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Introduction aux concepts et outils
de l’analyse économique appliquée
au droit de la concurrence
Gildas de Muizon, directeur de Microeconomix
Ecole de Droit & Management de Paris
Master 2 Professionnel MBA de droit des affaires et de management-gestion
18 octobre 2011
Plan de la séance
 Objectif de la séance
– Présenter à des juristes les concepts et outils de l’analyse économique
appliquée au droit de la concurrence
 Introduction : quel est le rôle des économistes dans l’application du
droit de la concurrence ?
 Trois principaux champs de l’économie seront présentés
– Les apports de la microéconomie à la compréhension du fonctionnement des
marchés
– Les apports de la théorie des jeux à la compréhension du comportement des
agents économiques en situation d’interdépendance
– Les apports de l’économétrie à la compréhension des données économiques et
des causalités
 Etude de cas afin d’illustrer de façon concrète le rôle de l’analyse
économique
2
Introduction : quel est le rôle des économistes dans
l’application du droit de la concurrence ?
3
1er rôle de l’analyse économique : contribuer à fonder
les règles de droit
 La raison d’être du droit de la concurrence : la concurrence est
bonne pour les consommateurs (et l’économie en général), ce
qui justifie une intervention publique visant à la protéger
– Fondements de la microéconomie : une main invisible guide les
comportements égoïstes des agents individuels vers la maximisation du
bien-être collectif
"Chaque individu met sans cesse tous ses efforts à chercher, pour tout le capital
dont il peut disposer, l'emploi le plus avantageux : il est bien vrai que c'est son
propre bénéfice qu'il a en vue, et non celui de la société, mais les soins qu'il se
donne pour trouver son avantage personnel le conduisent naturellement, ou
plutôt nécessairement, à préférer précisément ce genre d'emploi même qui se
trouve être le plus avantageux à la société." Adam Smith (1776)
– La concurrence entre entreprises les force à proposer les meilleurs produits
au meilleur prix, au bénéfice des consommateurs. A l’opposé un monopole
peut pratiquer des prix plus élevés et a moins d’incitations à être efficace
4
1er rôle de l’analyse économique : contribuer à fonder
les règles de droit
 L’analyse économique contribue à mieux comprendre l’effet de
certaines pratiques/stratégies d’entreprises
– Elle met en évidence que des pratiques de nature identique peuvent avoir
des effets très différents (parfois anticoncurrentiels, parfois proconcurrentiels)
– Par exemple une remise accordée aux clients : bon pour le consommateur
qui bénéficie d’un prix plus bas / mauvais pour le consommateur si la
remise conduit à l’éviction de concurrents efficaces
 L’évolution d’une approche formaliste (per se) vers une
approche fondée sur les effets renforce le rôle de l’analyse
économique dans l’application du droit de la concurrence
5
2ème rôle de l’analyse économique : fournir les outils,
tests et critères permettant l’application du droit
 L’analyse économique contribue à la conception de tests et
critères pratiques facilitant l’application du droit
– Développer des outils issus de la théorie microéconomique permettant au
juge d’être éclairé sur les effets de certaines pratiques ou décisions
– Développer des outils d'analyse quantitative et économétrique pour
comprendre et rendre intelligibles les faits empiriques observés
 Exemples
– Caractérisation d’un prix prédateur : test Akzo (1991) transcrivant dans la
jurisprudence la règle d’Areeda-Turner (coût variable moyen, coût total
moyen)
– Caractérisation d’un risque de position dominante collective : critères
Airtours (2002) transcrivant dans la jurisprudence trois facteurs identifiés
par la théorie des jeux comme favorisant l'émergence d'un équilibre de
collusion tacite
6
Les principaux champs de l’économie appliquée au droit
de la concurrence
 La microéconomie
– Microéconomie : modélisation du comportement des agents individuels
(producteur, consommateur) et étude des équilibres de marché
 La théorie des jeux
– Krugman (2009) : « quand les décisions de deux firmes ou davantage
influencent significativement leurs profits respectifs, celles-ci sont en
situation d'interdépendance. […] L'étude des comportements en situations
d'interdépendance est appelée théorie des jeux »
 L’économétrie
– La mise en évidence empirique (i.e., à partir des données économiques) et
la quantification des relations causales entre phénomènes économiques
7
Outils et concepts de la microéconomie appliquée au
droit de la concurrence
8
La modélisation du comportement du consommateur
 Comportement du consommateur
– Le consommateur dispose d’un certain revenu et de préférences
– Il est supposé maximiser son bien-être (mesuré par son utilité), sous contrainte
de revenu
– Il fait des choix (arbitrages) en fonction de ses préférences, de son revenu et du
prix des biens
– On en déduit la courbe de demande individuelle du consommateur
 Différents types de biens
– Biens dits inférieurs : la consommation diminue lorsque le revenu augmente
– Biens dits normaux : la consommation
proportionnellement par rapport au revenu
augmente
moins
que
– Biens de luxe : la consommation augmente plus que proportionnellement par
rapport au revenu
– Biens substituables et biens complémentaires
9
La demande
 En agrégeant les demandes individuelles des consommateurs, on
obtient une courbe de demande agrégée
– Relation entre le prix du bien et les quantités demandées (en général,
décroissante)
 Paramètre-clé : l’élasticité de la demande
– De combien varie la demande lorsque le prix augmente ?
– En général, l’élasticité de la demande varie le long de la courbe de demande
10
La modélisation du comportement du producteur
 Comportement du producteur
– Le producteur achète des facteurs de production lui permettant de
produire un bien
– Il est supposé maximiser son profit
– Il fait des arbitrages en fonction du prix des facteurs de production, de sa
contrainte budgétaire et du prix auquel il peut vendre le bien
 Différents types de coûts de production
– Coût marginal
– Coût variable moyen
– Coût fixe
– Coût total moyen
11
L’offre en situation de concurrence parfaite
 En agrégeant les offres individuelles des producteurs, on
obtient une courbe d’offre agrégée
– Relation entre les prix et les quantités offertes
– Hypothèse : les prix s’imposent aux producteurs (price-takers)
12
L’équilibre offre-demande en situation de concurrence
parfaite
13
Le surplus des consommateurs et des producteurs
Surplus des
consommateurs
Surplus des
producteurs
14
Les limites du modèle de concurrence parfaite
 Le modèle de concurrence parfaite permet de démontrer que
l’équilibre atteint maximise le bien-être collectif (somme du
surplus du consommateur et du producteur)
 Mais il n’est valable que sous plusieurs hypothèses restrictives
– Atomicité de l’offre et de la demande
– Libre entrée sur le marché
– Homogénéité du bien
– Transparence du marché
 Le relâchement de ces hypothèses conduit à élaborer des
modèles de concurrence imparfaite
15
Les modèles de concurrence imparfaite
 Remise en cause de l’atomicité du marché : situation caractérisée
par la présence d’un petit nombre de producteurs
– Modèles de concurrence oligopolistique
– Cas extrême : modèle du monopole
 Remise en cause de la libre entrée : situation caractérisée par
l’existence de barrières l’entrée
– Modèles du prix limite
 Remise en cause de l’homogénéité des biens : situation
caractérisée par une différenciation des bien
– Modèles de concurrence monopolistique
 Remise en cause de l’hypothèse de transparence du marché :
situation caractérisée par l’existence d’asymétrie d’information
– Modèles de concurrence en situation d’information imparfaite
16
Modèle du monopole
 Lorsque le producteur est en monopole, il peut agir sur les prix
en restreignant son offre
– La maximisation de son profit intègre le fait que sa décision sur son niveau
de production a un impact sur le prix d’équilibre
– En concurrence, chaque producteur a intérêt à accroître son offre jusqu’à
l’égalisation du prix et de son coût marginal (s’il ne le fait pas, un
concurrent le fera)
– En situation de monopole, le producteur arbitre entre le gain qu’il retire de
vendre une unité supplémentaire et la perte liée à la baisse du prix de
toutes les unités vendues
 L’équilibre de monopole se caractérise par un prix plus élevé et
une quantité produite plus faible qu’en situation de
concurrence
17
Equilibre du monopole
18
L’inefficacité allocative du monopole
19
Modèles de concurrence oligopolistique

