Allergies alimentaires aux poissons, mollusques et crustacées

Atelier : M At12 : Allergies alimentaires aux poissons, mollusques et crustacées
Animateur organisateur : Dominique Ortolan (Villejuif) dominique.ortol[email protected]
Rapporteur : Zhary Bachtarzi (Constantine) [email protected]
Expert ANAFORCAL : Sophie Anriys (Auvelais), Lise-Marie Vandezande(Bouge) [email protected]
Expert Hospitalier : martine Drouet (Angers) [email protected]
Introduction
Les aliments issus de la mer sont souvent incriminés à tort ou à raison dans le déclenchement de
réactions supposées être de nature allergiques, les poissons, mollusques et crustacés sont des
allergènes alimentaires important pouvant entrainer des réactions allergiques ou non de sévérités
variables, l’allergologue doit connaitre les spécificités cliniques, les moyens d’exploration
allergologiques des aliments marins pour lui permettre de poser un diagnostic précis et rigoureux.
I-Objectifs :
1. Citer les cinq principaux signes cliniques qui permettent d’évoquer une allergie aux poissons
2. Dans le cadre d’une suspicion d’allergie au poisson, citer cinq diagnostics différentiels à éliminer.
3. Lister les cinq cofacteurs dont la présence impose de rechercher une allergie aux crustacées.
4. Indiquer les trois formes natives sous lesquelles tester les crustacées.
II-Matériels et méthodes :
L’atelier s’est déroulé en deux temps après répartition des participants en quatre groupes, en 1er partie remise
de deux cas cliniques traitant de l’allergie aux poissons suivis d’un exposé de l’expert ensuite remise de deux
autres cas cliniques traitant de l’allergie aux crustacées et mollusques suivi d’un exposé de l’expert.
Cas clinique numéro 1 :
Fillette de 7 ans aux antécédents de dermatite atopique et d’arthrite juvénile traitée par corticoïdes depuis
l’âge de 18 mois, sevrée depuis 2 mois, elle développe une réaction d’allergie immédiate sévère avec recours
aux urgences suite à l’ingestion d’un minuscule morceau de saumon non fumé, elle signale être incommodée
par l’odeur de poisson.
Les PT sont positifs pour les poissons : extrait commercial stallergènes (morue) et aux natifs (cabillaud, saumon,
thon en boite, truite, sole), les PT également positifs aux pneumallergènes acariens et pollens des graminées.
Les IgE spécifiques sont positives aux poissons 77,5 KU/L, saumon 38 KU/L, négatives à Anisakis, le dosage de la
parvalbumine est à 17,9kU/L.
Conclusion: Il s’agit d’une allergie aux poissons avec manifestations d’anaphylaxie sévère, nécessitant une
éviction stricte, une trousse d’urgence (adrénaline) et PAI scolaire.
Cas clinique numéro 2 :
Homme 22 ans, sensibilisé aux acariens et pollens des graminées, consulte pour troubles digestifs à type de
crampes et douleurs retro-sternales avec dysphagie importante apparaissant dans les minutes suivant la
consommation de poisson, et ce depuis 2-3 ans quel que soit le type de poissons.
Le 1er bilan allergologique était négatif tant pour les PT aux poissons que les IgE spécifiques. L’allergologue
évoque une intolérance aux poissons.
Le 2e bilan allergologique révèle une sensibilisation aux acariens, pollens de graminées, bouleau, à la noisette
et est douteux le poisson en extrait commercial et le blanc d’œuf.
Les tests cutanés en natifs sont positifs à la noisette et aux poissons (cabillaud, saumon frais, truite, thon et
blanc d’œuf), Il consomme de l’œuf cru comme cuit sans soucis, par contre il ne supporte plus les volailles
(poulet, dinde et canard) depuis bien plus longtemps que le poisson.
Le PT en natif est positif avec le poulet (25/50), douteux avec le porc (2/5) et négatif pour l’agneau et le bœuf.
Le dosage de la béta-parvalbumine r cyp c1 et r gad c1 est légèrement positif à 0,12 et 0,57 kU/L
respectivement.
