La France sous cloche, par Nicolas Barré, Directeur de la rédaction. Les Échos
Il faut lire le programme de Marine Le Pen. Celle qui se présente comme la candidate du peuple ne
supporte pas ceux qui, l'ayant lu et analysé, en exposent les failles et, disons-le, l'inanité. « Ne les
croyez pas ! », proclame-t-elle... Illusionniste, elle oppose aux arguments de raison sa foi dans des
recettes qui, si elles n'ont jamais marché nulle part, ont, hélas !, parfois permis de prendre le
pouvoir. Marine Le Pen n'écoute que le catéchisme de sa petite bande d'experts qui croient avoir
trouvé l'argument pour tuer tout débat : « Ne les croyez pas, avec nous, on change de paradigme... »
Eh bien non ! On ne s'extrait pas du monde. L'avenir de la cinquième économie mondiale ne s'écrira
pas à l'intérieur des frontières, avec une monnaie dévaluée, une épargne rapportant moins que
l'inflation et une dette publique et privée - particuliers et entreprises - dont le coût s'envole. Soyons
concrets. Les épargnants tentés de soutenir ce programme sont-ils conscients des pertes en capital
qu'ils subiraient sur leurs contrats d'assurance-vie en euros ? Les entreprises ont-elles toutes mesuré
le choc sur leurs coûts qu'engendrerait une dérive des salaires ? Les ménages ont-ils conscience des
pertes de pouvoir d'achat qu'ils subiraient sachant qu'un quart de leur consommation porte sur des
produits importés ? Dans un pays où la dette publique atteint 2.000 milliards d'euros et la dette
privée 2.800 milliards, peut-on se permettre un renchérissement des taux d'intérêt se chiffrant en
dizaines de milliards d'euros ?
Un programme basé sur un paradigme de fermeture est synonyme de relégation pour notre
économie. Il ne s'agit pas ici seulement de la sortie de l'euro, dont l'Institut Montaigne, dans une
étude fouillée, évalue le coût à 180 milliards d'euros et à 500.000 emplois perdus. Il s'agit bien plus
largement de cette sorte de fiction économique qui voudrait qu'une France repliée sur elle-même se
portât mieux qu'une France affrontant la concurrence et se mesurant sans cesse aux meilleurs. Cette
vision ne marque pas seulement un funeste manque d'ambition pour le pays, elle révèle aussi un
mépris pour les talents français et un manque de confiance sidérant dans nos capacités de rebond.
Ce programme, oui, il faut le connaître pour bien mesurer à quel point il joue contre nos intérêts
économiques, mais aussi nos valeurs. Dans un monde où, des Etats-Unis à la Russie ou à la Chine,
semble triompher une forme de populisme impérialiste, une France isolée serait un pays amputé
d'une part de sa souveraineté. Notre pays perdrait son rang, sa voix, son âme. Marine Le Pen peut
bien rêver de mettre la France sous cloche, c'est tout ce que ce peuple libre, frondeur et aspirant à
l'universel déteste par-dessus tout. L'illusion doit être démasquée. Il reste soixante jours.