Oligopole = petit nombre de producteurs en concurrence
–


20
Les décisions des producteurs sont interdépendantes : les producteurs ne considèrent
plus le prix comme donné et tiennent compte de l’interaction stratégique de leurs
offres dans la détermination du prix
Deux modèles fondamentaux : concurrence en prix (Bertrand) ou
concurrence en quantité (Cournot)
–
Les deux modèles diffèrent sur l’hypothèse de la variable stratégique de la
concurrence
–
En Cournot, chaque producteur définit les quantités qu’il offre en tenant compte de
la fonction de réaction (en quantité) de ses concurrents
–
En Bertrand, chaque producteur définit son prix en tenant compte de la fonction de
réaction (en prix) de ses concurrents
Deux résultats très différents
–
En Cournot, le prix d’équilibre est d’autant plus élevé que le nombre de concurrents
est faible
–
En Bertrand, le prix d’équilibre est indépendant du nombre de concurrents et est
égale au prix de concurrence parfaite
Bertrand ou Cournot ?
 Ce sont les faits observés qui vont permettre de sélectionner un
modèle plutôt qu’un autre
 Exemple de concurrence en prix : les restaurants japonais d’une
même rue
– Leur première décision est de fixer le prix de leur menu en tenant compte
de la réaction des autres restaurants
– Une fois qu'ils ont fixé leurs prix, ils servent tous leurs clients au même prix
– Ils n'ajustent pas leurs prix en fonction de la demande effective et ne
peuvent pas changer leurs prix tous les jours
– Si un jour, la demande est forte, ils serviront beaucoup de repas. Si le jour
suivant, la demande est faible, ils en serviront moins.
21
– Lorsque les firmes se livrent à une concurrence en prix, l'ajustement à la
demande se fait par les quantités, sans modification des prix initialement
fixés.
Bertrand ou Cournot ?
 Exemple de concurrence en quantité : les producteurs de
ciment
– Leur première décision est de fixer la capacité de leur usine de production,
en anticipant le comportement de leurs concurrents et la demande des
consommateurs
– Une fois qu'ils ont fixé leur capacité de production, ils produisent une
quantité définie de ciment
– Ils ne peuvent faire varier quotidiennement les quantités qu'ils produisent
pour s'ajuster à la demande effective
– Puisqu'ils ne peuvent pas s'ajuster en faisant varier les quantités qu'ils
produisent, l'ajustement à la demande effective se fait par les prix : si la
demande est forte, ils vendent leur ciment à un prix élevé. Si la demande
est faible, ils le vendent à un prix faible
– Lorsque les firmes se livrent à une concurrence en quantité, l'ajustement à
la demande se fait par les prix, sans modification des quantités produites
22
Modèles de concurrence avec biens différenciés
 En général, les biens produits par différents producteurs ne sont
pas exactement les mêmes : ils sont différenciés
Différenciation verticale
Différenciation horizontale
23
Modèles de concurrence avec biens différenciés
 Modèle de concurrence spatiale (Hotelling)
– La différenciation horizontale des biens est modélisée par leur localisation
spatiale différente
– Les consommateurs supportent des coûts de transport qu’ils intègrent
dans leurs arbitrages (peut être interprété comme la différence de
satisfaction du consommateur par rapport à sa variante préférée)
– Plus les concurrents sont éloignés l’un de l’autre, moins la concurrence en
prix est intense
 Modèle de concurrence monopolistique (Chamberlin)
24
Comparaison des prix d’équilibre en fonction du modèle
 L’écart entre le prix d’équilibre et le coût marginal (prix de
concurrence parfaite) permet d’apprécier le pouvoir de marché
des firmes
25
Un exemple concret : les effets d’un échange
d’information entre concurrents
 Question : deux entreprises concurrentes peuvent-elles
s’échanger mutuellement des données sur leurs ventes passées ?
 Réponse de l’analyse économique
fonctionnement de la concurrence
:
cela
dépend
du
– Si la concurrence porte sur les quantités (Cournot), un échange d’information
entre concurrent permettant de mieux anticiper la demande future, est
bénéfique pour les entreprises et pour les consommateurs
– Si la concurrence porte sur les prix (Bertrand), un échange d’information
entre concurrents permettant de mieux anticiper la demande future, est
bénéfique pour les entreprises mais néfaste aux consommateurs
 Il est donc indispensable de caractériser le fonctionnement de la
concurrence (i.e., identifier le bon modèle de concurrence) afin
d’étudier les effets de l’échange d’information
26
Un exemple concret : les effets d’un échange
d’information entre concurrents
 L’affaire des échanges d’information entre opérateurs de
téléphonie mobile*
– Le Conseil de la concurrence ainsi que la cour d’Appel s’étaient contentés de
relever la nature des informations échangées, leur périodicité et le caractère
oligopolistique de la structure du marché
– La Cour de cassation jugé que cela était insuffisant et a annulé l’arrêt de la
Cour d’appel :
« Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher de façon concrète, […], si
l’échange […] d’informations […] entre les trois entreprises […] avait eu pour objet
ou pour effet réel ou potentiel, compte tenu des caractéristiques du marché, de
son fonctionnement, […], de permettre à chacun des opérateurs de s'adapter au
comportement prévisible de ses concurrents et ainsi de fausser ou de restreindre
de façon sensible la concurrence sur le marché concerné, la cour d'appel n'a pas
légalement justifié sa décision » (Arrêt du 29 juin 2007 de la Cour de cassation)
27
* Le cabinet Microeconomix a conseillé la société Orange France dans le cadre de l’affaire mentionnée. L’auteur
s’exprime ici à titre strictement personnel
Apports de la théorie des jeux
28
Théorie des jeux
 La théorie des jeux fournit des outils d’analyse des