La fibroscopie digestive réalisé après 3 mois d’éviction des volailles et des poissons retrouvera une œsophagite
de grade B ainsi que de rares éosinophiles dans les biopsies étagées.
Conclusion:
Il s’agit d’une œsophagite à éosinophiles secondaire à une allergie aux poissons et aux volailles par
sensibilisation croisée via l’alpha- parvalbumines le plus probablement, l’α-parvalbumine est un allergène
ubiquitaire, présent dans les muscles des poissons, amphibiens, mammifères et oiseaux.
Le traitement a consisté en l’éviction stricte des poissons et des volailles, une trousse d’urgences avec
adrénaline auto-injectable ainsi qu’une corticothérapie inhalée en déglutition pendant 8 semaines.
Cas clinique numéro 3 :
Eric 25 ans aux antécédents de rhino conjonctivite allergique aux acariens et aux pollens de graminée,
d’allergie à l’œuf guérie par acquisition de tolérance, a présenté une réaction anaphylactique de grade 3
suivant la consommation de quelques crevettes grises et d’un verre de martini. La consommation des
crustacées ne présentait aucun problème avant le jour de l’accident anaphylactique.
Il est à noter qu’Eric, en voyage d’agrément a fait la fête avec nuits blanches et consommation d’alcool. A son
retour en France il s’automédique au paracétamol-pseudo éphédrine-dextropropoxyphène dans les 48 heures
précédant l’accident.
Après six semaines, un bilan allergologique est effectué. Il est positif aux crevettes ainsi qu’aux acariens. Les
IgE spécifiques sont positives, crevette : 1.98 KU/L, Der p : 18.1 KU/L.
Conclusion : On conclue à une allergie alimentaire aux crevettes avec aggravation du fait de la présence de
cofacteurs comme l’alcool, la fatigue et les médicaments.
Message :
Faut-il contre indiquer les crustacées chez les patients dont l’histoire clinique est clairement en faveur de la
réactivité des crustacées uniquement quand il y association avec un ou des cofacteurs ?
La décision est parfois délicate. Si l’on autorise la consommation de crustacées en veillant bien à ne pas
associer cette consommation à des cofacteurs.
Dans le cas d’Éric, il nous a semblé que les cofacteurs risquaient d’être difficilement maitrisables et nous avons
préféré contre indiquer les crustacés mais la décision pourra être revue si ce jeune homme s’assagit avec l’âge !
Il faut bien expliquer aux patients que les cofacteurs sont multiples tels que la prise de médicament (ex : AINS,
IPP), l’effort, le stress, la fatigue, et des troubles digestifs associés….), toujours rechercher la présence de ses
derniers devant une allergie aux crustacés lorsque ces derniers étaient consommés sans problèmes
précédemment.
Cas clinique numéro 4:
Femme 69 aux antécédents d’asthme tardif (après 40 ans) et de rhinite obstructive chronique, présente un
choc anaphylactique sévère (perte de connaissance) 30 minutes après la consommation de quelques crevettes
roses et d’un filet de hareng, aliments consommés sans problème auparavant.
Résolution spontanée de son choc anaphylactique puisque son médecin la verra deux heures trente plus tard
asymptomatique.
Un CLA est demandé par son médecin traitant qui met en évidence un résultat positif à la palourde.
Le 1er bilan allergologique confirme la sensibilisation à la palourde avec IgE 7,39 KU/l, crevettes 0, 37 KU/L,
huitre 7,81 KU/L, moule 0,63, DPT 0,13 KU/L, DFAR 0,17 KU/L et IgE totale 1849 KUI/L. La tropomyosine de la
crevette est négative, dosage IgEs Anisakis non fait.
Le 2e bilan allergologique est refait 7 mois plus tard avec demande des IgEs Anisakis, révélant une positivité
franche à l’Anisakis : 247 KU/L. Il est suspecté une contamination par Anisakis simplex du hareng et/ou des
crevettes consommées.
Un 3ème bilan est réalisé à nouveau 6 mois plus tard pour surveillance des IgE spécifiques à Anisakis. Le taux
continue d’augmenter (277 KUA/L/) et un avis est demandé aux parasitologues qui considèrent que ce taux en
augmentation est fortement en faveur d’une anisakiase et ils recommandent un traitement de 5 jours par
Zentel®.
