Histoire de la RDA
Maxim LEO, Histoire d’un Allemand de l’Est
Maxim Leo, journaliste berlinois, avait vingt ans au moment de la chute du Mur. D’une plume alerte
et captivante, il raconte aujourd’hui l’histoire d’une famille peu commune : la sienne. Après avoir
combattu dans la Résistance française, son grand-père a contribué à la fondation de la RDA. Sa mère
a cru en l’avenir du jeune Etat communiste, tandis que son père rêvait déjà de le voir disparaître.
La force de ce document exceptionnel réside dans l’intelligence avec laquelle Maxim Leo organise ce
récit qui englobe une soixantaine d’années. Son talent de narrateur rend ce témoignage et ses
protagonistes inoubliables.
Histoire d’un Allemand de l’Est ne permet pas seulement de comprendre vraiment ce que fut la RDA
mais éclaire aussi les contradictions de l’Allemagne actuelle.
Septembre, 2013 / 11 x 17,6 / 320 pages
Traduit de l’allemand par : Olivier MANNONI
ISBN 978-2-330-02277-8
prix indicatif : 8,70€
Babel n° 1144
La RDA, une démocratie populaire
I Le temps des démocraties populaires
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’URSS occupe et domine la partie orientale de l’Europe. Elle
va y mettre en place un « glacis défensif » constitué de démocraties populaires suivant le modèle
soviétique. Cependant, ce modèle va subir des évolutions jusqu’à sa disparition à la fin des années
80. Les démocraties populaires se mettent en place de 1945 à 1953. Puis, de 1953 à 1975,
parallèlement à la déstalinisation en URSS, les démocraties populaires contestent le modèle qui leur
est imposé et tentent de le réformer. Enfin, de 1975 à 1989, les démocraties populaires s’éloignent
du modèle soviétique et finissent par disparaître.
Les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) ont été sous la domination allemande pendant la
Seconde Guerre mondiale. Les communistes sont encouragés par Moscou à participer à des « fronts
patriotiques » contre l’hitlérisme, pour lutter contre ce dernier mais aussi pour légitimer
l’importance du communisme après la guerre et préparer l’arrivée de l’Armée rouge. Les PECO ont
été ensuite libérés soit par l’Armée Rouge, soit par une résistance communiste (Yougoslavie,
Albanie). Les traités qui mettent fin à la guerre réorganisent l’Europe et fixent un calendrier
d’évacuation des troupes d’occupation dans les 6 mois à venir d’où la nécessité d’une rapide prise de
pouvoir par les communistes. Certains pays ont connu des expériences révolutionnaires
communistes dans l’entre-deux-guerres (Hongrie 1919, Bulgarie 1923), la RDA elle, naît du règlement
de la seconde guerre mondiale.
Grâce à la présence de l’Armée rouge, une dénazification et une épuration sont menées permettant
le démantèlement des structures et des cadres politiques de l’ancien régime. Les partis communistes
participent aux gouvernements d’union selon une stratégie du « cheval de Troie ». Grâce à la
pression de l’Armée rouge et à l’utilisation de « sous-marins » ou de « cryptocommunistes », les PC
obtiennent des postes clés (Justice, Intérieur, Défense, Economie). Ils observent une stratégie
volontariste de retour à la démocratie afin de justifier leur contrôle sur les institutions (Roumanie :
Intérieur, Justice, « Service spécial »). La reconstruction économique permet la mise en place d’une
nouvelle économie fondée sur le communisme : réformes agraires en 45 (6 millions d’hectares
distribués en Pologne), nationalisations des industries (1946 60% du potentiel industriel
tchécoslovaque). Si leurs opposants rappellent que les réformes agraires seront suivies par la
collectivisation, les paysans voient juste qu’ils reçoivent plus de terres. Les réformes visant à
homogénéiser les politiques économiques selon le modèle soviétique, l’économie doit constituer un
« tuteur » à l’idéologie communiste. C’est pourquoi, l’URSS fait pression sur les PECO pour qu’ils
refusent le plan Marshall en 1947. Ce fait est significatif de l’importance de l’économie et indique
une perte d’indépendance (« satellisation ») des PECO vis-à-vis de l’URSS.