comportements stratégiques des agents économiques en
situation d’interdépendance
– Elle permet d’identifier des équilibres ne se limitant pas aux équilibres
concurrentiels (i.e., non coopératifs)
– Elle s’applique notamment à l’analyse des équilibres collusifs (cartels,
collusion tacite) => équilibres coopératifs, jeux répétés
– Exemple : permet de comprendre pourquoi des cartels ont pu se maintenir
pendant des années, alors que chaque cartel est a priori instable
 Caractéristiques d’un « jeu »
– Les gains d’un agent dépendent en partie de ses propres décisions, mais
également des décisions prises par les autre agents
– On cherche à analyser les équilibres, notamment ceux qui sont stables
(équilibre de Nash : aucun joueur n’a intérêt à dévier)
29
Le dilemme du prisonnier – illustration 1
Criminel A trahit
30
Criminel B trahit
10 ans de prison
chacun
Criminel B se tait
B condamné à 15 ans
A libéré
Criminel A se tait
A condamné à 15 ans
B libéré
1 an de prison chacun
Le dilemme du prisonnier – illustration 1
 Impact de la loi du silence sur l’équilibre
– Celui qui trahit est assassiné par la Mafia
Criminel A trahit
31
Criminel B trahit
10 ans de prison
chacun
Les deux sont
assassinés
Criminel B se tait
B condamné à 15 ans
A libéré puis assassiné
Criminel A se tait
A condamné à 15 ans
B libéré puis assassiné
1 an de prison chacun
Le dilemme du prisonnier – illustration 2
32
Camel continue la pub
Camel arrête la pub
Marlboro continue la
pub
Profit de 2 chacun
Camel gagne 1
Marlboro gagne 15
Marlboro arrête la
pub
Camel gagne 15
Marlboro gagne 1
Profit de 10 chacun
Le dilemme du prisonnier – illustration 2
 Impact de la réglementation : la publicité pour le tabac est
interdite
– Le profit des producteurs de cigarettes augmente !
33
Camel continue la pub
Camel arrête la pub
Marlboro continue la
pub
Profit de 2 chacun
Camel gagne 1
Marlboro gagne 15
Marlboro arrête la
pub
Camel gagne 15
Marlboro gagne 1
Profit de 10 chacun
L’instabilité intrinsèque de la collusion
 Le profit joint des membres d’un cartel est supérieur à la
somme de leur profit en l’absence de cartel
 Mais individuellement, chaque entreprise a intérêt à dévier de
l’accord : son profit augmente si elle est la seule à ne pas
respecter l’accord
B fait défection
34
B respecte
l’accord
A fait défection
A respecte
l’accord
(30 ; 30)
Profit de
concurrence
(20 ; 60)
(60; 20)
(50 ; 50)
Profit de
Monopole
34
Répétition du dilemme du prisonnier à l’infini
 En dynamique, on peut ajouter un règle supplémentaire : par
exemple, les firmes respectent l’accord tant qu’aucune firme ne fait
défection. Dès qu’une firme fait défection, plus personne ne
respecte l’accord
 Calcul des gains (a étant le taux d’actualisation des profits futurs)
– En respectant l’accord : 50 par période => gain total de
– En faisant défection : 60 la première période, puis 30 par période :
– Le cartel est stable si le gain en respectant l’accord est supérieur au gain obtenu
en faisant défection soit dans notre exemple : a > 1/3
35
Stabilité du cartel
 Tant que la somme actualisée des gains obtenus en coopérant
est supérieure à la somme actualisée des gains obtenus en
faisant défection, les membres coopèrent
 Une modification du contexte extérieur (par exemple l’entrée
d’une nouvelle firme conduisant à un profit du cartel moindre)
peut remettre en cause cet arbitrage et faire basculer les
membres du cartel de l’équilibre coopératif à l’équilibre noncoopératif
 Un programme de clémence accroit les gains obtenus à la
défection et conduit donc à une plus grande instabilité du cartel
36
Illustration de la différence entre un équilibre coopératif
et un équilibre concurrentiel
 Equilibre concurrentiel : si une station-service fixe son prix au-delà
du prix concurrentiel, les clients iront à l’autre station-service
 Equilibre coopératif (collusion tacite) : chaque station-service fait le
pari que l’autre réagira à une hausse des prix en augmentant ses
propres prix
37
Illustration de la différence entre un équilibre coopératif
et un équilibre concurrentiel
 A l’équilibre concurrentiel, aucune station-service ne peut
augmenter son profit immédiat en modifiant son prix.
 A l’équilibre collusif, la première qui dévierait en baissant les
prix, engrangerait un profit immédiat
 Ne pas confondre équilibre collusif et équilibre de concurrence
imparfaite (même si les prix peuvent être identiques)
38
Conclusion sur les apports de l’économie industrielle
 L’économie industrielle est « l’étude de la structure des
entreprises et des marchés, ainsi que de leurs interactions »
(Carlton & Perloff)
 Elle mobilise notamment les outils de la microéconomie et de la
théorie des jeux pour
– Analyser le comportement des agents économiques
– Evaluer les effets pro ou anticoncurrentiels de leurs décisions et de leurs
pratiques
 Elle permet de concevoir des tests utiles à l’application du droit
de la concurrence
39
Les apports de l’économétrie à la pratique du droit de
la concurrence
Partie librement inspirée de « Introduction à l’économétrie » d’E. Frot
40
Qu’est-ce que l’économétrie ?
 En 1933, définition de Ragnar Anton Kittil Frisch
– L’unification de la statistique économique, de la théorie économique et de
l’application des mathématiques à l’économie
 En termes plus récents
– La mise en évidence empirique et la quantification des relations causales
entre phénomènes économiques
 En quoi est-elle utile à l’application du droit de la concurrence ?
– Outil prospectif d’évaluation des effets l‘une opération de concentration :
comprendre le fonctionnement passé de la concurrence afin de mieux
prédire l’avenir (i.e., les effets probable de l’opération)
– Outil de quantification des effets d’une pratique anticoncurrentielle,
notamment dans l’évaluation du dommage qu’elle a causé à l’économie