A la suite de ce traitement, on observera en effet une diminution franche des IgE anti Anisakis qui lors d’un
4ème bilan effectué à nouveau 6 mois après le traitement sont à 87 KUA/L.
Conclusion : La patiente a présenté une allergie à Anisakis simplex, parasite ayant contaminé l’un des produits
de la mer qu’elle avait consommé. Elle n’est pas allergique aux crustacés ni aux huîtres qui ont d’ailleurs été
réintroduites sans réactions allergiques mais il existe une sensibilisation croisée entre Anisakis, crustacés et
mollusques. L’allergène croisant n’est pas identifié et en tout cas ne semble pas être la tropomyosine.
III-Résultats :
L’allergie aux poissons, crustacées et mollusques est une allergie en augmentation du fait des nouvelles
habitudes alimentaires dans le monde.
A- Allergies aux poissons : les données CICBAA 2007 en France révèlent une prévalence de l’allergie aux
poissons de 4, 3 % chez les moins de 15 ans et 1,9 % pour les plus de 15 ans et 1 à 3 % dans la
population générale, la clinique va de la simple poussée d’urticaire aigue, l’œdème de Quincke, crise
d’asthme, troubles digestifs de survenue rapide et le choc anaphylactique.
Parfois elle n’est pas aussi évidente c’est le cas dans:
Le syndrome d’entérocolite induite aux poissons (SEIPA), pathologie émergente, avec une
clinique à type de douleurs abdominales, vomissements survenant dans les 2 à 6 heures après
la consommation de poissons, les tests cutanés reviennent négatifs, TPO obligatoire pour
confirmer le diagnostic.
L’œsophagite à éosinophile avec dysphagie haute, nausées et douleurs abdominales dans les
minutes à une heure suivant l’ingestion de poisson.
Il peut également y avoir des symptômes respiratoires par inhalation des aéroallergènes et des
symptômes dermatologiques de type eczéma surtout chez les travailleurs du poisson.
B- L’allergie aux crustacées et mollusques plus rare, se manifeste cliniquement par de l’urticaire, de l’asthme,
une anaphylaxie, plus inhabituellement une forme tardive qui n’est pas liée à la tropomyosine mais associée à
la présence de cofacteurs tels que le stress, la fatigue les AINS, IPP et l’alcool.
C- approche diagnostique:
Le diagnostic repose sur une histoire clinique évocatrice, des tests cutanés positifs vis-à-vis d’extrait de poisson
(commerciaux et/ou natifs), d’un dosage d’IgEs et dans certains cas d’un TPO.
1. Clinique : les symptômes sont variables souvent immédiats, allant de la réaction bénigne (syndrome
oral), réactions modérées (urticaires, vomissements), réactions sévères (Angiœdème, asthme,
anaphylaxie) après ingestion ou contact avec le poisson et/ou crustacés, mollusques.
2. Les tests cutanés : en extraits commerciaux disponibles mais surtout les tests natifs (poisson lui-
même cru et/ou cuit) car meilleure sensibilité, penser à tester plusieurs poissons (poissons de mer, de
rivière, à chair blanche, à chair rouge et le thon en boîte) afin d'évaluer la possibilité de réintroduction
surtout avec le thon en boîte (du fait de l'appertisation il y a une perte d'épitopes de la parvalbumine),
pour les crustacées crus /cuits et penser à tester la carapace (chitine CHITOSAN®).
3. Les IgEs et allergènes recombinants : permettant d’évaluer la sévérité, la gravité de l’allergie
alimentaire et d’éviter un TPO, une valeur prédictive de 100% pour des taux d’IgEs 20KUA/L et une
valeur prédictive négative de 93% pour des taux d’IgEs 0.35 KUA/L.
4. TPO : étalon d’or, permet la réintroduction et le diagnostic de certitude en cas d’allergie avec
détermination de la dose réactogène.
D- Les allergènes :
1- Allergènes des poissons : les plus importants sont les parvalbumines et gélatines.
