On oublie souvent que l’on est vivant. Du moins, on oublie souvent ce qui nous dénit comme
tel, au-delà du fait de respirer et d’avoir le cœur qui bat.
Mais parfois, quelque chose surgit et nous réveille avec force, nous permettant de nous réap-
proprier un espace trop souvent grignoté par la morosité et le brouillard dans lesquels le monde
contemporain nous plonge :
un espace où le langage peut être autre chose qu’une suite de mots ne s’appuyant sur rien…
un espace où l’imaginaire de l’homme se remet en connexion avec ce langage, lui permettant
ainsi de jouir de la vie..
un espace où il nous est donné à chacun de faire une lecture personnelle et intime du mon-
de…
un espace où l’autre n’est pas un danger…
un espace où la joie de vivre n’est pas suspecte, mais nourrie de toute la difculté de vivre…
Je crois que le texte de Jean-Pierre Siméon est une de ces choses qui surgit, qui nous redonne
la possibilité d’un ailleurs à notre portée.
J’ai physiquement ressenti tout cela à sa lecture : une profonde joie de me sentir vivant, l’im-
pression que quelqu’un mettait des mots sur ce que je ne savais pas prononcer.
Et j’éprouve aujourd’hui, la nécessité de chercher comment porter cette sensation exquise et
salutaire sur le plateau, pour le temps de la représentation.
L’avertissement de l’auteur contient, je crois, la plupart des secrets qui permettront de porter
ce texte à la scène. Il comprend les mots proférer, harangue et nous invite à ne pas être sen-
tencieux, mais joyeusement insolents.
Le ton sentencieux dont parle l’auteur pourrait apparaître avec une prise de parole trop raison-
née, qui ne ferait entendre que la révolte mais qui ne serait que l’outil de ce qu’elle dénonce :
des mots vides ne s’appuyant sur aucun corps vivant et sur aucun mouvement possible de la
pensée. Cette écriture a, en plus de son caractère éminemment contemporain, quelque chose
d’organique, de charnel. Comme dit dans le premier sermon, il faut réinvestir le langage. Cette
sensation évidente à la lecture passera donc, ici, par le corps des acteurs. Nous travaillerons
cette langue comme nous pourrions travailler celle de Valère Novarina ou bien celle de Patrick
Kermann : en cherchant dans le texte les ressorts musicaux, les sonorités qui rythmeront la
parole et amèneront les images qui nous éloigneront de la forme du discours.
Note d’intentions
3