(prise en compte dans la sanction) et des préjudices qu’elle a fait subir à
d’autres agents économiques
41
Illustration à partir d’un exemple
 Imaginons que l’Autorité de la concurrence ait réuni
suffisamment de preuves matérielles de l’existence d’un cartel
entre concurrents
 D’un point de vue théorique, on s’attend à ce que le cartel ait
permis à ses membres de pratiquer des prix supraconcurrentiels
– Mais le cartel n’a pas forcément très bien fonctionné (déviations, etc.)
– L’ampleur de la hausse des prix causé par un cartel peut être affectée par
de nombreux paramètres : élasticité de la demande, arrivée d’un produit
concurrent, modification des coûts de production
 Il est donc utile d’évaluer précisément l’effet du cartel
– Pour fixer le montant de la sanction dont l’un des paramètres est
l’importance du dommage à l’économie
42
– Dans le cadre d’éventuelles actions en réparation engagées par des clients
s’estimant avoir été lésés
Collecte des données
 La première étape va consister à collecter les prix, durant la
période du cartel, mais également avant le cartel et après le
cartel
– Evidemment, on peut se heurter à de grandes difficultés pour réunir toutes
les données
43
Premier calcul statistique : comparaison de la moyenne
des prix
 On calcul la moyenne des prix pendant le cartel et en dehors du
cartel
– On obtient que le prix moyen pendant le cartel était de 26 € tandis que le
prix moyen hors cartel était de 25 €
 Peut-on déduire d’un tel résultat que le cartel a permis une
augmentation 4 % du prix ?
– La seule valeur moyenne n’est pas très informative
– Elle masque la dispersion des données
– Par exemple, on pourrait imaginer que l’écart observé n’est dû qu’à
l’existence d’une donnée de prix très élevé pendant le cartel, tandis que
tous les autres prix seraient identiques pendant le cartel et en dehors
– En d’autres termes, il nous manque un test de significativité de la
différence des prix moyens
44
La régression simple
 Au lieu d’agréger les données de prix pour calculer deux valeurs
moyennes, il est plus judicieux d’exploiter toutes les données
collectées
 On cherche à estimer une relation entre le prix et l’existence du
cartel
Prix = a + b * CARTEL + u
 Le paramètre b mesure l’effet du cartel sur le prix
– Il est estimé avec une marge d’erreur
– Par exemple, on obtient : b = 1 € et est compris entre 0,8 € et 1,2 € avec un
niveau de confiance de 95 %
45
La régression simple
b est compris entre
0,8 et 1,2 avec un
niveau de confiance
à 95 %
46
Corrélation et causalité
 Le lien mesuré entre prix et l’existence d’un cartel est une
corrélation entre deux variables
 Nous avons mis en évidence une corrélation entre deux
variables, mais corrélation n’est pas causalité
– Exemple : les ventes de crèmes glacées et de crèmes solaires sont
corrélées, sans aucun lien de causalité entre elles
– Une variable cachée (e.g., période estivale) influence en effet les deux
variables, ce qui explique leur corrélation apparente
 La régression simple mesure une relation causale si aucune
autre variable n’influence le prix et se trouve corrélée avec la
période d’existence du cartel
47
La régression multiple
 Bien évidemment d’autres variables ont pu influencer les prix,
indépendamment de l’existence du cartel
 On les ajoute à la régression : on contrôle pour d’autres
variables
 Par exemple
– Les coûts des matières premières ont certainement un impact sur le prix
 On estime une nouvelle relation
Prix = a + b * CARTEL + c * Prix des matières premières + u
48
Présentation des résultats
Cartel
Régression simple
Prix
Régression multiple
Prix
1**
(0.059)
0,5***
(0.065)
Prix des matières
premières
Constante
Nombre d’observations
R2
** significatif à 5 %, *** significatif à 1 %
49
2***
(0.73)
25***
(0.62)
15***
(0.85)
100
100
0.056
0.132
Régression multiple
 La régression multiple permet de mesurer l’effet d’une variable
toutes choses égales par ailleurs
 Elle est un premier pas, parfois suffisant, pour établir un lien de
causalité entre deux variables
– Mais il peut être difficile d’identifier certaines variables affectant le prix
– Notamment si les périodes (avant, pendant, après cartel) subissent des
chocs exogènes (crise économique, modification de l’offre comme l’arrivée
de nouveaux produits, modification du comportement ou des préférences
des consommateurs, etc.)
 De nombreuses autres techniques sont disponibles (effets fixes,
différence de différences, probit, logit, variables instrumentales,
régression par discontinuité, modèles de sélection, etc.)
50
Evolution corrigée des prix
 En incluant les variables influençant le prix, on est en mesure de
corriger l’évolution brute des prix afin de s’approcher des effets
strictement liés au cartel
51
Conclusion sur les apports de l’économétrie
 L’économétrie permet d’analyser de façon rigoureuse les liens
de causalité entre variables et de les quantifier
 Elle peut être utilement mobilisée dans la pratique du droit de
la concurrence lorsque des données existent
– Pour comprendre le passé afin mieux prédire l’avenir dans le cadre d’une
analyse prospective des effets d’un concentration)
– Pour isoler et quantifier rigoureusement l’impact spécifique d’une pratique
(e.g., cartel) en terme de dommages ou de préjudices
52
Etude de cas : comment apprécier les effets d’une
fusion entre concurrents sur un marché d’appels
d’offres ?
Les effets anticoncurrentiels potentiels d’une fusion horizontale sur un marché d’appel
d’offres illustrés par la fusion entre Veolia Transport* et Transdev (2010)
53
* Le cabinet Microeconomix a conseillé la société Veolia Transport dans le cadre de l’affaire mentionnée. L’auteur
s’exprime ici à titre strictement personnel
Le calendrier de l’opération
Concentration Veolia Transport / Transdev

