LA SEMAINE VÉTÉRINAIRE - N° 1518 - 30 NOVEMBRE 2012 - 43
nécessaires pour sélec-
tionner les cohor tes
d’animaux mala des
et sains. «Lorsqu’un
diagnostic discrimi-
nant est nécessaire, des
vétérinaires spécialisés
établissent la cohorte», ex-
plique Guillaume Queney, di-
recteur d’Antagene. «Ainsi, quel ques
dermatologues, en particulier Éric Gaguère,
ont collaboré au projet sur l’ichtyose chez
le golden retriever, qui a permis l’identi-
cation du gène responsable, retrouvé ensuite
chez l’homme.» Il poursuit: «Le recrute-
ment est beaucoup moins sélectif aux États-
Unis, et les chercheurs font souvent face à
une hétérogénéité génétique qui crée un
bruit de fond et les ralentit.»
Un recrutement large auprès des prati-
ciens peut aussi être approprié, comme
pour les études de génétique en cancéro-
logie menée par le CNRS de Rennes.
Notre confrère Benoît Hedan en rappelle
les modalités: «Pour les analyses géné-
tiques, nous avons besoin d’un prélèvement
sanguin sur EDTA de chiens atteints et de
chiens âgés des mêmes races, mais in-
demnes de cancer. Dans certains projets, en
cancérologie, par exemple, il est nécessaire
de prélever les tumeurs, lors d’une chirurgie
ou en post-mortem, en vue d’analyses his-
tologiques et d’analyses génétiques complé-
mentaires. Beaucoup de vétérinaires se
montrent très réceptifs, motivés pour par-
ticiper à la recherche». Il ajoute: «Nous
sommes là pour répondre à leurs interro-
gations. Il y a tellement de maladies géné-
tiques qu’il est impossible au praticien de
les connaître toutes, race par race.»
Une banque de prélèvements de chiens,
développée et gérée par le CNRS de
Rennes, appelée “CaniDNA2”, centralise
les prélèvements de 10 000 chiens, avec
leurs données généalogiques et cliniques.
Comme le précise Catherine André, qui
dirige cette unité, «cette biobanque est
aussi à la disposition des vétérinaires et des
éleveurs intéressés par une maladie pour
laquelle il n’y a pas de recherche en cours:
il importe de l’alimenter pour de futures
études, plus faciles à lancer lorsqu’il y a
assez de prélèvements.»
Une demande forte des propriétaires
et des éleveurs
Propriétaires et éleveurs sont souvent
demandeurs d’avancées pour la santé de
leurs animaux. D’après Guillaume Que-
ney, les attitudes des clubs de race sont
variables: « Nous sommes plus souvent en
contact avec les éleveurs que les clubs de
race ou la Société centrale canine (SCC).
Les clubs motivés existent, mais sont mino-
ritaires. Certains sont même un réel frein.
Ils ont peur pour l’image
de leur race. Cependant,
on remarque une prise
de conscience de la SCC
depuis trois ans.»
Pour ses recherches en
génétique quantitative,
notre confrère Jean-Fran-
çois Courreau (professeur à
l’ENVA) a un rapport privilégié avec
le club du border collie. Il travaille à l’in-
dexation génétique de l’héritabilité des
aptitudes des chiens de troupeau, avec
des méthodes de calcul identiques à celles
pratiquées chez les animaux de rente.
«Les éleveurs de moutons connaissent déjà
les principes de l’indexation, donc ils com-
prennent l’intérêt de la méthode. Il y a aussi
une question de erté: ils cherchent à amé-
liorer la qualité de leurs chiens pour être
plus compétitifs face aux lignées étrangères
lors des concours! » Pour recueillir des
données standardisées, en limitant les
biais (dressage, environnement, etc.), il a
mis en place avec le club une évaluation
lors de la conrmation: «C’est la seule
race qui pratique cela! ».
Auprès de leurs clients éleveurs, les vété-
rinaires ont un important rôle de conseil
à jouer. «Pour diminuer la fréquence de
portage d’un allèle morbide, il est nécessaire
de les conseiller pour qu’ils pratiquent une
sélection raisonnée. Même si les tests géné-
tiques leur permettent de sélectionner les
chiens, l’expertise du vétérinaire est et res-
tera indispensable, car il est le seul habilité
à détecter les symptômes cliniques», rap-
pelle Benoît Hedan. «Soigner est au cœur
de notre métier. Il importe de se faire rému-
nérer pour ses compétences», précise
Serge Rosolen.
Le nancement,
un souci récurrent
Les nancements publics ont pour objectif
la santé humaine. La Communauté euro-
péenne a ainsi subventionné le projet
Lupa, de 2008 à 2011. Celui-ci a mobilisé
20 laboratoires, dans 12 pays européens,
pour identier chez le chien les bases gé-
nétiques de maladies homologues à celles
de l’homme. «Le nancement s’est arrêté,
mais pas la recherche! », indique Guil-
laume Queney, qui ajoute : « Un projet
Lupa2 est envisagé, il sera sans doute plus
restreint». Pour l’étude sur l’ichtyose chez
le golden retriever, Catherine André rap-
porte un coût de « 500000 € au total pour
trouver un gène: de l’argent est nécessaire
pour collecter les échantillons, effectuer >>>
L’équipe de Yan Chérel
a abouti à des résultats prometteurs chez le golden retriever
myopathe. Le chien malade (à gauche) soulage ses membres postérieurs en déplaçant son
poids vers l’avant, et présente une palmigradie, une plantigradie et une ankylose des
postérieurs. Chez un chien traité avec des cellules souches (à droite), le poids est réparti
équitablement sur les quatre membres et les anomalies posturales ont disparu. «Notre
objectif est d’aider concrètement les enfants malades, rapporte notre confrère. En thérapie
génique, nous cherchons à améliorer l’efficacité de la main, pour que les enfants
myopathes contrôlent plus longtemps le joystick de leur fauteuil. La protéine produite
après l’injection de notre vecteur viral (qui permet de sauter la zone mutée lors de la
lecture de l’ADN) est plus courte que la normale, mais elle est fonctionnelle. Nous espérons
qu’un essai clinique pourra débuter en 2014.» En thérapie cellulaire, des cellules souches,
les MuStem, pourraient être une solution: «Notre plus vieux chien (traité quand il avait
3 mois) a 4 ans, et il est en bonne forme (les chiens atteints ne vivent pas plus d’un an).
Il n’est pas parfait, mais il est dynamique, joueur, il peut se dresser sur ses postérieurs, etc.
Ces résultats ont été obtenus grâce à un soutien fort de l’Association française contre
les myopathies, complété depuis peu par des aides dans le cadre du programme
“Investissements d’avenir”. Nous espérons pouvoir appliquer cette technique à l’enfant
d’ici à cinq ans, mais nous sommes des chercheurs, pas des devins. Des problèmes liés
à l’immunosuppression doivent en particulier être réglés auparavant.»
© YAN CHEREL
© YAN CHEREL
Les prélèvements
de 10 000 chiens
sont centralisés dans
une biobanque