- Parvalbumines : r Gad m1 - r Cyp c1, 90% des patients allergiques ont des IgEs vis-à-vis des parvalbumines,
protéines de 10-12 kDA, superfamille des ¨calcium binding protéines¨, il existe deux isoformes α et β qui
représentent les allergènes majeurs du muscle des poissons, thermostables et résistants à la digestion, leur
taux est variable entre espèces, les muscles rouges sont plus pauvres en parvalbumine que les muscles blancs.
La polyréactivité entre espèce de poissons n’est ni systématique ni totale d’où l’intérêt de l’anamnèse
approfondie et de tests cutanés natifs suivi éventuellement d’un TPO.
- Gélatines: 10-30 % des patients allergiques aux poissons le sont aussi aux gélatines
- Béta-énolase (morue, thon, saumon), Fructose-biphosphonate aldolase A (morue, thon, saumon)
- Cas isolés: Tropomyosine (tilapia), Aldehyde-p-dehydrogenase, Triose-P-isomerase
- Allergies aux œufs de poissons: vitellogenine
2- Allergènes des crustacées:
- Tropomyosimes: allergènes majeurs pour 2/3 des patients avec r Pen a1 et Pen m1 pour les crevettes.
- Sarcoplasmic calcium binding protein (SCP) allergène mineur présentant une forte homologie entre les
crustacées (r Pen m 4).
- Arginine kinase: gambas, poulpe, pieuvre, crabe, écrevisses, crevettes roses (r Pen m2) et thon
- chaine légère de la myosine (MLC) retrouvé chez 56% des patients allergiques aux crevettes et homard
- Triosephosphate isomerase : crevettes et écrevisses
- Troponin c : crevettes-homard-écrevisses
- Chitine: constituant des carapaces et des coquilles de crustacées, céphalopodes et mollusques aussi que de
certains arthropodes et saccharomyces, colles de faux ongles et composants alimentaires,
- CCD: radicaux carbohydrates
3- Allergies croisées :
Elle est forte entre crustacées comme les crevettes et les crabes 64,7%, entre les acariens et les crustacées,
réactivité croisé Der p 10 et pen a 1 importante (tropomyosine) et Der p 20 et Pen m 2 (arginine kinase)
Rouge carmin : E120 corps séché de cochenille femelle
4- Diagnostic différentiel :
-1-Scombroidose : intoxication aux poissons (SSPI), poissons fermentés contaminés par des bactéries,
histamine jusqu’à 400 fois supérieure à la normale, symptomatologie de type anaphylactique rapide après
ingestion de poissons avec souvent un gout métallique à la bouche (thon, bonie,…).
-2-Anisakis : nématodes, forte prévalence dans les pays ayant une importante consommation de poisson
(Espagne, japon). La prévalence est encore inconnue 1 à 2%, Le facteur de risque est lié à la consommation des
poissons, crustacées et mollusques crus ou insuffisamment cuits, les manifestations sont soit d’ordres
allergiques immédiates allant de l’urticaire à l’anaphylaxie soit sous forme de maladie gastro-intestinale avec
des douleurs abdominales intenses et vomissements.
-3-Ciguatéra : un ichtyosarcotoxisme, désigne une intoxication neurodigestive, provoquée par une micro-algue
(Gambierdiscus toxicus) contaminant principalement les poissons des récifs tropicaux et coralliens, d’évolution
bénigne seulement 5 % de cas d’hospitalisations dans les cas d’atteintes cardiaques et/ou neurologiques.
-4-Histamino-liberation non spécifique : liée au caractère histamino-liberateur du poisson, réactions cliniques
le plus souvent bénignes, surtout avec les poissons conservés (fumage), survient plusieurs heures après
l’ingestion
-5-urticaire aigue : par apport d’histamine exogène excessive.
Conclusion :
L’allergie aux poissons, crustacées et aux mollusques est un diagnostic clinique, l’anamnèse est un temps
primordial, le bilan allergologique est obligatoire, si l’allergie est confirmée l’éviction est le traitement idéal, la
prescription d’une trousse d’urgence est obligatoire, la réintroduction est souhaitable si bilan allergologique est
négatif, garder à l’esprit la recherche de cofacteurs déclenchant.
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