Les groupes Keolis et Veolia candidats à un mariage avec Transdev (Les
Echos du 9 juin 2009 )

La Caisse des Dépôts choisit d'apporter Transdev à Veolia (Les Echos du
23 juillet 2009)

Les collectivités s'inquiètent des répercussions sur le coût du transport
collectif (Les Echos du 24 juillet 2009)

« Il y a une intensification de la concurrence dans le transport urbain »
(Les Echos du 30 septembre 2009)

Ultimes tractations pour la fusion entre Veolia Transport et Transdev
(Les Echos du 21 décembre 2009)

La fusion de Veolia Transport et Transdev prend du retard (Les Echos du
8 mars 2010)
54
Le calendrier de l’opération
Concentration Veolia Transport / Transdev

La RATP sort de Transdev et se renforce en France et à l'international
(Les Echos du 5 mai 2010)

Bruxelles s'interroge sur la fusion Veolia-Transdev (Les Echos du 12 juillet
2010)
55

Fusion Transdev-Veolia : Bruxelles passe le relais à la France et aux
Pays-Bas (Les Echos du 13 août 2010)

Transdev/Veolia : « examen approfondi » de l'Autorité de la
concurrence (Les Echos du 14 septembre 2010)

La fusion Veolia Transport-Transdev va pouvoir entrer dans sa phase
active (Les Echos du 30 décembre 2010)

L'Autorité de la concurrence a obtenu la mise en place d'un fonds
visant à dynamiser le marché (Les Echos du 31 décembre 2010)
Le calendrier de l’opération
Concentration Veolia Transport / Transdev

Veolia-Transdev change déjà de patron (Les Echos du 8 février 2011)

Veolia et la CDC pourraient garder 30 % à 40 % chacun de VeoliaTransdev après sa mise en Bourse (Les Echos du 7 mars 2011)

Jérôme Gallot s'attelle à la colossale fusion de Veolia et Transdev (Les
Echos du 8 avril 2011)
 Entre la première manifestation d’intérêt et la mise en œuvre de la
fusion, 2 années se sont écoulées
 Les problématiques de concurrence ont occupé une importante équipe
d’avocats et d’économistes pendant plus de 18 mois (et ce n’est pas
totalement terminé…)
56
Marchés concernés par l’opération en France
Concentration Veolia Transport / Transdev
 Les marchés concernés sont ceux des transports publics,
urbains et interurbains
57
Modifications capitalistiques
Concentration Veolia Transport / Transdev

Vision simplifiée de la situation avant l’opération
≈ 75 %
≈ 75 %
Participations croisées
≈ 25 %
58
≈ 100 %
Modifications capitalistiques
Concentration Veolia Transport / Transdev