1947 marque le début de la Guerre froide. La doctrine Jdanov impose, aux partis communistes, de
rompre avec les autres partis et, si possible, de prendre le pouvoir. Aussi, le pluralisme politique
disparaît progressivement par l’élimination des hommes politiques refusant l’assimilation de leur
mouvement au bénéfice du PC. Cependant, on peut observer des variantes en fonction des pays :
- Stratégie du procès politique :
En Hongrie, le parti des petits propriétaires est le vainqueur des élections de 1945 avec 57% des
suffrages. Son secrétaire général, Béla Kovacs, est arrêté pour « complot contre la sécurité de
l’Armée rouge » puis suivent les arrestations de grandes personnalités politiques. Ensuite, les partis,
privés de leurs principaux défenseurs, sont dissous progressivement (= « tactique du salami »
Matyas Rakosi, secrétaire général du PC hongrois), en commençant par la droite et en finissant par
les sociaux-démocrates (entre 45 et 50, 5 000 sociaux-démocrates sont arrêtés en secteur soviétique
allemand dont 4 000 vont mourir en détention). Enfin, le parti unique est instauré.
- Stratégie du coup de force :
Le PC tchécoslovaque remporte les élections de mai 46 (35% des voix), Gottwald, chef du PC, devient
président du conseil. En septembre 47, grâce à une opportune « conspiration anti-Etat en
Slovaquie », le parti démocratique slovaque, second parti aux élections, est dissous. La radicalisation
progressive du PC suscite l’inquiétude des autres partis qui cherchent à l’éliminer mais celui-ci
contrôle la rue (immenses manifestations), la police et des milices ouvrières qui vont permettre le
« coup de Prague ». Le 25 février 1948, le président Benès est contraint d’accepter un gouvernement
entièrement communiste pour éviter une guerre civile, ce « semi-coup d’Etat » se déroule sans l’aide
directe de l’Armée rouge.
- Stratégie de la terreur :
La brutalisation de l’attitude des PC (fraude aux élections, réseau de collaborateurs, assassinats,
arrestations, tortures, passages à tabac, pression pour pousser à l’exil) leur permet d’imposer leur
pouvoir. Entre 1945 et 1948, la « pacification » menée en Pologne par le PC conduit à 8 700 morts. En
Bulgarie, entre 45 et 46, 100 000 personnes sont déportées.
Il est prévu, dès la conférence de Yalta, que l’Allemagne soit divisée en quatre zones d’occupation
(Américaine, soviétique, britannique et française, grâce à l’action de Churchill). Entre 1945 et 1947,
on assiste progressivement à la dissolution de la Grande Alliance. Ce sont les Anglais qui vont les
premiers tirer la sonnette d’alarme. A l’hiver 1946, les Britanniques ont déjà commencé à inscrire la
rivalité naissante avec l’URSS en tête de leur agenda stratégique. Les EU mettent un peu plus de
temps à accréditer cette menace et il faut attendre 1947 et le fameux discours Truman pour
percevoir clairement la nouvelle orientation de la politique américaine. Si la « tactique du salami » en
Pologne ou en Hongrie a clairement averti les occidentaux et que le coup de Prague en février 1948 a
achevé de montrer les intentions de Staline, c’est l’Allemagne qui se trouve la première au centre du
conflit. Si l’année 1947 marque le début de la guerre froide, c’est l’Allemagne qui est sa frontière et
le champ clos dans lequel, au rythme des différentes crises (blocus de Berlin, mur de Berlin, crise des
missiles) les deux superpuissances vont se livrer à un bras de fer qui revient constamment au théâtre
d’opérations européen, central dans la guerre froide (même si la crise de Cuba ou la guerre de Corée
représentent des conflits de haute intensité ou presque directs).
