société
Son frère a tué gratuitement des enfants.
En tant que mère, comment peut-elle
parler comme ça ?
La France est-elle responsable
du destin de Merah ? Pas du tout.
Les responsables, ce sont à 100 % les
parents. Quand on met un enfant au
monde, on doit l’éduquer, l’encadrer,
le suivre. L’école est là pour l’orienter
et l’instruire. L’armée – qui n’est
malheureusement plus obligatoire –
apporte le respect et la discipline. Mais
si les parents ne sont pas là, l’école et
l’armée ne peuvent rien faire. La France
enfants et pour être écoutées. Parfois,
elles me demandent de me déplacer
en pensant que ma parole aura plus
d’impact que la leur. Mais c’est à
elles de mener le combat avec leurs
enfants. Certaines mères partagent
leur inquiétude avec moi lorsque leur
enfant se convertit à l’Islam. Je leur
conseille simplement de ne pas être
trop intrusives et de surveiller de loin
le comportement de leur fils ou de leur
fille. Autant de femmes m’appellent
car je parle avec mon cœur et avec ma
douleur. Ça touche les gens et c’est
important pour moi. Voilà pourquoi je
laisse mon numéro de portable sur le site
Internet de l’association.
Comment avez-vous pu choisir le
chemin de l’aide au lieu de celui de
la haine ? Avec l’espoir. Quand je parle à
ces jeunes, je vois qu’on peut les récupérer.
Aussi, quand une femme musulmane
française s’adresse à eux, le message a plus
de force. Lorsqu’un jeune, même le plus
dur des caïds, est en face de moi, les larmes
coulent sur son visage. Des Merah, il y
en a partout. Mais ces jeunes abandonnés
n’ont pas le droit de prendre la vie des
autres parce qu’ils n’ont pas réussi la leur.
Je ne veux qu’il y ait un autre Merah
et qu’une autre mère souffre comme je
souffre. Perdre son enfant, ça vous détruit
à vie. Et puis, mon fils est mort debout.
Alors, je n’ai pas le droit de m’asseoir.
Vous avez insisté pour que votre fils
soit déclaré « Mort pour la France » ?
Imad est mort parce qu’il était
militaire. Bien qu’il n’ait jamais servi
en Afghanistan, il était fier de servir
son pays. Il est d’ailleurs mort debout,
digne comme un soldat. Pour moi, cela
méritait la mention « Mort
pour la France ». Je n’ai pas
eu cette chance, mais le
gouvernement a spécialement
créé la mention « Mort pour
le service de la Nation »,
également attribuée aux deux
autres militaires tués par
Mohamed Merah. n
Mort pour la France, de Latifa Ibn
Ziaten, aux éditions Flammarion
n’est pas là pour toquer aux portes des
gens pour leur proposer du travail. C’est
aux jeunes de bouger. Si on a besoin
d’aide, on va manifester pacifiquement
dans la rue. On ne va pas commettre des
crimes comme Merah.
Pourquoi êtes-vous la seule mère à
livrer ce combat ? Mon fils me disait
toujours : « Garde la pêche en toi. » Mais
j’appelle toutes les familles, les mères
françaises, musulmanes ou non, à se
lever, parler, manifester. C’est important.
Tous ces jeunes qui souffrent, nous nous
devons de les écouter et de les aider. Ce
sont aussi nos enfants.
Pourquoi ne pas avoir co-écrit le
livre avec votre mari ? A la maison,
on appelle mon mari « le papa gâteau ».
C’est un homme très doux mais
réservé. Quant à moi, j’avais besoin
de m’exprimer à travers ce livre pour
que les mères voient que j’aime ce pays
qui m’a ouvert ses bras. En revanche,
certains pères ne sont pas présents alors
qu’ils représentent davantage l’autorité
auprès des enfants. C’est aussi pour
ça qu’il y a autant de délinquance.
Avec l’association, je rencontre plus de
femmes que d’hommes et ça, ce n’est pas
normal. Le père doit aussi
participer à l’éducation, car
la mère ne peut pas porter
seule cette charge. L’enfant,
on le fait à deux.
Que vous disent les mères
que vous rencontrez ?
Beaucoup d’entre elles me
demandent de l’aide, des
conseils pour parler à leurs
merah n’est pas
un musulman,
c’est un assassin.
IL N’AVAIT AUCUNE
ÉDUCATION NI
RELIGION
Gazelle 23