Vision simplifiée de la situation après l’opération
100 %
59
50 %
50 %
Les marchés pertinents
Concentration Veolia Transport / Transdev
 Pour calculer les parts de marché des différents opérateurs, il
faut au préalable définir les marchés pertinents
– “un marché pertinent peut-être défini comme un ensemble de produits
présentant entre eux une forte substituabilité au niveau de la demande et
de l’offre à l’intérieur d’un espace géographique donné“ Combe (2005)
 La délimitation d’un marché pertinent est double
– D’une part dans l’éventail des produits (e.g., le marché pertinent du CocaCola inclut-il le Pepsi ? L’Orangina ? Les jus de fruit ? L’eau minérale ?)
– D’autre part dans l’espace géographique (e.g., la concurrence se joue-t-elle
à l’échelle d’un département ? Du territoire national ? De l’Europe ? Du
monde ?)
 En pratique, la délimitation s’appuie souvent sur un
raisonnement économique
– Analyse de la substituabilité du côté de la demande et du côté de l’offre
60
Le marché français du transport urbain de voyageurs
Concentration Veolia Transport / Transdev
 Les autorités en charge de l’organisation des transports urbains
peuvent opter pour une gestion en régie ou pour une gestion
déléguée à des opérateurs
 Dans le second cas, elles organisent des appels d’offres pour
sélectionner l’opérateur qui exploitera le réseau durant une période
déterminée (e.g., 5 années)
– Côté demande, il n’y a pas de substituabilité entre les services de transport d’une
ville et ceux d’une autre ville
– En revanche, côté offre, on observe que les opérateurs sont actifs au niveau
national
 Le marché pertinent retenu est un marché national de la gestion
déléguée des réseaux de transport urbain
– L’Autorité de la concurrence a exclu du marché la gestion en régie car elle
considère que « la pression concurrentielle exercée par l’éventualité d’un passage
en régie dans le secteur des transports urbains doit être relativisée » (§195)
61
Parts de marché dans le transport urbain
Concentration Veolia Transport / Transdev
 En nombre de réseaux exploités, l’opération fait du 2ième et du
3ième, le premier opérateur (45 % du marché)
 En termes de chiffre d’affaires, Keolis reste largement leader (54 %
contre 40 % pour la nouvelle entité)
Vectalia
2%
Carpostal
1%
Indépendants
12%
Ratp Dev
4%
Vectalia
2%
Keolis
34%
Indépendants
1%
Veolia
Transport
27%
Veolia
Transport
32%
Carpostal
3%
62
Ratp Dev
1%
Keolis
54%
Transdev
13%
Transdev
13%
Parts de marché en nombre de réseaux
Parts de marché en CA
Concentration marché des transports urbains
Concentration Veolia Transport / Transdev
 A partir des parts de marché, les autorités de concurrence
calculent un indice de concentration du marché
– Indice de Hirfindahl-Hirshman (HHI) = somme du carré des parts de marché
– Exemple : monopole (HHI = 10 000), duopole symétrique (HHI = 5 000), dix
firmes ayant chacune 10% du marché (HHI = 1 000)
– Une fusion horizontale se traduit toujours par une augmentation du HHI
a2+b2 ≤ (a+b)2
 Lignes directrices de la Commission Européenne
– Si HHI < 1 000 ou si 1 000 < HHI < 2 000 mais ∆HHI < 250 : pas d’effets
anticoncurrentiels
– Si HHI > 2 000 ou si 1 000 < HHI < 2 000 mais ∆HHI > 250 : susceptible
d’identifier des effets anticoncurrentiels
63
Concentration marché des transports urbains
Concentration Veolia Transport / Transdev
 En l’espèce les seuils critiques sont largement dépassés
En nombre de contrats
En chiffre d'affaires
IHH pré-opération
IHH post-opération
Delta IHH
IHH pré-opération
IHH post-opération
Delta IHH
2 386
3 264
878
3 832
4 528
697
 Mais est-ce vraiment préoccupant ?
– Sur un marché d’appels d’offres, la concurrence se joue au moment de
l’appels d’offres
– Il s’agit d’une concurrence pour le marché et non d’une concurrence dans
le marché
64
Parts de marché vs. Nombre de concurrents
Concentration Veolia Transport / Transdev
 Les parts de marché sont le reflet de la concurrence passée
– Dans quelle mesure permettent-elles d’apprécier l’intensité de la
concurrence qui prévaudra au cours de appels d’offres futurs ?
– Il convient d’aller plus loin : « afin d'évaluer si les parts de marché des
parties surestiment ou sous-estiment leur pouvoir de marché, il convient
d'examiner les conditions de concurrence sur ce marché d'appels d'offres et
donc de déterminer, sur la base d'une analyse des appels d'offres passés;
combien de soumissionnaires crédibles exercent une pression
concurrentielle sur les parties et quelle était l'intensité de la concurrence
[entre les parties] » (11-DCC-34, §64).
 L’impact éventuel de l’opération sur l’intensité de la
concurrence future dépend moins de l’effet d’addition des parts
de marché que des conséquences de la disparition d’un
participant crédible aux appels d’offres
65
L’analyse des données d’appels d’offres
Concentration Veolia Transport / Transdev
 Importante collecte d’informations sur le déroulement des
appels d’offres passés
– Plus de 200 appels d’offres sur la période 2004-2009
– Pour chacun d’eux, on dispose de l’identité de l’opérateur sortant, du
nombre et de l’identité des opérateurs ayant participé et de l’identité de
l’opérateur attributaire
– On dispose également d’informations sur les caractéristiques des contrats