Rapidement après le début de l’occupation de l’Allemagne par les Alliés, les relations se dégradent
entre les trois puissances occidentales (États-Unis, Royaume-Uni et France) et l’URSS, entraînant leur
zones d’occupation respectives dans des directions différentes au cours de la Guerre froide. Si un
Conseil de contrôle commun est prévu pour la direction d'une Allemagne unifiée, les alliés
administrent néanmoins à leur guise les zones qui leur ont été confiées en fonction de leurs intérêts
et de leurs idéologies respectives. Le retour au capitalisme qui s'impose peu à peu dans les secteurs
occidentaux (formant la bizone, puis la trizone) s'oppose au socialisme triomphant qui domine déjà
dans l'est de Allemagne sous occupation de l'Armée rouge.
Dans cette période de bipolarisation que constitue le début de la Guerre froide, on assiste à une
uniformisation des régimes
politiques et à une obéissance de
plus en plus marquée vis-à-vis de
l’URSS. Les constitutions sont
modifiées par voie légale et les
démocraties populaires sont
instaurées.
Les constitutions nouvelles
centralisent le pouvoir au profit des
« masses populaires » et d’une
institution parlementaire les
représentant mais ne disposant pas
de l’initiative législative. Le pouvoir
réel est exercé par le bureau
politique du PC même si, en
théorie, il existe une séparation
entre l’Etat et le parti.
Dans le cadre de cette
uniformisation, est mis en place le
Kominform, en octobre 47, destiné à garantir le monolithisme du bloc de l’est. Les partis
communistes, « amis », doivent une obéissance inconditionnelle au PCUS sinon ils seront ostracisés.
Cette volonté de former un bloc explique la première crise de Berlin. La RDA, proclamée le 7 octobre
49, constitue quant à elle une véritable vitrine du socialisme.
Etats
Date de la
constitution
établissant la
démocratie
populaire
Personnage-clé
dans la naissance de la
démocratie populaire
Yougoslavie
1946
Tito (Josip Broz)
Albanie
1946
Enver Hoxha
Bulgarie
1947
George Dimitrov
Roumanie
1948
Petru Groza
Tchécoslova
quie
1948
Klement Gottwald
Hongrie
1949
Matyas Rakosi
RDA
1949
Wilhelm Pieck
Pologne
1952
Boleslaw Bierut
Les États-Unis, le Royaume-Uni et la France mettent en place la réforme monétaire du 20 juin 1948
en zone occidentale, en lançant le Deutsche Mark pour remplacer le Reichsmark. Les autorités
soviétiques cident alors de créer dans leur zone d'occupation leur propre unité monétaire, le
Ostmark.
Le blocus de Berlin contraint l’URSS à quitter le Conseil de contrôle allié mettant fin à une éventuelle
politique commune pour l'Allemagne. C’est donc cette méfiance mutuelle entre Est et Ouest qui
mène finalement à la fondation de la République fédérale d'Allemagne dans la Trizone occidentale le
23 mai 1949.
En réponse, la République démocratique allemande voit le jour le 7 octobre 1949 et se dote de son
propre hymne national. Le premier président de la RDA est Wilhelm Pieck (18761960), le premier
ministre-président Otto Grotewohl (1894–1964), mais l’homme fort du régime est Walter Ulbricht
(18931973), le secrétaire général du comité central du SED.
Le contrôle que le régime exerce sur la population incombe, à partir de 1950, au ministère de la
Sécurité d’État, la Stasi, calqué sur le NKVD soviétique, mais de plus réorganisé par certains anciens
de la Gestapo : traque des opinions non-conformes, contrôle systématique des moyens de
communication, espionnage des suspects jour et nuit, etc…
II La RDA, élève modèle du bloc soviétique ? Une nouvelle patrie du socialisme
Maxim Leo est né dans une famille atypique, même pour la RDA (chapitre I). On pourrait qualifier ses
parents de baba-cools, même s’il existe de grandes divergences entre eux. Le père est un
anticonformiste un peu rebelle mais pas vraiment subversif et sa mère une intellectuel qui nourrit de
grandes espérances et de grandes illusions vis-à-vis de la RDA. Maxim est à cheval sur deux cultures,
l’allemande et la française bien sûr mais celle qui caractérise son enfance protégée et celle qu’il
découvre quand il entre en apprentissage (chapitre XXI « Profession de foi »). Il découvre qu’il existe
une distance entre la RDA qu’il a vécu en quelque sorte de manière idéale, jusqu’à la sortie de
l’adolescence et la RDA qu’il redécouvre après la chute du mur. « C’est seulement plus tard, lorsqu’il
n’a plus été aussi facile d’éluder la RDA, lorsqu’elle m’a collé de trop près, que je me suis mis à la
regarder avec d’autres yeux. » Chapitre XVII, « Collisions » (cit. p. 219), très important et qui
répond au chapitre I, puisqu’il s’agit de la partie du livre dans laquelle Maxim revient d’abord sur le
parcours de ses parents puis sur le sien.
