certaine manière :
comment interpeller l’autre sur sa disposition. Il y a quelque chose auquel moi je crois que
beaucoup c’est sur le choix des mots. La manière que l’on a de parler de l’autre n’est pas sans
incidence sur l’autre mais donne aussi une indication précieuse sur là où on en est dans cette
disposition, dans ce qu’on véhicule par cette disposition. Je crois que si vous êtes seul dans votre
coin à interpeller l’autre sur le choix de ses mots, cela aura peut-être un peu d’impact mais cela ne
sera pas suffisamment propice à une atmosphère. Je crois beaucoup plus à l’importance de la
présence du cadre dit de proximité. Je dit « dit » de proximité car il faut bien constater
qu’aujourd’hui un certain nombre de cadres de proximité ne sont plus vraiment dans une relation
proximale mais de plus en plus dans une relation distale. Je crois pour ma part que le facteur le
plus déterminant de l’atmosphère dans un service va être donnée par la qualité de réflexion et de
présence et donc du discours du cadre de proximité. Je crois que c’est une erreur assez
fondamentale qui a été commises dans grands nombres d’hôpitaux (français pour le coup) de
transformer le cadre de proximité en une espèce de manager bien souvent plus au service de la
direction que de l’encadrement des équipes. Donc je crois vraiment qu’en l’absence (non
présence) d’un cadre de proximité, on a bien du mal à faire travailler cette question d’atmosphère
plus propice à cette disposition. Il faut quand même se rendre compte que, dans bien des
équipes, il y a des soignants qui adoptent des comportements dont ils n’ont pas vraiment
conscience, et n’ont pas conscience non plus de l’impact. Si personne n’est là pour les aider à
prendre conscience, c’est comme si c’était normal d’agir, de réagir ou de parler de cette manièrelà... Je crois vraiment à la nécessité de la présence du cadre de proximité.
Question 4 :
En quoi un cadre peut-il impulser cette atmosphère du « prendre soin » ou cet état d’esprit dans
un service ? Question de la proximité posée dans le cas où le cadre gère plusieurs services…
Quelques pistes, recettes, pour impulser cette atmosphère du prendre soin et en quoi ceci est
tellement lié à la propre personne qu’est le cadre (presque un chemin de vie) ?
Nicole Gonthier, cadre supérieur de santé à l’IFPS, Formation cadre de santé
Réponse de M.HESBEEN
Plusieurs éléments de réponses :
-
Conception déjà institutionnelle du métier de cadre de proximité. Il y a un réel besoin de
clarifier la finalité même du métier de cadre. Le cadre de santé est là pour encadrer une
équipe de professionnels de la santé. Le regard prioritaire du cadre doit être porté sur son
équipe et pas vers la direction. Si le cadre regarde prioritairement vers son équipe, prendre
soin de la singularité de chacun des patients d’une équipe c’est quelque chose qui ne va pas
de soi. Si cela ne va pas de soi, quelque soi d’ailleurs le niveau de qualification et l’importance
de l’expérience. Cela ne va pas de soi car cela confronte les professionnels à la singularité
d’une situation. Et c’est parce que cela ne va pas de soi que cela a besoin d’être
accompagné, d’être aidé par un cadre. Un cadre qui fait preuve d’autorité.
-
Attention au sens du mot autorité qui est souvent confondu avec l’exercice de la hiérarchie. Le
sens premier du mot autorité c’est aider à élever la réflexion. Donc, un cadre de proximité qui
aide à élever la réflexion des soignants sur la pratique singulière qui est la sienne, est un
cadre qui est perçu comme aidant. A l’inverse, un cadre de proximité qui ne fait ne fait pas
autorité mais qui es autoritaire est un cadre dont on ne perçoit pas l’intérêt
-
Temps de transmission = temps de réflexion sur les situations. La capacité d’un cadre
d’animer ces temps de réflexion. Il peut notamment aider à la réflexion notamment en
interpellant sur le choix des mots. Interpeller ne veut pas dire réprimander, mais le cadre peut
interroger sur la finesse que l’on a, notamment dans l’analyse qui est véhiculé par les mots
que l’on utilise. Il y a un besoin de resituer le cadre au cœur de l’activité, au cœur du soin.
Cela ne veut pas dire qu’il est là en permanence mais sa présence est assurée et il doit savoir
où il donne sa priorité par rapport à toutes ses exigences. Question : Quelle est la passion
que j’ai pour encadrer une équipe dans l’exercice de mon métier de cadre ? Est-ce que la
passion qu’est la mienne est celle d’être au contact des professionnels ou est-ce-que c’est
d’être en dehors de mon service ? Quelle est l’orientation fondamentale que je veux donner à
ma pratique ?
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