attribués : population de l’agglomération, taille du réseau, nombre de
véhicules, chiffre d’affaires, etc.
 Cette base de données va permettre de calculer diverses
statistiques
– Éclairant les conditions concurrentielles des appels d’offres passés
– Permettant d’apprécier les effets possibles de l’opération
66
Le taux de reconduction de l’opérateur sortant
Concentration Veolia Transport / Transdev
 On peut facilement suivre l’évolution du taux de reconduction
de l’opérateur sortant
– En moyenne, il s’élève à plus de 75 %
– Mais on observe une nette évolution sur la période 2004-2009
95%
90%
85%
80%
75%
70%
65%
60%
55%
50%
2004
67
2005
2006
2007
2008
2009
Evolution du taux de reconduction du sortant
en nombre de contrats
Le taux de reconduction de l’opérateur sortant
Concentration Veolia Transport / Transdev
 L’Autorité de la concurrence en conclut qu’il existe un avantage
significatif à l’opérateur sortant
– Mais le taux de reconduction du sortant n’est pas un très bon indicateur de
l’intensité de la concurrence : le sortant peut avoir été reconduit à l’issue
d’une procédure très concurrentielle
 Il faut également tenir compte du fait que pour certains appels
d’offres, il n’y a qu’un seul participant (le sortant)
– Dans ce cas, le sortant est sûr d’être reconduit (sauf à ce que l’Autorité
organisatrice décide de reporter l’appel d’offres, ou d’opter pour une
gestion en régie)
– Si on exclut les appels d’offres auxquels seul le sortant à remis une offre, le
taux de reconduction du sortant est de 50 % en moyenne sur la période
68
– Pour les années récentes, on observe même que, dès lors qu’il est soumis à
la concurrence d’au moins un autre opérateur, le sortant n’a plus que 40 %
de chance d’être reconduit
La fréquence de rencontre des parties avant l’opération
Concentration Veolia Transport / Transdev
 L’Autorité de la concurrence est en premier lieu préoccupée par
la diminution du nombre de concurrents aux appels d’offres
futurs
 Pour mesurer l’effet anticipé de l’opération, on peut calculer la
fréquence de rencontre des parties avant l’opération
– Si cette fréquence est élevée, on en déduira que l’opération aura un impact
important de réduction du nombre de participants
– Si cette fréquence est faible, l’impact sera plus limité
 En l’espèce, Veolia Transport et Transdev ont simultanément
participé à une trentaine d’appels d’offres sur 2004-2010
– Soit une fréquence de rencontre de l’ordre de 15 %
69
– On peut en déduire que l’opération n’aura vraisemblablement aucun
impact pour 85 % des appels d’offres futurs
La diminution du nombre de participants
Concentration Veolia Transport / Transdev
 Sur la période 2004-2009, chaque appel d’offres a reçu en
moyenne 1,8 offre
– On peut chiffrer l’impact anticipé de la fusion : baisse de 0,15 du nombre
moyen d’offres qui atteindrait 1,65
 Pour l’année 2009, l’Autorité de la concurrence relève que
l’opération ferait baisser le nombre moyen d’offres de 2,2 à 1,96
(soit une réduction de 10 %)
– Elle estime qu’ « une dégradation de la situation, même légère, liée à
l’opération, est de nature à porter une atteinte significative à la
concurrence » (§135)
70
– Mais elle ne tient pas compte des modifications de comportements
susceptibles d’être engendrée par l’opération (réallocation des ressources
de la nouvelle entité la conduisant à répondre à des appels d’offres
auxquels les parties n’auraient pas participé, réaction des opérateurs
concurrents)
Les conséquences de la diminution du nombre d’offres
Concentration Veolia Transport / Transdev
 Une fois estimée l’impact de l’opération sur le nombre de
participants aux appels d’offres futurs, il faut transcrire cet
impact en augmentation des prix
 Cadre théorique : la théorie des enchères
– Certains modèles d’enchères montrent que la réduction du nombre de
participants conduit à un prix plus élevé
– Mais il ne s’agit pas d’un résultat général : d’autres modèles montrent que
le prix final ne dépend pas du nombre de participants
 Questions-clés
– La concurrence se joue-t-elle essentiellement entre les deux meilleurs
participants ?
– La présence d’un troisième voire d’un quatrième concurrent modifie-t-elle
l’intensité de la concurrence ?
71
L’évaluation de l’effet d’augmentation des prix
Concentration Veolia Transport / Transdev
 En théorie, on aimerait comparer le prix final des appels
d’offres lorsqu’il y a deux, trois ou quatre participants
– Mais on se heurte à la disponibilité des données de prix
– On fait également face à des difficultés pour comparer les prix car chaque
appel d’offres concerne un réseau aux caractéristiques spécifiques
 L’Autorité de la concurrence présente un calcul fondé sur des
données publiques (§163)
Elle estime avoir démontré qu’il existait
une relation décroissante entre le taux
de marge et le nombre de participants
Mais problème se fiabilité et de
significativité des données…
72
Conclusion sur les effets anticoncurrentiels
Concentration Veolia Transport / Transdev
 Considérant que
– l’opération réduira de façon significative le nombre de participants aux
appels d’offres futurs
– et que cela conduira à une hausse des prix au détriment des collectivités
locales (et in fine des usagers)