Dans le chapitre I, Maxim Leo confie la distance qui s’est établie avec l’Allemagne qu’il découvre
après la chute du mur. Cette Allemagne de l’est à laquelle il n’a pas la sensation d’appartenir Je
fais partie des autres. De ceux de l’ouest. » p. 17 Il observe avec étonnement ce que sont devenus
sa femme et son fils. Description de la rue prise en photo par Wolf (cf. couverture + lire la
description p. 17) et comparaison avec son aspect d’aujourd’hui. « J’ignore comment (…) l’homme
de l’est a disparu en moi. » la démarche suivi par le livre est donc de retrouver à travers sa famille
cette Allemagne de l’est enfuie pour lui permettre de comprendre le sens du deuil qui lui permet de
construire son existence en tant qu’individu (comme chacun d’entre nous d’ailleurs) distribuer les
plans d’ouvrage.
Quelle était exactement cette Allemagne ?
Nous suivrons dans les deux parties suivantes le plan suggéré par l’ouvrage lui-même, à savoir
l’étude des fondements de cette nouvelle « patrie du socialisme » puis l’étude d’une société
entièrement contrôlée par le régime.
a) La patrie de l’antifascisme
Reprendre le cours sur la répression de la résistance
La figure de Gehrard symbolise ce qui constitue le facteur unificateur de la RDA des premières
années, à savoir l’antifascisme. A partir du chapitre IX, nous voyons Gehrard intégrer les rangs de la
résistance, pas n’importe laquelle, il s’agit de la résistance communiste.
Les motivations qui poussent les gens à résister sont diverses d'un individu à l'autre :
La première motivation est la volonté de lutter contre le fascisme, le nazisme, le système
totalitaire et raciste qui se met en place en Europe. Il n'y a pas de portrait politique et culturel type
des résistants : ils sont de tous les milieux.
Il existe également des motivations personnelles qui poussent surtout les jeunes vers la
résistance : ainsi, échapper au STO en France, conduit de nombreux jeunes, souvent inexpérimentés,
dans les rangs de la résistance.
Le goût du risque, de l'aventure est enfin une des motivations qui pousse les plus jeunes là-
encore à rejoindre la résistance. Le risque est bien réel, puisque dans les pays occupés, les résistants
sont considérés comme des terroristes : s'ils sont capturés, ils sont le plus souvent fusillés sur place.
La résistance prend des formes très variées en Europe :
Elle peut prendre la forme d'un sabotage « administratif ».
Elle peut se manifester par des grèves ou des manifestations menées par exemple à partir de
1943 par les mineurs belges qui refusent de travailler pour les Allemands.
Elle peut s'organiser autour de filières d'évasion : par exemple des juifs du Danemark qui sont
évacués vers la Suède en 1943.
Elle peut conduire à la mise en place de réseau de renseignements en direction des alliés. «
L'orchestre rouge » par exemple renseignait Moscou sur les intentions des nazis.
Les actes les plus visibles étaient évidemment les attentats contre les occupants ou encore
les sabotages contre les voies de communications, les lignes téléphoniques, les ponts, les tunnels…
Avec l'approche de la fin de la guerre, la résistance prend la forme de véritables opérations
militaires. Une véritable guérilla est par exemple menée en Yougoslavie. Elle conduit à la libération
du pays par Tito et ses partisans communistes sans quasiment aucune aide extérieure.
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