73
l’Autorité de la concurrence conclut :
Les remèdes
Concentration Veolia Transport / Transdev
 Lorsque l’analyse conduit l’autorité de concurrence à retenir
l’existence d’effets anticoncurrentiels, les parties peuvent
prendre des engagements afin d’y remédier
 Différents types de remèdes
– Engagements dits structurels
participations minoritaires, etc.)
:
cession
d’actifs
(filiales,
usines,
– Engagements dits comportementaux : modification des politiques tarifaires
(remises), maintien d’un accès à une technologie ou à une infrastructure,
etc.
 Le remède doit être conçu pour précisément remédier au
problème de concurrence identifié
74
Les remèdes
Concentration Veolia Transport / Transdev
 En l’espèce, l’effet anticoncurrentiel retenu découle de la
réduction du nombre de participants aux appels d’offres futurs
– Le remède doit donc contrebalancer cette réduction
 Difficulté : il n’y a pas d’actifs à céder
– Il s’agit d’un marché de services, les actifs restant en général la propriété
des collectivités locales
– La cession de contrats n’a pas d’effet sur le nombre de participant : elle ne
fait que changer l’identité du futur opérateur sortant
 D’où la conception d’un engagement inédit
– Fonds d’animation de la concurrence abondé par Veolia Transdev (6,5 M€)
– Destiné à financer l’indemnisation des candidatures offensives aux appels
d’offres 2012-2016 dont Veolia Transdev sera l’opérateur sortant
75
– Crée une incitation pour les concurrents à accroître leur participation
Conclusion
Concentration Veolia Transport / Transdev
 Une opération avec de multiples facettes
– Marché européen des lignes internationales de transport par autocar
– Marché néerlandais des transports public (autorisation sans condition de
l’autorité de concurrence néerlandaise malgré un part de marché très
élevée)
– Marchés départementaux du transport interurbain (engagements de
cession des chevauchements dans quatre départements)
 L’analyse économique a été principalement une analyse
quantitative des données
– Statistiques
– Econométrie
76
Lectures conseillées
 Manuels d’introduction
– La Politique de la concurrence d'Emmanuel Combe, Repère
– Economie et politique de la concurrence d'Emmanuel Combe, Précis Dalloz
 Pour aller plus loin
– Economics for competition lawyers de G. Niels, H. Jenkins & J. Kavanagh,
Oxford University Press
– Competition policy, theory and practice de M. Motta, Cambridge University
Press
– Cases in European Competition Law, the economic analysis de B. Lyons,
Cambridge University Press
77
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